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III.
Dans une salie gothique de l'hôtel-de-ville, trois hommes sont assis autour d'une table chargée de cartes, d'armes, de bouteilles vides, de papiers et de débris d'un souper grossier. Une lampe suspendue au plafond, jette de maigres rayons dans cette immense salle dont quelques parties demeurent dans l'ombre. Deux des acteurs de cette scène muette, interrogent du regard le troisième qui le front dans la main, le coude sur la table, semble en proie à une profonde méditation; tout-à-coup sa figure soucieuse, prend un aspect plus calme et s'adressant à l'un de ses collègues, il dit d'une voix tranquille:
- Et vous avez tout entendu comme vous nous le rapportez, capitaine Manzan?
- Lesly qui m'accompaguait va vous le confirmer, messire Tapin.
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- Quand je vous disais, comte! que cet homme portait son âme sur sa figure.
- Eli bien! ce n'est pas la dernière fois qu'un honnête homme aura été dupe d'un traitre, faisons le pendre haut et court et qu'il n'en soit plus question.
- Du tout! ce serait une insigne folie de ne pas le prendre dans ses propres filets et nous servir un peu de lui, nous aurons toujours le temps de le faire pendre après, ainsi que son acolyte et les quelques misérables qu'une poignée d'écus a séduits; mais voici Lesly! il va nous donner des nouvelles. Eh bien! ma vieille claymore, as-lu mis la main sur ce nid de couleuvres!
- Pour plus de sûreté commandant, j'ai fait noyer la mine que ces misérables avaient pratiquée dans les casemates de la porte de Bois-le-duc, j'y ai remplacé la compagnie des Allemands de Blommaerts par mes Écossais et je viens prendre vos ordres. Du reste, j'ai fait veiller sur cet impudent pandour, au premier mouvement suspect, on exécutera la commission que vous m'avez donnée il y a quelques jours, commandant.
En ce moment on entendit un pas pesant faire retentir l'escalier d'un bruit d'armes et d'éperons Le sourcil de Tapin se tordit comme un serpent blessé, mais bientôt il reprit son air calme.
- Nous allons voir un peu jusqu'à quel point le traitre poussera l'impudenee.
La porte s'ouvrit, Blommaerts entra dans la salle d'un air joyeux et en se tortillant la moustache. Ce fut Melchior de Heerle qui l'interrogea.
- Eh b ien, capitaine, ayez-yous fait votre ronde, tout est-il tranquille?
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- Le camp espagnol dort comme un ours qui a été rudement houspillé, dit l'Allemand avec un gros rire. Du reste, de notre côté les sentinelles sont vigilantes.
- Tant mieux, capitaine! car nous avons aujourd'hui deux ennemis à combattre, ceux du dedans et ceux du dehors, nous sommes à ce qu'il paraît menacé de quelque trahison.
- Bah! fit Blommaerts avec un honnête étonnement, et connaissez-vous ces misérables?
- C'est un écheveau toujours bien entortillé qu'une trahison, dit Tapin, cependant nous tenons un bout du fil. Figurez-vous mon cher capitaine, deux honnêtes commerçans en félonie qui nous veulent vendre pour vingt mille écus d'or au prince de Parme, on devait faire sauter le bastion de la porte de Bois-le-duc, livrer les clés des portes, bref nous livrer au boucher pieds et poings liés!
L'impudente effronterie du pandour fut un moment ébranlée, cependant il se remit bientôt.
- Messires, depuis long-temps j'avais de pareils soupçons, dit-il d'un air hypocrite, je croirais pouvoir au besoin vous indiquer un homme que je soupçonne de correspondre avec le capitaine Maes, secrétaire du duc de Parme; pendant ma courte captivité j'ai ouï des choses étranges qui me font croire que maitre Jan Martyns pourrait être celui que vous cherchez. Si vous le désirez, je vais m'assurer de lui et mortdieu! son affaire sera bientôt faite.
- Si nous n'en pendons qu'nn, il n'y aura rien de fait capitaine, dit Manzan en lui frappant sur l'épaule, et son associé en trahison, touchera lui seul les vingt mille ducats promis par Alexandre Farnèse.
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- C'est juste, répondit l'Allemand d'un air effaré en regardant tour-à-tour ses interlocuteurs comme pour s'assurer s'ils ne se moquaieut pas de lui. Mais il faut cependant empêcher....
