| |
| |
| |
| |
| |
C'est un vrai plaisir de roi fainéant que de se faire traîner dans une bonne voiture, commode et spacieuse, attelée de quatre excellents chevaux, le long du chemin de la Corniche, alors que le temps est un peu couvert, que le vent est doux, que la mer argentée miroite comme une glace liquide où passe un frisson, et qu'à l'horizon la brume se confond avec la tranquillité des eaux. Comme un finale qui répète tous les grands motifs qui vous ont ravi, la voiture, dans sa course rapide, passe devant les stations, où il nous a plu de nous arrêter pendant notre court séjour. Puis la ville s'éparpille de plus en plus dans la montagne, devient peu à peu villa, puis on arrive au beau village de Nervi, et l'on jette un regard derrière soi sur Gênes, qui nous a si vite et si bien raconté son histoire, visible dans ses monuments, histoire, exposée à nos yeux et bien mieux expliquée et comprise par la vue même que par les froids récits d'un livre imprimé. Les pierres ont une voix bien plus puissante que les feuilles de papier et les dissertations des érudits. Regardez les lieux et écoutez ce qu'ils vous disent! Voyez ces villes crénelées, ces châteaux forts, ces palais construits comme des citadelles et bardés de fer! ne sentez-vous pas ce que raconte cette architecture formidable? C'est la haine du voisin contre le voisin, de la
| |
| |
ville contre la ville voisine, du pays contre le pays limitrophe, c'est-à-dire l'esprit du moyen-âge qui a soufflé sur ces créations.
Mais nous sommes en 1872 et la Corniche est riante; les habitants sont à leurs champs sur les montagnes, revêtues de leur toison d'oliviers, des centaines de petites taches blanches, autant de villas et de villages qui sommeillent à l'ombre de leurs bosquets. C'est charmant et amusant, car chaque détail de la route: les décombres, les maisons variées de couleur et de décoration, souvent d'une peinture à peine reconnaissable et d'un goût toujours fort douteux; les troupeaux de brebis et de chèvres, escortés d'un pâtre, tantot vieillard, tantot enfant, en vêtements de toutes les couleurs et de toutes les fantaisies, tentent le crayon de l'artiste et la chanson du poète.
Nous sommes au promontoire qui forme le fond du panorama de Gênes; peu à peu la route commence à s'élever, et après une montée d'une heure on parvient au village de Reta, où les chevaux se reposent et les voyageurs déjeunent. Il est une heure et demie; nous étions partis à dix heures. Pendant notre petit repas le vent s'est un peu tourné au nord, le soleil a disparu complètement, le brouillard est devenu plus épais, le ciel plus noir et plus lourd. Je ne suis plus en Italie, je suis près du Loch-Lomond ou de Bedgellert. C'était bien la peine de venir à la Corniche pour cela. Toujours une longue et pénible montée; il fait plus froid, la pluie tombe même pendant quelques instants. Mais voici Ste Marguerite, délicieusement assise, les pieds dans la Méditerranée et qui va lui prendre ses coraux pour en faire des bijoux; puis Chiavari, où se fabriquent la soie et le velours de Gênes. On descend dans la ville, joyeuse, malgré son air mélancolique d'aujourd'hui; puis tout le long au bord de la route les femmes font de la dentelle. Le pays est très-habité. C'est une succession perpétuelle de villages, de villas, de fabriques. Après
| |
| |
Chiavari la route longe la plage jusqu'à Sestri, où nous arrivons à la nuit tombante. L'hôtel est froid, c'est une vraie cave, et le feu, qu'on s'empresse d'y faire, rend les courants d'air plus sensibles. Ils sont atroces, je ne sais plus dans quel coin me sauver et me couche glacé.
