Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
[pagina 665]
| |||||||||
§ 3. Séjour et travaux à Paris de juin 1671 à juillet 1676.Huygens partit de la Haye le 12 juin 1671; le 2 juillet il fait savoir à ses frères être arrivé à Paris la semaine passée. Son logement était augmenté d'une salle dont il prétendit ‘faire un appartement assez joly’. Il donnait parfois à dîner à ses parentsGa naar voetnoot1) ou autres connaissances. En octobre nous apprenons qu'il y eut un soir toute une compagnie et qu'on passa le temps ‘fort joyeusement jusqu'à une heure de nuict, non sans musique’. Il y eut des dames ‘qui chantent tres bien, et jouent encore mieux du clavecinGa naar voetnoot2)’. Les trois frères Perrault en furent. Claude Perrault fut certainement entre les collègues celui pour lequel Huygens éprouvait le plus d'amitié. Il fut aussi toujours fort bien tant avec CharlesGa naar voetnoot3) qu'avec Pierre. En 1673 il dira qu'‘il ne se passe guere de jour que je ne les voye’Ga naar voetnoot4). Outre leur maison à Viry, ils en avaient une à Paris proche de la demeure de Huygens. Malheureusement les rapports entre Huygens et de Carcavy se gâtèrent dès sa rentrée: il se trouva que de Carcavy et son fils s'étaient emparés de sa calèche et l'avaient troquée contre une autre. Ils avaient même forcé une serrure pour se mettre en possession des coussins et rideaux. Huygens s'en plaignit à Colbert qui le reçut ‘avec grand tesmoignage de joye, et estoit en fort bonne humeur’ jusqu'au moment où son visiteur entama cette matière ‘dont il montra avoir grand deplaisir’. Évidemment le ministre voulut accommoder l'assaire ce qui lui réussit plus ou moins. La conduite indélicate des Carcavy s'explique par le fait que Huygens, avant de partir, leur avait offert sa calèche pour cent écus, marché qui n'avait pas été conclu. Depuis ce temps Huygens fut mal avec ce collègue. Il semble d'ailleurs possible que déjà avant le départ pour la Hollande l'amitié se soit quelque peu refroidieGa naar voetnoot5). Il est regrettable que Huygens ait gardé rancune à son collègue pour cette ‘insolence’Ga naar voetnoot6). | |||||||||
[pagina 666]
| |||||||||
En 1662 il écrivait à propos de lui - et on a vu qu'il était en rapports avec lui depuis 1656 -: ‘c'est un fort honnest homme’Ga naar voetnoot7). En 1671 il nous apprend que les Perrault eux aussi n'éprouvent pas de sympathie pour de Carcavy, que déjà pendant son absence ‘le frère medecin (Claude) et Carcavy avoient quelquefois eu de grosses paroles dans l'assemblée, dont ils estoient restez un peu mal ensemble’.
Après avoir écrit cette page, il nous vient un doute: était-il nécessaire de perpétuer le souvenir de ces misères? Il est évident que si l'on veut faire plus ou moins revivre une époque, lors même qu'on n'est ni un Homère ni un Shakespeare ni un Tolstoj, il y a lieu de tenir compte, non seulement d'amitiés et d'efforts de coöpération, mais aussi d'ambitions et de conflits. Toute vie humaine, et toute vie d'une nation, est un roman, une tragi-comédie et une épopée. Quand il ne s'agit que d'histoire des sciences, il paraît désirable de mettre en lumière la coöpération plutôt que l'émulation, laquelle d'ailleurs - nous songeons aux frères Jacques et Jean Bernoulli -, même lorsqu'elle est accompagnée de puissants sentiments d'antipathie, ou d'une alternative de sentiments d'antipathie et de sympathie, est aussi une espèce de coöpération. Mais nous n'écrivons pas ici uniquement un chapitre d'histoire des sciences; nous écrivons une biographie. Du point de vue scientifique le différend de Huygens et de Carcavy est dénué de tout intérêt; il ne l'est pas au point de vue de l'étude du caractère de Huygens. Nous sommes d'avis que DauberGa naar voetnoot8) n'exagère en aucune façon ses ‘belles qualitez’. De plus, dès son enfance il était d'une humeur fort douce. Mais Constantyn Sr., en le constatant, ajoute: ‘ne pouvait pas bien souffrir qu'on lui fît tort’Ga naar voetnoot9). Or, pour parler avec Wordsworth, l'enfant est le père de l'hommeGa naar voetnoot10). Rien n'empêche donc de croire que de Carcavy, mort en 1684, bibliothécaire du Roi jusqu'en 1683, resta, malgré l'indélicatesse commise, ce qu'il avait été auparavant: un fort honnête homme. Et l'on peut faire une remarque analogue pour des cas où, autrement que dans celui-ci, la technique ou la science étaient en jeu. Jadis Huygens appelait l'horloger de Rotterdam Simon Douw ‘homo stolidus ac impudens’Ga naar voetnoot11), et la note des éditeurs du T. II ajoute, en guise de confirmation: ‘En 1657 il perdit son | |||||||||
[pagina 667]
| |||||||||
poste à Rotterdam’; or, dans le T. XVII nous avons fait voirGa naar voetnoot12), d'après les archives de cette ville, qu'en 1661-1663 il travaillait pour Rotterdam et recevait de ce chef des sommes considérablesGa naar voetnoot13). C'est dire que les éditeurs, à notre avis, n'ont pas toujours pu s'empêcher - mais ceci ne s'applique pas au cas-Carcavy où ils n'ont fait aucune observation - de donner pleine raison à Huygens en se fiant exclusivement à lui. Dans la lettre à de Witt de la p. 81 qui précède Huygens déclare absurde une opinion de Bruce que celui-ci exprime en effet dans la lettre de la p. 606 sous la forme ‘that any rationall man will judge that no other persone should pretend the advantages of [an] inventione, but he that brought it to the desyred end’. Bruce voulait dire que c'était à lui qu'appartenait exclusivement l'honneur de la découverte des horloges marines à pendule puisqu'il avait trouvé, lui, la fourchette à F renversé (construction qui en réalité ne satisfit pasGa naar voetnoot14), mais cela n'était pas encore évident en ce moment). Huygens, d'autre part, trouvait fort naturel de dire que cet honneur revenait presqu'exclusivement à lui-même, inventeur de la suspension libre du pendule et de la fourchette simple. Si Galilée avait été en vie, il nous semble qu'il eût pu faire une réclamation à son tour, quoique n'ayant conçu ni la suspension libre ni la fourchette. Nous avons parlé de son mérite et de celui de son fils à la p. 65 du T. XVIII, contredisant un passage quelque peu pathétique du T. VIIGa naar voetnoot15). Nous ne voulons pas dire - loin de là - que Huygens avait tort en soutenant dans l'‘Horologium oscillatorium’Ga naar voetnoot16) qu'il n'y avait eu aucun plagiat de sa part, mais seulement qu'un autre à sa place, en revendiquant son droit, eût peut-être fait une mention plus expresse de ce qu'il avait pu apprendre à la maison paternelle dès sa jeunesse sur les efforts de GaliléeGa naar voetnoot17). Nous sommes d'avis que ceci créait une certaine dépendance quoiqu'il n'eût rien appris d'une idée de Galilée d'adapter le pendule aux horloges et d'un modèle inachevé (resté généralement inconnu) de son fils. En 1655 nous avons vu Huygens désireux de voir des manuscrits de Galilée, lesquels il reçut en effetGa naar voetnoot18). Voyez aussi les dernières lignes de la p. 594 qui précède. | |||||||||
[pagina 668]
| |||||||||
Nous insérons ici un petit poème de ce temps, plus précisément: du 18 août 1671Ga naar voetnoot19), du père Constantyn:
Aen mijnen Soon op syn' Uer-werck.
Soon, die, door Gods beleid, de kloeke vinder zijt
Van deser gangen onbewegelick bewegen,
Hoe 'swerelds slingeren u gaen mogh' mé of tegen,
Hebt haer' eenparicheit voor oogen t'aller tyd.
Hebt ghij het swacke werck, in 'tschudden vande baren,
Tot ongevoel gebracht van alles wat het lydt,
Gedenckt, wat u toe staet in alle wedervaren,
Die door des Heeren Geest vol Redens krachten zijt.
Stel Vond en Vinder, Geest en Raderen te samen;
't Waer jammer dat het Werck den Meester sou beschamen.
Traduction: | |||||||||
À mon fils sur son horloge.Mon fils qui, par la grâce de Dieu, êtes l'heureux inventeur de l'invariabilité des oscillations du pendule, ayez toujours cette constance sous les yeux, que les péripéties du monde vous soient favorables ou contraires. Vous qui avez appris à ce faible instrument à être impassible dans le tumulte des flots, songez à votre devoir à vous dans toute circonstance, vous qui, animé de l'esprit divin, êtes un être raisonnableGa naar voetnoot20). Mettez sur le même pied l'invention et l'inventeur, l'esprit et les rouages. Ce serait bien dommage si l'oeuvre devait confondre le maître.
