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IV.
La mission du comte de Berlaimont à Liége ne fut pas infructueuse. Il revint vers la fin d'avril, amenant avec lui trois mille houilleurs et vingt pièces de canon que la ville de Liége offrait à Farnèse, comme témoignage de fidélité et de sympathie pour le succes de ses armes. Ce secours fut reçu par les Espagnols avec la plus grande joie, la plus grande partie de leurs pionniers ayant été mis hors de combat dans les précédentes attaques et notamment à la sanglante journée du 8 avril. Les Liégeois offrirent encore à Farnèse de la poudre, des boulets, des machines de guerre de tout genre.
Disons-le en passant; dans la lutte héroïque de la Belgique et des Provinces-Unies contre l'Espagne, Liége ternit son blason d'une manière honteuse, en offrant à
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l'étranger des armes contre ses compatriotes. L'histoire qui n'a personne à ménager, appelle de pareilles actions des infâmies. Tandis qu'Anvers, Audenaerde, Leyde, Haarlem, Turnhout, Tournay, Mons, Bruxelles, Naerden, tombaient pierre à pierre sous le canon espagnol et ensanglantaient leurs ruines, Liége offrait ses armes et ses bras à un ennemi qu'elle pouvait écraser par un seul soulèvement. Pris entre Maestricht, Anvers et Liége, pas un Espagnol ne fut resté debout pour mander à Philippe II, comment la Belgique répondait au cartel qu'il lui avait jeté par la main d'Alvarez de Tolède, duc d'Albe, soldat-bourreau que l'histoire a placé à côté des plus sanglans proconsuls romains.
Le ravelin que Tapin avait élevé devant la porte de Bruxelles, parut à Farnèse devoir être désormais le but et le point central de l'attaque. Non-seulement il balayait le fossé par le feu meurtrier de ses flancs, mais il commandait la campagne et empêchait toute attaque de front. Fort du secours qu'il venait de recevoir et voulant suivre le conseil de Serbellon, Alexandre fit confectionner quelques milliers de fascines et d'énormes gabions qui furent placés pendant la nuit vis-à-vis du ravelin. Une foule de femmes allemandes qui se trouvaient dans l'armée furent surtout employées à cet ouvrage. Le feu de la place et les fréquentes sorties d'un brave capitaine Maestrichtois, Bastien François, auquel Melchior de Heerle avait donné la compagnie de Blommaerts, ne purent empêcher les Espagnols de pousser vigoureusement l'édification de leur plate-forme qui se fortifiait chaque jour davantage. Bientôt elle fut parachevée et put recevoir quatre pièces de brèche et une compagnie de mousque- | |
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taires. Ce cavalier, pour nous servir des termes du métier, était de forme quarrée, chaque face ayant cent quinze pieds de largeur, sa hauteur était de cent trente-cinq, et commandait le ravelin et la porte de Bruxelles. Les feux plongeans de ce formidable ouvrage, sorti de terre comme par enchantement à la voix de Farnèse, forcèrent les assiégés à abandonner la première enceinte du ravelin que le canon battait en brèche, tandis que la sape et la mine achevaient de le ruiner complètement. Repoussés ainsi d'enceinte en enceinte jusqu'au mur de la ville, les malheureux habitans purent prévoir en quelque sorte le moment où il ne leur resterait plus qu'à s'ensevelir sous les
ruines de cette cité qu'ils avaient si héroïquement défendue.
Maîtres du ravelin, non sans l'avoir chèrement acheté, les Espagnols le rétablirent autant que possible et l'armèrent de quelques pièces de canon, au moyen desquelles ils achevèrent de ruiner les tours de la porte de Bruxelles qui défendaient encore l'approche du fossé principal et de la muraille d'enceinte de la ville. Canonnés du haut du cavalier qui dominait le rempart et par le front du ravelin que l'on avait rétabli, les assiégés furent après de grandes pertes obligés d'abandonner la porte de Bruxelles et les tours qui la défendaient. Possesseurs de ces ouvrages etde la muraille d'enceinte, les Espagnols n'étaient plus séparés des assiégés que par le fossé etle retranchement du second rempart que Tapin avait fait élever derrière le premier. Ce retranchement auquel des milliers d'hommes, de femmes et d'enfans avaient travaillé avec une ardeur incroyable, était én forme de demi-lune et défendu par un fossé de quarante-cinq pieds de profondeur; la position de eet ouvrage était vis-à-yis l'église de St-Servais.
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N'ayant plus cette fois à craindre le feu des tours de la porte, qui lui servait maintenant à empêcher les assiégés de défendre les approches du fossé, Farnèse fit entrer daus le fossé de la place trois compagnies de mineurs qui creusèrent les fondemens de la muraille d'enceinte avec un tel succès, qu'au bout de quelque temps, cent quarante pieds de muraille tombèrent du côté de la porte de Tongres, tandis qu'à gauche du côté de la porte de Bois-le-Duc, l'écroulement fut assez considérable pour permettre aux soldats de s'y développer et de s'établir sur les débris, au moyen desquels ils commencèrent à combler le fossé du second retranchement. Un enseigne, Camille Manillio, fut le premier qui arbora le drapeau Espagnol sur la muraille au milieu de la fusillade; il en fut récompensé par Farnèse qui le gratifia d'une chaine d'or et d'une compagnie de Wallons.
La prise du ravelin et de la porte de Bruxelles, quelque funestes qu'elles fussent aux assiégés, ne leur ôtèrent rien de leur intrépidité ni de leur constance; décimés par le canon et par les furieux combats qui avaient accompagnés la prise du ravelin et de leurs remparts, ils songeaient à lutter jusqu'au bout, mais non à so rendre. Deux mille habitans avaient succombé, la garnison était réduite de 1200 hommes à 400, qui presque tous étaient blessés, deux cents femmes étaient tombées victimes de leur héroïque courage, Tapin blessé d'un coup de mousquet au bras, toujours calme et souriant, réédifiait les murs et faisait payer chaque pouce de terrain par des flots de sang espagnol. Au milieu des débris sanglans et des décombres labourés par les boulets, son front n'avait pas perdu un seul moment son héroïque sérénité, mais tous ne la par- | |
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tageaient plus, les débris de la garnison lassés d'une latte dont ils prévoyaient la mortelle issue, et croyant du reste avoir fait preuve d'assez de constance et de valeur, vinrent trouver le conseil de défense composé de Melchior de Heerle, de Tapin et de quelques indomptables doyens de métier qui avaient pris au sérieux le serment de s'enterrer sous les ruines de leur patrie, plutôt que d'en céderun pied à l'étranger, aussi long-temps qu'ils auraient un souffle de vie.
La députation de la garnison se composait de quelques vieux soldats qui, pendant tout le siége, avaient donné de hautes preuves d'intrépidité. Tous étaient plus ou moins gravement blessés, leurs figures pâles et amaigries, leurs vêtemens en lambeaux, les faisaient plutôt ressembler à des bandits affamés et proscrits qu'à de courageux et de nobles soldats. Ce fut d'Harcourt qui prit la parole.
