Journaal gedurende de veldtochten der jaren 1673, 1675, 1676, 1677 en 1678
(1881)–Constantijn Huygens jr.– AuteursrechtvrijAoust.Samedy. 1.S.A. escriuit au Comte de Waldec qu'on auoit attaché la nuit precedente le mineur au bastion detaché, la mine commencant à 25 pas de la; mais qu'auec cela l'on ne pouvoit pas faire estat que de quinze jours on seroit maistre de la place. Que Berlo estant revenu d'un party auoit rapporté que mr de Crequy auoit fait passer les trois regiments de cavallerie qu'il auoit, vers les Paysbas, et qu'ainsi il n'y auoit rien a craindre de ce costé la | |
[pagina 123]
| |
qu'un petit secours, mais qu'il craignoit que les ennemys auroyent le temps de prendre Aire et de venir secourir Mastricht auant que le Comte de Waldec y pourroit estre. Dolman eut le regiment de Widdrington, decedé de sa blesseure. | |
Dimanche. 2.Je dechiffray une lettre interceptee de mr de Louvois a Monceau ou il l'asseure qu'il n'y a point de trouppes de Munster a attendre devant Maestricht, toutes celles de l'Evesque estant devant Staden. Il y auoit encore une lettre de Leurestiere, Gouvernr de Limbourg, a Calvo ou il dit qu'il ne croyoit pas que nous prissions Maestricht auec 11 ou 12m meschants fantassins et 6 mille chevaux. L'apresdisnee portant ces lettres a S.A. et y trouvant Colyear et Ivoy, il me sembloit qu'elle estoit aucunement en peine de ce qu'il falloit faire. Le soir Colyear dit que les ennemys auoyent sceu mettre une espece de bombe au trou de la mine qu'on faisoit, laquelle auoit bruslé 4 mineurs, et il me fit une grimace comme voulant dire que les affaires n'allayent pas trop bien. Dolman se bastit auec Salesburry, Lt Cor. de Widdrington, dont Dolman venoit d'auoir le regt. Il luy donna deux coups d'espée au bras a ce que l'on me dit, mais il sembloit qu'apres estre blessé l'autre l'avoit colletté et auoit eu de l'avantage sur luy. | |
Lundy. 3.S.A. disnant chez le duc d'Osnabrug au chasteau nommé Lichtenberg, m'envoya querir la pour quelques depesches. Le soir il escriuit au C. de Waldec que les attacques n'avancoyent pas comme il souhaittoit, que les ennemys avoyent miné en partie le commencement de la mine. Qu'ils avoyent fait aussi une sortie, mais auoyent esté repoussés par les Anglois auec bien de la perte. Qu'il auoit esté extremement surpris de la perte soudaine d'Aire et que le tout consideré il luy sembloit que | |
[pagina 124]
| |
le meilleur party estoit que l'on garnist bien les places qui restoyent en Artois et en Flandre, et qu'il s'en revinst auec le duc de Villa-Hermosa se poster pour couvrir le siege de Mastricht. On couppa la jambe au jeune Comte de Solms, Capne de gardes. | |
Mardy. 4.Mr de Dyckvelt m'ayant fait dire qu'on devoit attaquer encore le bastion du Dauphin, nous y allames sur les six heures du soir et nous estants mis derriere un epaulement fait pour la garde de cavallerie, et ou l'on voyoit fort bien, nous y fumes jusques a sept heures et demye sans que les ennemys tirassent aucun coup de canon. Alors on donna un signal de quelque poudre allumee dans nos trenchees et en mesmetemps on commenca a faire grand feu de nos approches et les gens commandés firent l'attacque et entrerent en peu de temps au bastion, et y ayant esté un quart d'heure, l'ennemy fit jouer deux fausses mines et ensuitte une fort grande, apres quoy tout le bastion sembloit estre en feu, nos gens s'y maintenants non obstant cela. Justement auant l'attaque le Coronel la Guette vint ou nous estions et prit ses armes, de mesme le Comte de Berlo