Journaal gedurende de veldtochten der jaren 1673, 1675, 1676, 1677 en 1678
(1881)–Constantijn Huygens jr.– Auteursrechtvrij
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Samedy. 2.Les auis touchant le siege de Bouchain varierent et il sembla que la nouvelle en estoit plustost fausse que veritable. Je disnay chez mr de Dijckvelt avec le Comte de Caprara, Albrantsweert, Coljear et le Comte de Hornes. L'apresdisnée j'essayay un cheval du Comte de Noyelles qui ne me pleut point. Le souppay chez 's Gravemoer auec Valckenburg, Ivoy, Voorst et Rooseboom. | |
Mardy. 5.Le convoy de Brusselles arriua, et auec luy le Lt Gn̅al Aylua. Un de nos postillons, pris vendredy passé dans le bois de Soignies en venant de la Haye, escriuit a Brienne qu'il estoit a Charleroy. Dyckvelt fut longtemps a causer dans ma tente. Walenbourg me dit que S.A. et le C. de Waldec estoyent de differents sentiments touchant ce qu'il y auoit à faire et s'il falloit aller chercher les ennemys. S.A. estant portée pour cela et l'autre le deconseillant comme une chose ou il y auoit beaucoup d'hasard, et qu'il valoit mieux de differer jusques a ce que les trouppes des Imperiaux nous eussent joints. Le soir 's Gravemoer me confirma la mesme chose et Dyckvelt, estant auec mr le Prince, il me dit qu'il estoit emplojé du Comte de Waldec pour luy faire comprendre ses sentiments. | |
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voyer le gros bagage à Monts. Au soir pourtant a l'ordre il ne fut dit, si non qu'on se tint prest à marcher. Montpouillan dit que le retardement venoit de ce qu'il n'y auoit pas encor du pain. | |
Jeudy. 7.Il y eut encore beaucoup de deliberations, et au soir a sept heures il y eut ordre de plier bagage et S.A. ayant souppé, monta a cheval, et nous marchasmes toute la nuit, non pas par le pont qu'on auoit fait aupres de Monts, a dessein d'amuser les ennemys, mais, sans passer la Haisne, laissant Baudour un pen a nostre droite et Pumeront a la gauche a dessein de passer l'Escault sur un pont de nos pontons de fer blanc qu'on auoit envoyé devant avec un detachement commandé par le Prince de Vaudemont, quelque part au dessous de Kievraing. | |
Vendredy. 8.A une demye heure de Pumeront nous montasmes sur une hauteur d'ou l'on decouvroit Valencienne, Condé et le camp des ennemys qu'on voyoit auec les grandes lunettes d'approche assez distinctement de l'autre coste de la riviere, comme aussi la cavallerie qui marchoit de costé et d'autre et campoit sur la contrescarpe de Condet. Cependant nos gens venant a la riviere trouverent 4 à 5000 hommes des Francois pour leur empescher le passage, tellement qu'on resolut d'aller loger a PeruwelsGa naar voetnoot1), une grosse heure de Condé. Cette marche ayant duré 24 heures, quoyqu'auec de petites haltes et par un temps extremement chaud, fatigua beaucoup les trouppes et les chevaux, qui ne furent pas debridés tout ce temps. Durant depuis huict heures du matin on n'entendit plus tirer a Bouchain et on craignoit qu'il ne fust rendu. Le Comte de Solms, rencontrant Dyckvelt a l'entree du village, luy dit que les ennemys avoyent esté aduertys un jour avant | |
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nostre venue de nostre dessein et qu'asseurement c'estoyent les Espagnols qui l'avoyent trahy. Le soir Dyckvelt nous pria a soupper, Rooseboom et moy, mais ces chariots ne venant pas, il voulut que nous vinssions auec luy chez le Comte de Caprara ou nous trouvasmes un miserable repas et quasi rien que ce qu'on y apporta, luy mesme grondant tousjours ses valets. A huict heure il vint une alarme causée de rien, qui obligea mr le Prince à se mettre a cheval et faire marcher ses gardes de corps et le regiment de ses dragons, et au bout du compte ce ne fut rien. Ce village de Peruwels est assez grand et plaisant. | |