- Messires, dit-il d'une voix triste, ces braves gens que voici et qui ont jusqu'ici assez payé de leur personne pour que nul ne suspecte leur courage, m'ont prié de vous demander quelles étaient vos intentions quant à l'avenir de la défense de la place. Je ne veux décourager personne, mais la ville ne peut plus résister à un assaut; quatre remparts que nous avons défendus pied à pied, n'ont pas empêché l'ennemi de se rendre maître des murailles. Tous nos gens sont blessés, la poudre manque, quant aux vivres je n'en parlerai pas, depuis q'uinze jours, nous n'avons plus que quatre onces de pain. Tous nos ouvrages extérieurs sont au pouvoir de l'ennemi, trois cents pieds de muraille comblent le fossé de votre dernier retranchement. Qui donc dans de telles circon- | |
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stances oserait nous blâmer d'accepter une capitulation qui ne pourrait être qu'honorable.
- Camarades, dit de Heerle, nul plus que moi n'a admiré votre héroïque courage, mais ce n'est pas à moi à vous donner une réponse à votre mission. Chaque habitant de Maestricht a acheté de son sang le droit de jeter sa voix dans la discussion où s'agite cette importante question qui touche leur honneur. Je crois cependant pouvoir vous prédire leur réponse.... Ils sauront mourir, mais je doute qu'ils se rendent! Du reste, vous allez en juger, nous allons faire assembler le peuple au Vrythof, suivez-nous, messieurs.
Le rappel du tambour et la vue des chefs se dirigeant vers l'église St-Servais, eût bientôt fait comprendre aux assiégés qu'il s'agissait d'une importante communication: en un moment la place fut comble.
Le silence s'étant rétabli, Melchior fit part aux habitans de la communication de la garnison et de leurs propositions.
Un cri général d'improbation et d'indignation suivit ces paroles; hommes, femmes, enfans, tous protestèrent par leurs imprécations contre ce qu'ils appelaient une lâcheté.
- Compagnons! s'écria le capitaine Bastien, jurez-moi devant Dieu qui vous écoute et qui vous sauvera, de traiter en ennemi de la patrie, celui qui parlera de se rendre, tant qu'il nous restera une épée pour nous défendre et un bras pour la porter.
- Nous le jurons! fit l'immense voix de la foule.
- De n'accepter de l'ennemi, ni trève, ni capitula- | |
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tion, et de poignarder le premier qui oserait parler d'une honteuse transaction.
- Oui! oui! à mort les soldats! les étrangers!
- Par la sainte-croix de Dieu! avez vous oublié qu'il n'y a pas d'étrangers ici, dit Tapin d'une voix éclatante, nous avons tous payé notre droit de cité, au prix de nos blessures, sur douze cents hommes que je vous ai amenés, comptez ce qu'il en reste, une poignée de mutilés que vous osez insulter et menacer de mort! Si c'est-là votre reconnaissance et lé prix de notre sang, mieux valait pour nous vous abandonner à votre sort, nous le pouvions, nous le pouvons encor, mais il s'agit ici d'honneur et de courage et vive Dien! Sébastien Tapin ne souffrira jamais qu'on suspecte celui de ses soldats, moins encore le sieu! Or écoutez bien ceci: le premier d'entre nous qui parlera de se rendre à l'ennemi, fut-il dans nos murs, qu'il soit traité comme lâche et félon, j'ai un serment à remplir moi, et vous avez une patrie à défendre, j'ai juré au prince d'Orange et aux Etats de défendre Maestricht, je remplirai mon devoir. Si l'ennemi pénètre dans la place, que chaque maison devienne une citadelle, chaque église une forteresse et alors, si nous tombons, c'est que Dieu le voudra, car nous aurons fait tout ce qu'il est donné à des hommes de faire!
- Vive Tapin! Noël pour notre brave commandant! Aux armes! aux remparts! crièrent d'une voix unanime les témoins de cette scène imposante.
- Ainsi vous l'entendez, pas de quartier aux ennemis! pas de conditions, quelles qu'elles soient, dit de Heerle aux habitans, et aux soldats.
- Non! non! Mille morts plutôt, hurla la foule.
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- Aux remparts alors! dit Tapin en étenda ut la main vers St.-Servais, car voici les messagers de l'Espagne qui nous annoncent que le combat recommence!
En effet, quelques boulets venaient de frapper la tour de St.-Servais, tandis que d'autres traversaient l'air avec un sifflement sourd. En un moment la place fut déserte, hommes, femmes, enfans même s'élancèrent vers la porte de Bruxelles ou tous les efforts de l'ennemi semblaient s'être portés depuis la prise du ravelin.
Les assiégés, comme nous l'avons d it, n'étaient plus séparés des Espagnols que par un fossé de cinquante pieds de largeur et de quarante de profondeur. La demilune, dernier rempart des assiégés, était bien armée et empêchait l'approche du fossé principal, que les ennemis s'efforçaient de combler pour amener leur artillerie sur les murs de la ville, d'où ils auraient pu détruire la demilune par la supériorité de leur position. Alexandre conçut un hardi dessein: il fit jeter sur le fossé de la muraille d'enceinte un pont dont la construction s'opéra sous le feu de l'ennomi. Prêchant d'exemple plus que de paroles, l'ouvrage avançait rapidement, lorsque deux charpentiers sont enlevés à côté de Farnèse par un boulet; un instant après une poutre qu'il remuait avec un soldat fut cassée par un second boulet, sans que le chef espagnol perdît un instant sa tranquillité d'esprit et son activité. Un pareil exemple ne pouvait manquer d'électriser l'armée entière. Enfin après des efforts surhumains, et après avoir perdu plus de deux cents hommes à la construction de ce pont, on parvint à établir une batterie sur le fossé en face de la demi-lune, dont l'attaque fut fixée au 24 juin.