et un jeune gentilhomme son parent qui venoit auec luy. Il y auoit aussi le petit cousin Zuerius qui dit a Dyckvelt qu'il alloit se mettre auec la cauallerie qui estoit pour empescher les sorties et soustenir nos gens. Il y auoit encor la à regarder mr de Brederode, Issac, Rynenburg, le Gros Tromp, et le page Dorp. Un quart d'heure apres le commencement de l'attacque Franckestein vint nous dire que la Guette auoit eu la cuisse emportée et se mourroit, demandant un confesseur et que le petit Zuerius auoit esté tué d'un coup de canon. On jetta force bombes de nr̅e costé durant cette attaque et on canonna assez bien; le soir venu nous vismes mettre des falots tout a l'entour de la ville. Estant revenu au logis j'entendis un fort grand coup | |
[pagina 125]
| |
comme d'une grande mousquetterie. Il se trouva apres que c'estoit un petit magazin des ennemys dans leurs ouvrages de poudre et de grenades qui auoit sauté. | |
Mercredy. 5.J'aiday a faire envoyer le corps mort de Zuerius et son bagage a Bolduc dans des charrettes. Il vint de lettre du C. de Waldec ou il temoigne d'apprehender extremement qu'on ne secoure Mastricht s'il vient a s'eloigner auec l'armee. Le seigr d'Eysden vint me parler sur ce qu'ils auoyent envie de prier S.A. d'estre parrain de l'enfant dont madame d'Oort venoit d'accoucher; mais comme je ne luy conseillay pas fort la chose, il dit qu'il la laisseroit là, me priant fort d'aller voir sa soeur et son beaufrere. S.A. escriuit au Pr. d'Isinghien pour luy envoyer encore 500 a 600 fantassins du pays de Gueldre. | |
Jeudy. 6.Le matin a huict heures les Francois firent une sortie et ayants rencontré un temps que la pluspart de nos gens estoyent endormys, attacquerent le Bastion et mesme en chasserent les nostres, ou peu s'en faut, mais ils furent rechassés immediatement apres; nous perdismes encore quelque monde a cela, entre autres un Capne du regt de Kirkpatrik, nomme Eysinga, un brave homme. J'arrivay justement comme cette attaque estoit passée. Estant dans ce temps la a causer auec le Comte de Schellaert derriere l'épaulement de la cavallerie dans une petite frescade faite pour les officiers, il me conta qu'a peu pres a la mesme heure que mr la Guette mourut, il l'auoit veu devant son lict venant de faire emporter la chandelle auec un bonnet de nuit sur la teste, habillé de blanc et le visage noir d'un costé, et qu'ayant crié a la sentinelle de sa porte s'il y auoit la personne, il auoit repondu que non, et que s'estant remis pour dormir apres cela, le mesme phantosme luy auoit encor apparu. L'apresdisnee estant a la mesme frescade un coup de canon passant un peu a nr̅e droite, tua un cheval et un | |
[pagina 126]
| |
autre gueres loing de la emporta la jambe a un fantassin. Pendant que nous etions la un tambour de la ville ayant bastu la chamade s'auanca dans la plaine pour aller au camp. Le Rhingraue le voyant envoya un officier de Schellaert, nommé Pyper, pour aller voir ce qu'il demandoit. Ce garcon ayant poussé a luy, apres luy auoir parlé touchant ce qu'il venoit faire, luy demanda, ce que faisoit mr de Caluo. Le tambour respondit qu'il ne songeoit qu'a bien boire et bien manger, resolu de se bien battre. Pyper luy dit: allez vous en dire a mr de Caluo que vous auez parlé au frere de madame van der Poll, et qu'il est tres fasché de ce que mr Calvo a tant couché auec sa soeur. Le soir les Francois firent sauter une mine nouvellement faite soubs le bastion par Choisy et ayants fait une sortie de 200 hommes en mesme temps, chasserent nos gens de la redoute, mais n'y furent pas long temps. | |
