Journaal gedurende de veldtochten der jaren 1673, 1675, 1676, 1677 en 1678
(1881)–Constantijn Huygens jr.– Auteursrechtvrij
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Avril.Jeudy. 1.S.A. alla voler le heron le matin; le cousin Henry Zueers et sa femme me furent voir le matin. Je criay de Wilde et le menaçay tout de bon pour son peu d'application à son deuoir. L'apresdisnee S.A. alla encor à la chasse, et Zuerius et moy l'ayant suivy ne le trouvasmes pas au lieu ordinaire, ou l'on voloit le heron. Mr de Dyckvelt arriva le soir de Brusselles. Tromp, l'Admiral, estant arrivé le soir du jour precedent, me vint dire que S.A. avoit ordonné qu'on luy fist sa commission de Lt Admiral General et un acte qui le dispensast de servir apres la mort de S.A. en cas qu'il n'en eust pas la volonté. La garde du corps eut ordre de marcher le jour suivant, S.A. devant suivre le lendemain. | |
Samedy. 3.S.A. partit pour aller joindre les trouppes qui marchoyent tousjours du costé de Gand. J'allay a cheval, les autres estants desja partys. Dans un cabaret, aupres de Westwesel, je trouvay Preswitz, Isac, Bulau et d'autres et desjeunay un peu auec eux. Vers les cincq heures j'arrivay a Anvers ou je trouvay S.A. a l'Aigle a table. Il me fit faire quelques depesches, puis alla passer la riviere pour coucher à la teste de Flandres. Je restay dans la ville et allay loger auec Ryswyc et Gunterstein in ‘de Tinne kan’, in̅ Kammerstraet. Il y eut un terrible embarras ce soir au passage de la riviere a cause du nombre des personnes et de la quantité du bagage qu'il falloit transporter. | |
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Dans cette auberge je trouvay Moersbergen et Gerverskoop dont le dernier eut une grande defaillance. | |
Dimanche. 4.M'estant levé a 5 heures je ne pûs jamais passer la riviere que sur les neuf et ce avec beaucoup de peine. A la teste de Flandres mr de Dyckvelt m'offrit son carosse et nous allasmes ensemble a un village à 1½ heures de Gand nommé Loo Christi, ou nous logeasmes dans une maison de campagne de l'Evesque de Gand susdt. Passants par le pays de Waes nous vismes les marques de la bruslerie et du ravage qu'y avoyent fait les ennemys l'annee precedente. Oublay, Capne des Guides, arriua ce soir avec des lettres du C. de Waldec et S.A. resolut la dessus d'aller le jour suivant jusques a l'armée, laissant tout le bagage derriere, a la reserue de fort peu de chose. Si bien que je ne pûs prendre avec moy que quelques hardes, dans deux portemanteaux. Cette resolution et la longueur du chemin qu'il y auoit a faire chagrina fort tout le monde. | |
Lundy. 5.Je partis auec mr de Dyckvelt dans son carosse et ayants passé à Gand, nous costoyasmes le Canal de Bruges jusques a 1½ heure de cette ville ou le chemin commenca à estre fort mauvais; la nous repeumes dans une meschante maison, et le duc de Montalte, General de la cavallerie Espagnolle, vint trouver S.A. Nous passames sur la contrescarpe de Bruges et allames 4 lieues plus loing vers Ipres, a un village nommé Tourtou, ou le Conte de Waldec estoit avec les trouppes. S.A. souppa chez luy et nous autres aussi. Il n'auoit aussi que peu de bagage. | |
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Le chemin fut tres-mauvais et fatigua fort les trouppes, le temps n'estant pas meilleur aussi. On prit un espion venu de Courtray, que les paysans connoissoyent et decouvrirent. S.A. fit venir de Neuport a Ipres les regiments d'Espach et de Heemstra, et ordonna qu'on renvoyast toutes les sauvegardes de France qui se trouveroyent dans la Chastelenie d'Ipres. | |
Mercredy. 7.S.A. resta a Langemart pour attendre l'infanterie qui n'estoit pas arrivée toute. Envoya ordre au regiment de Mauregnault de le joindre le lendemain à Poperdingen. Item aux Chastelenies de Cassel et de Belle de renvoyer les sauvegardes. Escrivit au Baron de Rocca, Gouverneur d'Ipres, de faire partir de la le jour suivant les regiments de Hornes, Vrybergen et Torsay pour marcher avec l'artillerie vers Belle. | |
Vendredy. 9.Nous marchasmes de Poperingen à Marie-Capelle, un petit village a 4 heures de St. Omer. Il fit un beau jour. En chemin, approchant de Mont Cassel, on entendit le canon devant St. Omer, et estants a la hauteur dudt Cassel nous vismes la fumée des coups. A Mont Cassel, qui est tout proche de ce village, il y avoit 200 Francois et 100 paysans. Un paysan, sorty a la minuit passée de St. Omer, porta une lettre dans un baston; elle adressoit au Baron de Rocca et estoit en chiffre. | |
