Opuscules de jeunesse. Deel 1
(1848)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Loin de moi, poètes à la vie errante et vagabonde, aventureux troubadours, qui jetez à tous les vents vos chants et vos soupirs, artistes fortunés, qui chevauchant sur les grandes routes d'ltalie ou battant les chemins de l'Europe, trouvez votre poésie toute faite devant vous et n'avez qu'à ouvrir les deux mains, sûrs toujours d'avoir de poésie les mains pleines. Loin de moi, vous que la fortune, capricieuse déesse, comble de beauté, de charmes, de voluptés; vous, que le luxe, les honneurs, les plaisirs, les séductions de la vie environnent, et qui des hauteurs de votre génie redescendus vers la terre, ne manquez jamais de trouver la nature qui sourit à travers vos portiques et votre maîtresse qui sourit à vos côtés. Loin de moi, loin de nous tous, vous qui avez trouvé dans le drame de votre vie seule assez de poésie à jeter à la postérité; loin de nous, ô Dante, sublime exilé à la plume d'airain, ô Tasse, victime attachée au char de la poésie et de l'amour, Cervantes, noble et simple grand homme, tour-à-tour dans l'exil, dans l'esclavage, dans la misère, toujours dans le malheur, ô Raphaël, dernier des Grecs, comme Caton avait été le | |
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dernier des Romains, semence de l'ancienne Grèce fécondée par le limon du Tibre, zéphir qui soufflas trente ans sur l'Italie et qui fis tressaillir tout ce qui était grand et beau, demi-dieu qui vis à tes pieds ce qu'il y avait de plus puissant sur la terre, que l'Europe couronnait d'or, d'honneurs, d'amour, et qui t'évanouis un jour que tu avais assez bu le miel de la vie. Mais toi, mon bon pays, viens à moi plutôt! O ma Hollande pacifique et tranquille, à la gloire littéraire peu bruyante, aux poètes sédentaires, aux littérateurs entourés, coudoyés, assiégés de prose et de vie bourgeoise et uniforme, viens à moi, viens à moi! Alors je vis, ma Hollande me montra, à moi, Hollandais, notre grand poète du dix-septième siècle, ce grand faiseur de drames sublimes et de fiére poésie lyrique et de naïf langage. Que je l'ai contemplé longtemps, cet arbre immense, moi tout petit, plein de respect et de crainte! J'observai son tronc énorme, sa hauteur prodigieuse, sa vieille tête chenue et moribonde! et maintenant que je crois avoir examiné avec assez d'exactitude ce chêne majestueux que l'on nomme Vondel, je me mets à le faire voir aux autres. | |
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Joost, notre poète traduit ce prénom par Juste, Joost van den Vondel naquit à Cologne le 17 Novembre 1587. Mais non, il faut reprendre mon histoire de plus haut, comme dit Philoctète. Les ancêtres des grands hommes sont éclairés des rayons que jettent leurs fils, disons donc un mot du grand-père de Vondel. Ce grand père, nommé Pierre Kranen, était Anversois et rhétoricien, mais, ce qui était plus dangereux, il était anabaptiste. C'était au temps des guerres sanglantes contre la réformation. Les échafauds ne cessaient de fumer et le glaive catholique s'émoussait dans la main du bourreau. Chaque jour nouvelles persécutions, nouvelles victimes. Les amis de Kranen tombent autour de lui, Kranen reste tranquille au milieu du sang versé, Kranen reste ferme, Kranen ne chancelle pas. Bientôt on le menace, on le désigne. Il parvient à s'échapper, mais sa femme tombe entre les mains des catholiques. On la jette en prison. Les douleurs de l'enfantemént la surprennent au milieu des douleurs de la persécution. Un de ses cousins, Jean Michel, qui répond d'elle, lui fait rendre la liberté pour quelques jours; mais bientôt on la renferme dans son fétide cachot et elle est condamnée à être brulée vive de compagnie avec certain ministre protestant. En attendant, son mari vivait en sûreté à Cologne avec ses enfants et se souciait aussi peu de sa femme perdue en chemin, lorsqu'il s'enfuit de sa maison assaillie, qu'Énée de sa bonne Créuse, lorsqu'il s'échappait de Troie en flammes, le vieil Anchise | |
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sur le dos. Cependant Jean Michel demande aux magistrate, si l'on ne pourrait sauver la pauvre femme en faisant baptiser un de ses enfants par un prêtre catholique. On lui répond: peut-être! Sur ce il mande de Cologne une des filles de sa cousine, la fait baptiser et délivre ainsi la mère qui promet de vivre en bonne catholique pendant le reste de ses jours et ne tarde pas à rejoindre son mari qui se trouve toujours sain et sauf dans la bonne ville de Cologne. Cette fille, qui n'est connue que pour avoir fait deux belles actions pendant sa vie et encore bien malgré elle, d'avoir sauvé la vie à sa mère et mis au monde le célèbre Joost van den Vondel, épousa dans la suite le père de notre poète qui avait exercé