Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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§ 2. Séjour et travaux dans les Pays-Bas de septembre 1670 à juin 1671.En rentrant dans sa patrieGa naar voetnoot1) Huygens put de nouveauGa naar voetnoot2) se servir du yacht du Prince d'Orange qui vint le prendre à Gand. Le frère Constantyn eût bien voulu, avec sa femme et d'autres membres de la famille, aller à sa rencontre, mais il dit considérer la chose comme à peu près impossible ne sachant ‘comme tout ce monde sur tout avec la valettaile pourra tenir dans le petit bateau’. Le mot valettaile fait bien voir combien était grande la distance qui séparait les maîtres des valets. Assurément, ce n'est pas dans le but d'offenser les gens de cette condition, dont aucun ne verrait sa lettre, que Constantyn s'exprime ainsi. C'est un mot aussitôt oublié qui lui vient sous la plume - on peut dire la même chose des épithètes ‘venerable’ et ‘gueux’ appliquées par le beau-frère Doublet à Samuel ChappuzeauGa naar voetnoot3) - mais qui cependant montre clairement que le puissant sentiment de solidarité reliant entre eux les membres de la famille Huygens ne pouvait, évidemment, s'étendre que sous une forme extrêmement atténuée à l'humanité tout entière. La société en général devait bien leur apparaître, pour le dire un peu crûment, comme composée de personnes intéressantes et de personnages indifférents. Et encore convient-il de ne pas exagérer. Voyez ce que nous avons dit à la p. 392 sur le père Constantyn. Il nous semble, il est vrai, que par l'intérêt qu'il prend à l'homme en général il se distingue de ses fils. Mais on peut consulter aussi vers la fin du présent Tome, le testament de Christiaan. Pour revenir un moment aux valets ou laquais, a-t-on remarqué aux p. 489-490 combien ils devaient trotter, lorsqu'on ne voyageait pas en bateau, pour pouvoir être de quelque service à leurs maîtres?
La société des gens qui comptent est une société internationale quoiqu'assurément il existe d'autre part une solidarité nationale et que la conscience d'appartenir à une même église crée aussi des liensGa naar voetnoot4). | |
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Dans les jours où Christiaan et Lodewijk rentraient à la Haye il y avait déjà menace de guerre entre la France et la Néerlande. Mais une telle guerre, pense Christiaan à bon droit, ne détruirait nullement tout sentiment de solidarité entre les classes dirigeantesGa naar voetnoot5): ‘L'on ne parle pas beaucoup icy jusqu'a cet heure de la guerre d'Hollande, j'espere qu'on n'en viendra pas la. Mais quand ce seroit, je pense qu'on sera encore bien aise de me retenir icy dans le poste ou je suis, ou je ne suis emploiè en rien qui aie quelque chose de commun avec la guerre’Ga naar voetnoot6). ‘Il y a un ordre imprimé et affiché par tout portant défense à touts officiers au service de Messieurs les Etats d'Hollande de s'absenter de leurs Garnisons durant le temps de trois mois; et cassant et annullant toute sorte de congés’...écrit le frère ConstantynGa naar voetnoot7). Le père Constantyn lui aussi ne pouvait ignorer que Louis XIVGa naar voetnoot8) faisait fortifier et armer les forteresses du nord et que la ‘descente du Roy vers les Pais bas’ dont il parle dans sa lettre à de BeringhenGa naar voetnoot9) était de mauvais présage. Mais ceci ne l'empêcha nullement d'écrire peu après à ses deux fils encore à ParisGa naar voetnoot10): ‘N'auriez vous pas l'esprit entre vous deux de faire sous-sentir omnipotenti, par vostre Monsieur Perrault ou autres, que cette maladie est de si grand fraix, que le Roy pourroit avoir la bonté de vous soulager de quelque subside?’ Tout autant que Christiaan il croyait à un ordre des choses où les guerres entre voisins ne sont au fond que des incidents regrettables. Il a sans doute ignoré, mais peut-être soupçonné, que pendant cette descente du Roi vers les Pays-Bas une alliance secrète de l'Angleterre et de la France avait été conclue ayant pour but de nous attaquerGa naar voetnoot9). Bientôt il se rendit lui-même en Angleterre, de sorte que durant la plus grande partie du séjour de Christiaan à La Haye il fut absentGa naar voetnoot11).
Sur l'avis des médecins Chr. Huygens dut encore s'abstenir pendant quelque temps d'études prolongées. Il ne put toutefois s'empêcher de feuilleter, et de lire plus ou | |
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moins, tant les ‘Lectiones’ de BarrowGa naar voetnoot12) que la ‘Mechanica’ de Wallis et les nouvelles publications de Boyle. On peut consulter sur sa lecture du livre de Barrow en 1670 la p. CXLIX du T. XIII. Ce fut dans Barrow qu'il lut, peut-être pour la première fois, le nom de NewtonGa naar voetnoot13). En octobre il se rendit à Amsterdam pour faire la connaissance de Swammerdam qui venait de publier sa belle ‘Historia insectorum generalis’Ga naar voetnoot14). Il y visita sans doute en même temps la célèbre imprimerie des Blaeu où il commanda ‘deux paires de globes de la nouvelle impression’ qu'il peut avoir reçus plus tard quoique Joan Blaeu ne vécût que jusqu'à 1673 et qu'en 1672 un incendie détruisît complètement l'imprimerieGa naar voetnoot15). Il échangea quelques lettres avec Oldenburg, qui parle de nouveau de la désirabilité d'une coöpération internationale du ‘monde scavant’Ga naar voetnoot16) et apprit de Paris, peut-être du secrétaire du HamelGa naar voetnoot17), que les horloges n'avaient pu servir dans le voyage de Richer au Canada et à la Nouvelle Angleterre; ce que Richer lui-même lui écrivit aussiGa naar voetnoot18); mais il crut pouvoir conclure ‘qu'il n'est pas tant necessaire de chercher du remede a mieux faire aller les pendules qu'a envoyer avec elles des personnes qui en ayent meilleur soin’. Il savait pourtant qu'en Angleterre aussi on doutait de la possibilité de faire avec succès de nouvelles épreuvesGa naar voetnoot19). Nous ne pensons pas, et nous l'avons déjà dit ailleursGa naar voetnoot20), que se sentant aussi bien rétabli qu'il le dit, iI continua longtemps à ne pas travailler au sujet qui en ce moment l'intéressait avant tout: nous parlons de la rédaction définitive commencée en 1669 de l'‘Horologium oscillatorium’. Vernon et peut-être de CarcavyGa naar voetnoot21) lui avaient sans doute rendu avant son départ de Paris les papiers qu'il leur avait confiés.
