Opuscules de jeunesse. Deel 1
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Livre II. | |
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Au moyen-âge l'amour était une religion, la religion un amour. La jeune fille parlait de Jésus-Christ comme elle eût parlé de son amant, la vierge Marie pour un jeune homme ne valait guère plus que sa maîtresse. La jeune fille disait: Jésus est un très bel enfant, il bâtit son trône dans les coeurs purs, mais celui qui veut mériter son amour doit renoncer aux plaisirs du monde. Toutefois il est si aimable que je l'aime de toute mon âme. Dans le charmant amour de Jésus on trouve peu de labeur et grand profit. Le jeune homme: J'ai pourchassé pendant toute ma vie une belle et jeune fille, le pampre le plus beau qui croît dans l'empyrée. Les anges la gardent de toutes parts et mes péchés m'empêchent d'atteindre jusqu'à elle, c'est pourquoi j'ai bien raison de pleurer. Grand nombre de chansons spirituelles se chantaient sur les mêmes airs que les chansons séculières. La chevalerie était fille de cet amour mystique et de cette religion sentimentale. Aussi qu'on ne s'attende pas à trouver une joie continue, une prospérité égale, un bonheur uni, dans nos chants populaires. Ainsi que dans le ciel sous | |
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lequel cette poésie s'est développée, des nuages sombres, mais gros d'une eau bienfaisante, nagent souvent dans son limpide azur; la rêverie du christianisme flotte dans l'amour et l'assombrit un peu. Notre poésie populaire penche la tète; elle rit comme on pleure. On a vu le soleil et la pluie en même temps; cet heureux sourire qui se joue sur sa lèvre de rose semble ignorer les hôtes qui sont dans ses yeuxGa naar voetnoot1): c'est une autre Cordélie. Comme elle, notre poésie populaire abonde en tendres et nobles sentiments, reste pure au toucher des ulcères du vice, se mêle à des scènes touchantes et se jette à travers des drames terribles. Pour être à son bien-aimé une jeune fille ose feindre d'être atteinte de la lèpre. Un chevalier est en prison. La fille du vainqueur, blonde Hollandaise de dix-sept ans, va trouver son père et lui dit: voulez-vous me donner ce captif? Son père lui répond: tu n'auras pas ce captif, car il faut qu'il meure. Alors la jeune fille fait cuire deux pains, y cache deux limes et les jette dans la haute tour, en criant au prisonnier: beau chevalier, délivre-toi! Le chevalier ne tarda pas à s'ouvrir la porte de sa prison. La jeune fille lui mit les bottes et les éperons, et le fit monter sur le cheval de son père. Adieu, chevalier! et ne perds pas courage! Le chevalier s'enfuit, et pensa longtemps à la tour si haute, mais bien plus à la fille si jeune. | |
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Un autre chevalier sous les verroux est condamné à mourir sur la roue. A cette nouvelle que les soldats qui reviennent sans leur chef lui rapportent, sa femme fait seller son cheval et vole vers la prison du malheureux chevalier. Voici comment se termine leur discours. Ma bonne femme, je te prie de ne pas pleurer, quand les corbeaux et les autres oiseaux me dévoreront, lorsque tant d'oisillons se disputeront ma chair. - Thierry, je couvrirai de feuilles de rose la roue où s'étendront tes membres jeunes et majestueux! Un jeune clerc est condamné à être pendu pour avoir couché avec la femme d'un puissant chevalier. Tandis qu'il monte l'échelle, il tourne la tête à plusieurs reprises pour voir si personne ne demandera grâce pour lui. Messeigneurs, s'écrie tout-à-coup une femme, veuillez écouter un mot que j'ai à vous dire! Que feriez-vous si une jeune et accorte femme venait se mettre devant votre lit? - Si une jeune et accorte femme venait se mettre devant mon lit, je la baiserais en cachette et la recevrais dans mes bras. - La baiseriez-vous en cachette et la recevriez-vous dans vos bras? Eh bien, le jeune clerc n'a pas fait autre chose. - Descends, jeune clerc, descends, ta vie est sauvée, tu la dois à la femme d'un puissant chevalier. Un chevalier rencontre une jeune fille. Ma charmante Elsje, lui dit il, m'accorderais-tu de dormir dans tes bras? - Je veux bien que vous dormiez dans mes bras, mais que me donnerez-vous? - Veux-tu savoir ce que | |
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je te donnerai? Je te donnerai le château de RypermondeGa naar voetnoot1) dont je te ferai châtelaine. - Quoi! vous me ferez châtelaine du château de Rypermonde! Or donc descendez de votre cheval et faites de moi ce que vous voudrez. Mais la jeune fille ne tarda pas longtemps à détourner le visage et à laisser couler sur ses joues vermeilles un ruisseau de larmes amères. Et les larmes qu'elle versait firent mal au chevalier et tombèrent sur son coeur plus froides que la grèle et la neige, tombèrent sur son coeur plus froides que la glace, et il fit de cette belle enfant sa femme légitime. Un amant infidèle frappe au printemps à la porte de sa maîtresse. Elle lui répond: bel amant, souvenezvous qu'un jour je fus votre seule amie et me reposai entre vos bras, et que maintenant je ne vous en semble plus digne. Mais quoique vous m'ayez abandonnée, je ne porte pas pour cela un coeur moins haut placé. L'amour fleurit toute l'année, l'hiver aussi bien que l'été, ce que le doux mai ne fait pas. Un autre jeune homme frappe à la porte de sa belle. Retournez dormir chez vous, je ne vous ouvrirai pas. Puis il lui entend dire à voix basse: chère bouche de corail! - Apprends-moi donc ce qui fait que tu me refuses ton amour. Jeune homme, répond-elle, ayez bon courage et choisissez une autre maîtresse; quand | |