auparavant le métier de chapelier à Anvers, mais qui avait dû quitter cette ville par la même raison que Kranen. Dans son bas âge notre poète se vit emporté en Hollande, où ses parents s'établirent, attirés par l'astre de la liberté politique et religieuse qui venait de s'y lever en même temps que l'astre poétique du jeune enfant qui ne devait trouver pendant sa longue carrière et dans la jeune république, désormais sa patrie, que deux compagnes toujours fidèles, poésie et pauvreté. La pauvreté le rencontre en route pour la Hollande, le couche dans un mauvais chariot, sèche au grand vent ses langes pendus á de longs bâtons hors de la voiture, et fait dire au charretier qu'il pense quelquefois mener Joseph et Marie en Egypte. Enfant, la misère le berce; vieillard, elle lui ferme les yeux. Plus tard la poésie se place à son chevet | |
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comme une soeur de charité, verse du baume dans les blessures que lui fait l'indigence et pour la première fois éveilleson indignation de poète, lorsque le poignard d'un fanatique frappe la France dans son roi. Ses parents s'établissent d'abord à Utrecht, puis à Amsterdam, où ils commencent un commerce de bas qui leur donnera du pain et même de l'aisance, si bien qu'ils seront en état de donner une éducation soignée à Guillaume, frère de notre poète, de lui faire apprendre plusieurs langues, suivre un cours de rhétorique et de l'envoyer à Orléans, où il obtiendra le grade de docteur en droit. D'Orléans Guillaume passe en Italie, où il poursuit ses études et compose un grand nombre de vers qui sont perdus. De retour chez lui, il meurt des suites d'un poison que lui a versé le pays qu'il vient de visiter, pleuré de ses parents et de son frère qui l'aimait tendrement, l'estimait bien au dessus de luimême et s'inclinait devant son savoir et les agréments de son esprit. Le premier acte du drame littéraire et poétique de Vondel s'ouvre en 1610 et se prolonge jusqu'en 1635. Il s'ouvre, comme nous venons de le dire, par un chant de deuil sur la mort de Henri IV, se divise en deux parties par la tragédie de Palamède, composée en 1625, et se sépare de l'acte suivant par le poème épique inachevé de Constantin le grand, brûlé plus tard par l'auteur lui-même. La première partie de ce premier acte est remplie par un poème sur la navigation des Provinces-Unies, par une pièce de vers adressée au prince Frédé- | |
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ric-Henri, lors de son avènement au stadhoudérat, par la tragédie des Pâques ou la délivrance d'Israël, jouée en 1612, par celle de la destruction de Jérusalem, représentée huit ans après, et par un recueil de fables et d'allégories, intitulé le parc des animaux, orné d'estampes par Marc Gérard, peintre de Bruges. La seconde partie contient trois chants au Prince Frédéric-Henri, un chant allégorique sur la naissance de son fils, le magnifique poème sur la prise de Grol et une ode à l'occasion de l'entrée du Prince à Amsterdam pour aplanir quelques différends de religion. Elle renferme en outre une ode sur la prise de Bois-le-Duc et de Wezel, une traduction de l'Hippolyte de Sénèque, le Harpon et l'Etrille, satires; et plusieurs autres pièces de moindre importance. Voilà quels étaient les préludes de celui qui était appelé à épurer la langue nationale, à créer avec Hooft la tragédie nationale. Et dans quel temps encore! Dans un temps où le monde était rempli de grandes choses et de grands hommes; où partout le poète, de quelque côté qu'il se tournât, à quelque vent qu'il livrât sa voile, ne découvrait que sublime et magnifique poésie en action sous les traits d'un héros, d'un grand roi ou d'un grand artiste. En France il y avait Richelieu et Corneille, en Angleterre Bacon et un volcan qui devait bientôt vomir Cromwell, en Allemagne Kepler, Tilly et Wallenstein. En Suède Gustave Adolphe faisait trembler la terre sous son éperon de fer, ensuite Christine. Partout l'homme | |
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de science près de l'homme d'action, le génie près du génie. En Hollande, cette jeune république si belle d'avenir et de gloire, comme en France, comme en Angleterre, comme en Allemagne, Maurice et Guillaume, capitaines, Oldenbarneveld, Pauw, de Witt, hommes d'état, Piet Hein, Tromp, de Ruiter, hommes de mer, et à côté d'eux, Grotius, Vossius, Heinsius, Elzevier, Rembrandt, Mierevelt, Cuyp, Terburg, Wouwermans, l'architecte van Campen, Hooft, Huygens, Cats, Brandt, van Baerle, le jeune Antonides et bien d'autres encore; le champ des arts en pleine floraison. Europe guerroyante et pensante qui inspirail le poète et qui versait sur toutes ses oeuvres ces torrents de poésie haute et naïve dont elles abondent! Passons aux autres productions de Vondel. Giselbert d'Amstel ouvre la marche dont Palamède a été l'avant-coureur. Celte pièce, contemporaine du Cid et la seule qui soit restée au théâtre, fut composée pour l'inauguration de la nouvelle salle de spectacle que les bourgmestres d'Amsterdam venaient de faire construire, comme s'ils avaient pressenti qu'il y aurait un Vondel pour la tenir en haleine. Elle reproduit la prise d'Amsterdam, en vengeance de l'assassinat de Florent V, comte de Hollande, dont Giselbert, seigneur d'Amstel, fut un des meurtriers. C'est une imitation ingénieuse du second livre de l'Enéide; écoutons ce qu'en dit le poète dans sa dédicace à Grotius. '