Comparez la p. 505 du T. XVIII où le père Constantyn, en 1675, donnera à Christiaan un conseil du même genre: Ne saevi, magne sacerdos. | |||||||||
[pagina 669]
| |||||||||
Nous voici donc en présence de l'oeuvre capitale de Huygens, l'‘Horologium oscillatorium’, auquel nous avons voué un long Avertissement dans le T. XVIII. Bruce y est mentionnéGa naar voetnoot21), sans être nommé, comme ‘nobilis è Scotia nobisque amicus’ et Huygens mentionne en outre tant sa suspension à une sphère d'acier que la lettre F renversée, sans dire que cette dernière ne satisfaisait pas, et sans parler de la question des octrois. La publication de cet ouvrage en 1673, et l'invention de la spirale régulatrice des montres en 1675, peuvent être considérées comme ses principales ‘Leistungen’ - nous ne trouvons pas de mot français équivalent - pendant l'époque considérée.
Il convient toutefois de considérer par ordre, pour cette époque comme pour les précédentes, les sujets scientifiques dont il s'occupa, ceci sans nous attarder ni à des disputes insignifiantes ni à certaines excursions ou à des soirées ou autres agréments de la vie parisienne. Nous nous abstenons aussi de parler de la guerre de Hollande qui éclata en avril 1672 et dont on trouve de nombreux échos dans la CorrespondanceGa naar voetnoot22), ainsi que de la mort violente des frères de Witt au mois d'août de la même année, sauf pour constater que la rentrée en pouvoir de la Maison d'OrangeGa naar voetnoot23) était tout-à-fait à l'avantage de la famille HuygensGa naar voetnoot24). Le frère Constantyn - marié depuis 1668 - [devint secrétaire du princeGa naar voetnoot25) et le frère Lodewijk - qui eût pu obtenir l'ambassade d'EspagneGa naar voetnoot26) - maire (drossaart et dijkgraaf) de GorinchemGa naar voetnoot27); il se maria à son tour en mars 1674. | |||||||||
[pagina 670]
| |||||||||
On a vu dans le paragraphe précédent qu'en Hollande Huygens lut, probablement pour la première fois, les noms de Newton et de Leibniz, évidemment sans avoir encore la moindre idée de leur renom futur. Dans la suite il faudra souvent faire mention tant de l'un que de l'autre. Mais nous ne tâcherons pas de nous étendre sur leurs mérites puisque nous nous bornons en général dans la présente biographie à considérer les autres personnages du dix-septième siècle tels qu'ils se présentaient à notre héros. | |||||||||
1671.À Paris, on s'intéressait toujours aux moulins. Huygens propose dès son arrivée trois moyens de perfectionner ‘la construction des moulins de Versaille pour élever l'eau’. Il faut e.a. ‘pour faire tourner le toict plus facilement se servir de la manière d'Hollande’ illustrée par une figureGa naar voetnoot28). Consultez la p. 237 qui précède sur son intérêt pour ‘le moulin de la Chine à axe vertical’ - le duc de Roanes s'y intéressait aussiGa naar voetnoot29) - ainsi que pour la pompe de Desargues qui pourrait également servir dans les Pays-BasGa naar voetnoot29). Immédiatement aussi les discussions à l'Académie reprennent. Les Tomes des Registres se rapportant aux années 1670-1674 font défautGa naar voetnoot30), mais comme les objections de RobervalGa naar voetnoot31) ‘contra demonstrationes nostras de motu pendulorum’ ont été inscrites par Huygens dans le Manuscrit D avant le 18 juilletGa naar voetnoot32), il paraît probable que ces objections aient été discutées vers ce temps. Nous en avons traité dans un Avertissement du T. XVIIIGa naar voetnoot33). On voit qu'en corroborant et amplifiant la doctrine du grand Galilée touchant la chute des corps gravesGa naar voetnoot34) Huygens n'avait pas pris une peine inutile, puisque jusqu'alors cet auteur, au dire de Roberval, ‘a multis non recipitur’Ga naar voetnoot35). En énonçant et acceptant ‘ce principe de Galilée, lequel des Cartes et bien d'autres ont suivi depuisGa naar voetnoot36), scavoir qu'un corps continueroit avec egale vitesse le | |||||||||
[pagina 671]
| |||||||||
mouvement qu'il a conceu une fois estant ostè tous obstacles de dehors’, Huygens dit généralement: ‘Principiorum ratio dari non soletGa naar voetnoot37), sed in geometria evidentia esse oportet, in physicis experientioe convenientia’Ga naar voetnoot38). Il faut donc que les principes soient évidents en géométrie, et qu'en physique (comment traduire?) ils ne soient pas contredits par l'expérience. Cette distinction entre la géométrie et la physique porte à croire - conformément au § 7 de 1690 de la p. 558 du T. XXI - que Huygens ne considère pas la géométrie pure comme dérivant sa certitude de l'expérience ou de l'observation (quoique psychologiquement, comme nous avons cru devoir le dire ailleursGa naar voetnoot39), son sentiment de certitude puisse néanmoins provenir de l'accord journellement constaté entre l'expérience et les axiomes de la géométrie euclidienne). La géométrie est apparemment pour lui autre chose qu'une physique des corps durs. Dans l'ensemble de nos connaissances elle occupe un plus haut rang. Quant aux principes adoptés en physique, tout en leur attribuant une grande valeur, il n'aurait guère pu dire qu'on doit les considérer comme possédant une valeur éternelle.
Les observations astronomiques pouvaient désormais se faire dans l'Observatoire où Cassini est dit être logé au mois de septembreGa naar voetnoot40). Il y logeait sans doute déjà un peu plus tôt: voyez dans le T. XVGa naar voetnoot41) une observation de lui de Saturne du 11 août. D'autres observations de la planète, par Huygens, datent de juillet et d'août, ainsi que des trois mois suivantsGa naar voetnoot42). Le no. 21 des OeuvresGa naar voetnoot43) est un extrait, traduit en anglais, d'une lettre à Oldenburg sur Saturne; en même temps, en décembre, parut une deuxième Pièce de Cassini et de Huygens contenant en premier lieu certaines observations de taches du soleil. Les p. 480-482 du T. XV traitent de ces Pièces ainsi que de celle qui parut dans le Journal des Sçavans en décembre 1672. Quoique croyant posséder, déjà avant 1671, une ‘ampla materia disserendi’Ga naar voetnoot44) sur Saturne ainsi que sur quelques autres planètes, Huygens crut devoir différer la composition d'un deuxième livre sur Saturne, etc. - composition qui n'eut jamais lieu - jusqu'après 1672. | |||||||||
[pagina 672]
| |||||||||
Le perfectionnement des lunettes astronomiques resta à l'ordre du jour; mais on n'espérait plus pouvoir concourir - tout en faisant encore quelques efforts - avec ‘Campani et Divini travaillant à qui mieux mieux à nous faire des verres de 40 pieds ou 60 palmi’Ga naar voetnoot45). Nous avons dit plus haut que les italiens prendraient leur revancheGa naar voetnoot46). Le 4 décembre Huygens peut écrire que Cassini croit avoir observé un nouveau satellite de Saturne; mais il n'ajoute pas encore foi à cette découverte. | |||||||||
1672.Nous avons dit ailleurs que Denys PapinGa naar voetnoot47) travaillait apparemment avec Huygens dès avril 1673. Mais dans le présent TomeGa naar voetnoot48) il se trouve mentionné incidemment déjà un an plus tôt, en avril 1672, à propos de la construction d'une ‘fontaine de HéronGa naar voetnoot49)’. Il peut certes avoir travaillé avec Huygens déjà plus tôt encore quoiqu'il n'ait demeuré chez lui que depuis 1673, et s'être appliqué, peut-être même déjà avant 1671, aux expériences sur le vide d'air dont traite son livre, dédié à Huygens, de 1674Ga naar voetnoot50). Les figures des p. 239-240 montrent aussi l'intérêt des deux expérimentateurs pour les pompes et fontaines. Avant l'arrivée de Papin, nous l'avons dit ailleursGa naar voetnoot51), Huygens peut avoir travaillé avec Couplet, souvent mentionné dans les Registres. Travailler seul - comparez les p. 403 et 631 - est tout autre chose que travailler à deux. Il semble bien aussi que Colbert lui adressait toujours des inventeursGa naar voetnoot52). En février Huygens parla à l'Académie de la rupture d'une poutre encastrée dans un murGa naar voetnoot53).