Vendredy. 7.Le petit Comte de Stirumb fut tué dans les approches. Une bombe tomba dans la corne des ennemys et y mit le feu au magazin de poudre et de grenade qu'il y auoit, ce fut le matin, et fit un bruit comme d'une grande mousquetterie. S.A. m'envoya a dechrifrer des lettres interceptees de Calvo et de Dumonceau qu'un certain homme a qui ils les avoyent données soubs promesse de grandes recompenses, avoit apportés a S.A.; elles estoyent toutes quatre a mr de Louvoy. Calvo demande ce qu'il aura a faire si, s'estant defendu dans Mastricht jusques a l'extremité, il se trouve obligé de se retirer dans Wyck, disant que cette retraitte la estoit une petite resource et qu'elle ne pouvoit seruir qu'a faire une meschante capitulation. Parle encore comme devant auoir manque de poudre. Et ayant trop peu de monde pour la grandeur des ouvrages de Mastricht, sa garnison diminuant fort et y | |
[pagina 127]
| |
ayant force gens tués et blessés, temoigne qu'il craint fort pour le chemin couvert et la contrescarpe. Je fus a dechifrer ces lettres depuis les 6 heures du matin jusques a 9 du soir, sans manger. Un magazin des ennemys sauta encore dans la Corne le matin sur les 9 ou 10 heures du matin. Au matin sur les cincq heures les ennemys attaquerent encore le bastion mais furent repoussés par les nostres. Mr Meteren, Capne aux gardes, y fut tué, et Rantzau, Capne au mesme regiment Plettenburg, aussi Capne des gardes, mortellement blessé tellement qu'il en mourut peu apres. Vers le midy le feu prit encore encore dans un magazin que les ennemys avoyent dans la corne qu'ils nommoyent de France et en ruina une partie. | |
Dimanche. 9.Il n'arriua rien d'importance, l'homme d'hier rapporta de Kouk (?), factotum des Francois a Liege, auquel il fit accroire qu'il auoit jetté dans les saules la lettre qu'il nous apporta hier, deux lettres, l'une de Madaillan a Caluo ou il n'y auoit rien que touchant l'adresse des lettres, et l'autre a mr de Maquelines a ce qu'il me parut, luy conseillant comme il devoit se gouverner au cas que Calvo fust mort, comme l'on disoit, ou bien qu'il fust encor en vie. Nous voulusmes disposer cette homme la a aller, porter les mesmes lettres dans la ville pour nous en rapporter d'autres, mais il n'osa y retourner. On delibera d'attaquer la contrescarpe vers le soir mais cela fut differé. | |
Lundy. 10.Le matin le Comte de Hornes, mr de Leeuwen et de Walenbourg avec l'Ingeigneur van Es vindrent dans ma chambre pour y faire la disposition de l'attaque de la contrescarpe, que l'on auoit arresté de faire le mesme soir, comme en effet nous sortismes pour la voir auec S.A. vers le soir, mais cela fut differé pour quelque chose qui n'estoit pas encore preste, une batterie entre autres. | |
[pagina 128]
| |
Mardy. 11.On prepara les choses pour attacquer le soir la contrescarpe; cela auoit esté resolu pour les 5 a 6 heures apres disner, mais ne fut executé qua dix heures et demye de nuit. Le Rhingraue attaqua a costé gauche du Bastion Dauphin un angle de lade contrescarpe qui en ferme l'une des deux pointes de la corne, et ayant chassé les ennemys sans gueres de resistance, fit deux ou trois logements tout contre la palissade, tellement que les ennemys ne purent plus tenir dans cet endroit de la contrescarpe. Mais l'attaque du Comte de Hornes ou estoit Walenbourg, Leeuwen etc. ne fut pas si heureuse. Les deux Ingenieurs qui se trouvoyent la, l'un ayant esté tué, scauoir van Beeck, et l'autre nommé Aimont blessé, les travailleurs s'enfuirent a ce qu'il fut dit, et la chose n'eut point de succes. S.A. fut toute la nuit et le jour suivant une partie du matin sur une batterie a voir ce qui se faisoit. Ayant eu a faire le soir et ne me portant pas trop bien de l'estomac je n'y fus pas. On dit qu'il y auoit eu environ 60 hommes tués, entre autres Ingelby, Capne au regt de Walenburg; Slangenburgh eut une blessure au haut de la cuisse. | |