On sait que les anciens, pour faire agréer leurs poèms | |
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de leurs concitoyens, rafraîchissaient leurs ouvrages par des faits concernant leurs princes et leurs ancêtres. Homère célébra les grandes actions ainsi que les malheurs des Grecs, ses compatriotes, et chanta ce qui arriva pendant le siège de Troie et après; Virgile conduisit Enée, après la prise d'Ilion, du Xanthe jusqu'au Tibre et maria la race latine à la race troyenne, d'où naquirent les Romains; Silius fait la guerre punique, Lucain la guerre civile. Les poètes de notre âge suivent les traces des poètes antiques. Les oreilles des chrétiens écoutent le Tasse qui chante le courage pieux de Bouillon devant Jérusalem; Ronsard flatte les Français par son poème de Francus, fils d'Hector et père des rois de France, et Hooft, le bailli de Muiden, caresse les habitants de l'Amstel et sa ville natale par sa tragédie de Velzen et sa prophétie de la Vecht, de même qu'il charme les Bataves par sa tragédie de Baeto, prince des Cattes, dont les Bataves prétendent descendre. Parmi les poètes dramatiques de la Grèce, Sophocle, Euripide et Eschyle s'attachent à Ilion comme les nues aux montagnes, élevant leur scène sanglante á Thèbes, à Argos et ailleurs, fondant en larmes de douleur ou bondissant dans la fureur de vaines visions. Aussi n'est-il pas déraisonnable que nos propres affaires nous intéressent plus que celle des étrangers. Outre cette considération nous nous sommes laissé emporter aujourd'hui par l'envie d'allumer cette fois à Amsterdam et aux yeux de ses habitants le magnifique iucendie de Troie, à l'exemple du divin cygne de Mantoue qui fit éclater un feu qui répand plus de parfums et brille plus noblement que la flamme céleste consumant le | |
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phénix, puisque aussi Virgile est le seul phénix à l'ombre duquel - si nous en sommes digne - nous voulons offrir l'aîle, et la cendre de l'oiseau merveilleux produit chaque siècle un autre phénix qu'il n'est pas nécessaire de montrer du doigt à cette heure, puisque l'éclat de sa plume brille aux yeux du monde entier.
Il y a des morceaux du premier ordre dans Giselbert d'Amstel: le récit de la destruction du cloître de Sainte-Claire est sublime, le songe de Badeloch vaut celui d'Athalie. Après Giselbert vient Messaline qui meurt en naissant par suite d'un badinage de l'auteur. Les comédiens prétendaient ne pas comprendre exactement le sujet de la pièce. Figurez-vous, leur dit Vondel, que notre prince soit un sot, et que, pendant qu'il est en voyage, la princesse ait grande envie d'épouser certain conseiller. Les acteurs rirent de la chose et la répélèrent dans les tavernes; les envieux l'entendirent et la répandirent par la ville, et la calomnie mêla si bien son poison à leurs paroles qu'en peu de temps Amsterdam en fut plein et que les directeurs du théâtre firent scrupule de faire jouer Messaline. Ils allèrent trouver Vondel, lui expliquèrent cela et lui firent sentir qu'il serait dangereux de représenter une pièce dans laquelle l'auteur en voulait si cruellement à la maison d'Orange. Vondel comprit alors que sa plaisanterie avait été prise au sérieux, il eut peur courut chez les comédiens, leur demanda leurs rôles, sous prétexte d'y faire des changements, et brûla tout. | |
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Puisqu'il s'agit de peur, il faut encore placer ici une bonne anecdote sur Palamède. Burg, échevin remonstrant d'Amsterdam, causant un jour avec Vondel sur le supplice d'Oldenbarneveld, lui dit que ce serait là un excellent sujet de tragédie. - Il n'est pas temps. - Mais vous pourriez en faire une sous des noms empruntés. Vondel retourne chez lui, sent renaître sa haine contre le prince, réfléchit, médite et trouve l'histoire de Palamède. Un jour qu'il est à travailler dans son cabinet sa femme lui crie du bas de l'escalier: le prince d'Orange se meurt! Qu'il meure! répond le poète, je sonne déjà ses funérailles. Le prince mort et croyant tout danger passé, Vondel publie sa pièce. Mais voilà que la nue crève, le tonnerre éclate; on déeouvre les allusions, on