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deux heures de Marycapell. S.A. y logea dans une meschante maison de paysan ou mestairie, et moy n'ayant point de quartier, je couchay dans ma charrette, les autres dans l'escurie et chascun comme il pût. S.A. et d'autres estant montés un peu sur la montagne, ou est Cassel, virent l'armee des ennemys campée, et on commenca à decouvrir par-cy par-la des vedettes des ennemys et des gardes et gens qui venoyent reconnoistre. Nous disnames avec S.A. en pleine campagne et ou luy ameina plusjrs prisoniers, le premier tresmal fait, qui parloyent touts des trouppes et du Roy mesme, qui devoyent venir de Cambray. Un party des nostres prit dans un village la aupres l'equippage d'un officier, mulets etc. Vers les six heures les ennemys avec environ trois mille hommes, infanterie et cavallerie, parurent de l'autre costé dudt ruisseau, comme voulants disputer le passage aux nostres, et de nostre costé y ayant esté envoyé du monde, entré autres le regiment de Vryberghe, il y eut une escarmouche qui dura plus d'une heure. Nous fismes aussi mettre du canon sur la hauteur, et a la fin l'ennemy se retira. J'entendis cette tirallerie de la maison ou S.A. devoit loger et allay a pied sur ladte hauteur avec le Coronel ter Bruggen pour voir. Le soir S.A. arrivée au quartier, on fit les dispositions pour le jour suivant, et il y eut quelque difficulté pour scavoir comment on pourroit passer le ruisseau a la veue des ennemys; mais ayant esté donné ordre pour faire-des ponts a Coljear, Top etc. ils en firent sans trouver personne qui leur dist rien. | |
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son quartier, je le trouvay desja sorty et le quartier vuide. Oublet et Frobenius, me rencontrants, m'advertirent de ne pas prendre trop sur la droite de peur de trouver des ennemys. M'en estant revenu j'allay jusques à un de nos ponts ou passoyent les trouppes en grande haste et sans trouver pourtant qui les empeschast. Toute l'armée passa ainsi et se mit en battaille. Je rencontray Cassiopin qui commandoit une brigade de l'aisle droite et puis passay vers la gauche avec Kip pour chercher S.A. que je trouvay a la fin, mettant tout en ordre. Estant avec Cassiopin nous vismes de loing les ennemys qui se formoyent aussi. Il me sembla a voir S.A. et le Comte de Waldec qu'ils estoyent un peu embarassés, et je parlay a plusjeurs personnes qui trouvoyent beaucoup de difficulté a l'affaire en ce qu'il estoit incertain s'il n'estoit pas venu des trouppes aux ennemys; que la retraitte devoit estre difficile etc., et le Conte de Waldec, qui se faschoit contre Levin, Lt de ......Ga naar voetnoot1), et qui servoit de guide, sur ce qu'il se trouvoit qu'entre les ennemys et nous il y avoit encor un ruisseau a passer et on il n'y avoit point de ponts. Cependant le Conte de Nassau arriva avec huict ou dix regiments de cavallerie et demeura sur la haulteur sans passer le ruisseau. Pendant que j'estois la, allant en deca et en dela avec S.A. les ennemys amenerent deux petites pieces de canon aupres d'un moulin et tirerent force coups parmy nos gens qui firent bien du dommage; quelques boulets tomberent a 20 ou 30 pas de S.A.; on commenca aussi a entendre quelque mousquetterie de gens qui escarmouchoyent. Tout cela durant longtemps, j'allay par un de nos ponts | |
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sur la haulteur et beus quelques verres de vin parmy la cavallerie qui estoit la, Oyen, Schimmelpenning etc. A. la fin je trouvay Dyckvelt, Witsen et Ursinus, le premier me disant qu'il m'avoit cherché tout le matin. Ayant esté assis quelque temps sur ces haulteurs, gueres loyng du quartier de S.A., nous vismes avancer les ennemys vers le cloistre de Piene ou il y avoit des dragons de S.A. qu'ils attacquerent un demy heure durant, mestants le feu dans les granges et les maisons d'autour, les dragons se defendants tousjours vigoureusement, jusques a ce que S.A. envoya pour les soustenir le regiment de Vrybergen; lequel arrivant au cloistre, les ennemys faisants grand feu, le repousserent un peu, mais s'estant rallié immediatement apres, il chassa lesdts ennemys. Quelquetemps apres nous vismes brusler le cloistre, S.A. y ayant fait mestre le feu parce qu'elle ne vouloit pas que ce poste fust entre les mains des ennemys. Cela fait il y eut bien une heure d'intervalle qu'on n'entendit point de bruit, ny de coups, tellement que nous croyions que tout estoit fait. Mais a la fin tout d'un coup nous vismes qu'a l'aile gauche on estoit aux mains et entendismes tirer extremement, et au bout d'une demy heure nous vismes les ennemys qui enfoncoyent nos gens et commencoyent a avancer vers nous. Oela causa grande emotion parmy nos gens. La cavallerie sauta a cheval et alla au grand trot vers la gauche pour empescher que les ennemys, pouvants venir par le passage d'aupres de Cassel, ne nous coupassent, comme il sembloit qu'ils avoyent dessein de faire. Dyckvelt me dit que Weibnom, passant par la, le luy avoit dit. La dessus nous autres montasmes aussi à cheval et allames avec cette cavallerie, ne voulants pas estre couppés aussi, et je fis aller Gelein vers mon bagage qui estoit encor au quartier de S.A. | |