En janvier 1672 Oldenburg envoya à Huygens une description, avec figure, du télescope réflecteur, ou catoptrique, de Newton. Il ne connaissait pas encore, en ce mois, les recherches sur la théorie des couleurs qui avaient induit Newton à s'occuper | |||||||||
[pagina 673]
| |||||||||
de la construction de cette ‘lunette raccourcie’, mais il comprit évidemment de suiteGa naar voetnoot54) qu'avec cet appareil ne serait plus ‘sujet aux couleurs’ tout observateur qui réussirait à trouver ‘quelque matiere pour faire les miroirs concaves qui fust capable d'un poli aussi beau et uni que le verre’. Déjà en février il publia dans le Journal des Sçavans un article élogieux, bref suivant son habitude: ‘Les avantages de cette Lunette pardessus celles où l'on n'employe que du verre, sont premierement que le miroir concave, quoy que de figure spherique, assemble beaucoup mieux les rayons paralleles vers un point, que ne font nos verres spheriques; comme cela se peut démontrer geometriquement’, etc. Il eût pu y joindre sa construction et ses calculs. À cet article fait suite un autre, dans le Journal de juin, sur la lunette catoptrique de Cassegrain. Elle avait été décrite quelques mois auparavant dans le ‘Recueil des Mémoires et Conférences sur les Arts et les Sciences’, rédigé par J.B. Denis. Huygens y réfute l'auteur de cette description qui voyait à tort dans la lunette de Cassegrain plusieurs avantages sur celle de Newton. Il ajoute que celle de Cassegrain est même inférieure à la lunette nullement mauvaise proposée en 1663 par James Gregory, le même homme avec qui il avait eu en 1668, comme on l'a vu plus haut, une dispute sur la quadrature du cercleGa naar voetnoot55). Huygens fit aussitôt travailler à la construction d'une lunette newtonienne. D'abord à une petite, dont le miroir avait une distance focale d'un piedGa naar voetnoot56), puis à une plus grande à distance focale de douze pieds (et à diamètre de 11 pouces), maîs il se trouva que, du moins à Paris, ‘la matière des miroirs est trop molle auprès de celle du verre, et ne souffre point le poli sans se gasterGa naar voetnoot57)’. Nous constatons qu'il y travaillait aussi lui-mêmeGa naar voetnoot58). En mars Huygens reçut le no de février des Philosophical Transactions contenant la ‘New theory about Light and Colors’ de Newton dont en avril il dit qu'elle lui ‘paroit fort ingenieuse, mais il faudra veoir si elle est compatible avec toutes les experiences’ et le 1 juillet ‘que jusqu'icy elle me paroist tres vraysemblableGa naar voetnoot59)’. | |||||||||
[pagina 674]
| |||||||||
Huygens - qui sinon se trompait rarement dans ses calculs - fit une remarque erronée sur un calcul d'aberration de Newton, disant que suivant le principe de ce dernier l'aberration devrait être dans le cas considéré le double de ce qu'il disait. Il s'agissait de rayons passant à travers des lentillesGa naar voetnoot60). Newton n'eut pas de peine à le réfuterGa naar voetnoot61) et Huygens - qui reconnut son erreurGa naar voetnoot62) - doit bien avoir eu l'impression que ce nouveau venu n'était pas à wépriser. Il avait cru un moment avoir fait voir que le principe de Newton de la proportionnalité de l'aberration aux angles d'inclinaison des rayons n'est pas en parfait accord avec l'expérience.
Au commencement du mois d'août Huygens reçut le no du 15 juillet des Transactions où se trouvait la Pièce de Newton intitulée ‘A Series of Queries propounded by Mr. Isaac Newton, to be determined by Experiments, positively and directly concluding his new Theory of Light and Colours etc.’Ga naar voetnoot63).
Dans le Journal des Scavans de juillet parut la Pièce de Huygens sur son phénomène, l'‘Extrait d'une lettre touchant les phenomenes de l'eau purgée d'air’Ga naar voetnoot64). Il y expose l'hypothèse de la pression, de grandeur inconnue, ‘d'une matiere plus subtile que l'air’ qu'il avait adoptée quelques années auparavantGa naar voetnoot65), sans pouvoir aucunement préciser le degré de finesse de cette matière subtile par rapport à d'autres. Nous savons maintenant qu'il fit fausse routeGa naar voetnoot66) et que nous devons - sans pour cela nécessairement approuver l'idée de Descartes - ne pas adhérer à sa conclusion: ‘l'on trouvera peut-être que cette force est assez grande pour causer l'union des parties du verre et d'autres sortes de corps, qui tiennent trop bien ensemble pour n'être jointes que par la contiguité et par le repos, comme a voulu M. Descartes’.
En août il nous apprend avoir à son service deux laquais, un cocher et une cuisinière, et posséder un carosse et des chevaux. À sa salle à dîner il a mis des cuirs dorés veloutés ressemblant aux plus beaux brocards de GenesGa naar voetnoot67). | |||||||||
[pagina 675]
| |||||||||
En fait de mathématique, nous voyons Huygens toujours préoccupé du problème d'AlhazenGa naar voetnoot68), de la question des signes dans les équations de géométrie analytiqueGa naar voetnoot69), de celle des tangentesGa naar voetnoot70), ainsi que de la géométrie d'Euclide sur les définitions et raisonnements duquel il avait été jadis en correspondance avec Tacquet. Il indique les trois buts qu'à son avis il faut se proposer, à l'instar d'Euclide, dans un traité sur les éléments de la géométrie, et comment l'on pourrait arriver, par une certaine rétrogradation, à poser un nombre minimum de principes ou axiomes. Il s'agit aussi d'éviter les définitions superfluesGa naar voetnoot71). Ces pages sur Euclide furent une affaire d'Académie. Il n'en fut pas ainsi de ses conversations sur la mathématique avec Leibniz, arrivé à Paris dans la première moitié de l'année 1672, mais qu'il ne mentionne qu'en janvier 1673 au moment de son départ pour l'Angleterre, disant que sa machine pour les multiplications est fort ingénieuseGa naar voetnoot72). Ce n'est pas de lui, c'est de Leibniz que nous apprenons les sujets de ces conversationsGa naar voetnoot73). Leibniz s'est trompé dans son ‘Historia et Origo Calculi Differentialis’ en disant avoir reçu de Huygens l'‘Horologium oscillatorium’ en 1672, donc avant son départ pour l'Angleterre. Toutefois il ne paraît nullement improbable que Huygens en ait causé avec lui déjà en 1672, d'autant plus que les ‘Objections de Roberval’ dont nous avons traîté plus haut, datent déjà de plus tôt et que Huygens peut donc en 1672 aussi avoir parlé à l'Académie de son traîté. Il peut fort bien lui en avoir montré, ou même donné, en 1672, des feuilles imprimées puisque l'impression, qui devait être terminée en avril de l'année suivante, avait commencé en septembreGa naar voetnoot74).
La publication sur Saturne dans le Journal des Scavans de décembre 1672 a déjà été mentionnée plus hautGa naar voetnoot75), puisqu'elle se rapporte aussi aux observations de 1671. Celles de 1672 se trouvent aux p. 109-114 du T. XV. L'avant-projet de cet articleGa naar voetnoot76) semble en même temps avoir servi à préparer un discours à tenir pendant une des séances de l'Académie. Il est de plus fait mention dans les pages citées d'une | |||||||||
[pagina 676]
| |||||||||
observation de Mars, et Huygens note que Wendelinus a vérifié pour les satellites de Jupiter la troisième loi de KeplerGa naar voetnoot77). Nous avons publié dans le T. XIXGa naar voetnoot78) un calcul sur la hauteur de l'atmosphère et le coëfficient de réfraction vide-air, où Huygens part de l'hypothèse de rayons droits et d'une atmosphère nettement limitée. Les lunettes de Rome, avec les verres de Campani et de Divini, vinrent en décembreGa naar voetnoot79).
