Journalen. Derde deel
(1888)–Constantijn Huygens jr.– Auteursrecht onbekend
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Voyage de Cell etc.
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Dans le chemin de Leyde nostre charrette s'embarrassa dans la roue d'une autre où estoit le Conseiller Goes avec sa femme, qui dit à son mary: Soo bruy je altijt maer toe. Nous nous mismes dans le Roef du batteau d'Utrecht et y couchasmes la nuit. | |
14 Samedy.Nous arrivâmes à 6 heures du matin à Utrecht, où je trouvay ma calesche que j'avois envoyé devant et mon chariot de bagage et louay 4 chevaux de Voerman pour le dt chariot à condition de le mener le mesme soir à Deventer pour 36 ℔. Nous disnasmes a Voorthuysen à 3½ d'Utrecht et repeumes à Appeldoorn ayant passé par Hooghsoeren. A Voorthuysen passa pendant que j'y fus un courier que j'avois depesché au Conte de Flodrof pour le prier de m'attendre quelques heures le jour suivant au matin. Je commanday à ce courier de luy dire que je faisois estat d'estre chez luy ce mesme soir ou le jour suivant de bon matin. J'arrivay ce soir à 11 heures à Deventer et souppay à la demy-lune, une auberge très-bonne qui n'est pas loign de la porte où l'on entre. Le mesme soir le Bourgem̅re et Professeur Cuyper avec le S.....Ga naar voetnoot1) vindrent me saluer et demeurerent jusques à une heure de nuit. | |
15 Dimanche.Le mesme Mr Cuyper revint encore et aussi le major commandant de la ville Sandrart, disant estre fasché que je n'avois pas logé chez luy et m'offrant son logis pour mon retour. Sur les huict heures du matin je receus une lettre du Conte de Flodrof dans laquelle il me mandoit que nous ne devions partir que le jour suivant, Mrs de | |
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Ginckel ét de Zuylestein ne devant arriver que ce jour là et qu'il m'attendoit pour disner. Bruynestein accorda avec les chartiers que nous avions desja arrestés pour Otmarsum (ou j'avois escrit au Conte de Flodrof le soir du jour precedent que je devois aller à droiture, et j'allay à Dort chez le dt Conte qui estoit allé à l'Eglise; nous nous promenasmes en attendant son retour. Disnames avec luy et sa femme ensuitte. Elle me monstra ses Cabinets l'apresdisnée pendant qu'il ne fit que pleuvoir. Ginckel et Zuylestein arrivèrent vers le soir et nous souppâmes ensemble fort bien et fusmes logés de mesme. Il y avoit la Madlle de Salmslagh niepce de Made de Flodrof assez jolie, mais sotte créature. | |
16 Lundi.Nous partismes par un mauvais temps, une pluye nous arrousant de temps en temps. J'avois renvoyé mes chevaux de carosse de Deventer après les avoir fait reposer un jour; à Dort nous en trouvames de paysants qui nous menêrent assez bien. Nous arrivasmes à Goor, un assez grand bourg à 4 heures de Dort. Là nous fusmes obligés d'attendre plus d'une grosse heure les relais qu'il nous falloit, n'estants pas arrivés; cependant nous prismes du chocolate. A trois heures nous arrivames à Otmarsum à 6 heures de Goor, ayants passé par Delden et proche de Twickelo; A Otmarsum nous trouvames le Rechter de Linge, Tollius, lequel nous y avoit fait accommoder le disner chez le Vooght. Il y avoit assez de viande, mais mal accommodée. Le Huysvooght de Lingen et le Trompette de S.A. de Linge, nommé Hans Dickkop, s'y trouvèrent aussi et le soir nous arrivasmes a Lingen, qui est à 7 heu- | |
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res d'Otmarsum. Nous souppames chez le Sr Tollius qui nous traitta bien (par ordre comme je croy de Mr Benting) et je couchay avec le Conte de Flodrof et Bruynestein chez la vefve du feu Sr Danckelman, en sa vie juge de Lingen, dans une maison qui paroist un peu par dehors, mais est fort mal bastie par dedans. Le chemin depuis Otmarsum est assez joly et il y a de costé et d'autre des veues agréables que font les plantements qui y sont tout du long. | |