| |
7 Mars.
- Le temps est toujours à la prose. D'énormes nuages, qui pèsent sur les montagnes et qui menacent de venir nous mouiller beaucoup, aussi prenons-nous la précaution de faire fermer la voiture. Sestri n'est pas une ville de 10,000 habitants comme Chiavari. Chiavari est joli et respire l'aisance. La ville présente une certaine étendue, et la rue principale est dallée et longée d'antiques arcades, avec des colonnes massives et basses, bien conservées, sous lesquelles je tâchai de découvrir des boutiques de manufactures. Sestri n'a rien de tout ceci. Peu de temps après l'avoir quittée, la route commence à monter, et cette montée dure plus de deux heures. Comme hier ces détours continuels offrent sans cesse des surprises subites; celle que vous présente le panorama de la Méditerranée, encadré par des rochers d'une couleur foncée, très-vigoureuse, est vraiment surprenant. Bientôt c'est une carte immense, un relief, qui s'étend autour de vous, mais âpre, aride, inculte, désolée, inhabitée. La roche est presque nue; rien qu'un brin de bruyère, qui vous montre sa fleur rouge, à peine éclose, et de malheureux enfants en haillons, dont le type est souvent joli, tendent la main à la portière.
Enfin on est à la descente, et hommes et animaux se reposent à l'hôtellerie de Baraques, appelée ainsi du nom de la montagne qu'on vient de franchir. Ces petits hôtels qu'on rencontre sur la route sont froids et peu comfortables, mais d'une grande propreté. On y est joliment écorché. Pour un pain, du beurre et quatre oeufs, on m'a fait payer 9 frs. Le lendemain matin la
| |
| |
femme de l'hôtelier vint nous offrir des châles et d'autres petits objets en blonde: c'est l'industrie du pays. Passant dans les rues des villages ou bien le long de la route, on voit de longues files de femmes ou bien des groupes occupés à ce travail. On confectionne également partout des morceaux de soie et de velours, faits à la main. Que se passe-t-il dans ces lieux déserts et effroyables, l'hiver, la nuit, à la pleine lune, quand le vent souffle et que la neige tournoie en rondes tumultueuses? Quelles visions doivent surgir, quelles tentations de suicide, quels vertiges, qui prennent subitement le passant solitaire? Après les Baraques c'est une suite uniforme et monotone de montagnes. Les montées recommencent de nouveau et cela devient même assez fastidieux, au point même que les paupières s'allourdissent, mais c'est comme un fait exprès, car au sommet tout d'un coup la route débouche sur la fertile vallée de Borghetta, avec la Spezzia et son golfe au fond, serré entre les rochers. Quand le ciel est bleu et que la mer est éclairée des rayons du soleil, la vue doit être ravissante. Malheureusement le soir tombait et d'ailleurs l'air était brumeux, les contours manquaient de précision et la mer était incolore. Puis, comme bien des choses en Italie, il ne faut pas essayer de voir la vallée en détail et d'y pénétrer, il faut en admirer la disposition, l'effet que, comme décoration, elle fait dans le paysage, non y descendre par la large route en zigzag, comme nous y fûmes obligés. Les maisons sont piteuses, et les oliviers toujours pâles et rabougris ne contribuent nullement à l'embellir. A six heures nous étions dans la ville, petite, gaie, bruyante, pleine de vie maritime. C'est une ville visiblement en progrès. Je
pourrai juger demain de la situation, qui doit être belle. Ce soir je ne connais encore de la Spezzia que l'hôtel de la croix de Malte, qui est excellent. Je retrouve ici mes lavabos scandinaves, c'est-à-dire les trépieds de tragédie classique, et l'on me dit que je les
| |
| |
rencontrerai partout en Italie. A la bonne heure, car c'est de la couleur locale. Dans le nord il faudrait plutôt des menhirs en miniature, que j'aimerais mieux, étant plus solides et offrant une plus grande étendue.
| |
Vendredi 8 Mars.
- Le golfe de la Spezzia est devant moi, toujours des nuages et un pâle soleil qui fait ce qu'il peut. Relief comme hier, comme avant-hier. Depuis les huit jours que je me trouve en Italie elle me semble avoir l'air d'hésiter entre deux températures: celle qui vous donne le ciel clair, profond, splendide, bleu aux magiques clartés, aux contours précis, et le mistral; l'autre nuageux, brumeux, opaque, qui vous régale d'ombres et de silhouettes, avec une atmosphère douce, bienfaisante, caressante, moite, quelquefois un pâle rayon et la pluie. La première vous laisse pour souvenir un rhûme de cerveau bien conditionné, l'autre ne vous en laisse aucun.