En matière de physique, nous notons qu'un allemand, Jacob Spener. apprit à Huygens, au mois d'avril, de faire la boule de souffre qui attire les plumesGa naar voetnoot80); et qu'en décembre il publia dans le Journal des Sçavans la Pièce sur ‘une nouvelle manière de baromètre’Ga naar voetnoot81). Nous en avons parlé aussi au T. XIXGa naar voetnoot82). où nous avons cité la juste remarque de Mariotte que l'idée de ce baromètre était de Descartes ce que Huygens eût pu trouver aussi chez Pascal; et mentionné la transformation de ce baromètre en thermomètre à air par HubinGa naar voetnoot83). | |||||||||
1673.Vers le 1 janvier Huygens s'occupa - sans en faire part, que nous sachions, à personne - du cristal d'Islande sur lequel Érasme Bartholin avait publié en 1669 ou 1670 son traité ‘Experimenta crystalli islandici disdiaclastici quibus mira & insolita refractio detegitur’. Sur les rapports entre Bartholin et Huygens on peut consulter le T. XIXGa naar voetnoot84). Picard - qui, soit dit en passant, avait publié sa ‘Mesure de la Terre’ en 1671 - avait rapporté en cette même année de son voyage d'Uranibourg des cristaux d'Islande sur lesquels Huygens écrit vers le 1 septembre 1672Ga naar voetnoot85) avoir fait des observations. Il eut l'idée de faire passer un rayon de lumière par deux cristaux successivement, et il se trouva que les deux rayons fournis par le premier cristal, l'un régulier, l'autre irrégulier, ne se divisaient pas toujours chacun en deux rayons dans le deuxième. En regardant un petit objet à travers les deux cristaux il obtenait deux images ou | |||||||||
[pagina 677]
| |||||||||
bien quatre images parfois également lucides en variant le ‘positus duorum frustorum’, p.e. en tournant l'un des cristaux. Pour rendre raison de ce phénomène il s'imagina ‘que dans ce crystal il y a deux matieres differentes, et qu'il y en a pareillement deux differentes en l'air ou ether dont le mouvement fait ce que nous appellons lumiere’. Etc. comme on peut le lire au T. XIXGa naar voetnoot86). ‘Air ou ether’. Il n'était pas encore tout-à-fait décidé en 1673 d'adopter le mot éther pour la matière fine qui sert à la transmission de la lumière. Ceci est d'ailleurs un détail de peu d'importance. Quelques mois plus tard il écrivit le ‘Projet du Contenu de la Dioptrique’ que nous avons publié dans le T. XIIIGa naar voetnoot87) où le cristal d'Islande est brièvement mentionné, mais non pas les deux matières différentes dont il fut question plus haut. Huygens se proposait maintenant de joindre à la dioptrique la théorie de la lumière, et aussi l'explication des halos et parhélies. Il faudra, dit-il, ‘rechercher plus profondement la cause de la refraction’. Le père Pardies de qui il faisait grand cas lui avait montré son ‘traité des Refractions’ qui n'a pas été publiéGa naar voetnoot88). Dans ce Projet nous ne trouvons pas le mot couleur. Le 14 janvier il écrivit à Oldenburg la lettre dont la partie qui traite de la théorie des couleurs de Newton, e.a. du doute de Huygens - voyez la p. 674 qui précède - sur la parfaite proportionnalité des réfractions ‘dans les grandes et petites inclinations des rayons sur les surfaces du verre’ fut traduite et publiée dans les Philosophical TransactionsGa naar voetnoot89), de même qu'une partie d'une deuxième réponse de juinGa naar voetnoot90). Ces lettres, assez courtes, méritent d'être lues en entier, non pas en premier lieu pour elles-mêmes, mais pour les brillantes réponses de Newton qui finitGa naar voetnoot91) par mettre sa théorie des rayons et des couleurs dans la forme de cinq définitions et de dix propositions. En janvier Huygens avait soutenu avec HookeGa naar voetnoot92) qu'il n'existe peut-être que deux couleurs, lesquelles sussisent pour composer toutes les autres. Il veut une explication mécanique et déclare penser qu'‘il sera bien plus aisè de trouver quelque hypothese par le mouvement qui explique ces deux differences que non pas pour tant de diversitez qu'il y a d'autres couleurs’. | |||||||||
[pagina 678]
| |||||||||
Newton répond à bon droit qu'une variété indéfinie de couleurs, comme de mouvements, n'est pas plus difficile, et même bien plus facile, à concevoir qu'une diversité correspondant au chiffre 2. Il ne veut pas d'ailleurs lui-même faire des hypothèses mécaniques. Il désire ‘leave it to others to explicate by Mechanical Hypotheses the Nature and Difference of those qualities: which I take to be no difficult matter’Ga naar voetnoot93). Il ne veut certes pas indiquer par cette sentence qu'il ne croit aucunement à l'existence d'un éther; et ses mots ‘which I take to be no difficult matter’ doivent être pris cum grano salis (tout aussi bien que le mot ‘aisé’ dans la sentence de Huygens citée plus haut). Témoin sa lettre à Boyle de février 1679Ga naar voetnoot94): ‘I have so long deferred to send you my thoughts about the physical qualities we spoke of, that did I not esteem myself obliged by promise, I think I should be ashamed to send them at all. The truth is my notions about things of this kind are so indigested, that I am not well satisfied myself in them.......I suppose that there is diffused through all places an aethereal substance.....etc’. Il est vrai qu'en parlant ici de l'éther il ne songe pas en premier lieu aux phénomènes de la lumière. Quant à Huygens, qui dans son Projet établit sans doute, avec Pardies, une certaine analogie entre la lumière et le son, puisque dans l'une comme dans l'autre il y a suivant lui ‘transparence sans penetration de rayons’, où il faut entendre ‘de rayons matériels’, il ne songeait pourtant pas à des vibrations de fréquences déterminées correspondant à des couleurs. Nous pensons comprendre plus ou moins pourquoi il croyait pouvoir et devoir expliquer la nature mécanique de deux couleurs: il semble possible - puisqu'il voudrait bien composer le blanc de deux couleurs primitivesGa naar voetnoot95), le jaune et le bleu - qu'il songeait aux deux matières éthérées différentes dont les phénomènes observés dans les cristaux d'Islande semblaient indiquer l'existence. Les vibrations longitudinales de ces deux matières ne pourraient-elles pas correspondre aux couleurs jaune et bleue respectivement? Comparez les p. 385-386 du T. XIXGa naar voetnoot96). Quoi qu'il en soit, après qu'il eut observé les phénomènes de la réfraction double, l'analogie de la lumière avec le son - qui, lui, admet sans aucun doute une variété continue de fréquences de vibration - ne devait pas lui paraître bien grande. Dans cette discussion il ne dit pas un mot des cristaux. Mais les phénomènes observés, faisant voir que la théorie de Newton ne pouvait certainement pas élucider entièrement le problème de la nature de la lumière, restaient présents à son esprit. En juinGa naar voetnoot97) il | |||||||||
[pagina 679]
| |||||||||
déclare n'avoir plus envie de disputer puisque Newton ‘soustient son opinion avec tant de chaleur’. La découverte par Newton de l'‘accident’ de la différente réfrangibilité des couleurs lui paraissait, depuis janvier, fort considérable.
Vers la fin de décembre 1672 Huygens - de même que Picard, Mariotte et Römer - avait observé le nouveau satellite de Saturne (Rhéa) trouvé par Cassini. Ils l'avaient tous vu le 23 du mois, le soir même de la découverte. Huygens donne aussi une observation du 30 décembre, puis deux de janvierGa naar voetnoot98). Ce satellite n'était pas identique avec celui (Japet) que Cassini avait découvert en octobre 1671 et qu'il avait depuis perdu de vue. On ne manqua pas de retrouver ce dernier; dans deux observations de HuygensGa naar voetnoot99) il est désigné par ‘novissimus’ tandis que dans les figures antérieures Rhéa s'appelle ‘novus’. ‘C'est Monsieur Cassini qui s'est avisè le premier de 2 nouveaux compagnons de Saturne depuis que nous avons eu les Lunettes de Rome. Il a logè il y a pres d'un an a l'observatoire et ne manque pas une nuict claire a contempler le Ciel; a quoy je ne voudrois nullement m'assujettir, me contentant de mes ancienes decouvertes, qui valent mieux que toutes celles qu'on a faites depuisGa naar voetnoot100)’. Après cette laus propria Huygens nous apprend par la même lettre avoir maintenant lui aussi à l'observatoire un appartement composé de deux bonnes chambres. Il y eut une certaine confusion entre les deux nouveaux satellites, comme nous l'avons dit au T. XVGa naar voetnoot101). Rhéa est intérieur au satellite de Huygens (Titan). Japet lui est extérieur. Huygens, supposant d'abord Rhéa extérieur, fit hâtivement des calculs sur son orbite sur lesquels on peut consulter le dit T. XVGa naar voetnoot102). La publication de Cassini sur les deux satellites est de marsGa naar voetnoot103).