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Estants ainsi avancés vers la gauche avec la cavallerie, nous trouvâmes mr le Comte de Nassau, General de la cavallerie, qui temoigna estre surpris de ce qu'il ne luy venoit point d'ordres. A la fin il nous demanda si nous voulions desjeuner avec luy et fit mettre la nappe sur terre, mais comme nous eumes mis pied a terre son adjutant Riedesel luy estant venu dire quelque chose bas, il monta viste a cheval, posta des dragons dans une haye pour empescher les ennemys de passer la, et nous dit que la derriere les affaires alloyent tres mal, et que S.A., ayant retiré (ce dit il) son infanterie, estoit allée a la gauche du mont Cassel avec ses gardes de corps et son regimt de cavallerie. Qu'il avoit mandé a mr de Weibnom, qui estoit a la teste de la cavallerie, de marcher tousjours au grand pas, et qu'il nous conseilloit de nous mettre avec luy. Ainsi ayants gaigné la teste, nous allasmes passants aupres de St. Marie Capelle jusques a Steenvorden, ou S.A. et mr le Conte de Waldec estants arrivés par l'autre chemin, mr le Prince estoit entré dans le cloistre des Religieuses, qui luy avoyent donné a desjeuner en venant pour boire un coup. Le Conte de Waldec et son fils estoyent à la porte, et une foule si horrible dans le bourg de gens qui venoyent fuyants par divers chemins jusques la, qu'il y eut une fort grande peine à passer. De la nous allasmes le mesme soir jusques a Poperingen, ou j'allay loger au mesme logis, au coing de la grand place, on j'avois esté en venant. S.A. mangea en publicq, mais peu de chose, ses mulets n'estants pas encore venus. Tout du long du chemin il y eut une grande foule de toute sorte de gens, qui se sauvoyent. S.A. demeura coucher a Poperingen, quoyque plusjeurs jugeassent qn'il n'y faisoit pas trop seur. Nous arrivasmes a Poperingen environ a dix heures du soir. | |
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Je perdis ma charette et ce qu'il y avoit dessus. | |
Lundy. 12.Nous partismes de Poperingen a 10 heures du matin, S.A. estant allée auparavant a deux ou trois coups de mousquet sur le chemin que nous estions venus, du costé de Steenvoorden. A une heure nous arrivasmes a Iperen, ou S.A. disna chez le Baron de Rocca, Gouverneur de la place. Voorst, Preswitz, le petit Roosande et moy allasmes chercher a manger dans plusjeurs cabarets de la ville, personne ne voulant ou ne pouvant nous en donner. A la fin nous allasmes dans un mechant cabaret, ou l'on nous mena dans une chambre haulte, ou logeoyent deux tambours Francois, desquels l'un, venant d'Aire, estoit un coquin adroit; j'eus encor bien de la peine à trouver le couvert pour mes chevaux. Je logeay dans une assez bonne maison a cincq ou six maisons de celle de S.A., qui logea chez un Eschevin de la ville nommé Levin, qui auoit la plus laide et la plus sotte femme du monde. Elle me conta d'abord son parentage et ses biens, m'offrit a boire et a manger deux oeufs frais. | |
Mardy. 13.Nous restames a Ipres, mais on fit marcher les trouppes du costé de Bruges, par ce qu'il y eut des auis que les Francois avoyent detaché 10.000 hommes pour nous coupper. A disner nous mangeasmes vis a vis du logis de S.A. dans une maison ou il y avoit une assez jolie fille, a qui Bulo et Asperlyn firent les doux yeux. J'acheptay la dedans de la dentelle. J'escrivis a la Haye une lettre qui ne partit que le lendemain au matin. S.A. escrivoit aux Estats rendant compte de ce qui s'estoit passé au combat (ainsi l'appellat il) donné aupres de Mont-Cassel. Il rejetta la cause du malheur sur deux regiments (Walenbourg et Laverne) qui avoyent plié d'une | |
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maniere infame, et avoyent causé la fuitte de trois autres qui estoyent envoyés pour les soustenir, n'ayant pas fait de la resistence jusques a ce qu'ils pussent estre postés, et en 2me lieu sur la force des ennemys que l'on n'avoit pas faite si grande, la ou neantmoins il leur estoit venu la nuict qui preceda le combat 14000 hommes de Cambray. | |
Mercredy. 14.Nous marchames d'Ipres a Beest, un petit village à une demy heure au dela de Dixmude. A une heure dudt Beest le chemin commença a estre si mauvais que je n'en ay jamais passé un pareil. Trois mulets de S.A. et deux de mr Bentingh tomberent dans la boue. Les lettres d'Angleterre disent que les deux chambres du Parlement avoyent insisté a ce que le Roy voulut prendre à coeur la protection des Pais-bas Espagnols, avec offre de l'assister en cas que cette affaire l'engageast dans une rupture. Le duc de Montalto, General de la cavallerie Espagnolle, vint a la rencontre de S.A. a un demy quart d'heure hors de la ville Dixmude. Le Conte de Waldec se trouvant le matin dans la garderobbe de S.A. et parlant du combat passé, dit entre autres choses que nous auions trop peu de generaux. Le gouverneur d'Ostende me vint faire compliment en chemin. | |
Jeudy. 15.Nous marchasmes de Beest a Snelleghem, ou je logeay dans la maison du koster. L'apresdisnée je receus une lettre de Sas avec une enclose d'une femme dont je ne pûs pas bien lire la signature, mais estant a peu pres comme cecy: W.S.H. Griehesne et d'Arbay, laquelle luy mande qu'elle souhaitoit qu'il vint a Gand pour luy decouvrir une entreprise sur la vie de S.A. Elle dit que cette affaire luy avoit esté decouverte par son mary, lequel depuis un an estoit prisonnier des Francois, et depuis trois mois avoit esté mené a Tournay, ou il avoit rencontré le Conte de Chasteau-Briant, qui luy avoit decouvert cette affaire. Sas envoyant cette lettre me manda | |