Le golfe est devant moi, paisible, argenté, des clartés blafardes passent sur la surface des vaisseaux; pour ce jour-là l'escadre italienne est amarrée entre deux rochers qui l'étreignent comme des serres de homard. Je conçois fort bien qu'il ait tenté Napoléon.
Le changement du climat par rapport, non aux nécessités pittoresques, mais à la respiration et au bien-être est fort sensible à la Spezzia. Il paraît que les détestables vents et l'air piquant, qui me désespéraient et m'agaçaient les nerfs, sont restés de l'autre côté des montagnes. Nous buvons un vin délicieux qui s'appelle du Cinque Terra et qui croît dans les environs. Il a le goût très-particulier et ressemble à un paxarête affaibli. Sa couleur ambrée est celle des belles grappes rousses de Rubens et de Jordaens. Sur les plus hautes montagnes nous voyons de la neige.
Comme tous les trains italiens, celui qui devait nous mener
| |
| |
à Pise était d'une lenteur fabuleuse et qui ne peut se comparer qu'à celle de certaines pataches de province. Chose incroyable! il ne faisait que s'arrêter et prolongeait indéfiniment ses arrêts, mais finissait cependant par arriver. Les conducteurs sont sales, les stations des masures. Nous passons devant le pont d'Arcole et les marbrières de Carrare. D'immenses blocs de marbre sont là sur le grand chemin comme d'ignobles cailloux. Seront-ils dieux, tables ou cuvettes? Cuvettes, semblent prétendre les employés du chemin de fer, et pourtant pas le moindre industriel pour m'en vendre. J'y avais un peu compté, mais cette industrie-là n'est pas du fait des Italiens.
La puissance de Pise ne fut qu'un feu de paille dans l'histoire. Maintenant c'est un cadavre, couvert par le linceuil d'un ciel gris et lourd. Rien de plus triste que Pise: larges rues désertes, maisons d'une couleur terne et monotone, se mariant mélancoliquement à l'eau sale de l'Arno qu'on ne voit pas couler, mais sur la surface de laquelle glisse lentement un rare bateau, puis silence partout. On ne s'entend pas même marcher, c'est le repos prédécesseur de celui qu'attend bientôt le pauvre malade qui vient chercher ici un dernier remède, un dernier moyen de respirer.
A un recoin de la ville les quatres célèbres monuments, couleur de boue comme Pise et toute l'Italie, se consolent entre eux. La place nue, sans arbres, tapissée d'un gazon mal entretenu, sans un banc pour s'asseoir et contempler à son aise ces étonnantes structures, semble petite et étroite. On se dit: N'est-ce que cela? et on est tenté de prendre ces monuments, trop près les uns des autres, pour des jouets de jeunes géants.
Le long d'une partie du Lung' Arno on se promène derrière de hauts parapets comme derrière les parallèles d'une ville assiégée. Ces parapets sont nécessaires pour parer aux coups de tête de l'Arno qui se réveille quelquefois en sursaut.
| |
| |
Pise a toujours son vieux mur d'enceinte. Comment se fait-il que la république ait consenti à y adosser ses temples les plus précieux et les placer ainsi à l'endroit le plus exposé en cas d'invasion et d'assaut? Le Baptistère est fait comme d'hier. Un des bas-reliefs en marbre de la chaire, horriblement mutilée par un des Médicis: le Christ dans l'étable et l'apparition aux bergers, fait l'effet d'être antique. Il est du moins d'un style différent des autres panneaux. La résonnance y est merveilleuse. La cathédrale obscure et pleine de cierges allumés fait une impression magique. Malheureusement, et à cause de cette obscurité même, les tableaux ne sont guère visibles. Cependant je distinguai assez bien les peintures de saints d'André del Sarto et de Périn del Vaga. La sainte Agnès du premier est délicieuse de pinceau et de figure; on commence, en découvrant des choses pareilles, à trouver un peu moins ennuyeuse la peinture italienne. Dans deux niches au-dessus d'un autel je remarquai deux statues de guerriers ou d'empereurs romains, rapportées probablement par les Pisans comme butin dans une de leurs razzias. Je demandai au cicérone, qui étaient ces deux saints. Ce sont St Hippolyte et St Ephèse. Le vieux lustre oscille pendant trois quarts d'heure, lorsqu'on y a légèrement touché. Je comprends fort bien que les traits de génie qui viennent aux personnes à l'église, ainsi que Galilée en offre un exemple, sont en raison de l'ennui et des banalités des sermons qu'on y débite. On nous montra un tabernacle en argent d'un travail de ciselure et de repoussé, d'une habileté et d'une grâce incomparables. Je grimpai jusque sur le toit pour regarder le panorama de la place.