- C'est déjà fait, dit Tapin en souriant. Vous savez écrire, capitaine?
- Comme un soldat qui a manié plus souvent la pique et l'épée que la plume, commandant.
- Voici tout ce qu'il faut, écrivez sous ma dictée ce billet, m'entendez-vous, sous ma dictée! que ta main ne tremble pas, ou par le diable qui aura ta noire âme avant qu'il soit une heure, je te fais sauter la cervelle!
En effet, Tapin terrible de vengeance et de mépris saisit un pistolet sur la table et le dirigea vers la figure de l'Allemand qui se mit en devoir d'obéir, sans savoir s'il veillait ou s'il était sous l'obsession d'un rêve.
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A Son Altesse le prince de Parme, général des armées de Sa Majesté le roi d'Espagne.
Prince!
Tout va ainsi que je vous l'ai promis. Donnez l'assaut en toute confiance du côté de la porte de Bois-le-duc, vous y trouverez peu ou point de résistance. L'artillerie est mal servie, les munitions manquent, on s'attend généralement ici à vous voir continuer l'attaque de la porte de Tongres. Portez-donc vos forces à la porte de Bois-le-duc, la mine préparée vous ouvrira un passage et au fort de l'assaut, les portes vous seront livrées.
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J'espère Altesse, que vous tiendrez vos promesses, avec la même fidélité que je mets à remplir les miennes.
- Maintenant, signez! le capitaine Blommaerts!
- Le capitaine...... quel capitaine, fit le malencontreux secrétaire.
- Le capitaine Blommaerts, l'acolyte de Martyns et son collègue en haute trahison, en attendant qu'il soit son compagnon de gibet, y êtes-vous maintenant, dit de Heerle au pauvre diable tout pale d'épouvante.
- Ah! je comprends, dit Blommaerts qui venait d'entrevoir un moyen de se sauver, quelqu'un aura entendu ma conversation de ce soir avec ce maudit orfèvre que la peste puisse tenir! et on en aura conclu ma complicité avec lui, tandis que je n'ai fait que feindre de me prêter à ses projets pour les connaître et pouvoir ainsi mieux les déjouer. Si c'est-là larécompense que j'obtiens de mes bons et loyaux services, il vaut mieux servir le Turc que les Etats, là au moins on ne soupçonne pas un vieux et brave soldat de tremper les mains dans une sale oeuvre de trahison.
Les chefs restèrent tous abasourdis par cette harangue.
- Mais cependant, dit Manzan, j'ai bien entendu, ainsi que Lesly que voilà.
- Ah! c'est vous qui m'avez dénoncé, dit l'accusé, je ne m'étonne plus de rieu maintenant, vous devez assez facilement croire à la possibilité d'une trahison, vous qui en vivez et qui portez les armes contre les vôtres!
Manzan ne le laissa pas achever, il saisit un pistolet sur la table et avant qu'on put s'opposer à son dessein, le déchargea presqu'à brûle-pourpoint sur son ennemi.
- Quand la conscience tremble, la main n'est pas as- | |
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surée, capitaine! voyez, vous m'avez déchiré mon pourpoint à l'épaule, comme si j'en avais de rechange. Je vous pardonne volontiers, mais pour cesser toutes ces oiseuses paroles, prouvons au premier assaut notre fidélité et notre loyauté par des faits plutòt que par de vagues accusations.
Melchior de Heerle s'inclina vers Tapin et lui murmura quelques paroles à l'oreille, puis s'adressant aux deux adversaises qui se défiaient du regard.
- Que tout ceci finisse, messieurs, que pas un mot de ce qui vient de se passer ici ne transpire au dehors, je vous le défends! l'avenir éclaircira tout ceci! Lesly faites jeter cette lettre dans le fossé de la porte de Tongres, elle ne peut manquer d'arriver à son adresse et nous verrons demain aux dispositions de l'ennemi, s'il a des intelligences parmi nous et à qui il faut les attribuer. Ces dernières paroles furent accompagnées d'un sévère coupd'oeil adressé à l'Allemand qui semblait plus occupé de la déchirure de son pourpoint que de ce qui se passait autour de lui.