17 Mardy.Je fus me promener avec Flodrof, Tollius, etc., par la ville, et vis l'escole que Tollius y avoit [fait] bastir de nouveau des restes d'un temple qu'autrefois Spinola avoit fait faire pour les soldats Italiens de la garnison. Nous nous promenasmes aussi dans le jardin de Tollius, Ginckel et Zuylestein estoient allé tirailler. L'après disné nous allames voir pescher dans les fossez de la ville où l'on ne prit pas grand chose. Tollius nous donna encore fort bien à disner. Sa femme estoit en couche. La ville de Lingen est bastie à l'allemande, des poutres de bois traversant toutes les murailles. Il y a des fumiers et de vilains esgouts devant la plus-part des maisons. Le marché est assez spacieux et le meilleur de ce qu'il y a. On passe la rivière de l'Eemse en allant à Lingen à une demyheure de la ville dans un bac; elle est large par là a peu pres comme le Rhin aupres de Leyde. Six petits chevaux qui traisnèrent ma calesche d'Otmarsum a Linghen allèrent tousjours un grand trot le plus vigourensement du monde sans s'arrester ny pour du sable ny pour de la boue. A Lingen Tollius nous monstra quelques morceaux de terre ou de mine qui porte des pièces exagones | |
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comme la mine de cristal. Cela croist dans un endroit de la Conté de Lingen, et ce cristal estant taillé et poly ressemble à des diamants et est à ce qu'ils nous asseurèrent fort dur. | |
18 Mercredy.Nous partismes de bonne heure de Lingen, disnames à Recke et sur les cincq heures arrivasmes à Osnabrug. Descendants du carosse dans la grande Bassecourt du Palais que l'Evesque, depuis devenu duc de Hanover, y avoit fait bastir il y avoit quelques ans. Nous y fusmes receus par quelques personnes de sa Court: un gentilhomme nommé Meerbach, jeune et bien fait, et qui parloit bien francois, un gentilhomme francois qui avoit esté an duc de Hanover dernier mort, nommé Bragelonne et qui s'estoit marié dans ce pays-là, un conseiller du dt Evesque nommé Derendael, homme d'aage et un autre jeune, nommé Vos; un certain Conte de Montalbano, Italien qu'on nous dit estre un plaisant dans cette Cour-là, un gentilhomme nommé Bastincourt, que me dit qu'il estoit proche parent de Mr de Weibnom, et avoit esté dans les guerres de la Lorraine son Capne lieutenant. On nous donna de bonnes chambres et un fort bon souppé, ou il y avoit un grand plat d'ortolans entr' autres, outre force autres civilités qu'on nous y fit. La ville d'Osnabrug est grande environ comme Delft, assez peuplée, mais bien sale et sentant sa Westphalie. Le jardin derrière le chasteau est bien joly et l'auroit esté d'avantage si ce n'eust esté la succession de Hanover qui a fait passer l'envie à l'Evesque d'embellir sa susdte maison et ce qui en depend comme n'y devant pas sejourner beaucoup. A Osnabrug nous apprismes la mort de l'Electeur palatin décedé d'une apoplexie dans son carosse. | |
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19 Jeudy.Nous partismes de bon matin et allāmes disner à Diepholt, un petit lieu situé dans un pays bas, dont il y auroit moyen de faire une bonne place avec bien de la facilité. Un capne d'une compagnie de la milice du plat pays et un autre officier ayant je ne scay quel employ nous donnèrent a disner dans l'ampthuys qui est une assez grande maison appartenante au duc. Au sortir de Diepholt on rencontre une campagne toute remplie de grandes pierres ou cailloux dont il y en a qui sont de la longueur de huict et dix pieds. Le chemin y est extremement mauvais et fait faire des secousses horribles aux chariots et calesches. Sur les huict heures nous arrivasmes à Sölingen, un lieu ouvert ou nous trouvasmes Mr de Boccage, qui y estoit envoyé par le duc de Cell pour attendre S.A. Il nous donna à soupper et nous fit toute la civilité possible. Mon chariot de bagage n'arriva pas et je fus oblgé de coucher sur de la paille. Le valet de chambre de Zuylestein, nommé de l'Isle, me dit qu'une roue de mon chariot s'estoit cassée. | |
20 Vendredi.Mon chariot arriva, et il vint une lettre d'un certain Vooght depeschée en toute diligence portant que S.A. ne devoit arriver à Lingen que jeudy, n'estoit party de la Haye que mardy. Nous desjeunames et allames jusques à Nyenburg, une ville du duc de Cell, située sur le Weser. Nous logeames chez le Weser. Nous logeames chez le maistre des postes qui avoit une assez jolie soeur. On estoit après a fortifier ce lieu et a le revestir d'un cordon de pierre de taille. Avant que d'y arriver il y a un chemin pavé effroyable d'une demy heure. Il y eut un major de la ville qui se tint tousjours | |