Nous avons nommé Römer (1644-1710), gendre d'Érasme Bartholin, qui fut amené de Copenhague à Paris en 1671 par Picard et chargé de l'instruction du Dauphin. En 1672 il avait été créé membre de l'Académie des SciencesGa naar voetnoot104). | |||||||||
[pagina 680]
| |||||||||
En 1672 nous avons noté l'intérêt de Huygens et de Papin pour les pompes et fontaines. De février 1673 date la première Pièce du Manuscrit D sur la ‘nouvelle force mouvante par le moyen de la poudre à canon’ invention à laquelle Huygens travaillait depuis trois mois en faisant ‘une infinitè d'experiences’Ga naar voetnoot105). Elles lui permettaient de croire qu'en grand la chose réussirait encore mieux (sans que nous puissions voir que cet espoir se soit réalisé). La machine pourrait servir à tirer des fardeaux, pour élever de l'eau en l'appliquant à des pompes pressantes et pour beaucoup d'autres usages. Le texte de la Pièce telle qu'elle fut publiée en 1693 - voyez la p. 686 qui suit - est du 26 août 1673Ga naar voetnoot106). En septembre Huygens donna une description de ce moteur à explosion dans une lettre au frère LodewijkGa naar voetnoot107) où il dit l'avoir fait voir d'abord aux académiciens, ensuite à Colbert de qui ‘quatre à cinq laquais furent élevez fort facilement en l'airGa naar voetnoot108)’. Cette force du mouvement pourrait aussi être ‘adaptè a des aisles ou quelque chose de semblableGa naar voetnoot109)’. L'évolution de cette machine en ce temps (les moteurs pratiques à explosion qui, pourrait-on dire, s'y rattachent plus spécialement, datent de beaucoup plus tard) appartient plutôt à l'histoire de Papin qu'à celle de Huygens quoique ce dernier, en arrivant à Paris, eût déjà inscrit dans son programmeGa naar voetnoot110)
Il y avait eu déjà avant Papin des projets pour utiliser la force motrice de la vapeur d'eau. Huygens ne pouvait ignorer que - comme il paraît par plusieurs passages de la Correspondance de son père - Caspar Kalthof, qui jadis avait travaillé pour lui, s'était occupé d'une construction de ce genre. Voici le Summary de notre article de 1932Ga naar voetnoot111) sur ce sujet: ‘It is shown that the Dutchman Caspar Calthoff who was employed by the Marquis of Worcester during many years is identical with the | |||||||||
[pagina 681]
| |||||||||
instrumentmaker Calthoff who stayed at Dordrecht in the years 1645-1656. Since Calthoff in this period was very busy with the construction of a steam-engine, it may be conjectured that the steam-engine which was patented in 1663 by the Marquis is rather due to Calthoff than to him. Christiaan Huygens was well acquainted with Calthoff who made very good forms for the polishing of lenses for him and his brother. Huygens visited Calthoff in England in 1661 and 1663 and saw the engines for the raising of water constructed by Worcester and CalthoffGa naar voetnoot112). He must have spoken of them to Papin when working with him at Paris in the years after 1666’.
Au mois d'avril parut l'‘Horologium oscillatorium’, fruit éminent de l'expérience et de la raison: voyez sur la devise ‘experientia ac ratio’ la p. 31 du T. XVIII, sur le caractère monumental de l'ouvrage la p. 33. Il y a beaucoup de géométrie dans celivre. On y rencontre aussi dans la Pars Quarta, ce qui nous semble être une nouveautéGa naar voetnoot113), des formules de physique (ou si l'on veut de mécanique), c. à. d. des formules où entrent à la fois des lettres exprimant des grandeurs de nature diverse, savoir ici des poids et des longueursGa naar voetnoot114). Nous croyons d'ailleurs pouvoir nous en tenir à notre Avertissement de 1934 du T. XVIII. La Proposition XX de la p. 304 est la plus connue de toutes: ‘Le centre d'oscillation et le point de suspension sont réciproques’. Dans sa Dédicace au Roi Huygens parle de son double but: cultiver la science et être utile. La découverte fort importante de la théorie générale de l'isochronisme des vibrations, en d'autres termes celle de la vibration harmonique, s'y rattacheGa naar voetnoot115). Mais Huygens ne publia pas cette découverte ni l'application fragmentaire qu'il en fit au calcul de la période de vibration d'une cordeGa naar voetnoot116). On se rappelle que déjà en 1645 Mersenne avait attiré son attention sur la corde vibranteGa naar voetnoot117). Dans l'‘Horologium oscillatorium’ - y compris les théorèmes, dépourvus de démonstration, sur la force centrifuge - la considération des atomes, de matière grosse ou fine, ne joue aucun rôle. | |||||||||
[pagina 682]
| |||||||||
Quant à l'absence de démonstrations, on ne la constate pas seulement dans le cas de ces théorèmes mais aussi pour tout ce qui se rapporte aux surfaccs des conoïdes hyperboliques et sphéroïdauxGa naar voetnoot118) et pour le calcul d'un espace hyperbolique au moyen de logarithmesGa naar voetnoot119). Plusieurs autres calculs sont indiqués, l'exécution étant laissée aux lecteursGa naar voetnoot120).
Newton appelle l'Horologium oscillatorium ‘full of very subtile and usefull speculations very worthy of the author’. Il dit en outre supposer que Huygens qui s'était contenté pour le moment de faire connaître un certain nombre de propositions sur la force centrifuge, publiera bientôt un traité sur ce sujet ‘which speculation may prove of good use in natural philosophy and astronomy, as well as mechanicks’. Dans l'Horologium Huygens n'avait rien dit sur l'astronomie. Le savant anglais se déclare prêt à envoyer à Huygens sa méthode à lui de rectifier des courbes et Oldenburg ajoute: ‘Sur cecy vous n'avez qu'a me faire savoir votre ordre’; mais Huygens n'a apparemment pas fait usage de cette offre. Newton dit de plus que les considérations sur l'évolution des courbes peuvent être généralisées, qu'on peut poser le problème: ‘Curvas invenire quotascunque, quarum longitudines cum propositae alicujus curvae longitudine, vel cum area ad datam lineam applicatâ, comparari possunt’Ga naar voetnoot121). La rectification de la parabole dont Huygens avait traité dans son livreGa naar voetnoot122) en nommant son compatriote van Heuraet comme le premier qui l'aurait obtenue, donna lieu à des observations de Wallis et d'OldenburgGa naar voetnoot123). On considérait apparemment cette question de priorité, qui ne nous intéresse plus guère, comme assez importante. Oldenburg fit aussi quelques observations sur les essais de Bruce de l'horloge marine et sur les horloges à pendule conique construites par Hooke, auxquelles Huygens réponditGa naar voetnoot124). | |||||||||
[pagina 683]
| |||||||||
Robert Hooke fut en effet une des nombreuses personnesGa naar voetnoot125) à qui Huygens fit cadeau de son ouvrage. On peut lire dans le T. VIIGa naar voetnoot126) la traduction anglaise d'une lettre de Christiaan à son père commençant par les mots: ‘I am obliged to the civilitie of Mr. Hooke for what he writes to you concerning my Book’. Toutefois la lettre de Hooke, on le voit par cette réponse, contenait aussi des observations critiques. Il y en a davantage dans le manuscrit publié par Drummond Robertson dans ‘The Evolution of Clockwork’ p. 167Ga naar voetnoot127). Cette critique a surtout trait à la détermination des longitudes par les horloges marines à pendule, lesquelles Hooke juge après tout insuffisantes. Dans la lettre à son père Huygens écrit: ‘I doe not wonder at what he sayth to have observed touching the insuffisience of the Pendolo's, to find the longitude’ mais il ajoute qu'il espère bien (‘I am still in good hope’) que le dernier modèle décrit dans son livre se montrera meilleur. Il en doutait probablement un peu lui-même. Ce dernier modèle c'est l'horloge à pendule triangulaire par la description de laquelle se termine la Pars Prima de l'Horologium oscillatorium et qui ne fut mise à l'épreuve, semble-t-il, qu'en 1686Ga naar voetnoot128).
En 1673, et peut-être plus tôt, Huygens eut connaissance du traité de Pierre Perrault ‘De l'Origine des Fontaines’, dédié à lui, et accompagné d'une Post-face intitulée ‘Lettre à M. Huygens au sujet des expériences’. Le traité parut, sans nom d'auteur, en 1674, mais la lettre est datée juillet 1672Ga naar voetnoot129). Elle fait voir que l'auteur avait discouru avec Huygens sur le sujet de son traité déjà avant ce temps. P. Perrault, après avoir donné une histoire des opinions professées jusqu'alors sur la question de l'origine des fontaines ou sources, se rallie à l'opinion commune d'après laquelle la quantité de pluie (et de neige) est suffisante pour faire couler tant les rivières que les fontaines, mais il veut ‘que ce sont les Rivières qui sont la cause des Fontaines et que s'il n'y avoit point de Rivières il n'y auroit point de Fontaines’. Aujourd'hui les géologues sont également d'avis que la quantité de pluie est suffisante; ils rejettent donc, comme lui, la théorie d'une infiltration de l'eau de mer par | |||||||||
[pagina 684]
| |||||||||
des canaux souterrains conduisant à de grandes cavités d'où des vapeurs s'élèveraient par l'action du feu souterrain. Mais on n'accepte pas la théorie que les sources proviendraient des rivières. P. Perrault veut que, par suite d'une évaporation dans la terre les eaux des rivières extravasées remontent jusqu'au sommet des collines et des montagnes. Vers la fin de sa lettre à Huygens il dit avoir supprimé la comparaison de cette ascension avec les effets de la pompe auxquels il donnait pour cause principale l'attraction par la crainte du vide. Cependant, il soutient dans sa lettre que l'explication de certains phénomènes par la crainte du vide et par l'attraction n'est pas absurde. Et en effet - nous ne disons rien de la crainte du vide - il ne semble pas pouvoir être accusé d'absurdité lorsqu'il demande: ‘Comment se peut comprendre la seve qui monte aux arbres?....Combien se fait-il de choses dans le corps des animaux qui semblent ne pouvoir être attribuées qu'à quelque puissance attractive?’ Nous avons cité cette dernière phrase aussi à la p. 332 du T. XIX. P. Perrault parle à bon droit de l'‘incertitude où je croi que Vous ont mis les experiences que vous avez faitez du Siphon & des deux plaques de metail’Ga naar voetnoot130). Quoique s'étant décidé à attribuer cet effet-là aussi à une certaine pression, Huygens dans sa réponseGa naar voetnoot131) admet que son explication n'est pas certaineGa naar voetnoot132): ‘Il est vray que les experiences que je fis il y a quelque temps, du siphon qui fait son effect dans le vaisseau vuide d'air, et de placques qui y demeurent attachées ensemble, vous fournissent une objection tres considerable contre l'effect que nous attribuons à la pression de l'air...’. Généralement il dit ne pas croire ‘que nous scachions rien très certainement mais tout vraisemblablement, et qu'il y a des degrez de vraisemblance qui sont fort differents’. Une quinzaine d'années plus tard il ajouteraGa naar voetnoot133) que c'est le bon sens (nous pouvons traduire ainsi son expression: ‘ingenium judiciique rectitudo’) qui nous fait discerner les degrés de probabilité. Or, il est facile de voir que personne ne possède le bon sens absolu. L'aversion de Huygens pour l'attraction, même à petite distance - et il faut avouer que l'attraction à petite distance n'est guère moins remarquable, ou si l'on veut moins étrange, que celle à grande distance - était assez forte pour que son explication (voyez sur cette explication les p. 214-215 du T. XIX datant de la première moitié de 1673) du phénomène du siphon et des deux plaques par la pression d'une matière fine lui parût | |||||||||
[pagina 685]
| |||||||||
de plus en plus probable; sans cependant, peut-être, devenir à son avis tout-à-fait aussi probable que l'explication de l'effet des pompes par la pression de l'airGa naar voetnoot134). De 1673 date aussi la brochure de P.D. Huet sur le phénomène de HuygensGa naar voetnoot135).