Mercredy. 12.Il ne se passa rien d'importance, l'on travailla a renforcer les logements faits. Le soir on fit une autre attaque ou celle du jour precedent auoit manqué, et nos gens ayants fait un logement contre les palissades, ils le quitterent apres eux mesmes je ne scay pour quelle raison. A cette action il fut tué et blessé quantité de monde. Linden sr du Perck, depuis deux jours Capne au gardes, y fut tué, Ittersum, Gentilhomme de S.A. blessé a la teste dangereusement, mon cousin Balfour de mesme, et quantité d'autres officiers et soldats. | |
[pagina 129]
| |
d'un coup de canon au dessus du genou il et mourut peu de temps apres. Le Comte de Waldec manda que le fort de Linck s'estoit aussi rendu a discretion. | |
Vendredy. 14.Le matin le Coronel Dolman fut tué d'un coup de canon dans une sortie que firent les ennemys sur l'attaque du Comte de Hornes. On fortifia ce qui auoit esté fait a l'attaque du Rhingraue. L'on dit le soir (c'estoit Bulau adjutant de S.A.) que Louvignies deuoit venir commander l'attaque du Comte de Hornes, et que ce devoit estre une grande honte pour luy. Le soir Riomal vint de la part du Comte de Waldec. Il dit qu'il y auoit desja 10 ou 12 mille chevaux des ennemys aupres de Charleroy, et qu'il estoit à craindre qu'ils ne se portassent entre le Comte de Waldec et nous, et ne vinssent nous harasser continuellement. Bulau dit encore que la mine soubs la corne de Mastrik au dire du mineur deuoit estre preste pour le lendemain midy. | |
Samedy. 15.Le Rhingraue eut un coup de mousquet a la trenchee, qui luy alla le long du dos, mais n'entra pas, ny ne rompit aucun os. La nuit deuant ce jour a 2 heures et demye S.A. m'envoya pour dechifrer une lettre du Comte de Waldec. Et une heure et demye apres Isac me porta trois billets de Calvo et de Dumonceau qu'avoit porté un homme que jeudy nous avions fait entrer auec un billet des ennemys que nous avions leu et qui nous auoit esté porté de Liege par un homme, qui sortant de la ville volontairement estoit venu porter a S.A. trois billets du Gouverneur et de l'Intendant susdts. Dans ces billets Calvo presse fort qu'on le vienne secourir disant qu'il n'y a point de temps a perdre, qu'il n'a plus trois mille soldats capables de servir et que le | |
[pagina 130]
| |
tiers de ses officiers est blessé ou tué, Maclines entr'autres blessé. Dit qu'il a encore 92 milliers de poudre. Excuse la prise de sa contrescarpe sur un accident qui luy estoit arriué, le feu ayant pris aux grenades qui estoyent dans la contrescarpe, ce qui avoit effrayé ses gens. Dit que du Louvois luy auoit mandé que le Roy attendoit le succes du secours de Philipsbourg pour resouldre sur celuy de Mastricht. Dit qu'il auoit commencé a faire porter choses necessaires dans Wyck ou il deuoit se retirer dans la derniere extremité. | |