veut saisir le poète, l'emmener à la Haye, le jeter en prison, il y va de sa tête. La régenee d'Amsterdam, de son côté, s'oppose à ces démarches de la munieipalité de la Haye, se fâche, veut garder son poète et son citoyen, réclame son droit de le juger. Où était-il en ce moment critique, lui qui avait chanté la vertu opprimée avec une si généreuse indignalion? Hélas, hélas! le grand homme suait la peur, tremblait de tous ses membres, rêvait échafauds et hâches meurtrières, et s'accroupissait derrière les rideaux de son beau-frère d'abord, qui se moquait de lui, et chez son ami Baake ensuite, jusqu’à ce que l'orage fut passé et qu'il se sut sauvé de ce terrible gouvernement de la Haye dont la seule idée le faisait frissonner. Que firent alors | |
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les bourgmestres d'Amsterdam? Ils fustigèrent le poète avec une queue de renard, comme le dit ingénieusement son biographe; c'est-à-dire que les bourgmestres et les échevins, parmi lesquels il y en avait beaucoup du parti arminien, comprenant qu'il faut proscrire les livres et en punir les auteurs, pour leur donner du succès et les faire lire, condamnèrent Vondel à 300 florins d'amende: Palamède eut trente éditions. Plus tard le prince Frédéric-Henri, les temps étant changés et l'acharnement des disputes religieuses éteint, se plaisait à se faire lire Palamède par M. van der Myle, gendre d'Oldenbarneveld, dans son cabinet que couvrait un tapis représentant l'histoire du héros grec. En 1639 parait une tragédie sur les onze mille Vierges, dédiée à la ville de Cologne, et en 1640 une autre, intitulée les Frères, fils de Saül, dédiée à Vossius et suivie peu après de la bilogie de Joseph: Joseph à Dothan et Joseph en Egypte chez Putiphar. L'année suivante Vondel publie une pièce sur la mort des apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul, pièce biblique comme la plupart de ses tragédies, qui tiennent du mystère pour le fond, de la tragédie grecque pour la forme, et qui marquent le passage de l'art dramatique du moyen-àge à l'art classique moderne. Marie Stuart paraît en 1646. Après Marie Stuart viennent deux pièces contemporaines: une pastorale, composée et représentée à l'occasion de la paix de Munster, intitulée de Leeuwendalers (les habitants de la vallée des lions), nom par lequel le poète désigne les Hollan- | |
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dais, et la tragédie de Salomon, qui nous montre ce prince dans sa vieillesse, adorant les faux dieux et s'alliant à des princesses idolâtres. Enfin en 1654 paraît son chef-d'oeuvre, Lucifer. On a longtemps agité la question de savoir si Milton aurait eu connaissance de l'existence de Vondel, à cause de la ressemblance du Paradis perdu avec Lucifer. Après tout que nous importe! D'ailleurs nous ne le pensons pas. Milton, il est vrai, avait rencontré Grotius à Paris, mais ces deux hommes d'état littéraires ont-ils parlé littérature plutôt que politique, et s'ils ont parlé littérature, ont-ils parlé littérature hollandaise, et s'ils ont parlé littérature hollandaise, Grotius a-t-il nommé Vondel, qui alors n'avait encore fait que Palamède et quelques pièces détachées? Ensuite Milton retourné dans sa patrie s'est-il jamais occupé de notre poésie? Ajoutez à cela que le sujet de Vondel n'est pas. man 's first disobedience, and the fruit mais la chûte des anges; celle de l'homme ne vient qu'à la fin de la pièce et la termine, c'est la vengeance que Lucifer tire de Dieu. Tous les deux, Vondel en 1660, Milton après le Paradis perdu, ont encore fait tous les deux une tragédie dont le héros est Samson. Répétons encore une fois à ce propos: se sont-ils connus? encore une fois répétons: que nous importe! car on s'égare dans un vaste champ de stériles conjectures. Seulement nous ne nions pas | |
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que ce ne soit un curieux spectacle que ces deux poètes, chantant simultanément les mêmes héros et les mêmes évènements; deux poètes, séparés par une même mer, mais plus encore par les circonstances qui les dépassent et les bruits des peuples qui étouffent leurs accords, Vondel distrait par le commerce, Milton par la politique, et tous les deux par la guerre; deux poètes, deux frères, dont l'un à son insu devait servir d'écho à l'autre. Lucifer, après avoir été joué deux fois, fut proscrit par le fanatisme et la haine des ministres protestants, non que la pièce fût profane ou immorale, mais uniquement à cause du lieu de la scène qui représentait le ciel. Concevez donc quel crime énorme! on avait osé peindre un ciel, un ciel chrétien, un ciel dont les ministres seuls avaient les clefs et le monopole, qu'eux seuls avaient le droit de peindre et de montrer à leurs auditeurs ébahis! Leur fureur éclate, leur voix tonne dans les églises; ils s'adressent au peuple, qui a le bon esprit pourtant de ne pas les écouter, car l'édition de Lucifer fut épuisée en huit jours, et aux magistrats, qui doivent se soumettre á leur joug et bannir la pièce. Que fera le poète, que feront les comédiens qui en sont pour leur beau ciel tout neuf en or et en azur qui leur a coûté de si grosses sommes et qui ont compté sur les recettes de Lucifer? Le poète les sauvera; ils garderont leur beau ciel tout neuf et feront enrager par dessus le marché leurs tyrans en simarre: Vondel change le ciel chrétien en ciel païen et fait jouer Salmonée. | |