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auprès de nous et nous fusmes defrayés de la part du duc. J'écrivis delà à ma femme. | |
21 Samedy.Nous partismes à sept heures et demye et disnames à Stocheim, un meschant petit lieu, ou nous fismes fort mauvaise chère et ne beumes point de vin, parceque du chariot de cuisine que nous avions eu avec nous, s'estoit cassé un essieu le jour precedent. Il y a de Nyburg à ce village 6 heures. A Stockheim nous passames la rivière de Leine dans un bac et allasmes jusques à la maison du Sr StichanelliGa naar voetnoot1) qui s'appelle Wichesfelt (4 heures). Il nous receut fort civilement, nous mena avec sa calesche et ses chevaux de selle au bois qui joint sa maison, ou nous vismes des herdes entières de cerfs et de biches. Il est Italien et fut pris pour le duc de Cell à Venise estant petit garçon parce qu'il luy trouva de l'esprit à l'occasion de quelque message qu'il vint luy faire. Du depuis il luy a fait beaucoup de bien, donné de Bailliages et la charge de general des Postes, tellement qu'en ce temps icy il se trouve très-riche et fort à son aise. C'est un petit homme, adroit a ce qu'il nous parust, aimant à rire et contant luy mesme ses affaires avec beaucoup de franchise, et comment de petit garçon qui couroit les rues, il estoit devenu ce qu'il estoit. Il dit qu'il s'estoit evertué le mieux qu'il avoit pu et qu'il avoit cherché la fortuna sans attendre qu'elle vint le chercher. Il nous donna à soupper assez bien et fit mettre sa femme à table, qui estoit assez jeune, mais point belle autrement, quoyque fardée. On disoit qu'il estoit fort adonné à la debauche des femmes et qu'ayant mesme fait un enfant à la soeur de sa femme, il avoit payé | |
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une grosse somme (on disoit 20000 francs) soubs main pour s'exempter du chastiment. En arrivant à la maison de Stichanelli on passe par un petit bois de sapins et on en voit d'autres de loing. Il nous dit le proverbe italien: cavoli riscaldati et nemici riconciliati non vagliono mai miente.Ga naar voetnoot1) La maison estoit bastie à la manière ordinaire du Pays avec des poutres de bois entre les briques des murailles à cause que les briques y sont chères et le bois à très grand marché. Il nous dit qu'à la Cour la Duchesse estoit toute puissante et que par son moyen les François y estoient les plus en faveur; que le medecin du duc et les gentils hommes de sa chambre avoyent mille escus de gage, et que quand quelqu'un des domestiques du Duc se marioit il avoit par an, outre ses gages, une quantité de bois et autres choses necessaires pour le menage; que les domestiques estoyent payés regu(liere)ment de six en six mois. Ginckel me dit que le General major Oxhousen avoit quitté la Cour et toutes les charges qu'il avoit euës, qu'il gardoit le titre de Gn̅al major, mais que son Régiment avoit esté cassé, celuy de Beau-regard demeurant en pied; que sa disgrace en partie avoit esté causée parceque son fils (quoiqu'à son insceu) avoit formé quelque dessein pourGa naar voetnoot2) la Princesse, fille du Duc de Zell et de Mle Holebreuse.Ga naar voetnoot3) | |
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heures et demye Boccage vint an galop pour dire que S.A. alloit arriver, comme elle vint en effet un peu de temps après, menant aussi le marquis de Montpouillant et le Sr de Netelhorst. Stichenelli fit tirer 5 ou 6 coups de deux petits canons, qu'il avoit dans sa bassecourt pour donner avis, comme il est apparent à Cell. S.A. mangea un peu de fruit et puis se remit dans sa caleche avec tout son train. Depuis la maison de Stichenelli le bois de sapin que j'ay dit, continue jusques au faubourg de Cell. Nous allasmes fort viste à une demy-heure de Cell, qui est à deux heures et demye de la maison de Stichenelli et rencontrasmes la Mr le Duc de Cell avec une