Puisque nous parlons de la famille Perrault, nous pouvons bien mentionner qu'en 1673 parurent ‘Les dix livres d'Architecture de Vitruve’ dans la traduction de Claude. Nous les avons aussi mentionnés à la p. 241 du T. XIX à propos des machines à pistons.
En juin, dans une lettre au frère Constantyn, Huygens donne une description des grandes lunettes de fer blanc dont on se servait à Paris. Il est e.a. question de lunettes de 46, de 50 et de 62 pieds. Avec les lentilles italiennes on voyait p.e. Vénus ‘sans aucune queue ni barbe comme nous l'appellions, ce que mon meilleur verre ne fait pas’. Néanmoins Constantyn continue son travail et Christiaan lui fait connaître la méthode des artisans de ParisGa naar voetnoot136). En août il présente à Colbert un rapport ‘De l'effect des Lunettes d'approche’Ga naar voetnoot137). Il y est dit que les lunettes de 60 pieds sont les plus grandes que nous ayons présentement et que l'effet de plus longues ne pourra guère être déterminé que par l'expérience à cause de ‘certaine proprietè et defaut dans les refractions qu'on a remarquè depuis peu’; il ne nomme pas Newton. En avril il avait été question d'une publication des ‘tabulae ligneae’Ga naar voetnoot138) qui ‘representent orbites, proportions et distances de la terre et des autres planetes à l'entour du soleil selon Copernic avec leurs excentricités et aphelies, et servent d'ephemeride perpetuelle au moins pour 200 ans’Ga naar voetnoot139). Mais cette publication n'a jamais eu lieu. | |||||||||
[pagina 686]
| |||||||||
En juin 1673 nous rencontrons pour la première fois, dans une lettre de Huygens à Oldenburg, le nom de Leeuwenhoek qu'Oldenburg avait mentionné dans les Philos. Transactions de mai et dont Huygens avait lui aussi reçu de Hollande quelques observations, sans doute de son père: c'était ce dernier qui avait établi les premières relations de Leeuwenhoek avec la Royal SocietyGa naar voetnoot140). - Même en 1675 tant les Anglais que Huygens qui ne réussissait pas à ‘voir certaines choses qu'il voit’, douteront encore ‘si ce ne sont des deceptions de sa vuëGa naar voetnoot141)’.
Nous trouvons en ce même mois quelques calculs de Huygens sur une expérience de Cassini qui avait trouvé qu'à une altitude de 1070 pieds son baromètre avait baissé de 16 lignesGa naar voetnoot142).
Une pièce donnée en juillet à Gallois, rédacteur du Journal des Sçavans, n'a pas été publiée: en 1673 aucune livraison de ce Journal n'a vu le jour. La PièceGa naar voetnoot143) traite du paradoxe hydrostatique de Stevin dont Huygens, sans nommer Stevin, donne une démonstration fort évidente: si ce théorème n'était pas vrai, le centre de gravité d'un système formé par un fond mobile, un poids et une quantité d'eau pourrait monter spontanément. Cette impossibilité, ou si l'on veut celle du mouvement perpétuel, était affirmée dans le principe énoncé plus hautGa naar voetnoot144) en grands caractères. Quelques années plus tard Mariotte fit sur ce sujet, en présence d'un grand nombre de personnes, son expérience ‘du tonneau avec un tuyau par dessus’Ga naar voetnoot145).
Le manuscrit de la ‘Nouvelle force mouvante par le moyen de la poudre a canon et de l'air’ porte la date du 26 août 1673: voyez les p. 248-250 qui précèdent. Il fut publié en 1693 dans les ‘Divers ouvrages de Mathematique et de Physique par Messieurs de l'Académie Royale des Sciences’. L'on voit par une Pièce de décembreGa naar voetnoot146) que les expériences continuaient toujours. | |||||||||
[pagina 687]
| |||||||||
Le problème d'Alhazen ne cessa de préoccuper Huygens, comme le fait bien voir sa Pièce du 2 septembreGa naar voetnoot147) ainsi que celle publiée dans le T. XXGa naar voetnoot148). Il peut avoir fait le sujet d'une communication à l'Académie. C'est aux solutions de Huygens et de Slusius que se rapporte la Pièce publiée en cette année par Oldenburg dans les Philos. TransactionsGa naar voetnoot149).
Le 2 décembre Huygens lut à l'Académie sur l'équilibre de la balanceGa naar voetnoot150). Une pièce sur un cas d'équilibre stable (équilibre de deux verges) peut dater du même tempsGa naar voetnoot151).
Outre aux cordes vibrantesGa naar voetnoot152) nous voyons Huygens s'intéresser en cette année aux boîtes à musiqueGa naar voetnoot153). La théorie de la vibration des cordes se rattachait à la découverte de l'oscillation harmonique. De ce même temps pourrait dater la feuille destinée à un ‘clarissimus et perspicacissimus geometra’ où Huygens traite de la dite oscillation avec une obscurité voulueGa naar voetnoot154). L'existence de cette feuille nous a amené à dire que la possibilité d'une divulgation de cette importante théorie de Huygens ne peut être niée. Elle peut d'ailleurs fort bien avoir fait le sujet d'une communication à l'AcadémieGa naar voetnoot155). Voyez sur l'intérêt des anglais pour les diverses communications la p. 656 qui précède. D'autre part Huygens obtenait beaucoup d'informations, par les lettres d'Oldenburg, sur ce qui se passait en Angleterre; et il recevait maint ouvrage, notamment de Boyle.
En 1673 parut à Paris le ‘Traitté de la Percussion ou Chocq des Corps’ de MariotteGa naar voetnoot156). C'est à ce traité que se rapportent les paroles de HuygensGa naar voetnoot157) que | |||||||||
[pagina 688]
| |||||||||
nous ne discuterons pas: ‘Mariotte a tout pris de moy....Il devroit avoir fait mention de moi, etc.’Ga naar voetnoot158). Mariotte ne se sert pas encore du mot masse, comme Huygens le fera en 1686Ga naar voetnoot159). Parfois il prend (Prop. IV) le ‘produit du corps par sa vitesse’ pour obtenir ‘sa quantité de mouvement’. Ailleurs (même Prop.) il dira: ‘On considère ici la quantité de mouvement comme un composé du poids & de la vitesse d'un corps’. Il y ajoute l'explication suivante: ‘Or par le poids d'un corps, on n'entend pas ici la vertu qui le fait mouvoir vers le centre de la terre; mais son volume avec une certaine solidité ou condensation des parties de sa matière, qui est vraisemblablement la cause de la pesanteur, laquelle est plus ou moins grande à l'égard des autres corps, quand il a plus ou moins de volume, ou qu'il est plus ou moins condensé; & l'on apellera toujours la quantité de mouvement d'un corps, le produit de son poids par sa vitesse, soit qu'il aille de haut en bas, ou de bas en haut, ou horisontalement &c’. On voit que la notion de masse - différant tant de la notion de volume que de celle de poids - a de la peine à se faire jour. Ce qui manque dans l'explication de Mariotte c'est l'énoncé que le ‘poids’ qui entre comme facteur dans la quantité de mouvement peut dans les expériences être estimé proportionnel au ‘poids’ considéré comme ‘la vertu qui fait mouvoir le corps vers le centre de la terre’, et même être exprimé par le même nombre. Cependant, c'est bien cela que Mariotte veut dire puisqu'il évalue le poids, facteur de la quantité de mouvement, en livres. Pour plus de clarté nous ajoutons que dans ses expériences il n'est pas toujours question de la collision de corps d'une même matièreGa naar voetnoot160): dans la Prop. V il considère le cas d'‘une boule de terre molle qu'on laisse aller avec une certaine vitesse contre une boule de bois en repos suspendue de même et qui soit deux fois plus pesante’. C'est ce que Huygens ne considère nullement comme une extension de sa théorie: ce cas est compris dans le ‘tout’ que Mariotte à son dire aurait pris de lui. Nous savons qu'à l'Académie il avait parlé e.a. de la collision de corps mousGa naar voetnoot161).