Samedy. 9.Nous restames à Peruwels jusques a midy environ. Dyckvelt m'ayant prié a disner des le jour passé, quand j'y vins un peu tard on me dit qu'il estoit desja a table auec le Comte de Waldec et celuy de Hornes. Apres cela allant a la cour pour disner je rencontray Rumf et le Ministre de S.A. qui me dirent qu'il falloit marcher tout a l'heure. La dessus je retournay chez Dycvelt, le Comte de Waldec s'en estant desja allé, et y disnay a la haste. Mr le Pr. partit un peu apres et nous marchasmes toute la | |
Dimanche. 10.nuict, arriuants a 5 heures du matin a un endroit nommé le trou de Marouelles a un quart d'heure de Valenciennes et logeames le soir a Honnain soubs le canon de Valenciennes. La S.A. dit a Dyckvelt qu'il feroit bien de s'en aller a la ville et la mesme chose au Comte de Caprara. Je m'y en allay auec eux et ayants eu quelque embarras pour entrer, nous allames à l'hostellerie de la Couppe, Dyckvelt nous quittant pour s'acquitter de la commission que S.A. luy auoit donnée touchant le pain et la biere qu'il falloit pour l'armée. A midy ayant pris un mauvais repas dans ce cabaret, Rooseboom, qui y estoit venu aussi, Colyear et moy sor- | |
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tismes de la ville pour aller au camp qui en estoit a ¼ de lieue. En sortant Claes mon valet me manqua auec un cheval qu'il menoit en main. Arriués au camp nous trouvasmes toute l'armee rangée en bataille sur des hauteurs et celle des ennemys a un coup de canon de la, rangée de mesme et aussi sur des hauteurs et vismes des escarmouches qui s'attacherent de costé et d'autre, et ou il fut tué quelques gens. J'ay oublié de dire qu'en marchant de Peruwels nous passames l'Escaut, qui a des bords fort hauts et droits, sur 5 ponts de nos pontons de fer blanc, et qu'aupres de ce pont on delibera long temps aucc les guides touchant l'ordre de la marche, que je fus obligé de mettre par escrit, sans quasi voir ce que j'escriuois. Les deux armées estant postée comme je viens de dire demeurerent a se regarder. Il vint un pourvoyeur du Roy de France sans passeport pour aller querir du vin et de la glace a Valencienne, et S.A. le renvoya avec un petit passeport que j'escrivis a la haste. Ce jour de dimanche et les precedents il fit une chaleur extraordinaire. | |
Lundy. 11.Les armees demeurerent comme le jour precedent. A midy l'on tira quelques coups de canon a un endroit aupres d'une masure, sans beaucoup d'effet. Les ennemys tuerent un de nos canoniers sur une batterie comme il dormoit. On entendit tousjours tirer devant Bouchain, on commenca a parler de manque de fourage. S.A. escriuit aux Estats ce qui s'estoit passé depuis nostre marche de Monts; me dit comme je fermois la lettre, que facilement il pourroit arriuer qu'auant qu'elle fust a la Haye, il y auroit une bataille etq u'apparemment | |
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ils ne nous attacqueroyent pas la nuit, mais que demain on en pourroit venir aux mains. L'apresdinee le Rhingraue vint dire qu'il luy sembloit que les ennemys avoyent fait quelque mouvement pour se tirer en arriere, mais cela n'eut point de suitte. Albrantsweert dit qu'il ne voyoit pas comment nous pourrions nous separer des ennemys. 's Grauemoer dit qu'il souhaittoit d'estre au Verhout. | |