- Que chacun aille prendre à son poste un peu de repos dit Tapin, vous capitaine Blommaerts! vous resterez auprès de moi, cette nuit et demain pendant l'assaut et je vous promets une éclatante réparation si votre conduite est à l'abri de tout reproche.
Le conseil se leva, Melchior de Heerle resté seul avec Tapin, lui dit:
- Commandant, je soupçonne cet homme d'être un traitre!
- J'en suis sûr, moi, comte! fit Sébastien, mais jé le Hens ét grâce à lui, j'attirerai les oiseaux dans nos filets!
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Pais la haine de Manzan nous est un gardien fidèle sur laquelle nous pouvons nous reposer. Allez donc prendre un moment de repos, nous aurons besoin de toutes nos forces tantôt. Quant à moi, je vais faire renforcer l'artillerie de la porte de Bois-le-duc et armer la tour de gauche afin de les foudroyer en flanc et en tête. La journée de demain leur coûtera cher s'il plaît à Dieu et à nos canons! Adieu comte!
Le 8 avril à cinq heures du matin, les batteries de brèche élevées par Mansfelt à la porte de Bois-le-duc, celles de la porte de Tongres et de l'autre rive de la Meuse, commencèrent à battre la ville avec une fureur incessante. Les fossés grossis par les caux de la Meuse qui s'était enflée par les pluies, avaient été asséchés par les soins des ingénieurs et des fascines étaient toutes prêtes pour combler ce que les débris de la muraille laisseraient à vide. Toute l'armée sortie des forts attendait le moment où la brèche serait praticable pour s'élancer à l'assaut. Alexandre dirigeait l'attaque de la porte de Tongres, défendue par Manzan et de Heerle avec les Français de d'Harcourt, les paysans de Gronsfeld et deux mille hommes des corps de métier. La porte de Bois-le-Duc dont l'attaque était laissée à Mansfelt, était défendue par Tapin, douze cents bourgeois, les Ecossais de Lesly et un bataillon sacré de mille femmes armées de cerceaux flamboyans enduits de poix et de soufre qu'elles jetaient adroitement sur les assiégeans.
Les troupes sous les ordres de Mansfelt se composaient du vieux régiment de Lombardie, commandé par Lopez de Figueroa, du régiment de Valdez, des Allemands et des Bourguignons du comte Annibal d'Altemps et de cinq compagnies de 500 Wallons. Alexandre Farnèse avait
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sous ses ordres le régiment de Tolède, appelé de la St-Ligue, parce qu'il s'était trouvé à la bataille de Lépante avec don Juan d'Autriche. Il y avait encore les mousquetaires de Fronsberg, les Allemands de Berlaimont et de Fuggher, et les Wallons du comte de Roeulx. Le reste des troupes avait été laissé pour la garde des forts.
La ville offrait le spectacle le plus animé, chacun demandait des armes et au besoin s'en créait. Fléaux ferrés, fourches, boulets suspendus à des chaines, arquebuses, haches, poix bouillante, plomb fondu, tout était prêt pour recevoir l'ennemi. Les femmes avaient remplacé les mineurs, afin qu'on pût utiliser ceux-ci. Tapin était partout, animant les pionniers, causant avec les artilleurs et les soldats, faisant passer dans l'âme de tous son mâle courage et son héroïque tranquillité d'âme, puis se tournant vers les soldats, il leur dit:
- Nous avons ici trois mille robustes et courageux paysans, plus que suffisans pour réparer les brèches que le canon de l'ennemi peut nous faire. Si le coeur faillissait à l'un de vous, qu'il jette les yeux sur ces femmes et ces paisibles citadins transformés en soldats aguerris. Soyez donc calmes et confians, et ces preneurs de villages laisseront ici assez des leurs, pour qu'ils s'aperçoivent qu'autre chose est d'enlever un misérable bourg ou une ville défendue par une armée d'hommes de coeur!
Alexandre de son côté, harangua ses troupes, leur rappela leurs succès passés, l'importance de la prise de Maestricht, leur lut un bref du pape Grégoire XIII qui accordait une absolution générale à ceux qui seraient tués dans le combat, puis donna le signal de l'attaque.