Le 30 décembre 1673 Huygens note avoir prêté à Leibniz son livre ‘De Circuli | |||||||||
[pagina 689]
| |||||||||
Magnitudine et Gregorius de Vera circuli quadratura’Ga naar voetnoot162) Leibniz continuait à faire de grands progrès en mathématique, comme le font voir ses sommations de séries dont il est question dans le T. VIIGa naar voetnoot163). | |||||||||
1674.En cette année Huygens resta en relation avec Leibniz, comme le montre e.a. sa lettre du 7 novembre où il lui renvoie son écrit sur la Quadrature Arithmétique à laquelle se rapporte la p. 388 du T. XX. Il exprime son admiration pour l'expression par une série infinie du rapport du cercle à son carré circonscrit, indiquant en même temps comment la démonstration peut être abrégée: Leibniz pourra faire usage de ce que Huygens avait trouvé déjà avant 1660 sur le rapport des aires de la cissoïde et du cercle. La découverte de Leibniz permit à Huygens de corriger, dans son manuscrit de 1669 sur le mouvement ascendant ou descendant d'un corps dans un milieu où la résistance est proportionnelle au carré de la vitesse, les mots ‘Videtur esse’ en ‘Ergo erit’Ga naar voetnoot164). Il continua son calcul sur ce mouvement en cette même année 1674Ga naar voetnoot165). Voyez aussi sa remarque qui s'y rattache sur la courbe, appelée plus tard versieraGa naar voetnoot166), pouvant servir à la quadrature leibnizienne du cercle. Le § 1 bisGa naar voetnoot167) date de la même année, il peut en être de même pour ce que nous avons appelé les § § 2, 3 et 4.
En 1674 parurent les ‘Nouvelles expériences du vuide’ de Papin, dédiées à Huygens et dont il fut déjà question plus haut. Nous en avons réimprimé une bonne partie. Ces expériences étaient mentionnées dans les tomes perdus des Registres de l'AcadémieGa naar voetnoot168). À elles se rattache celle de Huygens de décembre démontrant définitivement ‘que le son ne se communique point a travers le vuide d'air’Ga naar voetnoot169).
Copiant une page du traité de Deschales ‘De Machinis hydraulicis’Ga naar voetnoot170) Huygens cite un passage d'une lettre de W. Pope dans les Philosoph. Transactions de 1665 | |||||||||
[pagina 690]
| |||||||||
sur ‘a way of producing wind by the fall of water’ ce qui est le sujet du chapitre de Deschales. Pope décrit aussi la production du vent par un procédé du même genre dans les ‘brassworks of Tivoli neer Rome’. Or, en septembre et octobre 1668 il avait déjà été question de ce sujet dans quelques séances de l'Académie: dans le T. III des Registres nous lisons p. 132: ‘On a ensuitte parlé de la force de l'eau a mouuoir et en discourant sur ce subiect on est tombé sur la maniere qu'on dit estre en usage dans les forges de Tivoli, de faire des soufflets par la cheute de l'eau. M. Couplet (de la Compagnie) ayant proposé d'en faire l'experience et d'essayer si l'on en pourra tirer quelque utilité pour les forges de France, la Compagnie a resolu qu'on traitteroit de cette matiere dans l'assemblée...’ Les p. 135-137 traitent en effet de l'‘experience des soufflets’: la chute de l'eau dans un grand appareil construit par Roberval causait un vent fort. En général lorsqu'on voit dans la présente biographie Huygens s'intéresser à telle théorie ou tel mécanisme, il faut songer qu'il n'était pas seul à en discourir. En cette année nous le voyons aussi revenirGa naar voetnoot171) sur les roues de voiture à planches dont il avait fait une communication en 1668.
Ayant bien constaté en 1673 ‘que le son est nul dans le vuide d'air’Ga naar voetnoot172) Huygens écrivit en 1674 sur le sonGa naar voetnoot172) quelques généralités, auxquelles se rattachentGa naar voetnoot173) des remarques sur la division du monochorde et l'accord des instruments. Outre l'‘Harmonie universelle’ de Mersenne il paraît aussi fort bien connaître les oeuvres de Vincent Galilée (père de Galileo G.), de Salinas et, comme on le voit ailleurs, de Zarlino. Cette Pièce est tirée du Manuscrit E de sorte que nous en connaissons approximativement la date. Il n'en est pas de même de la grande majorité des feuilles séparées du Portefeuille ‘Musica’Ga naar voetnoot174). Après avoir, dans le T. XX, arrangé de la manière qui nous paraissait la plus convenable les pièces relatives à la musicologie - tant celles dudit portefeuille que certaines autres - nous n'entreprendrons pas la tâche ingrate et impossible de distribuer par hypothèse ces remarques, longues ou brèves, sur des années successives. Nous | |||||||||
[pagina 691]
| |||||||||
observons cependant qu'on pourrait se figurer que dans l'année 1674 où les travaux de Huygens ne paraissent pas abondants, il se soit plongé de préférence dans l'étude des musicologues, tant anciens que modernes. Le groupe de feuilles numérotées 1-45Ga naar voetnoot175) ne peut être antérieur à 1672, une autre feuilleGa naar voetnoot176) est exceptionnellement datée: elle porte la date 1676. Il est d'autre part certain que Huygens s'occupa de musicologie après sa rentrée définitive en Hollande en 1681 et il semble bien qu'une grande partie du contenu du portefeuille Musica date de cette époqueGa naar voetnoot177).
On voit dans la liste des publications de HuygensGa naar voetnoot178) un extrait, qui parut en anglais dans les Philosoph. Transactions de juillet, d'une lettre française à OldenburgGa naar voetnoot179) du mois de mai; il y donne ‘his thoughts of Mr. Hook's observations for proving the motion of the earth’. Il venait de recevoir la brochure de Hooke ‘An attempt to prove the motion of the earth from observations’ où l'auteur prétend que certaines parallaxes annuelles d'étoiles sont mesurables ou évaluablesGa naar voetnoot180). Pour le moment Huygens ne critique Hooke en aucune façon: il appelle ses observations fort belles et de grande conséquence et ose promettre qu'à Paris on y travaillera aussi. On a sans doute fait quelques efforts en ce sensGa naar voetnoot181) puisqu'en 1686 il est en état d'affirmer qu'on ne peut pas même apercevoir avec les télescopes ‘que les distances apparentes de quelques [étoiles] prochaines - sujet dont parlait en 1675 J. GregoryGa naar voetnoot182) - changeroient à la vueGa naar voetnoot183)’. Hooke s'était donc trompé. Roemer peut s'être intéressé à ce sujet: Huygens et Roemer, ainsi que sans doute les autres astronomes, conversaient à l'observatoireGa naar voetnoot184). | |||||||||
[pagina 692]
| |||||||||
Une matière qui, en 1674, formait certainement un sujet de conversation entre Roemer et Huygens, c'est la question de la meilleure forme à donner aux dents de deux roues qui s'engrènent. On le voit par une page du Manuscrit EGa naar voetnoot185). La forme épicycloïdale de ces dentsGa naar voetnoot186) est de l'invention de Roemer. Il est fort possible qu'il songeait déjà à la construction de planétaires. Vers la fin de l'année nous voyons Huygens s'occuper de quelques petits problèmes géométriquesGa naar voetnoot187) comme il l'avait fait aussi en 1673. Un certain de Maubuisson lui posait parfois des problèmes. D'ailleurs Roemer s'intéressait aussi à des questions de ce genreGa naar voetnoot188).
En 1674 Pierre Borel, médecin et chimiste, et G.J.P. Duverney, anatomiste, furent nommée membres de l'Académie. Huygens mentionne Duverney en 1675Ga naar voetnoot189) et en 1690 en lui envoyant le ‘Traité de la Lumière’Ga naar voetnoot190). Borel qui taillait aussi des lentilles est souvent mentionné. Voyez sur son livre de 1655 la p. 472 qui précèdeGa naar voetnoot191).