Dimanche. 16.L'on intercepta un billet de Louvois, ou il mande a Calvo que le Roy attend une deffence proportionnée au nombre et a la qualité des gens qu'il a dans Mastricht. Qu'il attend des nouvelles du secours de Philipsbourg pour resouldre sur celuy de Mastricht. Qu'il importe fort qu'il fasse une longue deffense, mais qu'il ne falloit pourtant pas qu'il hasardast de se faire faire prisonier de guerre, et qu'on ne luy ordonnoit pas la retraitte dans Wyck au cas qu'elle pust causer cela. Le soir nous eusmes une duplicate de ce billet et un autre du Mareschal de Schomberg du camp de Leuze et escrit le 14e, ou il mande a Calvo qu'il auoit receu un ordre de la cour de marcher auec son armee vers la chaussee et qu'il hasteroit sa marche autant qu'il seroit possible, se promettant que les ennemys l'apprenant en auroyent de l'inquitude et qu'elle donneroit de la gaieté a ceux de Mastricht. La nuit precedente on travailla à trois batteries sur la redoutte du Dauphin et la aupres. S.A. revenant a 2½ de la nuit de la trenchee je luy donnay le dechifrement dudt billet qui le surprit un peu. Ayant souppé, comme je croyois qu'il s'estoit couché, il | |
[pagina 131]
| |
me fit appeller et me fit mettre en chifre une lettre au Comte de Waldec et le billet susdt. La lettre portoit ordre au Comte de Waldec de marcher en deça et de prier le duc de Villa-Hermosa de se joindre a luy; je la luy portay a signer au lict. Cette nuit fut tué dans la trenchée un petit Ingenieur Espagnol ou Walon, nommé d. Lope de Trevigno. | |
Lundy. 17.S.A. se leva a midy, et fut dehors jusques à huict heures. Je fus me promener quelquetemps auec mr Essen et son pere, et nous vismes tirer nostre canon pour faire bresche dans la muraille de la ville. L'on travailla a trois batteries ou le canon devoit estre mené la nuit suivante et lesquelles estoyent l'une sur le bastion Dauphin et les deux autres aux costés d'iceluy, devant seruir aussi pour faire bresche. 's Gravemoer, Lindebaum, et le Prince de Birkefeltz vindrent au camp de l'armée du Comte de Waldec, et rapporterent que mr de Schombergh n'avoit pas march encore le jour precedent. | |
Mardy. 18.'s Gravemoer, me venant voir le matin, dit que le Comte de Hornes n'auoit pas encor bien travaillé cette nuit et auoit esté chassé de l'ouvrage qu'il avoit fait, ayant voulu commencer a travailler tout contre la palissade et avancer en arriere. Isac me dit que le mesme soir on deuoit executer le dessein de brusler le pont de Mastricht comme aussi Keppelfox, mais au soir il dit que S.A. l'auoit differé. Vers le soir je fus me promener a la premiere batterie pour voir tirer nos nouvelles batteries qui n'auoyent pas encor fait grand merveille, l'une estant notoirement trop basse, qui estoit celle a costé gauche du Dauphin. S.A. fit apporter son soupper dans la trenchée. | |
[pagina 132]
| |
mais cela ne reussit pas, apres qu'on eut bien pris de la peine et perdu quelque monde. S.A. revint sur les cincq heures de la trenchée. On intercepta une lettre du Mareschal d'Humieres a mr de Schomberg, ou il luy asseure qu'il marchera en toute diligence auec les trouppes de Linck, mais qu'il ne pourroit estre que le 11 aupres d'Ath. Le Comte de Waldec manda que ce jourdhuy il seroit avec la cavalerie a St. Ivon et mr d'Ailva avec l'infanterie a Diest, que le duc de Villa-Hermosa suivoit. Que s'il falloit combattre aupres de Tongeren, comme il prevoyoit, il faudroit plus de monde. Tout le monde apres cette disgrace de la nuit passee commença a craindre pour le siege. Colyear mesme venant en ma chambre pendant que je disnois seul, temoigna n'auoir pas trop bonne opinion de l'affaire. Ma femme me manda qu'a Delft il y auoit un Verburgh, revenu des Indes, qui n'avoit qu'une seule fille, laquelle devoit avoir un million en mariage. | |