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A cinq heures du matin le canon espagnol commença à tonner contre le centre de la demi-lune et contre ses deux extrémités, qui paraissaient plus faiblement défendues que le reste. La compagnie de Lopez Urquize, les Wallons et les Bourguignons n'attendaient pas que la brèche fut pratiquée pour s'élancer dans le fossé, où ils s'efforçaient d'arracher les pieux ferrés qui empêchaient l'approche du rempart. Pendant ce temps et pour détruire les assiégés, les canons du comle de Berlaimont faisaient un feu terrible sur la crète de la demi-lune et foudroyaient à portée de pistolet tout ce qui avait l'audace de s'y montrer. Figueroa et Valdez animaient de la voix les pionniers et les mineurs qui parvinrent enfin à loger une mine dans l'angle gauche du rempart, et se retirèrent après y avoir jeté une mêche d'une longueur calculée sur le temps nécessaire à leur retraite. Tout-à-coup une détonnation sourde se fait entendre, le mur de revêtement s'écroule avec une grande masse de terre et comble une partie du fossé vers lequel s'élancent aussitôt une foule d'assaillans; le fossé est comblé d'ennemis qui cherchent à l'envi à parvenir les premiers sur la brèche, déjà un enseigne de Valdez est parvenu sur la crète de la demi-lune, oà il se défend avec un héroïque courage, lorsque soudain une détonnation effrayante se fait entendre: du fond du fossé s'elance un torrent de flammes qui brúle, consume et étouffe les Espagnols. Des cris affreux se font entendre, le fossé n'est plus qu'un volcan qui vomit des flammes et lance en l'air, en guise de lave, des cadavres noircis et défigurés. Un moment
d'hésitation se fait sentir dans les rangs ennemis. Tapin profite de ces instans pour faire tonner sur les Espagnols toute son
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artillerie qui broie sous sa mitraille des rangs entiers. Les femmes, les enfans jettent sur l'ennemi des matières brûlantes ou l'écrasent sous les pavés. Le fossé est déblayé. Alexandre qui a assisté à l'assaut, fait retirer les troupes, et l'artillerie de la muraille qui s'est tue pendant quelques momens, continue de démolir ce que la mine des Espagnols a commencé. Un vaste pan de décombres s'ébranle avec bruit, et aussitôt les soldats de Figueroa qui veulent venger sur l'ennemi leur dernière défaite, s'élancent l'épée ou la dague au poing vers la brèche, avec une fureur si aveugle et si irrésistible, que les assiéges sont refoulés jusqu'à leur dernier retranchement. Cependant Tapin, armé d'une hache et suivi de Lesly et de quelques vigoureux bourgeois, rétablit les chances du combat; la tuerie est renfermée dans un si étroit espace, que les armes longues deviennentinutiles. Chaque soldat s'y choisit un ennemi avec lequel il lutte jusqu'à ce que l'un des deux tombe. Les assiégés se battent avec un morne et muet désespoir, qui rend le combat plus terrible encore. L'artillerie cesse de tonner, chaque pouce de terrain est conquis, repris, au milieu des flots de sang. Les blasphèmes se mêlent aux hourras de victoire et aux cris des blessés. Un moment les Espagnols sont repoussés et culbutés du rempart, le comte de Berlaimont qui s'avance pour encourager les siens, est frappé d'une balle qui brise son armure à l'épaule gauche et lui sort par l'épaule droite. Un cri s'élève parmi les Espagnols qui croient un moment que Farnèse vient d'être atteint, lorsque ce dernier s'avance, la pique à la main, et ramène la compagnie de
Lopez Urquize qui s'élance, la pique basse, vers les assiégeans, déjà affaiblis par trois
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heures de combat désespéré. Mansfelt, pendant ce temps, a fait pointer du haut de la tour de Bruxelles une petite pièce de canon dont le premier boulet donnant dans le mut de revêtement, y produit des éclats meurtriers. Tapin, frappé à la tempe par un morceau de granit, tombe ensanglanté en criant à ses soldats d'avancer.
- En avant mortdieu! compagnons ne vous inquiétez pas de moi, ce n'est qu'une égratignure, tenez ferme et frappez au visage!...
Le sang qu'il perd avec ses forces fait mollir enfin l'indomptable courage de Tapin, c'est en vain qu'il veut se relever en s'aidant de Lesly et de quelques habitans, il tombe sans connaissance entre leurs bras et Lesly le couvrant de son corps le lait emporter derrière le dernier retranchement.
Le bruit de la mort de Tapin qui se répand parmi les assiégés fait enfin cesser le combat; ils effectuent leur retraite sous les ordres de Melchior de Heerle et de Manzan et se retirent dans leur dernier retranchement après avoir détruit la demi-lune pour qu'elle ne puisse pas servir aux ennemis.
La perte des Espagnols fut grande: cinq cents hommes y furent tués ou blessés, les habitans y perdirent la moitiè des débris de l'héroïque garnison et plus de trois cents des leurs; la poudre allait manquer, leurs combattans étaient couverts de blessures, l'ennemi n'était plus séparé d'eux que par un fossé et une simple levée en terre, armée de huit pièces de canon qui allaient bientôt, faute de munitions, devenir inutiles, tout espoir de secours était perdu et cependant nul ne parlait de se rendre!
Tant de courage ne pouvait être indifférent au duc de
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Parme qui depuis le commencement du siége avait plusieurs fois manifesté son admiration pour ces héroïques bourgeois qui avaient repoussé et vaincu dans des combats corps-à-corps, ses vieilles bandes espagnoles sillonnées de cicatrices dont chacune rappelait une victoire, ses soldats italiens et bourguignons dont l'impétueux courage trouvait peu d'obstaclés et ses invincibles Wallons noirs du comte de Roeulx, espèce d'enfans perdus dont le panache flottait toujours au plus épais des mêlées. Il songea donc à sauver la ville des horreurs d'un sac qui ne pouvait faillir d'être sanglant, chaque soldat ayant un ami ou un parent à venger. Ce fut donc dans ces pensées que Farnèse envoya aux assiégés un parlementaire pour leur proposer ses conditions, dans lesquelles perçaient l'admiration du général espagnol pour la malheureuse cité.
Le 25 juin, à huit heures du matin, tandis que les assiégés s'occupaient à ajouter de nouvelles défenses à leurs derniers retranchemens et renforçaient le rempart de pieux ferrés, de fourneaux, de mines, élévaient la crète du rempart et se préparaient, malgré l'échec de la veille, à une nouvelle défense plus désespérée que jamais, on vit se présenter, sur le glacis, un trompette portant un drapeau de parlementaire, qui précédait de quelques pas un officier, qu'à sa mine fière et hautaine, à son profil sévère, à sa moustache en raffiné, on reconnaissait pour être un espagnol. Parvenu au bord du fossé, le trompette s'arrêta, agita son drapeau blanc et sonna par trois fois. Lesly, qui se trouvait sur le rempart lui demanda ce qui l'amenait:
- Une communication de son Altesse le duc de Parme, dit l'officier.
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Le pont se baissa, une troupe de bourgeois armés se présenta pour recevoir le parlementaire. Melchior de Heerle, prévenu de cette circonstance, accourut suivi de quelques Danois.
- Otez son bandeau à ce gentilhomme, capitaine Lesly, dit de Heerle à l'Écossais qui avait, selon un vieil usage de guerre, couvert les yeux du parlementaire avec son écharpe, il est bon qu'il sache quels sont nos moyens de défense et l'attitude de nos soldats, afin qu'il puisse dire à son maître ce que Maestricht lui coûtera s'il avait encore l'espoir de l'emporter sur ses héroïques défenseurs.
Le bandeau ôté, le gentilhomme jeta ses regards autour de lui, il se trouvait dans une vaste enceinte, au devant de laquelle s'élevait un rempart, fait en deux nuits par un des miracles de patriotisme que l'Espagne réalisa dans la guerre de 1810, autour de lui deux mille hommes s'étendaient en haie, appuyés sur leurs armes et jetant sur lui des regards mortels de baine. Des femmés, des enfans, la pioche et la pelle à la main, travaillaient à creuser un nouveau fossé derrière le rempart, dernier obstacle qui les séparait de l'ennemi. Des détachemens du corps des métiers, la plupart couverts de blessures, fourbissaient leurs armes, creusaient de nouvelles embrasures et de nouvelles plates-formes de batteries, avec le plus grand sang-froid; tout portait l'empreinte d'une seule pensée: mourir! mais non se rendre.
Après avoir contemplé pendant quelque temps cet émouvant spectacle, l'Espagnol s'adressant à de Heerle, lui demanda s'il était le gouverneur de la place. Celui-ci fit de la tête unsigne affirmatif.