compagnie de dragons et une autre de cavalerie de ses gardes. Il y eut aussi le Conte de Solms, le Conte de Nassau, General de la cavallerie de nos gens et plusieurs de la cour de Cell. S.A. se mit dans le carosse du Duc dans le fonds et le Duc ne voulut jamais se mettre à son costé. On alla de là jusques à Cell au petit pas, et nous passames à guay une petite rivière qui est devant le fauxbourg de la ville. Ce fauxbourg à proportion de la de ville est assez grand. Le chasteau du Duc est tout au bout de la ville de ce costé icy et est basty en quarré avec des tours rondes ou octogones aux quatre coins. Comme nous l'approchâmes, on fit du dt chasteau trois descharges du canon. S.A. alla saluer incontinent la Duchesse et y demeura jusques au soupper. Elle estoit fort ajustée et avoit un habit fort chargé de diamants. La Princesse sa fille estoit aussi là, elle n'avoit que 14 ans et estoit pourtant toute faite et avoit deja un peu d'embonpoint, au reste bien jolie. Elle a le visage | |
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rond, le teint beau, mais la bouche un tant soit peu grande. La Duchesse est fort grande pour une femme et aussi haute qne moy. Il y avoit la le Prince de Wolfenbuttel qui venoit, ce disoit-on, pour faire l'amour à la Princesse, mais l'affaire n'estoit pas encore bien avancée. Sylvius me dit que le Duc de Wolfenbuttel, ayant dessein de la faire épouser à son aisné qui vint à mourir, contribua beaucoup à faire reussir le mariage du Duc de CellGa naar voetnoot1) et de le faire passer dans les formes, mais que quand cela fut fait et qu'elle ne crut pas d'avoir tant besoin de luy, elle avoit commencé à ne point favoriser la prétention de ce deuxiesme Prince. Il est fort blanc et blond, assez petit et fort civil. Sylvius me dit encore que par le moyen de la Dnchesse qui maistrise l'esprit du Duc, la faction francoise y estoit puissante et qu'elle luy tailloit bien de la besogne dans sa negociation. Le plus considerable de cette faction la estoit le marquis de Boisdavid qui souppa avec nous, et est un homme fort intriguant, qui agit de concert avec le marquis d'Arsy, envoyé de France aupres du duc. Cet envoyé ne vint pas saluer S.A., faisant l'indisposé. Bois-david a le visage maigre et un peu rouge, ressemblant un peu a feu Pieterson, frere de Madame de 'sGravemoer. Il y avoit encore la Mr de Beauregard qui commande un regiment. Un veillard, nommé Caslin, qui a esté autrefois au vieux Duc de Lorraine, un petit homme chauve. Il nous conta qu'à l'exemple du dt Duc il avoit tenu | |
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dans sa main un charbon tout allumé tout le temps qu'il falloit pour boire la santé de la maistresse de ce Duc qui en ce temps la (étoit) une Madlle Van der Hecke à Bruxelles. Item qu'il avoit gaigné du Roy d'Angleterre cent guineys en poussant son cheval du haut en bas de la montagne ou du precipice ou est Winsor. Cet homme avoit aussi pension du Duc dont la cour, disoit Stichenelli, estoit un refuge de miserables et il ne faut, adjoustoit [-il] qu'avoir tué un homme en France ou dire qu'on l'a fait, pour avoir pension à la Cour de Cell. Il y avoit encore avec nous à table outre Beauregard et Bois-david le Sr l'Aunay, un homme gros; il commande les Gardes du Duc de Cell. Touts trois me portèrent un verre de vin les premiers. Je trouvay aussi à Cell le jeune Haucourt qui s'en retournoit, à ce qu'il disoit, en Hollande par Hambourg. Il y avoit encore un gros homme, nommé Hammerstein, le premier et le plus considerable ministre du Duc. Le Conte de Waldec se trouve aussi à Cell. Je logeay dans une hostellerie dont l'enseigne estoit die Traube. Stichenelli m'offrit fort un apartement chez luy, mais je le remerciay. La table du Duc estoit un ovale fort grand de 14 ou 16 couverts et fort bien servie. La deuxieme dans la mesme sale estoit aussi de 12 ou 14 personnes ou je souppay avec plusieurs de nos gens. Il y ent musique de violons durant le soupper. On dit que Mr l'Electeur de Brandenbourg ne devoit pas venir à Maagdenbourg où nous croyions d'aller le trouver. | |
