Opuscules de jeunesse. Deel 1
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Il est étonnant que cette admirable ville de Genève, qui renferme tant de belles choses, ne possède pas un seul veritable poète. La poésie genévoise est une poésie terre à terre, qui se perd dans la description et se balance entre Delille et les petits vers de l'Almanach des Dames. Ce qui s'écrit en vers à Genève manque un peu d'inspiration, de verve et de chaleur. Genève fait encore de la poésie fugitive; elle est restée étrangère au mouvement de la littérature du pays dont elle parle la langue: en poésie, c'est une eau stagnante. On dirait aussi que la langue poétique se ressent du positif dans les moeurs et dans les occupations de la république. Le style est pàle et quelquefois inégal. Le vers manque d'harmonie et d'image, et la forme insoucieuse et lâche, c'est-à-dire les vers de différente longueur mêlés sans goût, l'entrecroisement arbitraire des rimes et la marche cahotée de l'ensemble, ne laissent pas que d'éveiller des soupçons sur la science mécanique des auteurs. Jamais le souffle divin de la Muse ne fait résonner leurs cordes; ils semblent rester froids, impassibles; le sentiment, la douleur sentie, l'élan subit, spontané, ne les ravit jamais. It is a plane | |
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poetry, comme diraient les Anglais. Ils se battent les flancs pour contrefaire une sentimentalité dont personne n'est la dupe, à propos de sujets rabâchés, écrits dans un genre vieilli et rebattu. L'abeille, dit Victor Hugo, construit artistement les six pans de son alvéole de cire, et puis elle l'emplit de miel. L'alvéole c'est le vers, le miel c'est la poésie. Eh bien! chez les poètes de Genève l'alvéole est à peu près vide et les pans de l'hexagone sont pour la plupart assez nonchalamment construits. Je suis peutêtre trop sévère et, s'il le faut, je demande humblement pardon de mon opinion, mais je ne puis accorder d'autres qualités à la poésie genévoise - et je ne prétends parler ici que de poésie proprement dite - que de l'esprit et, malgré ce que je viens de dire, une espèce de facilité dans la versification. Mais cet esprit même, qui la pousse vers la satire et la tient attachée à la terre et aux travers de la société, manque de piquant, autant du moins que l'esprit peut s'en passer. Il est trop vague et trop général, il manque de portée, il ne prend jamais sur le fait. C'est un esprit qui frappe comme le sabre d'arlequin, sans faire de mal à personne. C'est une flèche tirée en l'air, un feu d'artifice. On dirait les jeux innocents des poètes de Genève. M. Petit-Senn est le premier des hommes de lettres proprement dits de la république. Il s'y est fait un certain nom par son poème satirique: la Miliciade genévoise. Faible, inégal, fastidieux, affecté dans l'élégie, dans la romance et dans quelques autres genres plus soutenus, | |
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manquant absolument d'élégance de diction et d'expression poétique, il réussit souvent assez bien dans le conte et excelle particulièrement dans la chanson, surtout dans la chanson de caractère. M. Delorme et M. des Courbettes sont charmants, en premier lieu M. des Courbettes. Je salue,
Je salue,
Les grands à perte de vue.