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Et il n'y avait non seulement fanatisme et superstition de la part des ministres dans la proscription de Lucifer, mais il y avait haine et vengeance. Depuis 1639 Vondel était catholique, il avait abjuré sa foi première.... Mais remontons jusqu'à la source. Vondel était anabaptiste, ainsi que son père, ainsi que sa famille. Il arrive en Hollande et se trouve jeté au milieu d'un schisme, d'un trouble, d'un bouleversement épouvantable. Deux partis contraires, à la tête desquels se trouvent Gomare et Arminius, se heurtent, s'entr'injurient, s'entre-déchirent. Maurice est gomariste, Oldenbarneveld arminien; Maurice est plus puissant, Gomare triomphe; Oldenbarneveld succombe et porte sa tête sur l'échafaud. Vondel est jeune, il sent vivement; Vondel est poète, il sent noblement; son indignation éclate, il ne balance pas, se range du côté de l'opprimé, prend place dans les rangs de l'infortune, lance ses traits aigus contre le prince d'Orange et le parti qu'il protége et jette Palamède aux pieds de l'oppresseur. Le viola tout d'un coup combattant au plus fort de la mêlée, mais aussi viola que son illusion tombe, que l'auréole qui entourait le front du parti malheureux se ternit et qu'il commence à prendre en haine et en mépris tous ces vils ministres qui, pour des dogmes que nul ne pénètre, pour contenter leur soif de renommée, pour assouvir leurs haines personnelles, ont semé la discorde au milieu du pays et excité leurs concitoyens à se déchirer. Notre poète n'a plus de foi en son oeuvre, les ministres de la | |
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religion sont tombés pour lui; il abesoin cependant, après les divisions quorum pars magna fuit, de se rattacher à une unité sainte, inviolable, consacrée: le pape, et Vondel est catholique. En se jetant dans les bras du parti neutre, il se brouille avec les deux partis guerroyants et excite contre lui amis et ennemis, car l'horreur du catholicisme était encore vivace, le pays se débattait toujours contre l'Espagne; ils tombent sur lui, l'accablent, lui jurent haine éternelle, haine à jamais. La haine tient parole. Jusqu'à Hooft, son illustre confrère, se brouille avec lui, lui défend sa maison, lui interdit ses belles fêtes dans son charmant château de Muiden, ornées de l'esprit de toutes les célébrités contemporaines et des grâces si souvent chantées des demoiselles Visscher; la haine le condamne arbitrairement à payer une amende de 180 florins pour avoir fait Elisabeth coupable et Marie Stuart innocente, amende que paie généreusement pour lui son libraire Abraham de Wees; la haine exile ses pièces du théâtre, affuble ses comédiens de costumes ridicules, pour faire tomber ses tragédies; la haine proscrit Lucifer; la haine, à chaque vérité que proclamera le poète, se dressera devant ses pas et enlacera son corps de ses anneaux formidables et sillonnera son flanc de blessures cruelles et plongera la têle dans les larges plaies de sa victime; à chaque nouvelle morsure Laocoön bondira de rage et de douleur comme un taureau blessé, et un esprit, pour finir cette lutte acharnée et mortelle, emportera le chantre aux cieux. | |
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A Salmmée succède Jephtè, écrit, non pas en alexandrins, mais en vers de dix syllabes, suivant le précepte de Ronsard, prince des poètes françaisGa naar voetnoot1). L'année 1660 est fertile; elle produit la bilogie de David: David exilé et David rétabli, suivie de Samson et d'Adonias. En 1663 Vondel publie les Frères bataves et la tragédie de Phaéton; l'année suivante son Adam ou la tragédie des tragédies voit le jour, et en 1667 paraissent Zungchin, tragédie chinoise, et Noé, ses deux dernières pièces. Jusqu'à la fin de sa carrière dramatique le feu de son ardent génie n'avait cessé de jeter des flammes brillantes et sa poésie ne s'était jamais lassée de fleurir d'une jeunesse toujours nouvelle, malgré les glacés de son âge: Noé est un phare qui resplendit aussi loin que Palamède. Si nous jetons un coup-d'oeil sur les autres productions de ce génie si éminemment fécond, nous serons étonnés du nombre prodigieux d'ouvrages qui sont sortis de sa plume. Nous nous bornerons à la simple | |