Jeudy. 20.La nuit devant ce jour on avanca assez bien du costé du Rhingrave et on fit un logement sur le fossé de la corne, et dans ce logement on decouvrit une mine. Je vis la breche qui me parut estre assez avancée depuis mardy, et a la voir de loing on auroit jugé qu'on auroit pû y monter. S.A. alla à Tongeren parler au Comte de Waldec et revint a deux heures apres midy et fut d'assez bonne humeur le reste du jour. Groelaert me dit que ceux de Liege sembloyent de vouloir prendre party, mettre le banlieu soubs les armes et refuser des vivres aux Francois. | |
[pagina 133]
| |
jusques au lendemain. On auoit formé un dessein de brusler le pont de Mastricht par des basteaux garnys de tonneaux poissés et d'attaquer en mesme temps cn trois ou quatre endroits pour tascher d'escalader Wyck à un endroit qu'un certain homme, qui avoit porté il y auoit quelques jours une lettre des ennemys.Ga naar voetnoot1 Monsr le Pr. alla apres soupper de l'autre costé de la Meuse pour voir cette attaque. Je me mis sur la seconde batterie pour le voir, celle du costé de la corne, laquelle commenca en effet a onze heures et demy et dura une bonne demy heure, mais pas avec grande chaleur. Du costé de Wyck on n'attaqua point par ce qu'il y avoit trop grand clair de lune et que quand on pensa que la lune devoit se coucher le jour survint. Je commencay le jour precedent a estre incommodé d'un flux de ventre qui tourmentoit en ce temps tout le monde. | |
Samedy. 22.Mr de Leeuwen, Coronel et Amptman de Maes en Wael, mourut d'un flux de ventre ou plustost dysenterie. Le Prince de Vaudemont partit pour trouver le duc de Villa-Hermosa et parler avec luy du poste que devoyent prendre les armées. 's Gravemoer et Weibnom vindrent an quartier. Le premier me dit que les Espagnols crioyent extremement de ce que le siege n'avancoit pas et qu'on n'avoit pas bien pris ses mesures. Dyckvelt me dit que S.A., C. de Waldec, Pr. de Vaudemont et le duc d'Osnabrug parlants le jour precedent de ce qu'il y avoit a faire si l'ennemy venoit, avoyent touts dit qu'il ne falloit plus parler de donner aucun employ au Comte de Hornes. | |
[pagina 134]
| |
Que S.A. s'estoit aussi fort plaint a luy des irresolutions et variations du Rhingrave, et qu'il luy imputoit en grande partie que l'affaire n'estoit pas plus avancée. Il y eut des avis que les ennemys avoyent campé le 21e a Haine st Pierre et Haine st Paul, et que l'on estoit fort incertain de leur dessein et s'ils vouloyent venir a nous, ou bien faire un siege. On craignoit pour Namur ou tout un bastion s'estoit esboulé de soymesme. | |
Dim. 23.On parla beaucoup d'une attaque generale sur Maestricht qui se deuoit faire dans un jour ou deux. Le Rhingraue se trouva fort mal. Le flux de ventre, qui m'auoit duré depuis le 20 ou 21e, me continua, et le soir je commencay a m'appercevoir d'un petit peu de sang parmy mes excrements. Une heure devant, ayant parlé a mr Romf il m'auoit envoyé deux prises de Rheubarbe dont je pris l'une m'allant coucher et eus quelques cincq ou six selles y ayant encor des fibres de sang dans les dernieres. | |
Lundy. 24.Mon flux de ventre me continua tousjours sans m'apperceuoir de sang le long du jour, l'apresdisnee j'eus sept on huit selles, le matin une seule. Dyckvelt me venant voir le soir me dit qu'il estoit fort chagrin de ce que les affaires n'alloyent pas mieux; qu'on auoit dessein de faire une attaque de la corne auec six regiments qui ne faisoyent pas mille hommes ensemble. Le frere du Prince de Churlande me vint parler pour auoir la commission de Coronel du regiment de caualerie qu'auoit eu son frere aisné. Je soir a dix heures et demye environ j'entendis faire beaucoup de feu et sçeus apres que nos gens a demy saouls avoyent d'eux mesmes fait une espece de sortie et que cela auoit fait que les ennemys auoit mis le feu a une mine qui n'avoit point fait d'effet pour eux. | |