Comme contraste frappant et extrême, la vieille Pise, déserte et déchue, vient de se permettre le luxe d'un nouveau théâtre, en exploitation depuis deux hivers. Rien de plus frais, de plus gai, de plus élégant. Je ne crois pas qu'à Paris il y ait un seul théâtre qui puisse rivaliser avec celui-ci en confort et en
| |
| |
commodité. Les loges, avec leurs jolis cabinets bien éclairés, ont de bons canapés et des chaises, où l'on est à son aise et où l'on n'a pas besoin de se tordre le cou pour avoir un regard sur la scène. Le vestibule est parfaitement abrité contre les courants d'air, et par une porte à larges et belles glaces, qui donne sur le parterre, on a un coup d'oeil général sur la scène et sur la salle. L'édifice a l'air d'un salon. Des espèces de suisses d'église en font les honneurs. La salle est bien remplie, pas de loges vides et beaucoup de jolies femmes du monde très-élégantes. Les cavaliers avaient l'air de faire partie de la troupe de Franconi. Le stuc joue un grand rôle dans l'ornementation de l'intérieur. Le plafond et le lustre sont d'un goût parfait, et la toile principale, très-bien peinte, représente Goldoni, lisant un sonnet au jardin public. La seconde est jaune-tendre et figure en recouvrir une autre en velours rouge mais ce n'est qu'un artifice pour faciliter la rentrée des acteurs qu'on rappelle. On jouait la Sappho de Pacini. Comme à Gênes l'orchestre ne se gênait pas. La basse-taille s'égosillait. Les deux femmes étaient excellentes; le ballet fort joli, la mise en scène et les décorations pouvaient hardiment soutenir la comparaison avec les meilleurs théâtres de Paris. Cependant le costume de Sappho était sans goût et le choeur, composé de créatures hideuses. Sérieusement, cette laideur surpassait tout ce qu'on pourrait en dire. Dans le ballet je remarquai huit lestes et fringants abbés, représentés par des jeunes filles. Il y a encore à gauche une grande et belle salle d'attente, bien chauffée, où les dames attendent que leur
voiture soit avancée. Le théâtre a coûté 800,000 francs. Deux salles qui doivent servir de salles de conversation - donc des espèces de foyers - ne sont pas encore prêtes.
Les Italiens jettent leurs pardessus sur les épaules, sans passer les bras dans les manches. Les paysans portent toujours leur veste sur une des épaules. Je me suis demandé pourquoi
| |
| |
ce genre? C'est à cause des fréquentes variations de l'air, comme à Paris le paletot sur le bras.
Les voitures de place sont si propres, si commodes, si bien entretenues qu'on se croirait souvent dans une voiture de maître. Il y en a trop pour le service de la ville; les cochers sont très-bons enfants.
Quand un évêque est mort, on pend son chapeau de tous les jours, qui ne doit faire peur qu'à son successeur, au-dessus de la pierre de son tombeau et on le laisse là jusqu'à ce que le cordon auquel il est attaché se rompe, de même que dans l'ancien temps les cadavres des suppliciés à la potence, mais, comme ici il manque de corbeaux, je me demande quel est celui qui remplit les fonctions de ces volatiles et comment on s'y prend, quand un évêque expire, tandis que le chapeau de son prédécesseur se balance toujours gaiement au-dessus de la dalle tumulaire.