Mardy. 12.L'apresdisnee je fus me promener du costé du Conte de Nassau jusques a la sentinelle la plus auancee, d'ou l'on voyoit les vedettes des ennemys a un grand coup de mousquet de distance, et tout le quartier des ennemys fort distinctement auec ma lunette d'approche. Aupres d'une cense qui estoit là sur l'Escault il y auoit force tentes et on disoit que le quartier du Roy estoit là. Le soir a sept heures les ennemys firent tirer trois fois leur canon et firent trois salves de leur mousquetterie pour la prise de Bouchain, ce que tout le monde ne scachant point et entendant ce bruit, principalement ceux qui estoyent dans la ville, il y eut une alarme et les soldats et caualiers qui estoyent dans Valencienne vindrent courir auec grande furie sans qu'il y eust du sujet. Apres la promenade, que je viens de dire, Rooseboom et moy fumes du costé de l'abbaye de .........Ga naar voetnoot1) que nous prismes pour celle de Bonne Esperance et fusmes aduertys par un officier, qui commandoit une garde de dragons Espagnols aupres d'une tour que les Francois avoyent fait saulter, qu'il n'y auoit point de seureté a aller plus loing. S.A. alla le soir au Bywacht comme les deux jours precedents. Il ne fit plus si chaud comme il auoit fait apres un tonerre du jour precedent. | |
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Mercredi. 13.Un officier qui auoit esté dans Bouchain vint rendre compte a mr le Pr. de ce qui s'estoit passé au siege et dit entre autres qu'il y auoit eu trois mines prestes a sauter et la galerie faite. Le Mareschal de Schomberg envoya à mr le Rhingraue un beau cheval d'Angleterre de la part du Mareschal de Bellefonds. Mr le P. escriuit au R.P. Fagel dans une lettre qu'il me donna a fermer, qu'on auoit creu d'en venir aux mains avec les ennemys depuis sa derniere et que si nous fussions arriués une heure plustost, nous aurions pû occuper le poste ou ils estoyent et qu'en ce cas la l'affaire auroit desjà esté decidée par une bataille a laquelle on devoit aussi bien venir asseurement auant la fin de la campagne; mais qu'a cette heure lesdts ennemys estoyent postés si auantageusement qu'il auoit creu qu'il valoit mieux de voir prendre Bouchain que de faire battre l'armee, et qu'au reste l'on verroit ce qui arriveroit encore. L'apresdisnee je fus me promener auec Boreel et Rooseboom à l'abbaye de Bonne Esperance et vis par une fenestre en haut le campement des ennemys sur deux lignes auec une quantité innombrable de tentes, et le retrenchement qu'ils auoyent fait devant leur camp. Coljear me dit qu'il auoit veu mr le Pr. extremement melancholique et qu'a table il auoit esté plus d'un grand quart d'heure sans parler et ne faisant que jouer auec un petit morceau de pain. | |
Jeudy. 14.Il n'arriua rien d'importance, l'ennemy et nostre armee demeurant dans leurs postes. Il fit grand froid. S.A. ayant envoyé au Roy deux chariots auec de la glace qu'il auoit envoyé querir à Valencienne, le premier ou 2e jour que nous arrivasmes au quartier dudt Valencienne, le trompette qui accompagna ces chariots, apres auoir esté bien traité, auoit eu un present de cent pisto- | |
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les. En revenant pourtant il dit qu'on ne luy auoit rien donné, ny fait aucune chere. Ce qui ayant esté rapporté aux Francois par un de leurs trompettes, ce jeudy un Major des Gardes du Roy, ayant fait sonner un appel, demanda a parler au Rhingrave, le quel en ayant aduerty S.A. elle luy dit d'aller, mais il s'excusa sur ce que cela feroit parler ses ennemys en Hollande, et envoya en sa place Riedesel, adjutant du Comte de Nassau, auquel ce Major se plaignit du faux rapport de ce trompette, le quel S.A. fit d'abord mestre en arrest. Nostre Ministre Ursinus me conta que les Curateurs de Leyde auoyent licentié mr Heydanus de sa charge de Professeur, pour auoir escrit aigrement contre la publication faite par lesdts Curateurs, touchant les nouveautés des Coccejans. | |