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l'amour ne vient que d'une part il est trop lourd à porter. Quel charme dans tous ces petits morceaux! quel laisser-aller, quelle franchise, quelle naïveté! et quel regret pour moi de ne pouvoir rendre tous ces doux mots d'amour, ces expressions voilées de langueur et de passion, le sens de ces délicieux diminutifs, cette harmonie libre et résolue du rhythme, cette simplicité de langage en même temps que cette élégance soutenue. La plupart des chants populaires de la Hollande sont frères ou fils de vieilles poésies allemandes et danoises; cependant on en rencontre plusieurs qui sont purement indigènes, et parmi ceux-là il faut nécessairement en distinguer un qui a dû sa grande célébrité à la réunion d'une mélodie agréable et de paroles d'une naïveté, d'une simplicité incomparables. C'était l'air favori de nos pères. Il charmait le quinzième, le seizième, et même le dixseptième siècle. De nos jours, où tout s'oublie et se perd, il ne s'est pas encore tout-à-fait égaré, el l'on rencontre bon nombre de personnes qui vous parlent avec ravissement de la chanson: het daget uit den oosten. Voici le sujet. Deux chevaliers prétendent à la main d'une jeune fille, se rencontrent sous un tilleul, se battent, et l'un des deux reste sur la place. Le survivant vole vers la jeune fille, lui raconte son exploit et l'engage à s'enfuir avec lui. Hélas! celui qui est mort est celui qu'elle aimait! Elle se détourne avec horreur de l'assassin et court se plaindre au château de son père, | |
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mais elle ne recoit ni consolation ni réponse et va sous le tilleul au vert feuillage rendre elle-même les derniers devoirs à celui qu'elle a perdu. Ensuite elle se retire dans un couvent et pleure jusqu'à la fin de ses jours son chevalier bien-aimé. Voici la traduction de l'original. | |
Le chevalier.Le jour sort de l'orient et la lumière se répand en tout lieu. Que ma bien-aimée se doute peu du lieu où je m'enfuirai avec elle! - Si j'avais pour amis tous ceux qui me haïssent, je vous emporterais loin de ce pays, mon espoir, ma bien-aimée! | |
La jeune fille.Dans quel pays me mèneriez-vous, vaillant et loyal chevalier? | |
Le chevalier.Sous le tillcul au vert feuillage, mon espoir, mon grand trésor! | |
La jeune fille.Avec honneur et chasteté je repose dans les bras de mon amant, je repose dans les bras de mon amant, vaillant et loyal chevalier! | |
Le chevalier.Reposez-vous dans les bras de votre amant? cela n'est plus vrai, je vous jure. Allez sous le tilleul au vert feuillage, vous l'y trouverez mort! | |
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La jeune fille prit son manteau et vint sous le tilleul au vert feuillage où elle le trouva mort. | |
La jeune fille.Hélas! te trouvé-je mort ici, étouffé dans ton sang! Voilà donc le fruit de tes bravades et de ton téméraire courage! Hélas! te trouvé-je mort ici, toi qui me consolais! Que de jours de deuil tu me laisses!
La jeune fille s'éloigna et vint à la porte du château de son père qui était ouverte. | |
La jeune fille.N'y a-t-il donc personne ici, ni maître, ni chevalier, qui veuille m'aider à mettre ce mort en terre!
Mais tous les chevaliers gardèrent le silence, aucun bruit ne les trahit. La jeune fille s'éloigna et sortit en pleurant. Voici qu'avec ses blonds cheveux elle étancha le sang, qu'avec ses blanches mains elle pansa les blessures, qu'avec le glaive luisant elle creusa la fossette, qu'avec ses bras purs elle le mit en terre, qu'avec ses blanches mains elle agita la sonnette, qu'avec sa gorge sonore elle chanta les vigiles. | |
La jeune fille.Maintenant je veux me retirer dans un cloître ignoré et porter le voile noir en l'honneur de mon amant! | |
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On remarque et on admire en même temps la sobriété de la forme, la vivacité de la marche et l'habile enlacement du drame et du récit. Rien ne se raconte, tout se fait; on ne déclame pas, on agit. Le poète n'intervient qu'à la dernière extrémité. Un célèbre rhétoricien, Bredero, a eu la malheureuse idée de faire une comédie d'après ces couplets. Il est certaines poésies si fragiles, si légères, si délicatement ciselées, qu'il faudrait les mettre sous verre, inaccessibles au vulgaire et à la médiocrité, comme des papillons qu'on ne peut toucher sans emporter le duvet de leurs aîles. Ces poésies-là sont comme des roses qu'on cueille: on les endommage et on se blesse.
1836. |
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