Il est possible que ce soit aussi de ce temps que date la première rédaction d'une pièce sur l'oeil et la vision: ‘la circonstance - disent les rédacteurs du T. XIII - que la dispute de l'année 1668 entre Mariotte et Pecquet sur le rôle joué dans la sensation de la vue par la rétine ou par la choroïde est mentionnée comme ayant eu lieu n'aguere nous fait présumer que la première rédaction doit dater de 1670’Ga naar voetnoot22). | |
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Mais pourquoi pas d'un peu plus tard? Nous disons plus tard plutôt que plus tôt puisqu'en 1668 la dispute n'était pas terminée: ‘this summer’ écrit Vernon en février 1670, ‘Monsieur Mariotte intends to make an answer to Monsieur Pecquet about the subject & seat of the vision which he will shortly send into England’Ga naar voetnoot23): comparez sur cette réponse de 1670 notre T. XIIIGa naar voetnoot24).
En mars 1671 Huygens fut chargé avec Hudde, par les États de Hollande et de Westfrise, de faire une inspection du Bas Rhin et de l'Yssel et de soumettre aux États un projet des travaux à entreprendre pour empêcher l'ensablement de ces fleuves. C'est à cette importante commission que se rapportent l'Appendice IV des p. 284-285 qui précèdent et le ‘Verbael’ ainsi que la ‘Paskaerte’ qu'on trouve dans le T. VIIGa naar voetnoot25).
Ce fut pendant ce séjour en Hollande que Huygens lut pour la première fois le nom de LeibnizGa naar voetnoot26). Il reçut une pièce de sa mainGa naar voetnoot27) - où il est fait mention de lui - envoyée par Oldenburg. Nous ne constatons pas que cette pièce ait fait une grande impression sur lui. Nous y voyons l'auteur, encore jeune, de la ‘Disputatio metaphysica de principio individui’ de 1663 méditer ‘de primis abstractisque motus rationibus’ ainsi que sur la nature énigmatique de la cohésion, la ‘natura punctorum’, la contiguïté, la continuïté, les ‘entia incorporalia’ etc. Il dit pouvoir démontrer qu'il existe un espace vide; plus tard il nia l'existence du videGa naar voetnoot28). En terminant Leibniz parle du mouvement de l'éther par lequel il veut expliquer ‘admirandos omnes et extraordinarios naturae effectus’.
Huygens communiqua à Joh. de Witt trois ‘Hypotheses’ ainsi que la Propositio I de son traité sur la percussionGa naar voetnoot29). La troisième hypothèse est celle de la relativité pour les mouvements rectilignes uniformes; il y cite Galilée. | |
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Il a déjà plusieurs fois été question de de Witt dans la présente biographie. Une lettre de Huygens à lui, se rapportant à l'inspection du Bas Rhin et de l'Yssel, fait défaut. Elle est mentionnée par HuddeGa naar voetnoot30) qui dit en même temps s'intéresser au mémoire de cette année de de Witt sur les rentes viagèresGa naar voetnoot31) et avoir fait lui-même sur la mortalité une statistique ne s'accordant pas avec les tables de Graunt. Quelques mois plus tard, lorsque Huygens fut de nouveau établi à Paris, Hudde lui envoya ses tableaux et calculs en les comparant à ceux de de WittGa naar voetnoot32). On se rappelle la correspondance de Huygens et Hudde sur des problèmes de probabilité et celle de Huygens avec son frère Lodewijk sur la vie moyenne et les probabilités de vie. Il a sans doute causé plusieurs fois avec Hudde sur les rentes viagères. Il peut aussi en avoir causé avec de Witt puisque la dite pièce sur la percussion qui se trouve dans la collection-Huygens porte les mots: ‘Dedi horum apographum Do. de Witt’. Il est du moins certain qu'il a vu et examiné avec attention le Mémoire présenté par de Witt aux États comme cela ressort de sa lettre du 2 octobre à HuddeGa naar voetnoot33) où il approuve hautement les calculs du Grand-pensionnaire. Et comme il ditGa naar voetnoot34) avoir désiré, déjà avant de recevoir la lettre du 18 août de Hudde, de pouvoir comparer le Registre de ce dernier (qu'il reçut dans cette lettre) avec le dit Mémoire, il semble assez probable qu'il avait vu le Mémoire déjà à la Haye, donc avant la présentation aux États. |
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