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Quelle que fût la vigilance des assiégés, ils n'avaient pu empêcher les Espagnols de pousser une mine sous la porte de Tongres. Au signal convenu, les ingénieurs mirent le feu à la mine qui emporta une partie de la tour et de la muraille. L'ennemi s'avança aussitôt, malgré un feu nourri, et combla, au moyen de fascines et de gabions, la partie du fossé que les décombres n'avaient pas suffisamment remplir.
L'artillerie du comte de Mansfelt eut bientôt abattu un assez vaste pan de mur à la porte de Bois-le-duc, pour que l'assaut y fût praticable. Une compagnie de jeunes gentilshommes volontaires, commandés par Fabio Farnèse, s'élancèrent avec tant d'impétuosité et de courage, que deux d'entre eux, Pierre de Nofre et Simonetta, parvinrent à la muraille sur laquelle ils plantèrent le drapeau castillan. Mais les fléaux ferrés des paysans et les mousquetades eurent bientôt balayé la muraille et rétabli les chances du combat.
Les gens de Valdez et de Figueroa s'avancèrent ensuite en colonnes serrées, dans un effrayant silence, jusqu'au fossé, sans qu'un seul coup de canon fût tiré du côté des assiégés qui, retranchés derrière leur second rempart, semblaient muets et invisibles. Les Bourguignons de d'Altemps qui devaient se former à gauche du régiment de Figueroa, s'embarrassèrent, tournèrent à droite et rencontrant les soldats de Valdez, jetèrent une telle confusion dans l'attaque, que le fossé n'offrit bientôt plus qu'une masse d'hommes flottante, sans ordre, et dans laquelle le canon allait faire d'affreux ravages. Tout-à-coup un drapeau paraît à la tour de la porte de Bois-le-Duc, et le mot feu! répété sur toute la ligne, est suivi
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d'un ouragan de feu, de boulets, de balles et de chaînes brisées qui, pénétrant dans ce vivant taillis, y fait des jours sanglans. La tourelle de la porte de Bois-le-Duc, que Tapin a fait armer de quelques fauconneaux et de deux couleuvrines, bat les ennemis en flanc, tandis que les batteries du rempart intérieur font d'horribles trouées dans ce mur d'hommes qui tourbillonnent sous cette grêle de fer, comme des épis battus par une tourmente; l'ennemi étonné, recule et augmente la confusion. Lopez, furieux, verse des pleurs de rage, de voir écharper ainsi ses plus braves soldats, et maudit Mansfelt qui n'a pas songé à faire abattre cette tour devenue un vrai volcan qui vomit des flots pressés de fer et de plomb. Des rangs entiers disparaissent sous les boulets qui se fraient de noirs et sanglans sillons dans cette mer d'hommes, et sèment leur passage de membres mutilés et d'armes brisées. Bientôt les Espagnols ont assez de cadavres parmi eux pour s'en faire un rempart, d'où s'échappent des râles de mort, et dans lequel les boulets pénètrent avec un bruit sourd et d'étranges craquemens. La prédiction de Tapin est accomplie! les fossés se remplissent de sang qui s'échappe par ruisseaux de l'amas de cadavres que l'ennemi foule aux pieds pour mieux atteindre le mur. Fabio Farnèse, Pierre Zuniga et Schiaffinato, parvenus à la brèche, sont foudroyés à bout-portant; Farnèse, frappé d'une balle au visage, tombe, la jambe brisée par un boulet. Les cerceaux enflammés que les femmes jettent des murs et qui embrassent deux ou trois soldats dans un cercle de feu, les flóaux des paysans qui font jaillir les cervelles des casques, aohèvent ce que le canon qui ne cesse de tonner, a
commencé. Lopez, qui voit re- | |
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culer ses soldats, arrache sa bannière d'entre les mains de son enseigne et s'élance vers la brèche.
- Honte à qui ne suit pas son général! Aux murailles, enfans! et main basse sur ces chiens d'hérétiques, si braves derrière deux remparts!
