Opuscules de jeunesse. Deel 2
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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C'est aujourd'hui mon anniversaire. Dieu merci! le soir est là, le soir silencieux et calme: le jour déjà s'est endormi.
Il a été passé comme il devait l'être: pas de joie, pas de fête! Nul doux son d'harmonieuse musique, qui emporte si souvent nos noires pensées, n'est parvenu jusqu'à moi, nulle femme ne m'a souri. Il a été passé en méditation pénible, tandis que le jeune Théodore aux cheveux bruns et bouclés, aux yeux pétillants, qui rit sans cesse aux éclats, folâtrait autour de moi. Oh, lui! il savoure encore le bonheur! Cher enfant, puisses-tu ne savoir jamais combien le bonheur, fruit délicieux, est amer au noyau! Tu es venu poindre comme une lumière dans la nuit de mon âme, tu es pour moi la chanson devant la prison du condamné. | |
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J'ai vingt ans aujourd'hui! Vingt ans déjà! Vingt ans! parole de granit, parole horrible! Et cependant à vingt ans le jeune homme rayonne de sa plus grande beauté, c'est un âge brillant et pur. C'est alors que le jeune homme fait des rêves. Des rêves d'amour. Oh! que souvent je me suis tour à tour attaché à ces fantômes suaves et doux, qui glissaient furtivement devant moi pendant ces rêves fatigants qu'on fait tout éveillé. Des rêves de gloire. Dérision! Je suis obscur! Je suis plaine! M'élèverai-je un jour tel qu'un volcan radieux?
Mais, hélas! d'un côté je vois bien les beaux enfants que j'aime, les grands hommes que j'adore, les jeunes filles devant qui je tombe à genoux, tous tendres, sublimes, doux objets que ma voix se plaît à chanter, mais d'un autre apparaît le faucheur indien, divinité terrible, qui donne la mort. Déjà la Moscovie et l'Allemagne ont senti les coups de sa faux meurtrière; déjà, ayant franchi les mers, il répand son venin sur la terre de Byron et d'Ossian; déjà peut-être il est comme ce colosse de l'antiquité qui liait deux rivages, un de ses pieds à touché nos còtes, et ce jour si mélancolique et couronné d'un ciel si noir, jour que le soleil ne daigna pas éclairer, aura été mon dernier anniversaire. Bientôt peut-être | |
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j'aurai fait ce voyage lugubre que l'on fait en si grande société et où l'on rencontre si peu de connaissances; bientôt peut-être celui qui écrit ces lignes, qui à cette heure encore est si plein de vie et dont les yeux brillent de tant de feu, feu d'espérance et d'amour, dormira du sommeil sans rêves, et ses yeux seront ternes, sans espérance, sans amour!
1833. |
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