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heures du matin; mais comme le Conte de Waldec alla avec eux, il y a quelque apparence que s'estoit pour parler d'affaires. Bruynestein me dit, qu'il avoit appris que Stichenelli avoit desja fait trois enfants à la femme qu'il avoit alors, durant la vie de sa premiere femme. Le repas du midy de ce jour fut fort bon et il y eut sur notre table un plat de huistres rosties très bon, un grand plat d'ortolans, un plat avec quatre tortues, outre les lièvres, perdrix, alouettes et autres choses ordinaires. S.A. demeura encor enrhumée et eut du mal de teste le matin, ne laissant pas d'aller tuer des cerfs le matin, comme dit est, et ils en tuèrent quatre grands qu'on estendit dans la basse-court l'aprèsdisnée. Je fus à la comedie avec S.A. ou fut joué ce jour là le Bajazet de .....Ga naar voetnoot1), mais les acteurs n'estoyent pas bons extraordinairement, et la voute du théatre estant fort haute, l'on avoit de la peine à entendre les comediens. Maistre Jacques qu'à present on nomme Mr Barreaux, nous vint voir manger. On donna ordre pour les relais qui devoyent mener S.A. a Hanover le jour suivant. Tollius de Lingen me manda que S.A. luy avoit donné la charge de greffier de son conseil. Bruynestein me dit que Sylvius le persecutoit continuellement pour scavoir au vray l'estat de la santé de Madame particulierement en ce qui est de sa disposition pour pouvoir avoir des enfants, luy disant qu'il falloit qu'il receust ces demandes comme estant faites par le Roy de la Gr. Bretagne et non pas par | |
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luy, que la succession de trois couronnes en dependoit etc. | |
24 Mardy.S.A. alla disner a Hanover, et revint le soir à 9 heures et demye et fit encore alors des depesches pour la Haye. S.A. ne mangea a soupper qu'un peu sur une assiette dans son antichambre. Je ne pûs aller soupper avec la Cour, parce qu'il fallut escrire pour S.A. et comme je n'avois pas disné aussi, ny soupperGa naar voetnoot1) le jour d'auparavant, je fus obligé d'envoyer quérir dans le cabaret ou je logeois à une heure de la nuit du pain et du vin. Le jour que nous arrivames a Cell Sylvius me dit qu'il y avoit apparence que le duc devoit parler à S.A. en faveur de Wicqfort, afin qu'en tout cas elle voulust luy faine rendre les papiers qu'il luy falloit pour achever son histoire, qu'en en ce cas la l'on pourroit l'obliger à escrire de S.A. et de ses actions a peu près comme l'on voudroit; qu'il luy sembloit que S.A. devoit cela à sa memoire qu'en cette histoire il ne fust point mis des choses à son desavantage. Je luy dis seulement que c'estoit un malhonneste homme qui avoit attaqué la personne de S.A. en son particulier et que je doubtois fort si cela se pourroit. Le jour d'auparavant Boccage m'avoit dit à table que Babet Wicqfort estoit encor avec la Princesse d'Ostfrise, mais qu'elle ne vouloit pas y demeurer, ne s'expliquant pas sur la raison pourquoy, et qu'elle avoit une fiebvre tierce; que Nanon et Nannette estoient encor a Cell avec le père et que la première ne se portoit pas tout a fait bien. Je fus quasi tout le jour en ma chambre à preparer | |
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des depesches et à faire mes lettres particulieres pour l'ordinaire. | |
25 Mercredy.J'entendis dans la chambre de S.A. à son lever, qu'elle vouloit aller trouver Mr. l'ElecteurGa naar voetnoot1) et que le jour de devant on avoit depesché un courier pour scavoir, s'il ne pouvoit pas se rendre a Tangermunde endeça de Berlin. Nous partismes en suitte pour Epsdorf, un des lieux de chasse de Mr. le Duc de Cell; à 14 lieues de Cell, disnames à my chemin à la Posterie dans une maison de Stichenelli ou maistre Jacques (nommé à la Cour de Cell Mr. des Barreaux) avoit fait tout preparer tellement que nous mangeames fort bien. Nous arrivames de grand jour au dt Epsdorf ou je logeay à la Posterie. Le soir S.A. jouant dans sa chambre je rencontray Mr. le Duc de Cell dans l'antichambre qui me fit des excuses du mauvais logement qu'apparemment nous avions, et parla ensuitte quelque temps d'une et d'autre chose touchant