Mes loisirs
(1832)–Johannes Kneppelhout– Auteursrechtvrij
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Fragment. | |
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Fragment.Triste voyageur où vais-je donc! Ici sur la colline je ne vois rien, que là-bas la forêt dont je sors, où chaque arbre me faisait l'effet d'un brigand, et devant moi la plaine; elle est grise à la lune mais verte au soleil, grise comme le firmament, qui au soleil ressemble à l'oeil de ma bien aimée! Regardons l'heure! Comme il est tard! Deux heures!.... mais non: l'ombre que la lune jette sur la porcelaine de ma montre me trompe, la cloche de l'hôtel- | |
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de-ville n'aura donné encore qu'un seul son après minuit. J'ai couru déja depuis longtemps et maintenant mes pas chancellent. Mais ne pourrais-je donc rien voir d'ici; regardons bien. Il me semble, mais peut-être c'est un rêve, car la nuit nos yeux voient tout ce qui nous vient à l'esprit, que là-bas dans la plaine une lumière scintille..... mais c'est peut-être une étoile qui se lève, ou bien un de ces feux trompeurs qui attirent les voyageurs, sans se faire toucher jamais. Mais, pauvre égaré! que m'importe de quelque côté que je me tourne? Allons donc, suivons la lumière si elle s'éloigne; si elle reste, approchons-nous. Je marche par la plaine silencieuse, et je me dis: s'i! faisait jour, je ferais des vers sur tout ce qui s'offrirait à ma vue | |
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mais maintenant, je ne vois rien, qui puisse charmer, rien que la forêt à moitié disparue, la clairière qui se tait, la flamme qui ne m'a pas trompé car elle garde sa place, déja même elle a grandi. S'il faisait jour, et que le gazon ne fût pas mouillé de rosée, je me jetterais dessus, et peut-être une fleur, une hirondelle, une jeune paysanne aux pieds nus, passant près de moi, seraient les sujets de mes chants. Car je ne chante jamais de héros, tous ont été trop imparfaits, nul n'est digne de chants, c'est la nature que je chante. - Quand je vois le ciel, ou un vieux chène dont les pieds touchent à l'empire des mortsGa naar voetnoot(1), ou bien une colombe, une violette, je m'écrie: O firmament! ta beauté est un | |
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rayon de la gloire du Tout-Puissant, ton bleu est pur comme ton Créateur, cette immensité que j'ai devant les yeux quand je te regarde, c'est l'image de l'éternité de celui qui t'a formé! - Quand fatigué d'une course, dans une brûlante matinée d'été, je m'appuie contre un chêne plus que centenaire, je me dis, et c'est la même pensée que celle du Perse Xerxès à la vue de son armée immense: aucun des hommes qui vécurent avec celui qui a planté cet arbre n'existe plus, les bras robustes de celui qui l'a mis là, ne sont plus que des os poudreux, il n'a jamais vu ces branches chargées de tant de feuilles, il n'a jamais vu un malheureux voyageur cueillant à son ombre quelques paisibles et frais moments. Quand au crépuscule du soir une colombe traverse l'air au-dessus de ma tête, je pense: tu ap- | |
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partiens sans doute à une jeune fille jolie, car tu es belle et blanche comme l'ame d'une fille de quinze ans. Et lorsque je regarde la pensée je murmure: ta couleur, humble fleur, ne sied pas à ton état, le lis royal devrait avoir la pourpre, mais la tendre pensée devrait être blanche comme la main d'un enfant. Et je dirais tout cela en vers, car la nature est la poésie de l'homme, comme Dieu est celle des anges! - Me voici devant un mur, et ma lumière a disparu, ainsi disparaît l'age du plaisir quand nous sommes près d'y toucher, qui de loin nous attire. Je fais la ronde de la muraille; elle est vieille, elle est haute, elle est longue, n'y aurait il donc pas d'entrée? Pas encore. Ah! enfin je la vois. Une grande porte entr'ouverte. Pénétrons dans l'enclos. Charme et mystère! Des tombeaux, des | |
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arbres, du gazon et là-bas.... Qu'aperçois-je? Une prison? Je ne me trompe pas, c'est un cloître. Dans l'une on vous emprisonne de par le Roi, dans l'autre de par Dieu. Et là, à cette petite fenêtre, là tout haut voilà ma lumière, du moins je le présume, mais toutes se ressemblent comme des enfants nouveau-nés! Regardons le lieu où je suis. C'est ici le cimetière. Ah! sans doute, car une urne est là-bas qu'un saule ombrage, et au côté opposé, voilà une belle pierre sculptée que cachent des peupliers. Je voudrais lire les épitaphes, mais l'ombre des arbres couvre les deux, inscriptions à demi effacées, abbesse est le seul mot déchiffrable sur le premier tombeau, 57 sur l'autre. Ces tombes paraissent vieilles. J'envie les ames des corps qui sont couchés là, elles sont | |
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déja depuis longtemps heureuses! Cette pierre-ci est pareillement vieille, elle est couverte de mousse, mais le nom d'Amélie y est lisible ainsi que son âge. Malheureuse! elle aurait porté envie à l'épouse de son frère!Ga naar voetnoot(1) Elle touche à une tombe sur laquelle on a mis l'image d'un papillon, poétique image, qui vaut bien celle de ce serpent, gravé comme symbole de l'éternité sur la tombe de celle qui dort là de l'autre côté. Un peu à droite, voici une pierre de marbre sans inscription, toute pure, toute neuve ce me semble. Devrait-on encore y graver le nom de la défunte, ou aurait-elle été si vertueuse qu'on se souviendra toujours d'elle, ou bien trop criminelle pour que sa mémoire soit di- | |
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gne de conservation? Une rose flétrie et brisée à la tige orne cette autre tombe. C'est une image employée souvent, et à laquelle les hommes sont devenus insensibles, comme à toute chose que souvent on voit ou entend; ainsi les hommes nomment la mort, sans y songer seulement, et ne pensent pas quand ils prononcent ce mot terrible, qu'ils seront un jour aussi couchés dans une bière, revêtus d'un suaire, portés dans une voiture noire et triste..... Mais qu'entends-je? Une fenètre s'ouvre. Je regarde. Elle s'est déja refermée, mais au dessous gît un morceau de satin. Ramassons-le et regardons. J'y vois des lettres gravées, mon Dieu! avec quoi? Etonnement! gravées avec la rouille d'un clou. Ce ne sont que des mots détachés. Pars, par la grande porte, puis à gauche. Ton aman- | |
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te, moi. Enlevée. En prison. Demain! Et puis une goutte de sang. Mon Dieu, du sang! Demain tu serais morte! Et par qui, par quel monstre, par quelle main insolente? J'ignore. N'importe aussi: tu seras sauvée, je le jure par les corps sur lesquels je me tiens. Je m'en vais; à gauche! voilà ce que j'ai lu sur le satin sali. Je m'en vais, et l'aurore apportera la vengeance!
Mars 1830. |