- Alors vous tous qui m'entourez, écoutez-moi, dit le
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parlementaire, moi don Ingo-Alfonso d'Aguilar, comte de Haro, parlant au nom d'Alexandre de Farnèse, duc de Parme et de Plaisance, général en chef de Sa Majesté le roi Don Philippe II, notre maître, gouverneur général des Pays-Bas, vous fais à tous savoir ceci:
Le duc de Parme, touché de votre constance et de votre intrépidité et voulant vous prouver toute son admiration pour des qualités employées à défendre une aussi méchante cause, voulant d'ailleurs vous épargner les suites terribles d'une lutte folie et aveugle contre son invincible puissance, vous mande par ma voix, qu'une plus longue résistance sera considérée par lui comme une preuve d'opiniâtreté inutile et comme un mépris de la clémence qu'il veut bien vous témoigner; or voici les conditions qu'il vous accorde:
Les prédicateurs héritiques seront jetés à la Meuse en réparation de la mort d'Alexandre Cuvalca et des soldats de Sa Majesté auxquels vous avez fait subir ce supplice.
Les habitans auront la vie sauve, la ville sera à la disposition du vainqueur avec tout ce qu'elle contient: faute d 'accepter ces conditions, Maestricht sera livré à l'épée et au bon plaisir du soldat. J'ai dit.
Melchior de Heerle imposa silence de la main aux habitans que la morgue insolente de l'envoyé avait exaspérés au plus haut point; puis prenant l'ambassadeur par la main, il le reconduisit devant le rempart.
- Vous prendrez ce rempart, mais vous y perdrez 500 hommes; pour parvenir ici, vous en aurez un second à emporter, vous l'emporterez peut-être enfin, mais votre victoire coûtera à l'Espagne plus d'or et de sang que n'en vaudront l'amas de ruines que nous sommes dé- | |
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cidés à vous laisser. Il vous faudra forcer chaque maison, conquérir le sol pied-à-pied, puis quand tout espoir sera perdu, nous ferons sauter la ville. Voilà notre réponse, n'est-il pas vrai, compagnons!
- Pas de capitulation! pas de pacte avec l'Espagne, des armes! des boulets au lieu de paroles avec ces conquérans de Petersheim!
- Renvoyez l'ambassadeur par la bouche d'un canon! - Vous êtes bien hardis de demander à des hommes dont les femmes vous ont fait fuir, de déposer les armes, disait un bourgeois, une aune de corde à ce papiste! - O ui! oui! à la potence! hurlèrent mille voix.
- Habitans et soldats, je vous demande pour la dernière fois si vous acceptez les conditions que son Altesse le duc de Parme veut bien vous accorder.
- Non! non! la guerre! la guerre sans quartier, sans merci! et par Dieu, déguerpissez au plus vite, ear la main me démange, dit un mousquetaire de d'Harcourt.
Don Alfonso Aguilar, salua gravement la foule avec un regard mélancolique et s'éloigna au milieu des malédictions et des huées.
Lorsque l'envoyé revint au quartier-général pour rendre compte au duc de Parme desa mission, il trouva celui-ci en proie à une fièvre des plus violentes; l'activité de Farnèse qui le privait de sommeil et le faisait participer aux travaux comme un simple mineur avait profondément altéré sa santé. Gaspar Robles, de Billy et Tassis étaient auprès de lui quand Aguilar entra.
- Eh bien comte, quelles nouvelles nous apportez vous? dit Farnèse en se soulevant douloureusement.
- De mauvaises, Altesse! Votre clémence ne m'a valu
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que des insultes, je ne sais quel secret espoir anime ces gens, mais aujourd'hui qu'une simple barricade les sépare seulement de nous, ils se montrent pardieu plus insolens et plus osés qu'ils ne faisaient lorsque leurs murailles étaient encore entières et qu'ils avaient tous leurs moyens de défense.
- Vous le voyez! Messieurs, dit Farnèse, on nous force à répandre le sang, puis un jour l'histoire en souillera votre renommée. Je voulais les sauver, leur constance m'avait touché, ce sont de grands et nobles courages! Mais il faut en finir et ne pas leur donner le temps de nous opposer de nouveaux obstacles.....
Tout-à-coup sa parole s'éteignit, ses yeux étincelèrent d'un feu sombre.
- Le délire le reprend, dit le comte Macs qui tenait ses mains, tandis que Serbellon soutenait dans les siennes sa tête pâle. Tout-à-coup il se dresse sur son séant, le geste animé, la parole ardente.
- Angelo, ma piqué! A moi, les Wallons noirs! à l'assaut, enfans! Tue! tue, les hérétiques! Lopez, attaquez le flanc gauche du rempart! San-Jago, main-basse sur tout! Voyez, ils fuient! Ville gagnéc! Vive la messe!
- Le voilà retombé dans ses rêveries de guerre, dit Serbellon; laissons-le, messieurs, le repos et le calme lui sont nécessaires.
Pendant la maladie d'Alexandre, qui dura depuis le 25 juin jusque vers la fin de juillet, époque à laquelle il fit son entrée triomphale à Maestricht, on laissa quelque repit aux assiégés; soit que l'absence du chef eut jeté de la négligence dans les dispositions des Espagnols, soit que, fatigués des combats, ils se fussent relâchés de
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leur vigilance, aucune attaque n'eût lieu du 25 au 28, juin. Pendant ces trois jours, Melchior de Heerle avait fait fortifier le dernier rempart, ajouter de nouvelles mines à la contr'escarpe du fossé, élevé de nombreux corps de garde partout. Les assiégés ne quittaient plus leurs murailles, ils y mangeaient, ils y dormaient, et paraissaient plus animés que jamais. Tapin, qui avait été transporté à Wyk, dirigeait encore, du sein de son lit de douleur, ce grand drame patriotique, donnait des ordres et animait par sa pensée cette garnison de héros qui voyait tomber sans pâlir le dernier obstacle qui la séparait encore d'une mort assurée, mais non sans gloire.
Cependant le commandement de l'armée avait été remis à Mansfelt et à Gonzague, général de la cavalerie, qui, piqués des reproches d'Alexandre sur le repit qu'ils laissaiént aux assiégés, préparèrent tout pour emporter la place de vive force. Farnèse avait cependant commandé d'agir humainement avec les habitans, de ne se montrer sévère que pour la garnison. Le 28 ju in, les hostilités reprirent; pendant douze heures les assiégés repoussèrent neuf assauts furieux, dans lesquels l'armée espagnole lança tour-à-tour sur le faible rempart de terre, toutes ses vieilles bandes aguerries. La tuerie fut horrible, un soleil brûlant épuisait les forces des assiégés: le sang et la sueur coulaient de leurs armes, une soif affreuse les dévorait. Ce n'était plus de combats dans lesquels deux armées brillantes se heurtent au son des clairons et au bruit de l'artillerie, c'étaient d'affreuses boucheries, des luttes de cannibales s'acharnant sur des cadavres. Au fort du combat, un des Ecossais de Lesly, furieux de sang, de meurtre et de soif, s'attacha à un officier espagnol
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qu'il venait d'abattre d'un coup de pique, et donna à l'armée le spectacle d'un vampire se désaltérant de sang! Trois fois le régiment de Figueroa aborda la crète du rempart, et fut culbuté dans le fossé avec des pertes notables. Les femmes, la hache ou la pique à la main, frappaient en vieux soldats et tombaient de même. Une compagnie de Bourguignons d'Annibal d'Altemps fut enlevée par une mine et horriblement brûlée. Dix Wallons noirs du comte de Roeulx, parvenus dans l'intérieur du rempart, y sont massacrés et leurs têtes sanglantes lancées dans le fossé, apprirent aux Espagnols qu'ils ont à faire à des adversaires dignes des plus males courages. Enfin lassée de meurtre et épuisée par cette longue lutte, l'armée espagnole se retire et passa la nuit à fortifier la demi-lune dont elle s'était rendue maitre le 24, quelques pièces de brèche y furent amenées par Serbellon qui, furieux des pertes de l'armée, voulut emporter par la sape et la brèche le dernier obstacle qui les séparait du fruit de tant d'efforts et de courage.