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énumération de ses traductions et de ses pièces originales. D'abord il a traduit huit tragédies, savoir: avec Hooft et Reael l'Hippolyte et ensuite les Troyennes et l'Hercule furieux de Sénèque; l'Electre de Sophocle; l'Oedipe-roi, l'Iphigénie en Tauride et les frères ennemis d'Euripide, et avec Mostert et Victoryn Joseph à la cour de Grotius. En outre il a traduit les Métamorphoses et les Héroïdes d'Ovide, plusieurs chants de Lucain et de Stace, les odes d'Horace, les psaumes de David, dédiés à Christine de Suède, et tous les ouvrages de Virgile. Quant aux autres productions de Vondel, nous les trouverons pour la plupart inspirées ou par les factions religieuses et politiques qui divisèrent la Hollande pendant une grande partie de sa vie, auxquelles nous venons de voir qu'il prit une sa vive part, ou par le catholicisme. D'abord on a de lui, outre deux volumes de Poésies, un ouvrage intitulé: Lettres des saintes Vierges martyres, dédiées à Marie, reine du ciel, et imitées des Héroïdes d'Ovide, et ensuite un poème en trois chants, sous le titre de Mystères de l'autel, dédié à l'archevêque de Malines, qui lui envoya en retour un très précieux tableau, lequel finit, comme les bâtons flottants sur l'onde, par se transformer en méchante copie à l'examen des connaisseurs. Ces deux ouvrages firent beaucoup de bruit dans le monde littéraire et portèrent peu de bonheur au poète. Enfin, pendant tout le cours de sa vie, Vondel ne cessa d'écrire des satires. Dans ces pièces le poète outragé descend | |
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dans la foule, se fait de sa taille, et répand sur elle tout le poison que les traits lancés sur lui ont porté dans son coeur. Pontife irrité, il jetait un regard de mépris sur cette tourbe combattant pour un dogme obscur, son âme se souillait à regarder ce tumulte, se mêlait à la terre, se remplissait de pensées basses, sales, haineuses, et il fallait quitter les saints trépieds et déposer son fiel dans ce monde, objet de son dédain, afin de remonter ensuite plus pur et plus radieux vers son temple de poésie.
Vondel n'était ni un gai compagnon, ni un bel esprit, ni un homme du monde; c'était tout simplement un bon bourgeois, bien tranquille, bien posé, bien honnête, de la grand'ville d'Amsterdam. Voulez-vous son portrait? Taille moyenne et bien prise; de l'embonpoint et beaucoup de couleur, à la place de la maigreur et de la pâleur de sa jeunesse; des traits spirituels; des yeux bruns, vifs et perçants; un regard d'aigle; des lèvres minces; des cheveux courts et jadis bruns, mais que l'âge a blanchis. Il ne se déplace pas; il est ou au milieu de sa famille ou au milieu de ses confrères ou au milieu de ses livres, et soit qu'il se trouve avec sa famille ou avec ses confrères ou avec ses livres, toujours au milieu de ses | |
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amis. A vingt-trois ans il épouse Marie de Wolf, comme lui de Cologne et fille d'un passementier. Deux fois ses bas l'appellent en Danemarck (en 1628 et en 1657), il ne s'y amuse pas trop et retourne bien vite. Au reste, ils ne l'occupent pas trop ses bas, car, comme le dit de Clercq, Coornhert s'occupait des affaires de la patrie et de la religion, Spieghel était négociant, Cats homme d'état, Huygens homme de cour, Vondel n'était que poèteGa naar voetnoot1). Dieu lui a donné une bonne femme active et honnête, à laquelle il abandonne la boutique, qui fait les affaires et prend soin des finances, car Vondel, comme beaucoup de poètes, ne sait pas calculer. Vondel ne vit lui que d'une vie toute intellectuelle, toute d'art; il se nourrit d'étude et de poésie, et il est heureux. Homme d'une volonté forte et qui ne s'ébranle jamais, il apprend le latin à vingt-cinq ans, le grec et la dialectique à trentehuit. Il tend toujours vers son but, il ennoblit son génie, il polit son talent, il sait rester indépendant et ne reçoit jamais rien du prince qui lui doit tant de beaux vers. Les affaires vont à merveille. Tout prospère, le commerce va bien et l'argent ne manque pas. Sa femme vend des bas, Vondel livre à la postérité les chants qui s'échappent de sa lyre. A l'un la poésie, à l'autre la | |