Samedy. 16.Je disnay chez 's Grauemoer qui auoit un quartier aupres de la ville. Le Lt Gn̅al Ailua y fut aussi et dit quelque chose qui sembloit de marquer que nous devions marcher dans un jour ou deux. 's Gravemoer dit qu'a la marche de Senef Albrantsweert auoit fait une faute qui meritoit qu'on luy trenchast la teste. L'apresdisnee vers le soir je fus me promener vers nos gardes les plus auancées et y vis un peu escarmoucher sans que personne fust blessé, mais un peu devant Sommersdyck auoit perdu un cheval de 1000 escus, auquel un coup de fusil auoit cassé la jambe. | |
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Il fit un tres grand vent froid et une poussiere terrible qui perçoit les tentes comme rien. Il y eut quelque bruit de ce que les ennemys auoyent marché et qu'on ne voyoit point de monde dans leur tentes, mais S.A. mesme y estant allée pour voir auec ma lunette il se trouva qu'il n'en estoit rien. Il vint des auis de l'excursion des ennemys dans le Maes en Wael et de ce que ceux du pays de Cleve auoyent rachepté le pillage pour cent nonante mille rijxds. | |
Lundy. 18.L'on fit quelque semblant de vouloir marcher, faisant auancer quelques regiments jusques au pont, et l'artillerie de mesme, et l'apresdisnee l'on battit l'assemblee. Cela fit que la nuit toute l'armee des ennemys fut soubs les armes a dessein, a ce que l'on creut, d'attacquer nostre arrieregarde; on parla fort de marcher ce jour la au soir, mais il n'en fut rien. | |
Mardy. 19.Colyear me dit que ces semblants qu'on faisoit de marcher pour abuser l'ennemy, estoyent de l'intention de mr le Rhingraue, et ne pouvoyent servir de grand chose; qu'il n'y auoit rien a faire que de se mettre en telle posture que l'on pust marcher malgré qu'en eussent les ennemys. Les ennemys envoyerent des passeports pour nos couriers. A dix ou onze heures du soir on vit quelques feux plus grands que d'ordinaire et on entendit quelque bruit plus que de coustume dans le camp des ennemys. S.A. se mit à cheval apres soupper et fit la patrouille toute la nuit. | |
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cher Rooseboom, et y demeurant une demy heure a causer, parla mal en general de la conduitte de nos generaux. Le jour d'auparavant Dyckvelt me dit en ma tente que S.A. estoit aucunement en peine de nostre retraitte; que mr le Prince auoit eu grande envie de se battre cette fois icy, mais que touts les Officiers generaux auoyent esté d'auis contraire, et qu'il auoit dit que si un seul d'eux eust esté de son opinion, il auroit hasardé la chose. | |
Jeudy. 21.Nous marchasmes de Hunchain et passames l'Escault aupres de Vàlenciennes et allasmes loger a Honnain a une heure et demye de Valenciennes et autant de Keveraing (sic), l'aisle droite de nostre ligne commençant aupres de St. Sauvé et la gauche s'estendant du costé de Keveraing susdt. L'apresdisnee il y eut avis chez le duc de Villa-Hermosa que l'ennemy marchoit a dessein d'assieger Ypres, et un peu apres le Baron de Feur vint dire qu'il alloit a Cambray, ce qui fit changer l'ordre qu'on auoit desja donné de marcher le jour suivant. S.A. escriuit au R. Pensionaire qu'il auoit esté fort surpris d'apprendre le decampement des ennemys, et aussi d'auoir veu par la forme de leur campement qu'ils auoyent eu cent quarante cincq esquadrons, quarante et deux bataillons et trente compes de dragons. | |