Les pertes des assiégés étaient irréparables, les plus braves d'entre ces braves avaient succombé, Lesly, d'Harcourt, cent soldats de la garnison, plus de trois cents habitants étaient tombés à leur poste, criblés de blessures. Affaiblis par douze heures de combat et par des privations de tout genre, les assiégés semblaient avoir perdu en un moment l'énergie qui les avait animés jusqu'alors. Leurs mains meurtries et fatiguées supportaient à grand' peine leurs armes; privéés de sommeil pendant plusieurs nuits, les sentinelles, s'endormirent de ce sommeil impérieux qui ferait dormir l'homme le moins résolu à la bouche d'un canon. La dernière heure avait sonné pour
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la malheureuse cité, elle s'était endormie peut-être dans des rêves de délivrance et de victoire, elle allait s'éveiller dans le carnage et la mort!...
Pendant cette mémorable nuit du 28 au 29, un soldat du régiment de Tolède, nommé Pedro Garcias, en cherchant, à la faveur de la nuit, quelqu'endroit par où on put surprendre l'ennemi, découvrit dans le rempart une trouée que l'on avait faiblement comblée au moyen de terre fraîchement remuée; il revint sur ses pas, appela un de ses camarades, Jean Marillier, soldat wallon. Tous deux se mirent donc à agrandir l'ouverture au moyen de leurs mains et de leurs dagues, bientôt la trouée fut assez large pour donner passage à un homme, ils s'y glissèrent sans bruit, et aperçurent aux premières lueurs du matin, quelques sentinelles endormies sur leurs armes; d'autres groupes étaient étendus et dormaient du sommeil le plus profond.
- Amis! dit Garcias, que penses-tu de cette bonne fortune, voici qui va nous valoir quelque grade sans compter une ample part du butin.
- Silence, fit le Wallon, allons au plutôt prévenir le Duc, une compagnie peut se glisser ici en quelques minutes et alors il n'y aura plus qu'à tuer ces hérétiques damnés qui dorment comme d'honnêtes bourgeois, contents de leur journée. Alerte! détalons!
Il était quatre heures du matin quand les deux soldats arrivèrent a la tente du duc de Parme, qui les écouta avec une religieuse attention.
- Comte Maes, donnez à ces deux hommes cinquante ducats d'or! vous, mes amis, portez ces ordres à Mansfeld et à Gonzague, après la prise de la ville nous vous trouverons quelque cornette de Wallons ou de Bourguignons.
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Cà, hâtez-vous et qu'avant neuf heures le drapeau espagnol flotte sur les tours de St.-Servais.
Gonzague et Mansfelt apprirent avec un étonnement mêlé de joie la découverte des deux soldats et ordonnèrent pour l'assaut deux compagnies du régiment de Figueroa, les Wallons noirs et deux compagnies de Bourguignons. Ces soldats sous la conduite de Pedro Garcias et de son compagnon, s'approchèrent du rempart dans le plus grand silence: la peine de morta été infligée par les chefs à ceux qui profèreraient une parole. Arrivés à la crevasse du rempart, quelques pionniers en agrandirent sans bruit l'ouverture, bientôt elle est assez large pour donner passage à trois hommes de front. Pendant ce temps le reste des troupes Espagnoles s'est mis sous les armes et n'attend pour s'élancer sur les traces de leurs camarades que le signal convenu. Déjà quelques hommes sont dans l'intérieur des retranchemens, lorsque tout-à-coup une sentinelle, frappée sans doute par l'air vif du matin, étend les mains, baille et se frotte les yeux, un enseigne italien, se courbe jusqu'à terre, rampe jusqu'au soldat qui vient de se reposer sur sa hallebarde, puis, se dressant tout-à coup il le saisit à la gorge et lui plonge sa dague dans le coeur; l'homme frappé tombe, sans pousser un seul cri, et passe du sommeil à la mort.
Débarrassés de ce témoin importun, les Espagnols continuèrent leur escalade périlleuse. Bientôt deux cents hommes sont dans la ville, pas un coup n'a été frappé, les premiers rayons du soleil levant viennent dorer cette scène calme encore, mais qui biéntôt va se changer en une horrible boucherie.
Tout-à-coup un cri s'élève; chaque Espagnol s'est choisi
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une victime, deux cents assiégés sont frappés à mort. Un parti de Bourguignons s'empare de la porte, baisse le pont-levis et introduit dans la place une nuée d'ennemis!
Surpris dans leur sommeil, harassés, brisés par les fatigues et les privations de tout genre, les assiégés n'opposent qu'une faible rcsistance à des troupes animées par la vengeance et le désir du butin. Les Espàgnols se précipitent dans les rues et les places comme un torrent qui a rompu ses digues. Tout est mis à mort, le massacre devient général, les résistances particulières ne font qu'accroître la fureur du soldat, exaspéré par une aussi longue et aussi sanglante défense. Cependant Maestricht ne tombe pas sans vengeance. Du haut des toits, les femmes, héroïnes jusqu'au bout, écrasent l'ennemi sous des pavés, des tuiles, ou le brûlent sous des déluges de feu, d'eau de plomb. Chaque rue devient un abattoir humain, on trébuche sur les cadavres, on glisse dans le sang, l'épée se repaît de meurtre. Les Allemands et les Espagnols se montrent les plus cruels dans cette sanglante orgie, dans laquelle une cité tout entière agonise et meurt sous le sabre des soldats ivres de carnage. Les restes de l'héroïque garnison tombent en détail, fidèles jusqu'au bout à leur pacte de mort. Schwartsenbourg de Heerle, rallie sur le Vrythof une compagnie de bourgeois et de femmes qui arrêtent un moment l'ennemi, mais bientôt cernés de toutes parts, ce bataillon sacré jonche la terre non sans avoir fait acheter chèrement la victoire aux eunemis.
Mais c'est du côté de Wyk que le carnage déploie toutes ses horribles joies!....