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que cet avis l'avoit touché jusques un coeur. S.A. temoigna de ne s'en mettre gueres en peine, et me dit de mander a Sas, qu'il attendoit de scauoir ce que cette femme luy auroit decouvert dans leur entreveue. | |
Vendredy. 16.A sept heures du matin une bonne maison derriere la mienne, ou le Conte de Waldec avoit logé la nuict precedente, brusla. Nous marchasmes de Beest susdt jusques a Eeckeloo, passants sur la contrescarpe de Bruges, et puis le canal de Bruges sur un pont fait expres. Benting me demanda si je voulois passer par la ville avec luy, mais S.A., nous voyant en chemin, nous rappella. | |
Samedy. 17.Je sortis de mon logis pour prendre une chambre dans celuy de S.A., qui me l'ordonna. S.A. escriuit au duc de Lorraine luy mandant les particularités du dernier combat. Holtzappel eut le regiment de cavallerie de Homberg, mort dans la bataille. S.A. parlant a Coljear et a moy de ladte battaile me dit en raillant: ‘Zeelhem doet dien graeuwen hoedt wegh, ick magh gheene graeuwe hoeden meer zien, ick schrick altijt als ick Walenburgh hoore noemen.’ S.A. escriuit a van der Tocht de prier mr l'Electeur de Brandebourg le venir rencontrer a Anvers, ne pouvant s'esloigner des trouppes, et 's Gravemoer me dit qu'il croyoit que de la il iroit a Breda. | |
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W .....Ga naar voetnoot1) qui me parla quelque temps de la battaille et de la maniere de faire du m .....Ga naar voetnoot1) disant que l'on ne songeoit pas assez à temps a ce qu'il y avoit à faire, et que puis les choses nous tombant sur les bras, on prenoit souvent des partys qui n'estoyent pas les meilleurs. Que ....Ga naar voetnoot1) prestoit tousjours l'oreille a ceux qui parloyent de donner. Qu'on avoit assez sceu qu'il estoit venu un grand renfort aux ennemys, mais qu'on ne vouloit pas que l'on l'àvoit sçeu, et qu'il falloit donner à la chose la meilleure couleur qu'on pouvoit; qu'il luy avoit reproché une fois qu'il dirigeoit les choses pour empescher indirectement le combat. S.A. alla se promener l'apres disnée; le Prince de Vaudemont fut avec luy longtemps le soir. Je receus la premiere lettre de ma femme, qu'elle m'avoit escrite apresque par la mienne du 13 elle avoit sceu nostre defaite. La nouvelle vint que le Cor. Graham estoit mort. | |
Mercredy. 21.S.A. m'envoya le matin au Sas pour parler a la femme d'un certain d'Arbay, qui a esté Major du regiment de Bacher, de laquelle le sr Sas m'avoit envoyé une lettre addressée a luy du ....Ga naar voetnoot1) de ce mois ou elle luy mande qu'il y avoit des choses qui regardoyent l'Estat, les Alliés et la personne de S.A. qu'elle souhaittoit de luy descouvrir, et que pour cet effet il voulust se trouver un tel jour a Gand. Sas y estant allé, apres en avoir parlé au Raedpensionaire Fagel, ne la trouva pas encor arrivée, et ayant attendu encor deux jours au Sas de Gand, il en partit, recommandant au Commandeur de persuader la dame d'Arbay, au cas qu'elle y vint, de l'aller trouver a Rotterdam. Cette femme n'y vint pas, a cause de quelques empeschements, que le 20e, et Sidelenisky | |
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l'ayant mandé a S.A., elle m'envoya pour luy parler, comme je fis et la ramenay au quartier avec Sidlenisky luy mesme. Ayant parlé a S.A. elle me dit en substance, n'ayant pas voulu se declarer a moy jusques là auparavant que le Comte de Chasteau-Brian, Breton, detenu prisonnier dans un cachot a Tournay, sans qu'elle en sceut la raison, avoit declaré a son mary, aussi prisonnier au mesme lieu, qu'il y avoit un de nos Generaux qui tiroit pension de la France et s'estoit engagé de faire auorter autant qu'il pourroit touts les desseins de S.A., et que quand il ne pourroit plus le faire, il tascheroit de l'assassiner. Qu'il y auoit de la correspondence entre cette personne et plusjeurs autres du Gouvernement en Hollande, nommement à Dort, avec les ennemys, et qu'un homme demeurant sur les terres d'Espagne portoit les lettres. S.A. insista pour que l'on nommast cet officier general et ses complices, mais cette femme dit que Chasteau-Brian luy avoit decouvert toute l'affaire sans nommer les personnes, mais elle entreprit de faire un voyage a Tournay pour tascher de sçavoir le nom, et dit qu'elle se rendroit le 28 du mois a la Teste d'Or à Gand, voulant que l'on escrivist à Sas de s'y trouver en mesme temps. En allant vers le Sas on passe par Assenede, un fort grand et beau village, ou il y a un grand chasteau ruiné; le chemin est tout sable. | |
Jeudy. 22.Je parlay a mr Beaumont, Secretaire d'Hollande, estant venu icy avec d'autres Gecomm. Raden porter de l'argent pour les recreutes des trouppes délabrées. Je fus me promener l'apresdisnee dans le jardin des Capucins, qui est derriere leur cloistre, tout joignant le village, et assez joly et propre avec un vivier ou fosse fort large à l'entour. S.A. s'y promena en mesme temps. | |