Monsieur Longuet est délicieux et mon voisin Jérôme admirable. C'est un petit chef-d'oeuvre conçu avec finesse et achevé avec soin. Il y a beaucoup de naturel, de trait et de naïve bonhomie dans ces portraits en demi-nature. Malgré tout cela M. Petit-Senn n'est pas un poète, c'est tout simplement un homme d'esprit qui fait des vers. Dans son Chercheur d'élégies il a même fait semblant d'une espèce d'opposition contre M. Alfred de Vigny et M. de Lamartine. Quand je disais que Genève n'avait pas de poètes, j'oubliais le coiffeur Corsat, le chansonnier populaire, dont la physionomie tranche visiblement avec celle de la poésie genévoise. Philippe Corsat est né dans le pays de Vaud; il vint exercer son métier à Neuchâtel et assista aux émeutes qui soulevèrent ce canton après la révolution de Juillet. Ce fut là qu'il sentit s'épanouir dans son coeur ces fleurs de la pensée, se développer ces aspirations d'enthousiaste ardeur, qui révèlent le vrai poète, et qu'il fut travaillé par ces inquiètes et noires idées, | |
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qui ne s'attachent que trop souvent en ce siècle de lutte et de malaise aux organisations vivaces et ferventes, à l'étroit dans les liens d'une position sociale inférieure et poursuivies par des embarras matériels. Corsat commença d'écrire sans savoir la grammaire et fit des vers sans savoir les règles de la versification, mais il fallait un écoulement à l'activité de son esprit, aux tourments de son coeur, et à sa détresse un moyen de s'épancher. Il se rencontra des hommes bienveillants qui lui apprirent un peu de grammaire et les règles de la versification, et c'est de ce temps probablement que date une composition lugubre et singulière de plus de quatre cents vers, intitulée: Egoïsme et Misère, soupir ou sanglot d'une âme malade du mal du siècle. C'est un sarcasme lancé contre les riches, le cri jaloux d'un homme du peuple blessé des aspérités sociales et qui n'a pas encore pris son parti sur les vices du monde et l'inégalité des conditions. Cette pièce, du reste incorrectement écrite et faiblement pensée, renferme ça et là des vers assez francs et des rimes toutes trouvées. Citons-en quelques fragments et les moins défectueux. Dans la première partie, la Méditation du Pauvre, on lit: Que de navigateurs, sans étoile et sans port,
Surmonteraient les vents, unissant leur effort;
Trouveraient leur salut et braveraient la lame,
S'ils n'avaient tous qu'un but, écrit au fond de l'âme!
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Que de beaux dévoûments étouffa l'opulence!
Que de coeurs généreux meurent dans le silence!
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Sous des lambris dorés repose la mollesse;
Sur des grabats infects, on voit, dans la détresse,
D'infortunés mortels se disputer du pain;
Aux uns tous les plaisirs, le repos, la richesse,
Pour eux aucun souci, ni besoins, ni tristesse,
Ils n'ont su que de nom la misère et la faim.
A des travaux constants, pour prolonger sa vie,
Le pauvre est condamné; puis, souvent il renie
Ce Dieu qui, lui dit-on, l'a créé pour souffrir!....
Ses longs jours de labeur lui deviennent galère,
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Des milliers de mortels, que l'affreuse faim presse,
Maudissent l'existence, et leur cri de détresse
Vient mourir, sans écho, sur des coeurs sans remord,
Durs comme le métal qui paie leurs caprices;
D'un somptueux banquet savourant les délices,
Le riche entend ces cris: ou du pain ou la mort!
Vient ensuite un dialogue. Les raisons du Pauvre, qui n'est nul autre que l'auteur, sont bien minces, et le grand rôle est pour l'Egoïste. Croyez-vous, dit l'Egoïste, Croyez-vous qu'un monsieur peut tout faire à la fois,
Bâiller dans les salons et fagotter son bois?
Au milieu de l'hiver, quand la bise est venue.
Et qu'il veut se vêtir pour flaner dans la rue,
Voulez-vous qu'il s'amuse à tondre ses moutons,
Qu'il apprête ses draps, qu'il couvre ses maisons?
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Alors il nous faudrait porter notre mortier,
Avec nos gants safrans professer un métier,
Comme des paysans nous coucher sur la dure,
Partager les travaux qu'un pauvre seul endure,
Ne passer chaque jour qu'une heure à nos repas,
Peut-être, de nos mains, apprêter tous nos plats!
Nous qui vivons si bien au sein de nos fortunes,
D'après le vil ramas de vos règles communes,
Au rang de nos égaux, il nous faudrait compter
Des êtres trop heureux de se faire exploiter.