Les soldats se raniment, la vue de Lopez s'exposant ainsi, leur rend toute leur ardeur, ils s'élancent, atteignent la brèche, et une horrible tuerie s'établit sur un espace de quelques pas d'étendue. La hache et le poignard remplacent le mousquet, la pique est inutile. A travers un tourbillon de fer rougi de sang, on voit lutter des hommes, poitrine contre poitrine; les mourans foulés aux pieds, font d'affreuses morsures, dont la hache seule peut débarrasser. Le corps du métier des maréchaux brise casques et cuirasses sous ses lourds marteaux; tout sentiment est éteint, c'est une boucherie à faire reculer des tigres; on n'entend parfois que les respirations haletantes des combattans, puis un cri et un râle de mort, enfin après une lutte affreuse dans laquelle succombent les plus braves officiers et quelques gentilshommes de la maison d'Alexandre, les assiégés reprennent leur rempart, et les vaincus trébuchant sur les corps de leurs compagnons, vont se réformer à l'abri de la tranchée.
Tout-à-coup un cavalier arrive à toute bride et annonce que les Wallons du comte de Roeulx ont arboré leurs bannières sur la porte de Tongres; cette nouvelle rend pour un moment une nouvelle énergie aux troupes, qui s'élancent vers la brèche avec un courage digne d'un meilleur sort; mais bientôt ils s'aperçoivent qu'ils sont dupes d'une ruse, et, malgré les ordres de leurs chefs, ils abandonnent le combat pour la seconde fois.
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Les choses n'allaient guère mieux pour les assaillans à la porte de Tongres, où les Allemands et les Wallons, jaloux du régiment de Tolède, s'étaient élancés à l'assaut en colonnes serrées, malgré les ordres et les recommandations du duc de Parme qui, témoin de la tuerie de la porte de Bois-le Duc, envoyait messager sur messager pour leur recommander d'ouvrir les rangs. Les soldats ne tinrent compte de ces avis, et voulant devancer les Espagnols et avoir la gloire de paraître les premiers sur la brèche, s'y portaient en masses profondes, dans lesquelles l'artillerie de Manzan fit un affreux carnage. Les longues couleuvrines chargées de chaînes, de ferraille, de cloux, enlevaient à chaque décharge des files de soldats; les chaînes dont les canons étaient chargés, coupaient par le milieu les combattans et parsemaient le sol de membres brisés. La ruse de Mansfeld qui envoya trois cavaliers de suite pour annoncer la prise de la porte de Bois-le-Duc par le régiment de Lombardie, ne servit qu'à augmenter la tuerie, en donnant au soldat une nouvelle ardeur. Vido, comte de St.-Georges, Alfonse Castillo, Pierre Pacheco et une foule d'autres capitaines tombent sous la mitraille. Alexandre, désespéré de la perte detant de braves, et recevant courrier sur courrier de Valdez et de Figueroa, qui lui demandent d'ordonner la retraite, éclate en plaintes d'indignation et de douleur. Il vient de voir passer devant lui les corps sanglans de Fabio, son parent, qu'il chérissait comme un frère, et de Vido, le jeune comte de St.-Georges, l'un des plus braves et des plus intelligens capitaines de son armée.
- Allez vers Valdez et Lopez! dit-il, que l'on continue le combat, et si mes ordres ne suffisent plus, je vais leur
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montrer par mon exemple còmment on prend une brèche, fut-elle gardée par l'enfer, ou comment on y tombe en homme de coeur!
Puis arracharit une pique à un soldat, il appelle la compagnie de Lopez Urquize qui lui répond par des acclamations; les Allemands et les Wallons, piqués d'émulation, se reforment et veulent le suivre.
Du haut du rempart d'où il a vu s'opérer ce mouvement qui lui promet de nouvelles et d'illustres victimes, Tapin s'élance vers une couleuvrine, la pointe sur le groupe où se trouvent Serbellon, Gaspar Robles, seigneur de Billi, le colonel Tassis et Antoine Mentovato, qui tous s'efforcent de dissuader Alexandre de son dessein, en lui disant qu'un général se doit avant tout à son armée. Les troupes enthousiasmées demandent à grands cris Farnèse, qui cherche en vain à échapper à ses officiers, lorsque tout-à-coup un boulet enlève Mentovato et brise l'épaule à l'écuyer de Farnèse qui se trouvait à côté de son maître. A cette vue, Serbellon éclate en reproches, entraîne de force Alexandre dans la tranchée, et fait sonner la retraite.
La perte des ennemis dans ce furieux assaut fut grande. Quinze cents Espagnols tués ou blessés, parmi lesquels cent cinquante braves capitaines, rabaissèrent la morgue des assiégeans. Les Wallons et les Allemands payèrent amplement leur contingent dans ce sanglant tribut.
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