Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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L'orage a purifié l'air. Tout renaît plus beau, plus frais; le sol n'a plus de poussière, l'air plus de nuages menaçants. Le ciel est plus bleu, la végétation se pare de couleurs plus gaies et le feuillage des arbres est plus jeune et plus vert; les plantes qui languissaient se relèvent et redressent vers le ciel leurs tiges désaltérées, leurs feuilles où reposent encore les perles de la pluie, les calices embaumés de leurs fleurs. Les insectes qui s'étaient retirés dans la terre et cachés dans les hautes herbes ou sous la mousse soyeuse, comme les enfants qui ont peur la nuit et qui plongent leur tête sous les draps de leur couche, quittent leurs sombres réduits et reparaissent au grand jour. Le papillon, oiseau-fleur, dessine sur le fond bleu du firmament ses aîles pourprées et dérobe aux fleurs les doux trésors qu'elles renferment; la fourmi se hasarde hors de son trou et reprend sa diligente besogne, les oiseaux entonnent leur bruyant concert, les poissons se jouent dans les eaux crystallines, et toute la création qui renaît plus brillante, plus vivace, plus gaie, plus pure, est une hymne d'amour vers le trône où réside la toute-puissante bonté. | |
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Voyez-vous cette jeune fille dont le front ne se couronne encore que de douze printemps, légère guirlande! s'échapper de la maison paternelle, et, autre oiseau, se mêler au concert de la nature? Sur sa blonde tête rieuse elle a jeté un léger chapeau de paille d'où s'échappent ses longs cheveux où sa mère seule passe les doigts. La voilà qui court par les jardins, qui prend plaisir à se heurter contre les branches mouillées qui s'inclinent sur les sentiers et à en secouer des milliers de gouttes qui semblent autant d'étincelles. Va, enfant, réjouis-toi de l'air pur et serein! respire-le, ce baume suave répandu sur les fleurs que tu aimes! Tantôt dans sa folle gaieté elle commence une chanson et mêle sa jeune voix à celles du bocage, tantôt elle regarde avec curiosité deux oiseaux amoureux qui se jouent dans les airs, ou bien elle se plaît aux capricieux ébats des poissons aux écailles d'argent qui se poursuivent au fond du vivier.
Mais pourquoi avec inquiétude son oeil reste-t-il si longtemps fixé sur l'eau? pourquoi l'imprudente se penche-t-elle si avant sur l'onde, en se tenant aux branches | |
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infidèles du saule pleureur? Une pauvre abeille qu'une douce fleur avait trop longtemps retenue dans son calice, avait été surprise par l'orage avant d'avoir atteint sa ruche bien-aimée. La pluie avait alourdi ses aîles diaphanes et le tourbillon l'avait précipitée dans les flots, lorsqu'elle passait le vivier, voisin de sa ruche bien-aimée. La jeune enfant aperçut l'insecte abandonné; elle le vit, luttant contre les ondes irritées, exténué, expirant; elle le vit se débattre pour gagner tantôt un brin d'herbe, tantôt une feuille sèche dont la surface légère glisse sur l'eau ainsi qu'une nacelle; mais vainement, hélas! le vent et le courant lui en défendaient l'approche. Pauvre malheureuse, pensa l'enfant, serais-tu perdue sans retour? Oh! non, il n'en sera pas ainsi: je vois, je ressens ton désespoir, je te sauverai. Doux insecte, je t'aime, car tu es mon exemple, car ma mère me dit souvent, quand nous passons devant ta ruche: - Caroline, souviens-toi des abeilles! - et je te laisserais périr, tu te noierais sous mes yeux! Non, non, je ne le veux pas, Caroline aura soin de toi. Puis elle regarda l'abeille qui, les deux pattes de devant étendues, ne bougeait déjà presque plus. Une larme, autre goutte tombée des cieux, brilla dans les yeux de l'enfant. Elle se pencha sur l'eau, prit une branche de châtaignier sauvage, rama dans l'eau avec cette branche, attira l'abeille dans ce courant artificiel, et glissant sous l'insecte une des feuilles de la branche, elle le retira de l'eau. Ensuite elle le mit entre ses mains et le réchauffa de son haleine. Elle ne songea pas à l'aiguil- | |
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lon; les enfants croient à la reconnaissance, même à celle des bêtes. Puis l'enfant le posa sur le gazon, s'y assit près de lui, observait sa marche et comment l'aimable animal essayait ses aîles encore humides, comment il voulait quelquefois recommencer son bourdonnement ordinaire. Elle commençait vraiment à aimer celle qu'elle venait de rendre à la vie et quand enfin l'abeille prit son essor, elle aurait voulu s'envoler avec elle. Oh, elle pleurait, l'enfant, elle pleurait de contentement et de joie, elle remerciait le Seigneur qui l'avait conduite en cet endroit, et les anges s'étaient réjouis à ce spectacle digne du séjour céleste et avaient versé dans son coeur ce baume divin et salutaire qui épure les sens et donne à l'âme une sérénité délicieuse, une joie calme, un contentement sublime: la conscience d'avoir fait une bonne action!
1834. |
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