Plus loin l'Egoïste donne des conseils à l'homme du peuple. Conspirez en secret, vendez votre parole,
Et, pour mieux réussir, venez à notre école.
Que votre esprit enfin s'oceupe à chaque instant
Du bien de votre corps; de ce peuple inconstant
Riez-vous, et plaignez ces pauvres misérables,
Qui pour ses intérêts, prôneurs inébranlables,
S'exposent chaque jour, en parlant à des sots,
A l'exil, à la mort, à la faim, aux cachots.
Ou, si dans ses travaux vous trouvez quelques charmes,
Laissez le peuple brute et donnez-lui des armes;
Ce que par vos écrits cent ans ne feront pas,
Il le fera sans doute en trois jours de combat;
Mais faites comme nous: pour braver la mitraille
Poussez-le par derrière et, pendant la bataille,
Cachez-vous un moment dans vos greniers à bois;
Lorsqu'il aura vaincu, montrez-vous sur les toits,
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Faites-vous sur le front quelques égratignures,
Puis venez lui montrer vos sanglantes figures,
Vous deviendrez bientôt, en triomphe portés,
Arbitres de sa gloire et de ses libertés.
Voici la dernière tirade: Hélas! ils sont bien morts tous vos grands patriotes!
Que feraient-ils d'ailleurs ces fameux sans-culottes?
A quoi sert le ressort qui fait mouvoir le coeur,
Quand les piles d'écus ont remplacé l'honneur?
Quand vous auriez partout fauché la monarchie,
Serait-il, pour le pauvre, une terre affranchie?
Est-il un seul pays où notre coffre-fort
Ne soit pas citoyen dès son premier abord?
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Quelle pitié, grand Dieu! que dans vos républiques,
Un gueux s'intéressant des affaires publiques!
S'il joue à l'électeur une seule fois l'an,
Ses travaux, ses besoins, compriment son élan.
Vous me direz encor: pourquoi n'est-il pas riche?
Dans nos élections rarement il s'affiche,
Sachant le peu de bien qu'il en peut retirer;
Au lit de ce grand fleuve il laisse l'eau couler.
Il sait depuis longtemps qu'on lui jette à la joue,
Le défi, le mépris, l'arrogance et la boue;
Qu'à le représenter s'il nous porte aujourd'hui,
Demain sans le connaître on passe auprès de lui
S'il était notre égal, en serait-il de même?
Non; plus indépendant et plus fier de lui-même,
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Loin de vendre sa voix pour placer un faquin,
Il voudrait près de nous frotter le maroquin.
Lors il mettrait le nez dans toutes nos affaires,
Il irait divulguer nos plus secrets mystères!
S'il nous voyait dîner avec un grand seigneur,
Vite il viendrait parler de patrie et d'honneur!
S'il fallait quelquefois saluer une altesse,
Vite il irait jaser de honte et de faiblesse!
Pour l'étrenne d'un roi s'il fallait du poisson,
Il dirait qu'il vaut mieux lui donner du poison.
Si, député du peuple, il venait en Diète,
Il faudrait près de lui se mettre à la diète,
Passer dans nos conseils plus de temps qu'à dîner!
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J'aimerais mieux cent fois jeter tout mon argent,
Que de jamais siéger auprès d'un indigent;
Je sais qu'un paysan peut avoir du génie,
Mais il mourrait d'ennui dans notre compagnie,
Et j'aurais à rougir près des hommes de cour
Des cuirs qu'il lancerait en brâillant un discours.
Vous voulez, dites-vous, le former et l'instruire;
Lui apprendre à parler vraiment serait lui nuire;
Pour faucher l'ignorance il vous faudra longtemps,
Et je crois qu'après tout c'est perdre votre temps.
De prêcher la vertu quittez le vain caprice,
Laissez l'or chez les grands, chez les pauvres le vice;
Plus ils sont corrompus, plus nous sommes puissants;
Laissez-les se débattre en leur jeux innocents,
Ou suivez des momiers le consolant mystère.