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prose. Sa femme est dans la boutique, marchande, agit, arrange, trotte par la maison et par la ville, écoute les nouvelles, sait ce qui se passe. Mais voilà que tout-à- coup la pauvre femme vient à mourir. Adieu la tranquillité de Vondel, adieu son bonheur, son repos, sa douce vie isolée d'artiste, sa belle existence indépendante de poète, adieu pour toujours, adieu tout cela! Tout cela sa femme l'emporte dans la tombe. Le poète est veuf, il est seul; qui viendra à son aide, qui prendra sur lui ses affaires et ses soucis? Son fils vient demeurer chez lui et se charge du commerce des bas. Ce fils est un mauvais sujet, très stupide et méchant, qui a une excellente femme. Cette femme suit la femme du poète, son mari en prend une autre, mais une comme lui cette fois, dépensière, acariâtre et de mauvaises moeurs. Les affaires commencent à aller mal. Le vieux père se désole, pleure, gémit, verse quelquefois dans le sein d'un ami la confidence de son malheur, de son affliction profonde, met à nu les blessures que lui font ses enfants, et lâche alors de ces paroles qui font pleurer bien amèrement. En attendant les créanciers arrivent; le fils part pour Batavia, espèce de Botanybay fashionable où vont ceux dont les familles désirent se débarrasser et qui sont à charge à la mère-patrie. Il meurt pendant le voyage. Dieu soit loué de cette mort! Mais ce n'est pas son père qui l'eût dit. Les créanciers pourtant ne cessent pas de frapper à la porte du poète et d'user les marches de son vieil escalier. Le poète paie | |
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40,000 florins et se trouve dépouillé, ruiné, vieux et sans ressources. Alors la ville d'Amsterdam vient à lui dans sa détresse et lui prête des secours; ange protecteur, elle lui offre un petit emploi au mont-de-piété à 650 florins de gages pour le soutenir dans ses vieux jours. Le pauvre vieillard, qui pour avoir des rides au front n'en avait pas au coeur, - forcé par besoin impérieux de se vouer au triste emploi qu'on avait eu la bonté de lui donner, s'acquittait assez mal de ses devoirs, quand il se sentait assailli par un élan de poésie; alors il ne pouvait résister, il se jetait dans les bras de la Muse et le mont-depiété restait abandonné. La régence s'en aperçut et eut le bon esprit de le démettre de cette charge, mais en même temps la générosité de lui en laisser le salaire, afin qu'il pût finir sa vie en toute tranquillité. Qu'il est seul maintenant! Ses amis sont tous morts, ses chers, ses grands, ses illustres amis, avec lesquels il a créé, consolidé sa langue, avec lesquels il parlait art, poésie, avenir, auxquels il soumettait, auxquels il dédiait ses ouvrages. Reael, Spieghel, Visscher, Mostert, Victoryn, sont tous descendus dans la tombe. L'illustre Vossius; Hooft, le doux poète tout parfumé des fleurs de l'Italie; van Baerle, le savant van Baerle, ne sont plus; Grotius avec eux dort sous la pierre, et tant d'autres qui étaient chers au poète. Vondel seul survit. Sa famille aussi a presque disparu. Son frère est mort à la fleur de l'âge; son fils, son mauvais fils, mais qu'il aimait pourtant encore de cette | |
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tendresse paternelle qui ne s'éteint jamais, est mort à la fleur de l'âge; sa compagne est morte dans la force, sinon à la fleur de l'âge, et le malheureux poète se tient au milieu de ces débris, comme le vieux donjon d'un manoir qu'on démolit et qui attend que son tour arrive. Il n'a plus que sa fille, sa bonne fille Anna, qui le soigne, qui le console. Mais elle aussi devait -mourir avant lui, et tout le dévouement d'une femme ne put casser l'arrêt du sort qui avait condamné le poète à se trouver seul sur le bord de sa tombe, sans une douce main de jeune fille pour presser une dernière fois la sienne à l'heure du départ, sans même un parent éloigné pour jeter sur son cercueil qui disparaît la terre suprême! On ouvrit le testament d'Anna. C'était un trésor de bon sens et d'amour. Sachant que son père ne s'était jamais occupé d'affaires et que l'âge l'en rendait tout-à-fait incapable, elle avait nommé deux exécuteurs de ses volontés qui laisseraient au vieillard l'usufruit de son bien, lequel bien pourrait être dépensé par lui, si la nécessité l'exigeait. Il y était ajouté que les dits exécuteurs lui donnassent deux servantes pour le soigner et qu'on ne lui refusât rien de tout ce qu'il pourrait désirer. Après la mort du poète les biens d'Anna devaient être partagés entre plusieurs parents, quelques amis et quelques ecclésiastiques, et le peu de livres qui composaient ce qui restait de la bibliothèque de Vondel furent donnés en legs par le poète lui-même à certain prêtre qui ne se donna pas même le temps d'attendre le dernier soupir du moribond et le força de les lui céder de | |