En juin Huygens écrit à Oldenburg regretter extrêmement la perte du Père PardiesGa naar voetnoot192), - déjà mentionné plus hautGa naar voetnoot193) - auteur de plusieurs traités de valeur et qu'il connaissait personnellementGa naar voetnoot194). | |||||||||
1675.En janvier nous voyons Huygens s'occuper un instant de l'incommensurabilité, déjà célèbre dans l'antiquité, de la diagonale du carré par rapport à son côtéGa naar voetnoot195). Mais bientôt la spirale régulatrice des montres - laquelle il espérait d'ailleurs | |||||||||
[pagina 693]
| |||||||||
pouvoir appliquer aussi aux horloges marines - accapara toute son attention. Son invention de la spirale date du 20 janvier, comme on peut le voir dans notre T. VIIGa naar voetnoot196) où nous avons publié plusieurs pages du Manuscrit E qui s'y rapportent. Les p. 502-508 du T. XVIIIGa naar voetnoot197) en traitent également, ainsi que les p. 522-525 du même Tome. Le 15 février Huygens obtint un privilège pour la France. En septembre un octroi lui fut accordé par les États de Hollande et de Westfrise; en octobre il en reçut un de la part des États-Généraux. Il renonça à faire enregistrer le dit privilège au ParlementGa naar voetnoot198). Consultez sur quelques détails se rapportant aux montres la note 2 de la p. 522 du T. XVIII. Les difficultés qu'il eut avec ThuretGa naar voetnoot199) sont amplement commémorées dans les pages citées et les notes 4 et 6 des p. 504-505 du T. XVIII indiquent les endroits qui se rapportent aux réclamations de priorité de l'inventif Robert Hooke. Voyez notamment la Pièce de Hooke des p. 517 et suiv. du T. VII. On peut utilement consulter sur ces sujetsGa naar voetnoot200) le livre déjà cité plus haut ‘les savants du XVIIe siècle et la mesure du temps’ dont l'auteur, L. Defossez, dit dans son Avertissement: ‘Des recherches sur l'origine du spiral réglant furent à la base du travail que nous présentons aujourd'hui’, tandis que le chap. XII (Le spiral réglant) parle de ‘la marche triomphale’ de ce spiral et se termine par la figure du spiral d'un chronomètre moderne. Il est vrai que la précision ne fut obtenue que beaucoup plus tardGa naar voetnoot201). Dàns les jours de Huygens, pour ne parler que de cette seule difficulté, l'influence des changements de température ne pouvait être neutralisée. Déjà en février Huygens fit paraître dans le Journal des Sçavans sa lettreGa naar voetnoot202) sur ‘une invention longtemps souhaitée, par laquelle les horloges sont renduës tres justes ensemble & portatives’, traduite en anglais dans les Philos. Transactions de mars. Les discussions se poursuivirent durant toute l'année. À la vérifiction du privilège s'opposa surtout l'abbé de Hautefeuille, comme on peut le voir aux p. 436-453 du T. VII. Une des personnes à qui Huygens fit tout de suite part de son invention fut Leibniz; et celui-ci publia à son tour dans le Journal des Sçavans de mars, ainsi que dans les | |||||||||
[pagina 694]
| |||||||||
Philos. Transactions, une lettre sur une horloge portative de son inventionGa naar voetnoot203), de laquelle cependant il dit plus tard qu'elle n'a jamais été construite. C'était peut-être Leibniz qui lui avait fait connaître en janvier l'existence de l'échappement à ancre dont d'ailleurs il ne s'est jamais servi: du moins, à côté de ses figures représentant cet échappement, se trouve le nom de Leibniz. Mais celui de Roemer s'y trouve égalementGa naar voetnoot204). Ce ne fut pas seulement à propos de la montre que Huygens eut une correspondance active avec Oldenburg. Signalons la comparaison exacte des longueurs des pieds anglais et françaisGa naar voetnoot205) et le grand cas que Huygens fait comme toujours de la ‘quantité de belles experiences’ de BoyleGa naar voetnoot206). Sur les difficultés qui se présentaient dans la construction des montres et des peines qu'on prenait, lui et son horlogeur, il écrivait amplement à son pèreGa naar voetnoot207).
Consormément aux intentions du gouvernement, ou si l'on veut de Colbert - deuxième alinéa de la p. 630 -, ainsi qu'à certains points des programmes de HuygensGa naar voetnoot208), il fut exigé en mai et juin 1675 par un ordre du Roi à l'Académie des Sciences ‘d'examiner les moyens de faire un traicté de Mechanique avec une description exacte de touttes les machines utiles à tous les arts et mestiers dont on se sert a present en France et en toutte l'Europe etc.’ L'introduction théorique devait être fort brève; Huygens, Blondel, Mariotte et Picard furent chargés ‘de faire chacun leurs memoires ou projets [de cette introduction et] d'en conferer ensemble’. Ces mémoires, s'ils ont été écrits, sont inconnus. Nous avons traité de cette demande du gouvernement dans notre T. XIXGa naar voetnoot209). Roberval qui décéda en cette même année, put encore prendre part aux travaux grâce à des traités de mécanique antérieurement écrits. Quoique l'Académie n'ait publié qu'au dix-huitième siècle seulement un grand nombre de traités sur les arts et métiers, Buot, aidé par certains collaborateurs, décrivit et dessina déjà depuis 1675 les principales machines alors en usage. Il en fut | |||||||||
[pagina 695]
| |||||||||
fait des modèles, lesquels furent placés dans une salle de l'ObservatoireGa naar voetnoot210). En 1683 eut lieu ce qui semble avoir été la première exposition publique de modèles de machines, non pas à l'Observatoire, mais dans un local de la rue de la Harpe. Le catalogue, conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris, dit que tous les quinze jours on ajoutera aux modèles déjà faits quatre autres nouveaux. Mais ceci ne fait plus partie de la biographie de Huygens, puisqu'il quitta Paris en 1681. L'ordre du Roi en juin 1675 fut apporté de la part de Colbert par un des frères Perrault, savoir Charles.
En juillet Papin quitta Paris pour se rendre en Angleterre. Huygens le recommande à Oldenburg en vantant sa nouvelle et ingénieuse manière d'ajuster les machines pneumatiquesGa naar voetnoot211). À son tour Oldenburg lui recommande Tschirnhaus aimant fort l'estude des Mathematiques et principalement de l'algebre’Ga naar voetnoot212). Voyez aussi sur l'arrivée de Tschirnhaus à Paris la p. 17 qui précède.
Huygens continuait à correspondre de lunetterie avec le frère Constantyn, faisant mention de P. Borel et de l'artisan Lebas, des lunettes de l'observatoireGa naar voetnoot213) etc.
Leibuiz, toujours à Paris, lui écrivit sur Bombelli et les quantités imaginaires, etc., mais Huygens, disant avoir été ‘fort longtemps hors d'exercice pour ce qui regarde [les] sortes d'equations algebraiques’ proposées, n'eut pas envie d'entrer en concurrence avec le philosophe allemand. En fait de mathématique, il préféra résoudre un problème sur le quadrilatère, avec extension à un polygone inscrit quelconque du théorème trouvé en cette occasion sur le quadrilatère inscrit dans une circonférence de cercleGa naar voetnoot214). | |||||||||
[pagina 696]
| |||||||||
Nous trouvons quelques notes sur le son, tant sur les tons d'une flute, que sur ceux de cordes d'épinettes ou autresGa naar voetnoot215) qui montrent qu'en cette année aussi Huygens s'occupa de musicologie. Une des figures, et le raisonnement qu'il y joint, nous semblent faire voir qu'il ignore que lorsqu'on ‘approche le doigt contre la chorde aux deux tiers’ il se forme un deuxième noeud à un tiers.
Le 8 décembre Huygens fit à l'observatoire avec Cassini une observation de Saturne dont nous avons traité aux p. 41 et 119-120 du T. XV. Un peu plus tôt Cassini avait déjà vu à lui seul la bande obscure semblable à celles de Jupiter et quelques autres particularités. Huygens ne mentionne pas, ce que Cassini avait déjà découvert, la séparation en deux parties concentriques de l'anneau.
Vers la fin de l'année Huygens tomba malade. Quoique les médecins n'y trouvassent ‘rien de sinistre à craindre’ il est compréhensible que son père fut en grande inquiétude’ au sujet de cette nouvelle ‘maladie melancholique’Ga naar voetnoot216). - Nous avons dit un mot plus hautGa naar voetnoot217) sur la lettre que l'ingénieur Baert lui écrivit en février de Duinkerken. - Plus ou moins rétabli, il quitta Paris le 1 juillet 1676. Peu avant son départ (ce peut avoir été le 22 ou le 29 juin) il écrivit à Leibniz - fort désireux de pouvoir rester à Paris - la lettre que voici: |
|