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autres que la femme du Conseiller Hop s'estoit accouchee au 6e mois de son mariage. Le jour precedent et quelques autres ce petit anglois, nommé Herne, qui avoit pris l'hyver passé Rhothé, avoit paru à la cour et estoit venu manger avec nous, parlant (ce dit Coljear) comme ayant des pensees de succeder a du Moulin. On parla de ce que S.A. pourroit bien aller dans peu a Breda, mais Odyck me dit qu'il croyoit qu'elle attendroit icy auparayant le R. Pensionaire. Odyck me dit aussi qu'en Angleterre il ne se faisoit rien. Il continua de faire un temps froid et desagréable. | |
Dimanche. 25.S.A. fit la Cene. Le Raedpensionaire d'Hollande arriva le matin, et ayant esté depuis les 11 heures jusques a disner, et puis toute l'apresdisnee avec S.A., il partit encor le soir pour s'embarquer. 's Gravemoer me dit que l'argent qu'avoyent apporté les Gecomm. Raden d'Hollande avoit esté destiné pour d'autres usages, comme l'equippage de la flotte, et qu'à l'instance de S.A. ces messrs l'avoyent apporté icy un peu contre l'ordre. J'acheptay de Baersenburg, valet de chambre de S.A., un cheval qu'il avoit pris en payement pour 400 £ prestées à feu Frobenius; je le payay 400 £. | |
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j'avois fait faire au lieu des perdues a la bataille de Mont-Cassel. Je donnay aussi a Bruynestein, allant a la Haye, la petite monstre de S.A. pour y faire raccommoder quelque chose. | |
Mardy. 27.J'eus extremement à faire tout le jour et dechiffray entre autres choses ce qu'il y avoit en chiffre dans une lettre de mr van Beuningen, ayant pourtant perdu le Chiffre dans la battaille de Cassel. Le soir les deputés d'Hollande soupperent chez le Conte de Nassau. Le Marquis de Montpouillan, y estant aussi, eut dispute avec Franckestein sur quelque chose arrivée dans la battaille susdte, et a la fin Montp. ayant dit a l'autre qu'il avoit ben, et Franckenstein ayant reparty qu'il avoit beu peut-estre plus que luy, un troisjesme, nommé seignr de Somergem, se prit a dire: Comment est il que l'on traitte ainsi les Generaux’, et en mesme temps donna un bon soufflet a Franckestein, surquoy ils furent separés. Dyckvelt me pria à disner avec mrs de Mottes et le Baron de Platen, mais je n'y pûs aller pour avoir trop à faire. Coljear me pria aussi à soupper avec les deputés d'Hollande, mais je n'y allay pas non plus. | |
Mercredy. 28.Je fus me promener vers le soir une demy heure pour essayer mon cheval nouveau et vis sur une petite eminence au bout du village, attachés et pendus à des potaux, les 9 soldats de Walenbourg. S.A. eut nouvelle le jour precedent que les ennemys avec deux mille hommes avoyent occupé Hooghstraten, apparemment pour faire des executions pour des contributions. J'appris que mon batteau n'estoit party que le jour precedent sur les 12 heures. | |
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On parla d'aller loger aupres de Gand. Le Raedpensionaire de Zelande et quelques autres deputés de la Province, estants venu trouver S.A. et arrivés le jour precedent, s'en retournerent. | |
Vendredy. 30.Berckestein me manda que mr de Liere estoit de retour d'Angleterre et alloit bastir à Emmickhuysen: Que des deputes de la ville de Groningue, qui avoyent esté a la Haye, et y avoyent demandé aux Gecomme Raden la convocation des Estats pour tacher à faire renverser ce que S.A. et les deputés avoyent fait a Groningue l'hyver passé, avoyent demandé la mesme chose a Utrecht, mais avoyent esté renvoyés avec peu de satisfaction. 's Gravemoer me dit le jour precedent qu'il avoit mandé sa femme, croyant que nous ne partirions pas de quelque temps icy. Je fus jusques a trois heures de nuit à dechiffrer sans clef une partie d'une lettre de van Beuningen, du quel j'avois perdu le chiffre a la battaille. | |
May.Samedy. 1.S.A. alla a l'Escluse, et moy luy ayant porté quelques papiers a 6½ heures du matin, j'allay me recoucher estant incommodé d'une toux. Le soir S.A. et ceux qui avoyent esté avec elle revindrent de l'Escluse ayants fait une debauche enragée chez la Lecq et s'ayant entredeschiré touts leurs habits. | |
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Je disnay encor chez Dyckvelt. Le jour precedent on me dit que vers une heure de nuict on voyoit une comete du costé de l'orient. | |
Mardy. 4.Sas venant du Sas de Gand avec Sidlenisky me dit qu'ayant attendu a Gand la dame d'Arbay jusques au 2e, à la fin elle luy avoit escrit une lettre, qu'avoit apporté un paysant, ou elle luy manda qu'elle n'avoit pû venir parceque madame d'Humieres luy avoit dit de rester a Lannoy, jusques a ce que le Roy vinct a l'Isle, on il devoit estre dans peu de jours. Qu'elle le prioit de ne se point lasser de poursuivre l'affaire, parcequ'il s'agissoit de choses importantes; tout cela dans des termes couverts et comme parlant d'autre chose. A la fin elle adjouste qu'ayant eu un different avec Joncker Willem (S.A.) touchant la personne d'un General, elle pouvoit l'asseurer maintenant que c'estoit le general de la cavallerie. Sas m'ayant quitté alla parler a S.A. et dit qu'elle luy avoit dit, qu'il falloit approfondir ceste affaire et qu'elle commencoit a avoir meilleure opinion de la sincerité de cette femme, et un peu apres, que ce Comte de Chasteau-Briant estoit un homme qui ne valoit gueres. Sas pourtant s'opiniatra à vouloir s'imaginer qu'il y avoit quelque chose de veritable en cette affaire. | |