Tandis que Maestricht râlait sous l'épée du vainqueur
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et expiait par un massacre horrible son héroïque défense, une poignée de défenseurs enfermés dans Wyk, n'avait pas perdu tout espoir de résister encore à l'ennemi. Le fort qui commandait le pont du côté de la ville tenait encore, ainsi que quelques maisons particulières transformées en véritables citadelles, qu'il fallut emporter de vive force après des assauts sanglans. Manzan reconnu par un de ses compatriotes Alphonse de Sulis, fut préservé du massacre général, mais pour subir une mort vingt fois plus honteuse et plus terrible. Il fut condamné comme déserteur à passer par les piques de trois compagnies d'Espagnols, jusqu'à ce que son corps ne fut plus qu'une masse informe et sanglante labourée par l'acier. Depuis six heures du matin jusque quatre heures de l'après-midi, le carnage fut horrible, l'épée du vainqueur ne se reposa pas, dix mille cadavres, d'hommes, de femmes, d'enfans, jonchaient les rues. De temps en temps d'affreux cris étaient suivis de bruits sourds, c'étaient des femmes qui pour échapper à la brutalité cynique des soldats se jetaient par les fenêtres et se brisaient sur le pavé, plutôt que d'être souillées par les sanglantes caresses de ces satyres ivres de carnage et de sales désirs. La main de Dieu s'était abaissée sur la malheureuse cité, transformée en une vaste arène abandonnée à des tigres.
Wyk, avons-nous dit, tenait encore, mais bientôt une masse de fu yards, força le commandant du pont à leur donner passage; en un moment le pont fut couvert d'unenue de peuple, quis'accroissait de moment en moment, pressé qu'il était par les armes des Espagnols qui massacraient sans pitié la queue de cette immense colonne domptée par
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l'effroi, afin de pouvoir entrer avec les vaincus dans le faubourg. La rage des Espagnols pour percer ce mur vivant ne peut se décrire. Pressés dans un étroit passage, ils frappaient devant eux avec une espèce de sourde frénésie. Bientôt les cadavres encombraient le pont, et les fuyards arrivaient toujours par la rue du Pont, foulant aux pieds les morts et les blessés qui font éntendre d'affreuses clameurs. Les Espagnols bientôt ne peuvent plus faire usage de leurs armes, la foule les comprime, les porte. Tout-à-coup un cri d'amer désespoir s'élève à la tête de la colonne..... Elle a devant elle un abîme..... Tapin qui ne veut laisser à l'ennemi que ce qu'il ne pourra conserver, à fait couper une arche de la rive droite, et ce vaste flot humain, pressé par l'épée du vainqueur, vient s'abîmer dans le gouffre avec une clameur formidable; l'avalanche entraîne tout avec elle, vainqueurs et vaincus, et la Meuse emporte dans ses eaux sanglantes quatre mille cadavres!....
Alors tout fut dit!..... Terrifiés par cet immense désastre, les habitans de Wyk envoient à Gonzague des parlementaires; ils offrent de se rendre, malgré les ordres de Tapin, qui veut tomber avec cette cité qu'il a si bien défendue. Au milieu du désordre et pendant la suspension d'armes tacite qu'entourait le projet de capitulation, les soldats de Mondragon escaladent le rempart, ouvrent les portes à leurs compagnons, et le faubourg de Wyk renvoie à l'autre rive les cris de mort qui ont cessé dans Maestricht!.....
Un bruit général répandu dans l'armée espagnole était que les plus riches habitans de Maestricht avaient renfermé à Wyk toutes leurs richesses et leurs objets les
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plus précieux. Aussi dans ce faubourg l'avidité du soldat enfantu les excès les plus inouis. Un parti d'Allemands s'était emparé de la maison d'un riche habitant de Wyk et procédait méthodiquement au pillage, après avoir massacré toul ce qui s'y trouvait. Les vins, les liqueurs fortes eurent bientôt amené une orgie. Les soldats, ivres de sang et de vin, repoussèrent avec des menaces et des huées les officiers que le duc de Parme ne cessait d'envoyer pour mettre un terme au carnage et à la dévastation.
Assis au milieu d'horribles dépouilles, les soudards de Fronsberg se livraient à des chants de joie qu'interrompaient de temps en temps les gémissemens des blessés et des mourans qui les entouraient. Tout-à-coup un officier espagnol, suivi d'une troupe de soldats du corps de Figueroa, se présente; la vue des richesses dont les Allemands se sont emparés, les irrite. Un soldat plus hardi que les autres, entre au milieu du groupe d'Allemands, et faisant deux lots dubutin avec son épée, s'écrie:
- Ceci nous appartient de droit, comme étant arrivés les premiers dans la ville; quant à l'autre part, nous allons voir qui l'emportera! Que dites-vous de ce partage, compagnons?
- Bravo! Balboa! bravo! Nous allons voir si ces limiers si avides à la curée que d'autres leur ont faite, trouveront autant de courage à défendre leur butin qu'ils en ont eu à massacrer ces femmes et ces vieillards qui les entourent!
La réponse des Allemands fut brutale; trois Espagnols frappés au visage, tombèrent sur le carreau. Une mêlée
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affreuse s'ensuivit, dans laquelle les vainqueurs trébuchaient souvent sur les cadavres qui les entouiaient. Les Espagnols plus faibles en nombre, allaient être tous massacrés, lorsque Valdez qui avait fait jeter un pont sur l'arche détruite par Tapin, arriva dans Wyk avec un fort détachement qui, n'ayant plus rien à tuer dans Maestricht, venait chercher du butin dans le faubourg et s'emparer, selon'les ordres de Farnèse, de Tapin, que l'on savait y être caché. Le combat recommença de nouveau jusqu'à l'arrivée de Gouzague ét de Mansfelt qui mirent un terme à cette tuerie; enfin, après avoir rétabli l'ordre, Gonzague s'informa à Valdez si l'on avait découvert la retraite de Tapin.
- Mes soldats ont tué une vingtaine de ces manans, qui tous se sont laissé égorger plutôt que de découvrir la retraite de leur général.
- Et cependant j'ai les ordres les plus précis du duc, dit Gonzague; non seulement il faut le découvrir, mais encore le traiter avec les plus grands égards; puis, s'adressant aux soldats, il leur cria à haute voix; enfans! le prince de Parme promet dix écus d'or à qui découvrira le commandant Tapin; celui qui se permettrait la moindre insulte contre lui sera passé par les armes!
L'appât des ducats fit ce que la soif du sang n'avait pu faire; une foule de soldats se mirent en quête et fouillèrent les maisons vides, dans lesquelles on avait littéralement du sang jusqu'à la cheville; enfin, au bout d'une heure de recherche, un soldat allemand, ivre, trébucha contre un panneau qui renvoya un son sonore.
- Dieu me damne! dit le reitre, mais il y a quelque
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chose là qui sonne creux, à moi Hermann! une hache! et le trésor à nous deux s'il y a un!
La hache eut bientôt abattu le faible rempart de chêne qui séparait le vieux guerrier blessé de ses ennemis. A la vue des Allemands il essaya de se soulever sur son lit et retomba pâle et sans force.