Dites-leur qu'il n'est pas de bonheur sur la terre;
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Faites-leur oublier, en leur parlant du ciel,
Tous les maux d'ici-bas pour le sort éternel,
Et que, pleines de foi, leurs âmes exaltées,
De douces visions constamment agitées,
Voltigent vers le ciel, en laissant ici-bas
Leurs corps à l'abandon des terrestres combats;
Dites-leur, qu'accablés du poids de leurs fortunes,
Les riches ici-bas sont comblés d'infortunes,
De peines, de soucis, de chagrins, de remord;
Qu'ils voient tous l'enfer au seul nom de la mort;
Et sans tout leur prêcher ce que dit l'Écriture,
Dites-leur d'adopter, sans le moindre murmure,
De féroces tyrans comme un fléau des cieux,
Que loin de les combattre on doit prier pour eux.
Tranquilles dans nos lits, tranquilles à nos tables,
Nous goûterons ainsi des plaisirs ineffables,
Et tout en parvenant à vous faire un trésor,
Vous servirez en paix notre Dieu, le veau d'or.
Le travail manquant, je crois, à Neuchâtel, Corsat s'établit à Genève, où je le vis cet été. Les évènements d'Octobre 1838 avaient tout-à-coup mis à découvert la vraie pente de son instinct poétique et fait jaillir sa veine populaire. Sa chanson: le roi n'en saura rien, produisit un effet immense, courut tout Genève, obtint le succès le plus éclatant, le plus mérité, et révéla un poète-né dans le coiffeur. Peu après les querelles avec la France, Corsat publia sa brochure: Souvenirs des cantons de Genève et de Vand, renfermant une dixaine de | |
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pièces, parmi lesquelles se trouvait la chanson tant vantée. Ce recueil doit assurer à Corsat le titre de poète populaire. Et en effet, c'est une apparition surprenante et remarquable qu'un poète tel que lui, venu tout seul, on ne sait comment et sans que personne s'en soit douté, dans une ville aussi resplendissante de lumières et d'esprit que Genève, et lançant à l'improviste un faisceau de chansons qui font tressaillir d'ardeur et d'allégresse les jeunes soldats de la république et réveillent un sonore retentissement chez tous les citoyens. Il y a beaucoup de chaleur, beaucoup de verve, beaucoup d'entrain, beaucoup de véhémence impatiente dans ces petits morceaux, jetés ainsi sans prétention dans la foule; beaucoup de nerf, de concision, de naturel, et puis ce vrai ton, cette vraie éloquence, cette vraie couleur populaire qu'Emile Debraux eùt revendiqués. La poésie de Corsat vient directement du coeur; aussitôt que le sentiment est là son accord est jeté. Toutes ses chansons sont des traits de plume. C'est une fougue subite qui l'embrase et qui produit l'enfantement. Puis il trouve les plus nobles élans dans le feu de la composition. C'est ainsi qu'il dit à M. le comte de Sellon, dans une pièce, qui semble du reste avec la dernière la plus faible de toutes: Pour son pays, pour son indépendance,
Avec le sang, que le peuple a toujours.
et autre part: Soyons dignes de nos ancêtres,
Dieu seul doit nous voir à genoux.
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Le Schakot républicain me plaît beaucoup aussi avec son refrain d'enfant du peuple. Le dernier couplet est sublime: Contre des maîtres formidables,
Monts redoutables,
Restez longtemps debout;
Mais si nous venons à nous rendre,
Sans nous défendre,
Tombez sur nous.
La politique de Corsat est vague, indéterminée, embrouillée, utopiste, cosmopolite. Il rêve la liberté des peuples, l'égalité, la fraternité universelle parmi les hommes et m'écrit: il viendra un jour où la France n'aura ni rois, ni échafauds. Pour lui tous les hommes sont des frères, il ne voit rien qu'un homme dans son prochain, le prince et le prolétaire sont égaux pour lui, et il dit encore à M. le comte de Sellon dans toute l'ingénuité de ses convictions de vilain: Tu gémissais de ne plus voir des frères
Dans les soldats qu'armait l'erreur des cours.