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son vivant. Mais le poète se repentit bientôt de sa faiblesse et pleura souvent, en regardant les rayons de son armoire déserte, la perte de ses livres chéris, ses derniers et plus fidèles compagnons, qu'on avait emportés à ses yeux. D'abord et aussi longtemps qu'il y eut quelque espoir au fond de son coeur, il s'attachait de toutes ses forces á la terre, disant - car il avait peur de la mort -: la mort me répugne; je désire la vie éternelle, mais je voudrais bien y être emporté comme Elie. Lorsqu'enfin toute lueur d'espérance fut éteinte, le malheureux vieillard se résigna, et un jour il s'écria de sa tremblante voix: oh! qu'elle vienne, la mort! Le char d'Elie ne descendra pourtant jamais, il faut y passer comme tous! Cette mort tant désirée ne se fit pas attendre. Vondel expira le 5 Février 1679, âgé de 91 ans, et le 8 du même mois il fut enterré par quatorze des plus grands poètes hollandais, au nombre desquels devait manquer Anslo, le chantre de la Peste de Naples et de la saint-Barthélemy, qui avait préféré le ciel de Rome à sa froide patrie, mais parmi lesquels se seront trouvés les plus chers disciples de Vondel, Vollenhove et Antonides, dont il aimait à dire: je lèguerai deux fils à la poésie, dommage que l'un des deux soit ministre! et que cet homme loyal qui accueillait tout jeune poète qui venait vers lui et qui s'intéressait aux jeunes talents qui ne demandaient pas mieux que d'éclore et de s'ouvrir une route, avait protégés et guidés dans la carrière épineuse | |
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qu'ils voulaient parcourir, qu'il avait admirés plus tard comme poètes, qu'il avait toujours chéris comme des fils. Cortège digne de Vondel, le seul qui lui convenait, le seul qui était assez noble pour lui! Bien que Vondel n'ait pas joui pendant sa longue carrière des honneurs accordés publiquement au génie et que les princes d'Orange n'aient jamais daigné faire l'aumône à leur Homère, le zèle particulier et l'enthousiasme qu'inspire toujours le génie à ceux qui savent l'apprécier, n'ont pas manqué de lui témoigner largement leur estime et leur admiration. Christine de Suède lui offrit une chaîne d'or et une médaille de la valeur de 500 florins pour des vers composés en son honneur; les bourgmestres d'Amsterdam lui donnèrent une belle coupe d'argent pour les beaux vers qu'il avait composés á l'occasion de l'inauguration du nouvel hôtel de ville; en récompense de son poème sur la construction de l'arsenal maritime Messieurs de l'amirauté lui envoyèrent un bassin d'argent avec une cuiller du même métal; la princesse Amélie, veuve de Frédéric-Henri, lui fit présent d'une médaille d'or en reconnaissance d'un épithalame sur le mariage de sa fille avec le prince d'Anhalt, et Buysero, doyen de l'église de Sainte-Catherine à Eindhoven et secrétaire de la ville de Flessingue, lui donna une tasse en vermeil pour la dédicace de sa traduction des Métamorphoses d'Ovide. | |
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Si nous jetons les yeux sur le caractère des ouvrages de Vondel, nous devons convenir que les écarts de son goût surpassent peut-être la grandeur de son style. L'éducation négligée du poète se fait sentir jusque dans ses dernières productions. Mais il a les défauts du génie mal venu et non ceux de la médiocrité, et c'est cela même qui les fait pardonner. Vondel était avant tout poète lyrique; ceux de ses morceaux qui sont purs de tout alliage et de tout reproche sont des odes et les choeurs de ses tragédies. Vondel possédait encore à un degré éminent le génie de l'épopée, mais il avait le moins de droits au titre de poète dramatique, et cela malgré les trois volumes de tragédies qu'il a laissés. Mais aussi quelle espèce de tragédie que la sienne! La forme aristotélique rigoureusement observée et appliquée à des sujets sacrés et modernes; des beautés nombreuses de style; des récits, des vers magnifiques, mais rien de ce qui fait le poète dramatique; pas de caractères nettement tranchés, délicatement observés, dessinés avec amour; pas de coupsd'oeil profonds dans l'âme de l'homme, pas d'Yago, pas d'Hamlet; pas de situations attachantes; pas de scènes habilement ménagées; pas d'intrigue ingénieusement dé- | |
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brouillée; de belles tirades, mais point de dialogue, point de mouvement; presque toujours le poète, presque jamais le personnage; en un mot des poèmes épiques en récit et coupés sur le patron des tragédies grecques, Homère moins le τòν δ’άπαμειβόμενος πϱοςέψη et le ‘Ως ἔψατ’. Non, où la vraie grandeur, la vraie magnificence, la vraie vigueur, le vrai sublime de Vondel résident, c'est dans le style, dans la diction; diction grandiose, hardie, neuve, pompeuse, voilée souvent des ombres mystiques du catholicisme, quelque peu redondante et enflée, mais noble toujours; style sonore, grave, plein de nombre, toujours inspiré, à la démarche royale et altière comme une période de Bossuet, osant tout dire, et relevant alors la vulgarité de la pensée par la grandeur de l'expression, la crudité de la forme par la sublimité de la pensée.
1834. |
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