Mercredy. 5.J'eus le matin a 8½ heures le bagage que j'avois fait venir de la Haye. Benting, Odyck et la Lecq furent quelque temps dans ma chambre, demandant à voir les lettres d'Angleterre. Le jour precedent au soupper Coljear me dit que ce Herne, qui pretendoit a la charge de Secretaire des affaires estrangeres, desesperoit de pouvoir reussir et luy avoit parlé pour voir si S.A. ne voudroit pas l'accommoder de celle de feu Frobenius, non pas pour la faire effectivement, mais pour en avoir, ce luy avoit il dit, la qualité et les gages. Le mesme jour il vint me trouver pour auoir une lettre | |
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de recommandation aux G. Raden pour avoir le reste de ce qui luy estoit deu pour auoir attrappé Rothé; il eut la lettre. | |
Jeudy. 6.S.A. alla voir le matin les regiments de Heemstra, du Conte Jan de Hornes et .....Ga naar voetnoot1) à trois heures du quartier. Je desseignay une petite veue du village. Odyck me dit que le R. Pensiouaire et van der Goes devoyent venir trouver S.A. pour l'affaire d'Isinghien. | |
Samedy. 8.S.A. fut au Sas et disna chez Sidlenisky. Le matin je fus me promener avec le Fiscal Rooseboom. Ensuitte nous allames disner chez mr de Dyckvelt ou estoyent aussi le Coronel Cassiopin et le Commissaire Cau. Sur la fin du repas il nous fit taster de son Ros solis dont il m'entra quelque chose dans l'aspre artere, qui faillit de m'estrangler. S.A. escrivit aux G. Raden pour avoir au plustost le gros canon. | |
Dimarche. 9.Il y eut presche. 's Gravemoer me dit, comme nous parlions des desseins de la campagne, que le dessein ne pouvoit estre sur Mastricht, par ce que l'on faisoit venir l'artillerie a Philippine, mais qu'à son avis on en vouloit à Dunquerque. Je disnay chez le Fiscal Rooseboom; nous ne fumes qu'a trois, mr de Hofwegen, luy et moy. Je remis 200 ducatons a la Haye par une assignation d'Oyen. | |
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de cela il donnoit à Lintelo 250 £ par semaine; que le Conte de Waldec dans le peu de temps qu'il avoit commandé l'armee l'esté passé, avoit eu des mesmes sauvegardes 15m £. Beverning escrivit a S.A. du 6 que dans sa precedente il luy avoit touché quelque chose d'une trefve, dont la France avoit fait quelque ouverture a l'Angleterre, et plus bas dans la mesme lettre: Ick hebbe een sake van de uyterste inportantie op de saken van Engelandt en Franckrijck aen H. Hoocht te seggen, twelck niet derve hazarderen, tenzij ick wete dat H.H. mijn cijffer ontfangen heeft, en dat het in de battaille niet vermist is. J'escrivis par occasion d'un trompette, qui alloit a Bruges, au marquis de Refuge pour luy offrir mon service et de l'argent, mon pere me l'ayant recommandé a l'instance de mr de Beringen. S.A. envoya a ceux de son conseil un project de nouvelle instruction pour eux, en demandant leur advis. Le soir le Lt Coronel de Heemstra blessa aupres du quartier le Major du mesme regiment, en sorte que le lendemain il en mourut. | |
Mardy. 11.Le matin entre neuf et dix Coljear me dit que S.A. alloit rencontrer le R. Pensionaire a Philippine, et qu'il pourroit arriver qu'il iroit a la Haye. Je luy fis signer des choses ensuitte, mais il ne me dit rien de cela. Apres disner, vers les deux heures et demye, il monta a cheval et estant allé a Philippine y parla avec mr Fagel, et ensuitte s'embarqua pour l'Hollande, n'ayant pris avec luy que Benting, Voorst et Ouwerkerck, qui ne scavoit rien du voyage, et se plaignit de ce que Benting ne luy avoit rien dit. On dit que S.A. asseura qu'elle seroit de retour Dimanche. Le petit Conte de Nassau, Isac et Coljear revindrent a 9½ du soir. | |
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Je fus un peu surpris de ce que mr le Pr. ne m'avoit rien dit, quoyque selon tout ce que j'ay pû entendre depuis, il n'ait pas esté asseuré s'il devoit passer outre allant a Philippine. | |
Mercredy. 22.Dyckvelt me dit que S.A. luy avoit dit qu'elle vouloit estre de retour Lundy, qu'elle luy avoit dit que la France faisoit quelques avances d'une trefve et mesme des propositions de paix; qu'elle ne scavoit pas bien encore quelles elles seroyent, mais qu'elle croyoit qu'elles seroyent telles, qu'il estoit à craindre que de nos gens s'y amuseroyent. Le soir je fis partie avec Issac pour aller a Anvers. | |
Jeudy. 13.Je partis le matin avec Isac pour Anvers, montant mon cheval d'amble Anglois. Nous allames d'Eeckelo a Selsaten, ou l'on passe le Canal de Gand dans un petit bacq. Là nous rencontrames Meester aupres de l'artillerie. Ayants passé le canal, nous passames a Wabbeecke et a Moerbeecke, touts deux bruslés par les Francois l'an passé. A dix heures et demye nous arrivames a Steecken, un grand village, ou nous disnames. Il me vint une sorte de mal de coeur et j'eus de la peine a m'endormir estant assis, mais ayant eu une selle et dormy un peu, cela passa pour la plus grande partie. De Steecken on passe par st Gillis et Vraessene, nous arrivasmes à cincq heurez et demye a Anvers. Il y a 13 heures de chemin, 4 d'Eeckelo à Selsaten, 4 de la a Steecken et 5 de Steecken à Anvers. Nous allames loger à l'Aigle. J'allay chercher van̅ Wyngaerde, mais ne le trouvay pas. Mr de Ginkel et mr d'Ittersum, sr de Niehuys, logeoyent aussi à l'Aigle, ayants fait venir leurs femmes. | |