Mais ce qui manque à Corsat pour arriver à des résultats plus positifs, plus possibles, c'est l'instruction. Il est poète, mais il n'est que poète; aussitôt qu'il discute, qu'il argumente, tout est fini et il se perd dans les nuages; on voit qu'il ne saisit pas distinctement ce qu'il voudrait, que ses rêves se dissipent à mesure qu'il y tient les yeux attachés, et je craindrais qu'il ne fût un peu embarrassé d'expliquer ce que signifie: | |
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Mais tout remplit tes voeux humanitaires.
Dieu, c'est l'humanité.
Doux Jésus, le grand sot qu'un homme radical!
et telle autre expression dont je ne veux pas tourmenter cet honnête et excellent esprit. A mon passage à Genève j'allai trouver Corsat dans sa boutique, singulier mélange du salon du coiffeur et du cabinet de l'homme de lettres. Comme il n'était pas là, il vint me voir quelques heures après à l'hôtel des Bergues. Il était dans son habit de chansonnier national, c'est-à-dire en uniforme d'artilleur; il arrivait du camp. Je vis un homme d'une trentaine d'années, maigre et d'une pâleur olivâtre, il avait les yeux vifs et les traits agréables. Il me parla longuement de ses nombreux désappointements, de ses embarras pécuniaires; il alla jusqu'à se plaindre de sa Muse qui, moins douce et moins bonne pour les chalands que pour lui, leur défendait sa porte et les chassait du seuil, la jalouse! je crois même qu'il laissa échapper le mot d'indifférence. Ensuite il me chanta d'une voix pleine d'expression diiférentes chansons qu'il avait composées récemment; d'après ce que je crus apercevoir alors, le cercle de ses conceptions va s'élargissant désormais, son talent s'étend davantage sur la nature et y trouve des accents calmes et nouveaux de tendresse et de douce mélancolie. Corsat, j'aime à le croire, n'est pas ce qu'il sera un jour, et à en juger d'après ce qu'il a fait jusqu'ici, il est probable qu'il tiendra un jour une place distinguée | |
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parmi les poètes sortis des rangs du peuple. Pour cela il n'aura qu'à vouloir. Mais il est loin encore d'être arrivé. Son confrère Jasmin et Reboul, plus élevé et moins original que le coiffeur d'Agen et celui de Genève, sont, sous tous les rapports, placés bien au-dessus de Corsat. Celui-ci n'a pas encore triomphé de toutes les difficultés de la forme; seulement l'étoffe est bonne, il n'y a que la coupe qui manque. Corsat connaît peu sa langue, il écrit au hasard et à tout venant. Il faut qu'il ne diffère plus de l'apprendre et qu'il se fasse un tribunal sévère qui n'excuse aucune faute de langue et n'absout aucun écart de style. Sans cela, point d'avenir pour lui, comme pour personne. Espérons aussi qu'il ne sera point atteint de la folle envie d'aller risquer son existence et ses lauriers de province aux vanités et au tourbillon de Paris. Ses grandes espérances ne tarderaient pas à tomber, pour faire place au plus poignant, au plus incurable désenchantement. Poète populaire de Genève, qu'irait-il chercher d'ailleurs dans la capitale de la France? Il n'offrirait aucune espèce d'intérêt aux Parisiens blasés, et peut-être la misère viendrait-elle humilier davantage une vie, brisée par la froideur et la morgue de ceux-là mèmes dont il avait rêvé la sympathie et la fraternité. Que Corsat songe au misérable sort d'Ymbert Galloix, à celui du cordonnier DucretGa naar voetnoot1), et se souvienne que l'honneur | |
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de Gènève ne souffrira pas que son poète reste obscur et dans le besoin, lorsque celui-ci, fidèle à son pays, se rend digne de ses faveurs par ses travaux et ses talents.
1840. |
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