le lieu d'Epsdorf. Voorst et le Conte de Nassau me contèrent que Tollius de Lingen leur avoit dit et que Mr Benting avoit conté la mesme chose à S.A. qu'à Ippenbuyren, dans la conté de Lingen, depuis quelques années il venoit du costé de la montagne prochaine touts les soirs regulierement à la mesme heure un fantosme en forme d'un feu de la grandeur d'un homme et ayant traversé le bourg d'Ippenbuyren susdt s'évanouissoit; que les habitants du lieu estoyent si accoustumés à le voir que cela ne leur faisoit point de peur; que Tollius luy mesme estant en ce lieu s'estoit levé de nuit pour le voir par devant sa fenestre. | |
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cerf. Je mangeay à la table du mareschal ou un gentilhomme, nommé Schultz ou Schutz faisoit les honneurs de la maison. En suitte y vint Netelhorst et un autre gentilhomme du Duc, nommé Bulauw. Schultz nous mena après disner au couvent ou Stift qui est tout proche et joignant la maison du Duc, ou je ne restay point. Le chemin entre Cell et Epsdorf est par des plaines qui ont de petits bois de costé et d'autre, la plus part de sapins; pas guères loing de Cell il y en a un de sapins qu'on appelle masles. Ce petit licu d'Epsdorf est situé d'un costé contre un bois de chaisnes fort hauts comme de 60 pieds et plus, et de l'autre sur un grand ruisseau ou petite rivière qui arrouse cuelques prairies et fait tourner un moulin, qui estoit dans la rue, qui mène du logis de la Posterie ou je logeay, vers le pays haut, qui est au dela de la dte rivière; ayant fait aller ce moulin elle fait un assez grand estang, comme la moitjé du Vijver de la Haye sur lequel est le derrière du Stift, que j'ay nommé cy dessus aupres duquel elle fait encor aller un autre moulin. Tout ce petit lieu, ainsi que la plus part des maisons de paysans entre Cell et luy est enceint de palissades qui sont faites de grosses pièces de bois de chaisne qui se croisent et servent de closture aux jardins et metairies. Sur le haut de ces palissades ils mettent de grandes pièces de gazon pour que le bois ne pourrisse par le bout, comme je crois. Dans ce lieu comme dans touts les autres du pays d'Osnabrug et de Cell les habitants (pour la plus part) font mettre leur nom et celuy de leur femme sur le haut de leur porte. Je remarquay à Epsdorf de l'absinthe qui croissoit dans le chemin. | |
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Il me souvint que Zuylestein fit un petit tour à Bruynestein, luy mettant un morceau de pain sur son assiette, qu'il avoit fendu par le milieu, et y avoit mis du sel entre deux, que l'autre avalla une fois ou deux et puis pratiqua la mesme chose contre ses voisins. Il appelloit ces morceaux de pain des bruslots. Les chasseurs revindrent assez tard, ayant eu une chasse fort rude, plusjeurs comme Montpouillan, Ouwerkerck etc. ayant fait des culbutes et plusjeurs ayants eu des egratignures au visage; avec tout cela ils ne prirent point de cerf. | |
27 Vendredy.S.A. fit le magistrat de Boilduc, mettant le Jeune Schuyl échevin, à la recommandation que je luy en fis. Après disner S.A. fut à la chasse du lièvre, mais on n'en prit point. Le conte de Flodrof et moy fismes une partie pour aller faire un tour à Hambourg le jour suivant, S.A. l'ayant agréé; mais le soir il me fit dire que S.A. avoit dit que nous ne pourrions partir que mardy suivant, dont je ne fus pas marry, m'estant engagé à ce voyage plus par complaisance que par grande envie que j'en eusse. | |
28 Samedy.On desjeuna à 9 heures et puis S.A. alla avec le Duc à la chasse qu'ils appellent en ce pays-la de Klopperjacht et qui se fait de ceste manière: l'on va d'un bois à l'autre et dans chascun on envoye bon nombre de paysans qui meinent aussi leurs femmes et filles, lesquels faisants grand bruit en criant et remuant des inventions de bois, le gibier qui est dans ces bois, sort, et ceux qui ont des fusils l'attendant, le tuent, s'il eschappe quelque chose on lasche les levriers qui sont la pour cet effet. Je vis tuer de cette manière deux chevreuils, l'un par Ouwerkerck, l'autre, ayant esté blessé, fut achevé tout devant | |