Le réduit dans lequel se trouvait Tapin, était une espèce de celluie donnant sur une cour déserte qui avait échappé aux recherches des vainqueurs. Un méchant grabat, une table sur laquelle étaient des papiers, une paire de pistolets et un vase contenant une boisson rafraichissante était tout ce qu'on pouvait découvrir dans ce misérable chenil où l'adversaire de Farnèse agonisait comme un lion blessé qui cherche une sombre caverne pour y mourir en paix loin des chasseurs. Il y avait tant de majesté sur ce front pâle et sanglant, que ces Teutons reculèrent devant eet autre Marius. Au pied du lit du blessé se tenait un Ecossais qui s'était levé au bruit et tenant un pistolet d'une main et une épée de l'autre, se préparait à vendre chèrement ces deux vies qui étaient échappées comme par miracle à la rage du vainqueur. Frappés de respect par cette grande infortune, les Allemands s'inclinèrent:
- Vous êtes le commandant Tapin, monseigneur, dit l'un des soldats.
- Lui-même! vous voulez ma vie sans doute, alors dépêchez-vous, car deux heures de plus, et vive Dieu! je m'en allais sans votre permission.
- Nous avons ordre de vous amener à Son Altesse le duc de Parme qui nous a recommandé sous peine de mort d'avoir pour vous les plus grands égards.
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- Ah! Alexandre a fait cela, dit Tapin avec un sourire, mon bon Donald, laisse-là tes armes, on veut nous conserver pour orner le triomphe! Fabius a vaincu Annibal!
- Son Altesse désire vivement vous voir et vous a fait préparer un logement dans son quartier-général: si le duc n'eût pas été malade, sans doute qu'il fut venu vous voir lui-même.
- Mais eomment me transporter, dit Tapin.
- Qu'à cela ne tienne, dit l'Allemand, nous allons vous faire un brancard de piques et mortdieu! mes camarades seront fiers de porter un brave comme vous!
Un éclair de joie passa sur le front du blessé. Les deux soldats sortirent et revinrent bientôt avec une foule de leurs compagnons Espagnols, Wallons, Bourguignons, Allemands qui tous se disputaient l'honneur de porter la litière de ce grand vaincu! Il y eut un moment où cette question de préséance faillit amener une nouvelle querelle entre eux. Enfin on se décida à prendre deux porteurs de chaque nation.
- Je demande franchise et quartier pour ce fidèle ami, dit Tapin en montrant Donald, je paierai s'il le faut sa rançon, c'est un brave dont la claymore a fait connaissance avec la peau de plus d'un d'entre vous!
- Accordé! firent les soldats, mais pas de rançon pour l'Ecossais!
Cette garantie donnée à Tapin, on s'occupa aussitôt de le transporter au quartier-général où Farnèse, à peine rétabli d'une fièvre violente, qui avait mis sa vie en danger, attendait avec impatience l'arrivée da Tapin. Une vingtaine de soldats soulevèrent le guerrier blessé et le
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déposèrent avec des soins tout maternels sur un lit des plus richcs dépouilles qu'ils avaient pu réunir. Il y avait quelque chose d'émouvant à voir cet empressement, ces soins touchans de la part de ces rudes vainqueurs, tout souillés de sang et de poussière, pour un ennemi blessé, dont la valeur et la science leur avaient été si funestes. Ced préparatifs terminés, les soldats enlevèrent sur leurs épaules le brancard de piqués et précédés par quelques uns des leurs, chargés d'éloigner les obstacles qui pouvaient s'opposer à la sécurité de leur marche, ils se mirent en route.
Le départ de Tapin pour le quartier-général fut pour lui un vrai triomphe; partout où passa ce noble et douloureux cortége, le pillage et le massacre s'arrêtaient comme par enchantement. Arrivés au Vrijthof où gisaient plus de deux cents cadavres de femmes, l'héroïque soldat se souleva sur sa couche triomphale et découvrit son front devant; ces tristes restes. A chaque pas il fallait se frayer une horrible route à travers les cadavres mutilés qui encombraient les rues. Le sang joint à la poussière faisait glisser les soldats dans une boue affreuse. Des rues entières, telles que celle du Pont et celle du Grand Staat étaient littéralement obstruées par les victimes du massacre, qui continuait encore dans les parties les plus reculées de la ville. Arrivé à la porte de Bruxelles, le cortége rencontra les généraux Mansfelt et Gonzague qui se rendaient au quartier-général où le prince les avait fait appeler. Tous deux s'écartèrent, un sentiment de colère se faisait voir sur leur visage, la défaite de Tapin leur paraissait plus belle que leur victoire. Gonzague s'étant dressé sur ses étriers pour mieux voir, une voix de la foule qui suivait le brancard, s'écria:
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- Chapeau bas! devant le commandant Tapin.
Gonzague rougit et pâlit de colère, sans faire un mouvement.
- Chapeau bas! hurlèrent les soldats furieux, en se portant veis le cheval de Gonzague. C'est l'ordre du duc de Parme!
Mansfelt toujours politique, poussa son cheval vers le brancard et salua courtoisement le blessé qui lui répondit par un triste sourire en lui montrant du doigt la boucherie qui l'entourait.
- Bravo! Mansfelt! bravo! crièrent les Allemands, chapeau bas l'Espagnol!
- Je vais le lui ôter du bout de ma pique, dit un autre.
Gonzague s'inclina et salua. Ne pas céder eut été compromettre inutilement sa dignité.
Les soldats applaudirent avec fureur et reprirent leur route en forçant tous ceux qu'ils rencontraient à rendre hommage à un courage qui pendant trois mois avait lutté avec l'impossible.
Tapin fut reçu au quartier-général par Robles de Billy, Tassis et Serbellon, ce dernier découvrant sa blanche tête lui dit avec un affectueux sourire:
- Votre part de gloire est plus belle que la nôtre, commandant! de pareilles défaites valent des victoires!
- Des victoires telles que celles que vous venez de remporter souillent toujours de sang le blason du vainqueur, messire! dit Tapin.
Serbellon baissa la tête, l'on entra dans la chambre du prince, qui à la vue de Tapin se leva pâle et souffrant de sa chaire.
- Soyez le bien-venu, commandant, dit-il en lui pre- | |
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nant la main, tandis qu'on plaçait le blessé sur un lit de repos, je tremblais que dans la première ivresse de la victoire....
- Vos soldats n'eussent jeté une victime de plus à la sanglante hécatombe qui jonche les rues de Maestricht, n'est-ce pas prince! votre clémence me pèse comme un remords quand je songe que c'est surtout la confiance qu'ils ont eu en mes faibles talens qui leur a fait prolonger une défense désespérée. Il fallait choisir vos victimes, Schwartzenbourg de Heerle, les doyens de métiers et moi, pouvaient suffire à apaiser le ressentiment de votre altesse.
- Melchior de Heerle s'est sauvé! dit Gonzague d'un air de mépris.
- Vous en avez menti! monsieur, il est mort!... répondit Tapin, pâle d'émotion, il est tombé avec les derniers défenseurs de cette cité dont le sang s'interposera un jour entre vous et Dieu! - Puis se tournant vers Farnèse, il continua. - La prise de Maestricht ne vous sera d'aucun avantage, prince, elle aura affaibli votre armée, vous avez payé ce succès par la perte d'au moins dix mille de vos plus braves soldats! Dès ce jour les Pays-Bas sont perdus pour l'Espagne, la clémence vous eut ramené quelques villes, la boucherie, la lâche tuerie de femmes et d'enfans commise par vos soldats, va faire de chaque village une citadelle contre laquelle vous userez vos forces en détail. Puisque Philippe II veut vous faire continuer l'oeuvre du duc d'Albe, les flamands sauront mourir en hommes qui préfèrent une balle ou un coup d'épée à la corde du bourreau!