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Avant que d'aller la je fus avec mr de Ginckel et l'autre pour voir des chevaux anglois dont il en achepta un 400 £. Je fus chercher Duarte, mais il n'y estoit pas. Le soir le Comte de Nassau, Gn̅al de la cavallerie, arriva. | |
Samedy. 15.Duarte me vint voir le matin. Je disnay auec le Conte de Nassau à dix heures. Il y avoit aussi le Conte Reüs au grand menton. J'acheptay 4 £ de choccolate a 11 eschellings la livre. Duarte me vint prendre auec son carosse et nous allames chez Voet ou j'acheptay des desseings; il demeure au St. Jansstraet dans une jolie maison. Il a deux chambres garnies de fort bons tableaux. De la nous allames chez de Vos ou je n'acheptay que quelques petits desseins. Apres cela nous allames voir un jeune Chanoine de Nr̅e Dame, nommé Kox, qui fait tresbien en miniature et est fort bon garcon. Il nous fit voir deux bons petits portraits en miniature de la Reine de Suede et de Hannibal Zeested, faits par un certain Fruytiers, mort a present. Le soir nous allames encore chez mr Happaert. | |
Dimanche. 16.Je disnay seul, apres avoir encor esté chez Duarte avec Gasparo qui m'estoit venu voir le matin et m'avoit tenu des discours selon sa capacité. A une heure et demye je partis a cheval pour le quartier de Lokeren ou l'armee estoit depuis Vendredy. Je rencontray en chemin le Baron de Heyde, Capne de cavallerie, et mr Riedesel, Adjutt du Conte de Nassau, qui allerent avec moy jusques aude quartier. D'Anvers à Lokeren il y a 6 lieues. | |
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ou il dit que l'Estat leur avoit fait entendre sur quel pied ils pourroyent traitter (s'entend a part) et qu'il croyoit que dans peu de jours leur traitté se conclurroit. S.A. revint de la Haye à 9½ heures du soir. | |
Mercredy. 19.Van Beuningen manda dans de lettres, que je dechiffray, que le Roy s'opiniastroit a ne vouloir point ouir parler de rupture, si la France vouloit entendre a des propositions raisonnables, et que les ministres, parlant de la rupture, demandoyent beaucoup de temps pour que le Roy pust se mettre en estat, et parloyent comme si tout l'esté seroit requis pour cela. Qu'il avoit presenté un memoire, portant que messrs les Estats seroyent obligés de pourveoir a leur seureté et de prevenir la ruine totale de l'Estat, si l'Angleterre n'avancoit rien de reel touchant la guerre ou la paix. S.A. m'ayant demandé en se deshabillant si j'avois esté à Anvers, dit qu'elle vouloit y aller faire aussy un tour. Ce jour j'envoyay mon basteau a la Haye pour aller chercher du foin etc. | |
Vendredy. 21.S.A. alla voir le matin le regiment d'Erpach et puis disner chez Ginckel. S.A. escrivit au duc de V.-Hermosa de mander au duc de Lorraine qu'il ne voyoit pas qu'il y eut autre chose a faire pour luy presentement que de tascher à pousser le corps des ennemys qu'il avoit en teste, et de detacher 5 a 6000 tant chevaux que dragons pour marcher du costé de la Meuse et joindre S.A., en cas que les ennemys entreprissent d'assieger quelque place, comme Mons ou St. Gelain. Je fis un dessein du marché de Lokeren d'une fenestre haute de ma maison. | |
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Samedy. 22.S.A. fit l'election du Conseiller Fagel pour President du grand Conseil, de Boetselaer pour Maistre de Contes, de vander Meer pour Greffier de la Chambre des Comptes, et de l'Advocat Mahu le Febve pour estre Secretaire de la Cour d'Hollande. Un certain Cloeck, parent du Conseillr Hop et Capitaine reformé, querella avec Orrock, grand Prevost de l'armée aupres de la garde, devant le logis de S.A., et luy donna deux coup d'espée, l'autre se defendant d'un baston. | |
Dimanche. 23.Je fus au presche. L'apresdisnée S.A. alla à Temsche qui est à 3½ heure d'Ekelo. Roseboom le Fiscal me dit quelquechose en passant, voyant le ministre Ursinus ouvrir un pacquet de lettres avec beaucoup de circumspection, qu'il avoit quelque commerce avec la fille de feu Goeree a Rotterdam, que tout le monde en parloit et que mr le P. le scauoit aussi. | |
Lundy. 24.Me promenant auec Bax in 't Haeghje, nous allames voir le jardin de la maison ou logeoit S.A. ou nous trouvames le maistre, nommé sr Goedart, et la maistresse du logis; la dame sembloit auoir esté assez jolie, mais estoit un peu passée; elle avoit esté la servante du logis quand son maistre l'avoit espousée. Ce maistre nous conta qu'il avoit un arbre dans ce jardin, qu'il nous monstra, dont les fruits estoyent moitjé prunes et moitjé pesches. Qu'il avoit eu, il y avoit peu, la teste et le bois d'un cerf qui avoit esté trouvé soubs terre dix ou douze pieds dans un lieu ou l'on tire de la tourbe aux environs de Lokeren; qu'au devant de cette teste il y avoit une petite placque d'or gravée de lettres qu'il jugea estre Hebraiques, et attachée avec de petites chaisnettes aux deux cornes de cette teste. Que mr d'Humieres, quand il estoit venu l'an passé brusler à Lokeren, avoit pris cette rareté pour la mettre, ce dit il, dans le Cabinet du Roy. | |