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nous par les levriers aux quels je vis prendre encor deux lièvres dans la brière après de belles courses. S.A. tua encor un renard et un chat sauvage, desquels il y en a quantité dans ce pays-là et qui font grands degats dans les bois, Cecy pendant que j'y estois, car sur les 4 heures je m'en allay au logis avec Heeckeren et un gentilhomme, nommé Marenholtz. Durant cette chasse Carlin me conta qu'il y avoit quelque temps, que Mr le Duc avoit chassé un cerf qui n'avoit que trois jambes, ayant perdu la moitjé de l'autre par quelque accident à ce qu'il semble, et dit-il, qu'il avoit couru une demy heure. Qu'un autre avoit esté pris s'estant embarrassé par son bois entre ces palissades que, comme j'ay dit, ces paysants font en ce pays autour de leurs maisons, jardins et poiriers. Marenholtz que je viens de dire, nous conta que Beauregard ayant tué premierement un homme auprès de Genève et s'estant pour cela retiré à Cell, avoit pris querelle du depuis avec un Coronel au service du Duc, nommé Villers, parce que cestuycy avoit fait avoir la place de major de son regiment a son frère, qui en estoit le plus ancien capitaine, l'ayant promise à luy Beauregard. - Le coronel Eppe me conta que Boisdavid avoit du Duc 5000 ℔ de pension, huict chevaux entretenus et de l'argent pour nourrir quatre valets, outre la table du Duc pour luy, tout cela sans qu'il eust de l'employ. Marenholtz dit encore que Villers que nous avons connu à la Haye, disoit à Cell qu'il estoit Hollandois, et Netelhorst dit en mesme temps qu'à la Haye il se disoit du pays d'Alsace et que par la il avoit du bien. Marenholtz dit encore que parmy eux il passoit pour un fol, mais ce gascon sembloit bien avoir l'esprit un peu satyrique. | |
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Au soir arriverent la Duchesse de Cell et le Duc de Hanover.Ga naar voetnoota) Deux de ses filles d'honneur dont l'une s'appelloit Madlle Lescourt et estoit françoise avec une femme mariée qu'on nommoit Madame Oppe, gouvernante des filles d'honneur soupperent avec nous. Cette Madlle Lescourt estoit a ce que me dit Beauregard maistresse du Sr Schutz, y ayant apparence qu'il se marieroyent bien tost. | |
29 Dimanche.Sylvius me dit que le Duc avoit fait parler le Sr Tann, son mareschal a Mr. Benting en faveur de Wicfort, estant fort d'avis que S.A. luy pardonnast. Comme je luy parlay du libelle infame qu'il avoit fait et dans lequel il y avoit des choses de Mr. Benting mesme, il dit en riant fort: hoe men de stront meer roert, hoe se meer stinkt. Le conte de Waldec me parlant à l'occasion d'autres choses du fiscal Rooseboom et des intrigues qu'il avoit avec Mlle de Br., me dit, qu'en parlant un jour a .....Ga naar voetnoot1) il luy avoit dit que l'on disoit qu'il luy avoit fait un enfant et que la dessus .....Ga naar voetnoot1) rougit extremement. | |
30 Lundy.Le Duc et S.A. furent à la chasse du cerf et en prirent deux. Je ne mangeay que deux oeufs en ma chambre à disner. Sylvius me dit le soir que ses negociations en la Cour de ces Princes de Lunebourg n'avancoit encore guères; qu'ils attendoyent de voir ce que produiroit l'assemblée prochaine du Parlement d'Angleterre; que quand on les pressoit de faire l'Alliance, ils | |
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alleguoyent que l'Empereur luy-mesme ne l'avoit pas encore faite; que dans la dernière guerre l'Empereur ayant donné des quartiers d'hyver aux trouppes de Munster et de Denemarc dans les terres de Mecklenbourg et de Lunebourg, les Ducs leur avoyent refusé l'entrée dans leurs pays; que le Danemarc et l'Evesque de Munster gardoit tousjours sa pretention la dessus et soustenoit devoir estre dedommagé, et que pour se délivrer de cette vexation dans le traitté, qu'ils avoyent fait avec la France, il estoit convenu qu'elle les garantiroit, et qu'en faisant des traittés contraires à ses intérests, ils perdoyent cette garantie; que luy, Sylvius, croyoit pourtant qu'ainsi qu'ils asseuroyent, ils ne feroyent rien au prejudice de l'Empire. |
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