Mes loisirs

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Victorine.

J'entends la cloche qui avec le dîner ramène les joyeux propos, et déja par les vitres je vois les viandes fumantes. Je m'avance. J'entre. On dîne. Le vieux père d'un oeil de plaisir et de contentement verse le vin à la ronde et l'on rit aux éclats; mais deux membres manquent à cette heureuse famille, et l'on voit à travers le vide que cause l'absence de deux amies, le tronc d'un vieux chène, qu'une petite tête rayonnante de beauté devrait cacher. Car elle était jolie la petite

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fille et blanche et blonde et elle avait des yeux bleus, et son amie, son intime amie, presque sa soeur, qui toujours l'accompagnait, badinait avec elle, et qui au diner pouvait jouer avec le collier qui entourait le cou de celle qu'elle aimait, était brune et vive et pétulante; elles l'étaient, jolies, car elles ne le sont plus.

Si vous ne voulez le croire, fouillez dans la nuit de la tombe, regardez-les, elles s'y embrassent encore! - La mère dit: ‘Où sont les enfants?’ et tout le monde de répondre: ‘Je ne le sais!’ - Mais la mère s'inquiète, elle va regarder à toutes les fenêtres voir, si elles s'approchent; ensuite elle en ouvre une, et crie: ‘Victorine! où es-tu? Nous dînons déjà!’, Mais nulle voix ne répond. Victorine alors était déjà sourde et muette. Alors la mère sort, elle parcourt sa campagne, elle in-

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terroge les sentiers, mais les traces qu'elle y cherche ne lui répondent pas; son oeil inquiet bondit sur les prairies voisines tandis qu'elle passe près de l'étang, puis elle baisse les yeux et aperçoit les deux filles, mais mortes, mais mouillées en tout sens; alors un cri de désespoir maternel, s'éleva jusqu'aux nues, qui frappa l'oreille des fidèles valets. Ils accourent. Le festin avait bouché nos oreilles; on vint nous avertir du malheur, et alors.......

Ah! je sais que je ne pouvais pleurer d'étonnement et d'effroi, un frisson parcourut tout mon corps, qui trembla comme un roseau au vent; mais voilà tout, sinon, qu'en m'approchant du lieu fatal, il me sembla voir une femme agenouillée près d'une morte qui s'écria, en s'arrachant une larme et avec un rire égaré: ‘Victorine! mon enfant! que tu as chan-

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gé!’ - Alors peut être une voix céleste murmura à son oreille: ‘Ma mère, vous vous trompez, je suis un ange!’

Avril 1830.