[pagina 135]
| |
me dit que les affaires alloyent mal, que les ennemys venoyent et que l'on ne voyoit pas bien comment empescher le secours de la place. Que l'avantgarde de Schomberg estoit avancee le jour passé jusques aupres de la maison du Comte de Niel, qui en avoit donné avis a S.A., dont elle avoit esté bien aise. Mon flux de ventre continua mais sans sang. 's Gravemoer venant en ma chambre temoigna estre fort en peine des affaires et dit que les Espagnols pressoyent pour que l'on allast au devant des ennemys auec toutes nos forces. | |
Mercredy. 26.Nostre armée avança jusques aupres de nos lignes. S.A. escrivit à ceux de Liege pour les animer a se declarer pour l'Empereur. Le Comte de Lesley, qui estoit auec S.A. de la part de l'Empereur, de mesme. A onze heures et demye environ on fit une attaque sur la corne a gauche du Dauphin, que je vis auec S.A. de la seconde batterie. Les dragons de S.A. attaquerent premiers et monterent l'une des pointes de la corne jusques sur le parapet, ou je vis chamailler les ennemys de leurs faux, mais à la fin n'estant point soustenus par les regiments de Leeuwen et d'autres, ordonnés pour cela, ils se retirerent auec la perte de quelques officiers et plusieurs dragons et fantassins. L'apresdisnee il y eut conseil de guerre des Generaux au quartier d'Offelen. Un peu apres mr de Louvignies m'envoya à dechiffrer un billet intercepté du 20 ou le Marechal de Schomberg mandoit a Calvo qu'il marchoit a grandes journées pour se trouver au deuxiesme jour de la entre Tongeren et Maseic. Qu'il esperoit que quand il attaqueroit les lignes, ceux de la ville employeroyent toutes leurs forces pour seconder son dessein. Qu'il voulust luy mander en quel estat il estoit et les endroits des | |
[pagina 136]
| |
lignes des deux costés de la Meuse ou l'on pourroit attaquer le plus utilement. Madaillan au mesme billet donne avis du dessein que nous avions sur le pont de Mastricht. Le soir comme je portay le dechifrement de ce billet a S.A., le Pr. de Vaudemont estant auec luy en sortant de la chambre, Berlo me dit que nous allions lever le siege, ce qui se respandant en mesme temps par tout et qu'on avoit envoyé desja retirer le canon des batteries, rendit tout le monde fort melancholique. | |
Jeudy. 27.Le remuemenage dura toutte la nuit et m'empescha de dormir ce qui m'incommoda beaucoup affaibly que j'estois par mon flux de ventre. On travailla toute la nuit et le matin de ce jour à vouloir embarquer le canon, a quoy il y avoit une extreme difficulté à cause du peu d'eau qu'il y auoit dans la Meuse. Les femmes et ceux qui estoyent venus voir le siege se trouverent fort embarrassés pour se retirer, et il y en eut qui offrirent jusqu'a cent francs pour une charrette qui devoit les mener à Bolduc. Les ennemys de la ville voyants la trenchee abandonnee, y mirent le feu le matin et aussi aux batteries et firent sortir leur cavallerie. Sur les deux heures ou un peu plus tost il parut quelques vingt esquadrons des ennemys a petite distance de nr̅e armée qu'on auoit mise en battaille. La nuit precedente de ce jour je fus fort incommodé de mon flux de ventre. Environ a une heure ou midy je partis pour aller au quartier designé a Lonacker a une demy heure du camp, et m'ayant esté dit qu'a peine y avoit il deux maisons au village ou il n'y eut la dysenterie, je fis mestre ma tente. S.A. alla a 4 heures et demy au conseil de guerre. Un prisonnier qu'on prit de ceux de la ville dit qu'ils | |