Vendredy. 22.La nuict precedente de ce jour mr de Ginckel perdit touts ses chevaux au nombre de 26, y compris quelques mulets, le feu s'estant mis dans son escurie. Le matin il y eut nouvelles que l'ennemy estoit au pont a Sau aupres de Douay, par ou il sembloit qu'il pouvoit auoir l'oeil sur Ipres. On pendit cincq deserteurs et harquebusa un Causalier, touts devant leurs regiments. | |
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On me dit le jour precedent, jusques à trois, quatre fois, qu'il y auoit grand bruit en Hollande pour le ravage que les ennemys auoyent fait au pays de Maes et Wael, L'apresdisnee j'allay voir auec Albrantsweert le chasteau de Boussu qui est d'un grand dessein, mais lequel n'a esté executé qu'en partye. Au dessus d'une fort grande porte par la quelle l'on entre, il y a trois bains ou l'on a mis force marbre, comme a toute la maison; au milieu de la cour il y a une fontaine de marbre dont le bassin est soustenu par trois filles nues, mais pas trop bien faites. L'architecture dudt chasteau, pour les ornements, est tres peu de chose. Le seigneur qui l'a basty a esté auec Bourbon au sac de Rome en 1527. Devant les cheminées et audessus des portes il y a partout en grandes lettres: Je y seray Boussu; et on nous dit qu'un certain Comte de Boussu (apparemment le susnommé) parlant a Charles-quint de l'appel que luy auoit fait Francois I, l'Empereur auoit dit: ‘Il faut que vous y soyez, ou en soyez Boussu’ et qu'il auoit repondu: Je y seray, prenant en suitte cela pour deuise ou cry d'armes. Cette maison est extremement en desordre, les Comtes de Boussu d'apresent estant tres peu accommodés. Au haut on voit St. Gelain tout a plat, aussi n'est il qu'a une demy heure de là. On craignoit tousjours pour Ipres, l'ennemy se trouvant entre Douay et l'Isle. Le soir S.A. me donna tant de choses à faire qu'il fut une heure auant que je pusse me coucher, m'estant levé a quatre. | |
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S.A. logea dans la maison ou le Comte de Waldec auoit esté logé l'autrefois. L'apresdisnee mr Benting me fit demander si je voulois venir avec luy a Monts pour voir des statues antiques que l'on offroit de vendre. Y estant allé en suite auec luy et Lavergne, qui deuoit estre le moyenneur, nous vismes ces figures qui estoyent des bustes modernes faits en Italie et qui estoyent au Comte de Boussu successeur du Comte Boussu, qui auoit fait bastir le chasteau susmentionné et auoit esté au sac de Rome. Un certain homme d'affaires dudt Comte, qui luy mesme n'estoit pas en ville, dit qu'autrefois on auoit demandé mille francs de la piece et il y en auoit jusque a 27 (Ce Comte est beau pere de l'audiencier Vereycken). Ayant un peu joué au verqueer mr Benting, Lavergne et moy nous retournasmes au camp, et S.A. me demanda d'un visage riant si j'auois veu ces statues, sur les quelles je luy dis mon sentiment. Mr des Mottes me renvoya dechiffrer une lettre de mr de Turenne a mr de Louvoy prise l'an 1673; un Bourguignon auoit trouvé la clef. | |
Lundy. 25.On n'auoit pas creu de marcher ce Lundy, mais y ayant nouvelle ou crainte que les Francois vouloyent se mettre entre nous et Brusselles, on alla camper ce jour à moitié chemin entre Soignyes et Braine le Comte. S.A. logeant dans une meschante maison, la ligne s'estendant entre ces deux places. La marche fut un peu embarrassée. L'on apprit pourtant que les Francois n'auoyent pas fait le mouvement que l'on apprehendoit. L'apresdisnee vers le soir du jour precedent on entendit tirer force coups de canon que l'on jugeoit auoir temoigné l'arriuée du Roy a Ath; mais un prisonier, qu'on attrappa dans la marche, de la garnison d'Ath susdte, nous dit que le Roy n'y auoit pas esté et qu'il croyoit que ces coups auoyent esté tirés au Quesnoy. | |