La visite au Campo Santo est extrêmement fatigante, puisque d'abord on se trouve trop près des tableaux et que pour voir la série supérieure il faut se donner un torticolis et un lombago à la fois, puis les fresques sont si incomplètes, la plus grande partie en est tellement perdue et les couleurs ont si fort pâli ou disparu, malgré les tristes restaurations et retouches, que le vertige vous prend à tenir si longtemps les yeux sur ce papillotage et à regarder la muraille, croyant avoir à faire à un tableau. C'est un peu l'histoire de l'empereur de la Chine et du fameux tissu que tout le monde avait intérêt à voir sans qu'il existât. Cependant, ce qui en reste jusqu'ici - car dans une cinquantaine d'années il n'y aura plus rien du tout, et l'incurie italienne ne fait rien pour arrêter les progrès du mal - est toujours extrêmement intéressant, surtout pour l'histoire de l'art, dont on y peut constater les progrès, puisqu'on y a si longtemps travaillé. En voyant les pages de Gozzoli, on se sent prendre par l'envie d'avoir voulu voir le
| |
| |
Campo Santo neuf et resplendissant de toutes ces belles fresques, car vraiment dans les figures du vieux maître il y a des parties d'un grand talent et des figures ravissantes. Quant à la célèbre trilogie, inspirée par le Dante, cela est profond, philosophique, pensé avec énergie et originalité. C'est en un mot d'une grande imagination, mais ce n'est dans ses détails qu'une promesse. L'ensemble est tout bonnement laid. Seulement il faut quelque courage pour oser le dire. L'extérieur uni et nu du cimetière ressemble à une espèce de boîte, au tabernacle juif dans le désert, mais à l'intérieur le pourtour gothique, ses fines colonnettes du plus beau travail, son antique toiture en bois, ses proportions, tout cela est imposant, seulement le parallélogramme est trop long en raison de sa largeur et le jardinet mal entretenu, où fleurissaient des narcisses inodores, est mesquin. On ne voit pas le tombeau d'Orcagna. Barbier qui nous l'y représente les bras croisés et la tête sur son coussin sculpté, dans les plus beaux vers qu'on puisse écrire, a pris pour la tombe du peintre celle d'un vieux chanoine, mais Gozzoli dort comme Thorwaldsen au milieu de son oeuvre.
L'escalier du Campanile est facile et la vue prise du sommet doit être très-belle et, lorsqu'il ne pleut pas, très-étendue, mais il pleut toujours.
J'entendais dire à un dîner, où je me trouvais, qu'aucun Italien n'avait lu la Bible. Il leur était bien permis de lire la Vulgate, mais personne ne la lisait. Un convive soutenait que, si on portait l'instruction aux Italiens, la nation était tellement intelligente que personne ne voudrait plus exercer une profession et que tous se mettraient à vouloir faire le docteur - celui qui disait cela n'était nullement clérical, au contraire - ainsi donc laissez-leur leur ignorance par égard pour les nécessités de la société.
Il y a sur le quai de l'Arno un palais - tout est palais en Italie - un palais en marbre de Carrare, lequel on a jugé bon de
| |
| |
badigeonner en jaune. Ce palais appartient à cette heure à la famille Lanfreducci. Au-dessus de la porte d'entrée se trouvent les mots: alla giornata, et pend une chaîne, ce qui a donné lieu à bien des commentaires. Comme le palais a été construit sur l'emplacement même où se trouvait anciennement l'église de St. Blaise, cette chaîne peut avoir été comme une relique qu'on a voulu conserver, un souvenir quelconque de ce temple. Dans la chambre à gauche en entrant se trouve un tableau du Guide: la Charité chrétienne, représentée comme un ange qui, après avoir lié Cupidon à un rocher, s'apprête à brûler son carquois et ses flèches. Cupidon a l'air d'un moutard anglais qui s'obstine à ne pas vouloir entrer au bain. C'est le type d'un méchant enfant, mais merveilleusement peint, de même que l'ange, qui est d'une grande noblesse de chairs et d'attitude. C'est visiblement le même modèle qui a servi pour le Saint-Sébastien du palais Brignoli à Gênes. On ignore, assure-t-on, comment ce tableau est arrivé là.
| |
Mercredi 13 Mars.
- Enfin le voile s'est déchiré, et nous quittons Pise pour Rome par un soleil magnifique. Le train part à 11½ heures. La route n'offre rien de particulier. De mauvaises prairies, des montagnes au loin. Le train va comme toujours, lentement. Les arrêts sont longs. En Italie jamais d'agitation. Tout se fait d'une manière pacifique. Le soir tombe, on passe par quelques tunnels, on entend crier: Civita Vecchia, et vers dix heures le train s'arrête dans un modeste débarcadère, triste et mal éclairé: c'est Rome!
|
|