Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Ne pleurons pas sur celui qui meurt jeune, pleurons sur ceux qui le pleurent! Pleurons sur ses parents. Le père contemple avec un inexprimable amour ce visage de marbre, presse dans sa main la main glacée de son fils dont la dernière crispation le bénit et fait couler sur elle, sans bruit et sans éclat, des pleurs longtemps comprimés. Son fils était le lien qui l'attachait au monde, le sentier fleuri suspendu sur le précipice, et ce sentier vient de s'engloutir, ce lien de se briser. La mère est à genoux devant le lit de mort et serre dans ses bras avec un tendre délire le bienaimé de son coeur. Elle baise ses mains, son cou, ses cheveux; elle baise ses paupières, elle baise sa bouche. Pauvre enfant, c'était bien la peine de naître!
Ne pleurons pas sur celui qui meurt jeune, pleurons sur ceux qui le pleurent! Pleurons sur son frère et sa soeur, anneaux indissolubles d'une chaîne que le sang a soudée, anneaux qui | |
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sont pour l'homme au couchant de son âge un souvenir bien doux de la jeunesse, un débris de la maison paternelle, un reste sacré dont il doit prendre soin. Pleurons sur ses compagnons dont il emporte la joie, la fleur, le parfum de la vie, et qu'ils acceptent de sa mourante main la coupe amère des regrets éternels!
Ne pleurons pas sur celui qui meurt jeune, pleurons sur ceux qui le pleurent! Pleurons sur les pensées qui sommeillaient en lui, cierges bénits qui se seraient allumés au feu de son génie, fruits savoureux qui se seraient détachés de la branche pesante; pensées dont il était le temple sacré, d'où elles devaient monter en nuages odorants vers les esprits des hommes.
Pleurons sur ceux qui le pleurent, mais ne pleurons pas sur celui qui meurt jeune! Lui, il est heureux. Il s'est évanoui au sein du bonheur et de la pureté. Les haines, les ambitions, les jalousies n'étaient point encore venues empoisonner ses jours de paix et de sérénité. Il n'a connu que le côté lumineux des hommes et n'a pas attendu que le soleil de l'expérience éclairât également leur côté ténébreux. | |
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L'amour, la loyauté, les pensées douces et belles, la flamme du génie prête à embraser son coeur, les moeurs naïves et simples, fleurs suaves du ciel que l'enfant apporte sur la terre et qui ne s'y flétrissent que trop tôt, il emporte tout cela dans la tombe; mais il ignore les larmes, les remords, la nécessité du pardon qu'implorent ceux qui expirent, chargés de péchés et de transgressions, plus instruits, plus avancés dans la science du mal. Ouvre donc les yeux aux béatitudes célestes, ô jeune homme, et que les anges transportent ton âme insouillée au séjour bienheureux des élus!
Ne pleurons pas sur celui qui meurt jeune, pleurons sur ceux qui le pleurent! Mais consolons-nous, car le Seigneur est avec tous les deux.
1835. |
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