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Ce jour du 23 a une heure apres midy l'on entendit encor tirer de mesme, sans scauoir ce que c'estoit. | |
Mardy. 26.L'on marcha du quartier susdt jusques à St. Renel estant à 2½ heure l'un de l'autre; le quartier estoit destiné du commencement a Tubise ou le Comte de Nassau logea l'année passée. Le bagage n'arriua qu'à quatre heures apres disner. Il courut un bruit dans l'armee que S.A. deuoit aller faire un tour en Hollande. Monsieur d'Albrantsweert se blessa d'une cheute de cheval qui voulant monter sur un autre et luy le tirant par la bride se renversa sur luy; c'estoit un roussin que je luy auois vendu l'annee precedente. | |
Mercredy. 27.Mr d'Albrantsweert se fit emporter du quartier a Brusselles dans un brancard. Nous marchasmes de St. Renel jusques à Burggraue Lombeck. Il y a trois heures de chemin. Durant la marche l'on decouvrit seize esquadrons des ennemys sur nostre gauche, et on crût qu'il y pouvoit auoir en une affaire sans qu'il en arrivast autre chose. Rooseboom me dit que Moggershil auoit beaucoup d'intrigues d'amour et qu'il y faisoit de la depense et auoit offert a une fille qu'il ne vouloit pas nommer, une somme d'argent fort considerable sans qu'elle la prit. Je disnay chez Rooseboom, et estant allé dormir en suitte a 5 heures mon valet m'esveilla a onze heures du soir, disant que S.A. estoit desja couchée, surquoy m'estant deshabillé vistement je dormis encor jusques a quatre heures du matin, ayant dormy fort peu touts ces jours passés. | |
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devoit faire. En chemin faisant les trouppes rencontrerent trois ou quatre partys de l'ennemy qui furent battus. Il y en eust un qui auoit desja detellé trois chevaux du carosse du due de Villa-Hermosa, qui ne furent pas rattrappés; le Comte de Hornes battit un de ces partys luy mesme, qui estoit de 50 hommes. S.A. receut une lettre de mr de Louvois touchant les passeports des couriers de costé et d'autre; avec la mesme lettre il luy en renvoye une autre du Comte de Caprara, qui auoit esté interceptée; elle estoit du 22 May en Italien et estoit escrite a un Marquis. Il rend compte de ce qui se passe, mais semble de partir d'une affaire particuliere de S.A., a laquelle les autres, mesme les deliberations touchant les operations de la campagne, s'accrochoyent. Je songeay que ce pourroit estre le mariage de S.A. auec la soeur de l'Empereur, du quel j'ay ouy quelque fois parler entre les dents ledt Caprara. Il dit encor qu'il a bien de la peine a pousser les Espagnols et nous autres, et se compare soymesme à un cocher qui a devant son carosse deux chevaux, desquels l'un est retif et lunaticq, et l'autre sans force et sans haleine. | |
Samedy. 30.Nous marchasmes d'Assche à Wiese, un village une heure de Dendermonde et un demy heure d'Alost. Mon fol de valet ayant laissé mes deux chevaux de bast sans les attacher, pendant qu'il alloit chercher une pierre, ces chevaux attachés l'un à l'autre, s'eschapperent, et Geleyn eut toute la peine du monde à les reprendre. S.A. parla une fois ou deux a moy en chemin faisant. La maison du Comte de Waldec fut bruslée, le feu s'estant pris dans la cheminée. | |
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Le Fiscal Rooseboom, ayant traitté du monde, vint a la cour tout saoul. Je perdis une jolie espée faite a Paris. |
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