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Van Speyk.
...... Dieu dit. Les portes du ciel s'ouvrirent. et ses anges obéissants prirent leur vol vers notre planète. Voilà qu'elle paraît à leurs yeux, mais comme une étincelle seulement; puis, à mesure qu'ils s'élancent par les astres immenses, elle croit; c'est déja une lumière, pareille à celles qui versent dans notre ame le plaisir et la joie, quand au bal folâtre, suspendues au plafoud, couronnées de crystal, elles jettent leur brillant reflet en des yeux remplis de bonheur et d'amour....
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Ensuite, c'est un flambeau; mais plus près encore, la lumière commence à pâlir et puis disparaît tout-à-coup; c'est une grande plaine qui s'offre à leurs regards, c'est la mer, et loin, bien loin, il leur semble découvrir des monts et des forêts qui courbent l'horizon. Ils descendent plus bas, flottant en silence, invisibles aux humains, sur leurs blanches ailes veloutées; et les villes, les champs, les fleuves se peignent plus clairs, plus distincts dans leurs yeux; enfin la flèche de la tour d'une cité naguère florissante, maintenant, hélas! mutilée et avilie, se montre; ils la reconnaissent. ‘C'est elle!’ s'écrient ils, et comme un accord de la harpe divine ces sons se perdirent dans l'immensité des airs!
C'est là qu'au sein des flots dorment des braves, des héros, et quand la tempête qui causa leur perte, jettera leurs
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carcasses mutilées sur la rive d'Anvers, sa populace, frappée encore de terreur et de respect, reculera devant leurs squelettes brisés! Deux peuples qui auraient dû être frères se faisaient une guerre à mort; les uns gardaient leur ancien héritage, et les autres, bercés par de folles chimères et gorgés de haine, en avaient par leurs trahisons et leurs atrocités infâmes fait hériter le peuple de l'autre rive du fleuve, du fleuve rempli de voiles et de canons, qui regardaient menaçants les arsenaux et les belles rues d'Anvers. Mais l'eau se glaça, et Mars dut céder quand Neptune avait perdu ses forces; cependant, quand enfin la chaleur revint et que le second mois de l'année nous montra de beaux jours printaniers, le fleuve revécut, et en peu de jours les braves officiers allaient reprendre leurs positions.
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C'était la nuit; elle était orageuse, et comme un aigle aux ailes déployées, la ville se découpait noire sur un fond gris. On entendait la pluie ruisseler des mâts et des cordages et l'ouragan sifflait. Tous cependant étaient parvenus au but désiré, quand la tempête jeta un bâtiment, hélas! sur la côte ennemie. Tout dans la ville semblait dormir, mais des traîtres veillaient comme des loups sur nos marins, des yeux cachés étincelaient dans l'ombre; ils regardent!..... Un navire entre leurs mains!.... Ils y volent, ils s'y précipitent! On combat; on se défend vaillamment; et à travers la tempête on n'entend que des cris de terreur et des cris de joie, horribles hurlements! Tout est perdu pour nous, mais l'honneur restera. Le capitaine voit que la résistance devient vaine; il s'absente, et les profon- | |
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deurs du bâtiment récèlent un héros! ‘La mort à ces monstres,’ s'est-il écrié, ‘rien à eux, tout à nous!.....’ Il était seul au monde le jeune homme, et ses parents étaient longtemps déja aux lieux où l'on ne meurt plus, il n'y avait encore qu'un faible roseau qui lui faisait aimer la vie, une rose! une jeune amante; et il la sacrifie à sa patrie! O pensée douloureuse! si elle le savait elle en mourrait peut-être! Il ne pense pas à elle; aucun soupir pour celle qui couronne de fleurs la coupe de sa jeune vie; son pays l'emporte! ‘Vie!’ s'écrie-t-il, ‘vie, je te repousse! ma mort est plus utile; eh bien, patrie! la voilà!’ Le feu d'un pistolet a touché la poudre, tout est mort! Une ville se réveilla, frappée de terreur et ne put comprendre un tel héroïsme; une flotte, spectatrice de la lutte,
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plaudit. Les officiers, les matelots, tous, les larmes aux yeux avaient contemplé ce combat funeste, sans pouvoir aider leurs amis..... Soudain un coup part!.... La flotte veut s'écrier, mais l'admiration rend la voix muette. Un coup part, et au bruit succède un silence, rompu seulement par le vent et les flots. L'ami et l'ennemi tout périt, leurs membres en lambeaux tournoyent dans l'air puis se plongent dans le fleuve, lit d'honneur aux braves, tombe infâme et vile aux lâches agresseurs!.... Et le jeune héros, où se réveille-t-il? Dans les bras des anges, qui comme en triomphe le portent vers leur Dieu. Il vole, bercé dans leurs bras, réchauffé du duvet de leurs ailes comme un frère bien-aimé, jette encore un regard sur sa terre chérie, puis lève les yeux et voit des héros. Une douce lumière
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l'entoure, il effleure les parvis du ciel. - Dieu l'avait jugé digne de ce bonheur, et les anges entendant sa parole divine rouler par les voûtes du ciel, avaient été les guides de la belle ame d'un Hollandais!
Adieu, jeune homme! quitte cette terre malheureuse, infestée de tyrans et de peuples effrênés; tu as fait briller d'un nouvel éclat cette longue chaîne de héros patriotiques qui depuis si longtemps s'était rouillée. Nos héros renaissent, notre patrie s'est réveillée, applaudissons! - Félicitons nous, compatriotes! nous sommes Hollandais! Quel haut fait! un jeune homme, au plus beau de sa vie, une belle carrière qui va peut-être s'ouvrir pour lui, des plaisirs, des honneurs qui se pressent en foule sur ses pas, une jeune fille même, il s'arrache à tout,
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rien ne l'arrête, et les flots sont la tombe de ses membres mutilés! Martyr de la liberté, honneur à toi! - Jeune fille! qui fus jugée digne par un héros d'être son amante, glorifie-toi! les vieillards te cèderont leur place, et tes compagnes te porteront envie et te regarderont avec respect!... Et que dira l'Europe? Elle admirera, et notre petit pays grandira aux yeux des nations par son héroisme et ses hauts-faits. Oui, patrie, continue ainsi! ta position est pénible! peut-être tu devras céder; mais, tu l'as dit, ce ne sera qu'en combattant, l'honneur vaut mieux que la victoire!
Février 1831.
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