- Assez, monsieur! dit Farnèse visiblement ému.
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- Je vous le repète prince! faites-moi pendre par leprévôt de l'armée, mais au nom de volre mère, au nom de votre gloire, arrêtez le massacre. Ce flot de sang remontera jusqu'à votre lit de mort!
- Quels ordres vous avais-je donnés, messieurs! dit Farnèse en s'adressant aux généraux Mansfelt et Gonzague, parlez de par Dieu! ne vous avais-je pas recommandé de mettre un terme à la tuerie aussitôt que la prise de la ville serait complète.
- Oui! prince dit Gonzague.
- Et ces ordres vous les avez fidelement exécutés?
- Oui! prince, fit Gonzague en balbutiant.
- Pour la seconde fois vous en avez menti, mort dieu! s'écria le blessé avec colère et je jure Dieu que si cette maudite blessure ne me retenait, je vous le prouverais à la pointe de l'épée! A notre départ le massacre venait de reprendre dans Wyk; osez le nier! Vos soldats brûlent à petit feu les bourgeois pour leur faire déclarer où ils ont caché leurs trésors. Système de bandits, de chauffeurs! On égorge les enfans sous les yeux des mères pour leur arracher la dernière pièce d'or! on viole les filles les mains rouges de sang, les églises sont encombrées de morts, les marches des autels sont pourpres, comme sile Christ y eut posé ses pieds sanglans. J'ai fait quarante ans la guerre, je l'ai faite aux Turcs, mais je dois avouer que vos soldats l'emportent en férocité sur eux, et en rapacité sur les plus infâmes juifs! Que le soldat échauffé et irrité par une longue résistance, tue en enlevant une place, tout ce qui lui tombe d'abord dans la main, c'est bien! mais tuer depuis ce matin 5 heures, jusque maintenant six heures du soir, c'est l'office des bouchers!
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Alexandre, pâle d'indignation, jeta sur les deux généraux des regards courroucés puis se tournant vers son secrétaire:
- Comte Maes, dit-il, deux ordres pour l'armée: Tout massacre cessera à l'instant, sous peine de mort. Les soldats qui seront convaincus d'avoir mis à la torture les bourgeois pour en obtenir des rançons, seront passés par les armes. Les soldats qui garderaient de force des ôtages, les mettront en liberté sur-le-champ. Le pillage cessera le 1er juillet à midi, heure à laquelle les soldats se rendront au camp sous peine de mort! - Messieurs, dit-il, aux généraux Mansfelt et Gonzague, vous me répondrez de l'exécution de ces ordres!
Ceux-ci s'inclinèrent et sortirent. Les ordres de Farnèse ne changèrent cependant que peu de chose au sort de la malheureuse cité dont le sac dura jusqu'au 2 juillet.
- Et maintenant, monsieur, dit-il à Tapin, êtes-vous satisfait? Nous avons à nous occuper de vous, de votre blessure, qui n'est pas assez grave pour en désespérer.
- J'accepterai vos soins, prince, répondit Tapin d'un air grave; mais en ce moment il me faut plutôt songer à mon âme, qu'à mon corps! c'est ma dernière bataille! je le sens. Et il retomba épuisé sur son lit.
Les soins les plus assidus des médecins du prince ne purent sauver Tapin; transporté à Limbourg, il y mourut quelque temps après, au grand regret de Farnèse.
Le 29 juillet, le duc de Parme complétement rétabli, fit son entrée triomphale dans la ville de Maestricht, par la brèche de la porte de Bruxelles; il était placé sur une espèce de trône blasonné aux armes d'Espagne, de Plaisance et de Parme; ce trône était porté sur les
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épaules des gentilshommes de sa maison, et entouré de ses principaux officiers. L'armée suivait, parée comme pour une fête. Les clairons et les tambours résonnaient tristement dans ces rues désertes, où l'on apercevait à peine un habitant. Une foule de bandits accourus à l'agonie de la ville comme à une vaste curée, s'étaient établis dans les maisons abandonnées et saluèreut l'entrée des vainqueurs. Farnèse, épouvanté de cette immense désolation, ne resta qu'un jour en ville.
Pendant plus de quatre mois, Maestricht fut inhabité; einq à six cents bourgeois, la plupart blessés, ruinés tous, étaient ce qui restait d'une population de quarante mille âmes et d'une des plus opulentes cités des Pays-Bas, que le commerce des laines, des draperies et un grand transit avec l'Allemagne, avaient enrichie.
Le pillage fait par les Espagnols s'éleva à plus de trois millions de florins, c'est-à-dire neuf millions de notre monnaie actuelle. Trois mille femmes y moururent les armes à la main et par les fatigues et les privations de tout genre. Les villages de Gronsfelt, Petersheim furent dépeuplés long-temps, ainsi que toute la banlieue de Maestricht, dans laquelle, deux mois après, des bandes de maraudeurs venaient glaner sur les pas des Espagnols ce qui pouvait avoir échappé à leur rapacité.
Les soins du duc de Parme empêchèrent la peste de se déclarer dans la ville; l'amoncellement de cadavres était tel que les soldats en eurent pour deux jours à les jeter à la Meuse, qui alla porter à la Hollande épouvantée les restes des héroïques défenseurs de la Sagunte du nord.
Ainsi tomba Maestricht, après quatre-vingt-deux jours de siége, ou plutôt de combats continuels. Qu'on ne croie
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pas que nous en ayons poétisé le moins du monde les événemens, Alexandre Farnèse, dans une lettre adressée à Philippe II, le 15 juin 1579, lui mandait ce qui suit:
‘Avec l'aide de Dieu et le vif désir que j'ai de servir Votre Majesté, je crois me rendre maître de la place avant trois semaines, malgré le rude courage des assiégés qui nous viennent insulter jusque dans nos forts. Ils élèvent rempart sur rempart, ce à quoi ils sont merveilleusement aidés par leurs femmes, qui tout ainsi que des soldats, combattent de la pique, de l'épée et du mousquet et font le service comme leurs maris. Les femmes de Sienne en Toscane, si célèbres pour la défense de leur cité ne me semblent pas pouvoir être accomparées à celles de Maestricht, qui se montrent d'une hardiesse nonpareille et d'un étonnant courage. Elles sont partagées en bandes, ont leurs chefs et leurs enseignes, tantôt travaillent aux fortifications, tantôt accompagnent leurs maris dans les sorties. Enfin il n'y a jour qu'elles ne fassent acte d'héroïsme, digne des plus braves soldats.
‘En mon camp de Maestricht, ce 15 de juin 1579.
‘Alexandre.’
Tous les historiens à quelque parti qu'ils appartiennent, Strada lui-même, ce panégyriste de Farnèse, confirment ces éloges. La ville fut, par arrêté du mois de novembre 1580, dépouillée de tous ses priviléges; nous donnerons ce document pour terminer ce travail.
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