[pagina 137]
| |
n'auroyent tenu que jusques a Dimanche, et que les cent compagnies qu'il y avoit dans la ville n'estoyent que de dix a onze hommes, l'une portant l'autre, ce qui pourtant ne sembloit pas bien vraysemblable. | |
Vendredy. 28.La nuit precedente S.A. fut toute la nuit a Smeermaes pour avoir soin de l'embarquement du canon et ne vint au quartier que le matin. Il logea dans une petite maison de campagne du sr Montaigne, Hooghschouth de Mastricht de la part du Prince de Liege. Ayant disné elle y alla encore et vers les six heures du soir, estant venu une alarme au quartier, qui fit que l'on commenca a charger le bagage de S.A., et mr Boreel se trouvant avec moy dans ma tente, nous allasmes a Smeermaes, ou de l'autre costé de la Meuse il estoit venu quelques Francois pour mettre le feu à de nos batteaux qui estoyent encore la, a ce qu'il sembloit, et qui se tenants derriere des petits avantages, proche de la maison de Haren, faisoyent feu sur nos gens, qui en firent un bien plus grand sur eux et les obligerent à la fin de se sauver. Ils avoyent fait venir de la cavalerie aussi, et de distance en distance il y avoit des esquadrons entre Haren et Mastricht. Comme nous regardions cette affaire du lieu ou les gardes estoyent campees, un Lieutenant, qui estoit a deux ou trois pas de moy, eut un coup dans l'espaule. | |
Samedy. 29.Nous marchames de Lonacker jusques aupres de Diepenbeeck, ou l'on campa sur la bruyere. Les ennemys vindrent auec quelques esquadrons embarrasser un peu la marche et escarmoucher. Il fit une chaleur extraordinaire ce jour la. S.A. parlant ce soir auec Dyckvelt touchant ce qu'il devoit escrire de l'affaire de Mastricht aux Estats, luy dit qu'il escrivit tout ce qu'il voudroit, scachant l'affaire. Elle estoit fort chagrine. | |
[pagina 138]
| |
qui fatigua extremement l'infanterie, et S.A. dit qu'elle n'avoit jamais veu rester derriere tant de gens de ses gardes. S.A. prit le chemin par Hasselt ou nous nous refraischismes un peu chez le grand Comte de Reus, qui y commandoit. S.A. disna chez Heckart commre des contributions en ce lieu, et n'ayant rien fait dire elle fit assez mauvaise chere. La nouvelle fortification de cette place, que le Comte de Nassau y auoit fait faire l'hiuer passé, estoit assez jolie. Il fit un temps fort chaud, et comme j'auois esté tant de temps a cheval avec le mal que j'avois, ayant fait le matin des excrements avec bien du sang, je fus extremement fatigué le soir. Le bagage n'arriva pas et n'ayant pû faire mettre ma tente pour cela, je couchay sur un matelas dans l'antichambre de S.A. Elle logea chez un certain gentilhommeau, nommé Voicht, dont la maison estoit tres sale et estoit pleine de gens refugiés. | |
Lundy. 31.Le Comte de Flodrof ayant esté en party avec de la cavallerie du costé de Maseick et de Stockheim, revint a midy et dit qu'a ce qu'il croyoit les Francois n'avoyent attrappé que sept ou huict pieçes de nostre cānon au plus, que des barques pleines de blessés et de malades s'estoyent sauvées, ayants esté attaquées par les dragons des ennemys. Pester ayant negotié a Liege durant le siege estoit revenu trouver S.A. le jour passé, Groulaert son compagnon le suivit ce 31. |