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Mardy. 25.Je fus empesché depuis les dix heures du matin tout le jour et la nuit jusques a 4 heures du matin à dechiffer des lettres de mr van Beuningen, portant que le Roy, pour toutes les instances qu'on avoit pû luy faire, persistoit tousjours a vouloir faire la paix, mais qu'a la fin il sembloit qu'il se disposeroit à faire le premier quelques ouvertures des conditions, ce qu'il avoit refusé longtemps à moins que nr̅e ministre ne voulut y travailler de concert. Que l'ardeur du peuple pour la guerre contre la France augmentoit tousjours. | |
Mercredy. 26.Le Raedpensionaire Fagel et mr de Beverning arriverent le matin. S.A. et Benting me conterent que Benting avoit un arbre qui portoit des fruits moitjé citrons doux et moitjé oranges. C'est a dire que l'escorce estoit bigarrée et composée de bandes d'escorce d'oranges et de celles de citron, ayants chascune le vray goust, et que le dedans du fruit avoit le goust d'orange ou de citron, selon la nature qui predominoit. Mrs Fagel et de Beverninge partirent vers le soir. Mon basteau avec du foin, de l'avoine et quelques hardes arriva de la Haye. | |
Jeudy. 27.Je donnay au sr d'Oyen 300 ducatons qu'il promit de rendre à ma femme dans 4 jours à la Haye, s'y en allant. Je luy donnay aussi les desseins que j'auois achepté a Anvers pour les porter aussi à la Haye. Je disnay chez mr de Dyckvelt. Il fit grand chaud, comme aussi le jour precedent. Ma femme me manda qu'on auoit donné la torture a van Banchem sans qu'il confessast rien. | |
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que maintenant il avoit achepté la charge de Drossard de Meurs 25000 £, pouvant fournir a cela par le moyen de deux mariages riches, qui l'avoyent accommodé. Coljear me dit encore le matin que ceux du pays ou nous estions avoyent fait un present tres-considerable, et que cela estoit du sceu du duc de Villa-Hermosa. J'escrivis a Berkestein. Le soir au souper le Fiscal Roseboom me temoigna de scavoir quelque chose de l'affaire de Sas, et me dit que si j'en savois quelque chose, je n'en scavois pourtant pas le fin ny le dernier secret. Sedlenisky m'escriuit mettant dans sa lettre la copie d'une lettre de la dame du 21 Avril a Sas, ou elle mande a Sas soubs des termes couverts qu'elle estoit faschée de tant traisner, qu'elle le prie d'asseurer mr le Prince de ses bonnes intentions et de sa diligence, et de luy parler comme si l'affaire estoit entierement verifiée, et de prendre ses mesures comme si tout estoit veu au jour etc. | |
Samedy. 29.Je dis a S.A. ce que Rooseboom m'avoit dit le soir precedent. Elle me dit incontinent c'est asseurement Sedlenisky qui luy en a parlé, c'est homme ne peut jamais se taire. Je luy dis ensuitte que cela n'estoit pourtant pas bien, par ce que les Roosebooms, dependants, comme S.A. scavoit, de la maison de .....Ga naar voetnoot1), il seroit fort a craindre qu'il n'allast advertir nostre homme. Mr le Prince m'avoua cela et dit qu'il avoit esté fort fasché que Sedlenisky avoit eu connoissance de l'affaire, mais qu'il ne croyoit pas qu'il sceust tout ce que la femme auoit dit. Le dis que j'en doubtois, parceque Rooseboom m'avoit dit qu'il ne croyoit pas que je sceusse le fin de la chose, comme luy. Je disnay chez Dyckvelt. S.A. m'envoya a table les lettres de van Beuninghen | |
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et je fus toute l'apresdisnee et jusques a une heure de nuit apres soupé a les dechiffrer. Sur la fin il mande qu'il avoit appris de bonne part que le Roy faisoit de grands devoirs pour trouver un accommodement raisonnable pour les Pais-bas Espagnols, non sans faire connoistre que, n'y reussissant pas, il seroit obligé d'avoir soin des interests de son Royaume; au reste il se plaint fort de ce que ny Bergeyck, ny luy, n'avoit pas de pouvoirs qu'il falloit, pour traitter touchant une rupture. Bulau dit que c'estoit un proverbe ou quolibet qu'un homme du Pays d'Overyssel ne pouvoit jamais estre si fasché, qu'en luy monstrant un pain blanc il ne s'appaisast, pour ce qu'ils ne mangent en ce pays que du Pompernickel qui est du pain bis. | |
Dimanche. 30.D. Bernardo de Salinas, qui ayant esté quelquetemps envoyé du duc de Villa-Hermosa en Angleterre, en estoit revenu, vint trouver S.A. S.A. escrivit au duc de Cell de vouloir envoyer plus de monde que 4000 fantassins et 1000 dragons, comme le duc de V.-Hermosa mandoit qu'il vouloit donner seulement, et donner le commandement au Lt Gn̅al Chauvet et non pas à Axenhausen. | |
Lundy. 31.S.A. fut voir le matin le regiment de Wisely, duquel la comp. Coronelle estoit bonne et le reste tresmeschant. S.A. escrivit le soir au Conseil d'Estat pour faire saisir et envoyer a l'armée un Capitaine de ce regt, nommé Knight, qui n'avoit que 20 hommes. On vendit devant la maison de S.A. à la trompette tout l'equippage du Coronel Cronenburg devenu fol depuis quelque temps. |
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