Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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§ 3. À la Haye juin 1664-avril 1666.Rentré à la Haye, où se trouvèrent donc les trois frères.Ga naar voetnoot1), Huygens eut conscience de deux tâches importantes. Il fallait en premier lieu faire construire des horloges marines d'une nouvelle forme, meilleures que les précédentes, en vue de l'obtention d'un privilège. Secondement il fallait étendre à des corps oscillants de diverses formes la méthode de calcul qui avait déjà fourni le centre d'oscillation pour des verges linéaires chargées p.e. de deux poids punctiformes; ceci d'abord pour les pendules des horloges, mais aussi en vue de la détermination de la mesure universelle par la longueur du pendule à secondes: en 1661 déjà il avait été question de cette détermination en AngleterreGa naar voetnoot2). En troisième lieu il fallait écrire l'instruction pour les marins, comme il se l'était déjà proposé en 1662 ou 1663Ga naar voetnoot3). Malgré l'importance de ces sujets, notre résumé dans la présente biographie pourra être bref, eu égard aux Avertissements des Tomes précédents. La nouvelle horloge marine, construite à la Haye par Oosterwijck, fut un remontoir. Le premier exemplaire fut déjà prêt en août 1664Ga naar voetnoot4), le deuxième en novembre. Huygens y avait fait allusion, peut-être pour la première fois, dans une lettre à Moray de décembre 1663Ga naar voetnoot5). Dans sa lettre à de Witt du 1 février 1664 il disait également, sans autre explication, avoir récemment conçu une nouvelle forme de l'horloge. Il est donc possible que les quatre dessins de remontoirs d'une feuille séparée des ‘Chartae mechanicae’ que nous avons reproduits à la p. 171 du T. XVII, datent déjà de Paris: il est à remarquer que ces remontoirs sont pourvus de cordes et non pas de chaînes. Toutefois la possibilité de remplacer les cordes par des chaînes est indiquée par de petites figures à côté des figures principales; nous n'en avons reproduit que deux; dans l'original les petites figures sont plus nombreuses. Le remontoir d'août fut critiqué par Huygens: consultez la p. 173 du T. XVII sur les changements à apporter. Voyez e.a. sur la question des chaìnes notre note au no. 7, sur la suspension à deux sphères au lieu d'une - suspension de Bruce - le no. 12. En novembre, après la construction du remontoir perfectionné, Huygens présenta sa requête aux Etats-Généraux qui lui accordèrent le 5 décembre l'octroi ou privilège demandéGa naar voetnoot6). La Fig. 72 à la p. 178 du T. XVII représente grossièrement ce remontoir d'après une feuille collée dans le Manuscrit B; elle est donc de date incertaine; il pourrait s'agir | |
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ici aussi d'un projet datant de Paris, ce qui toutefois ne nous semble pas fort probable puisqu'on y voit une chaîne et non pas une corde. Quoi qu'il en soit, c'est la Fig. 73 bien faite du Manuscrit C qui représente sans doute le remontoir de novembre 1664 - voyez cependant le deuxième alinéa de la p. 181 du dit Tome -, puisque cette figure date de la fin de 1664 ou du commencement de 1665. On en trouve l'explication aux p. 179-182 du T. XVII, où nous avons de plus fait l'historique des remontoirs à ressorts moteurs antérieurs à ceux à poids moteurs; nous y disons e.a. que les premiers remontoirs à ressorts moteurs - qui cependant n'étaient pas à remontage fréquent - furent peut-être ceux de S. Coster et que Thuret en avait également construit.
Le phénomène de la lympathie des horlogesGa naar voetnoot7) découvert par hasard, intéressant pour ceux qui s'appliquent à la mécanique théorique, n'eut pas d'importance pratiqueGa naar voetnoot8).
Quant au privilège anglais, lequel fut accordé à Abraham Hill, trésorier de la Royal Society, il date d'un peu plus tard, savoir du 3 mars 1665Ga naar voetnoot9). En ce moment les horloges marines avaient remporté un deuxième succès; le capitaine Holmes (qui avait aussi, femble-t-il, fait le voyage de Lisbonne mentionné plus haut) était revenu à Londres après une longue absence vers la fin de janvier 1665 et avait donné des horloges un rapport favorableGa naar voetnoot10). Huygens en fit mention à la fin de son ‘Kort onderwijs aengaende het gebruyck der horologien tot het vinden der lenghten van Oost en West’ qu'il acheva et fit imprimer en février. Son père ne manqua pas de lui écrire, le 13 mars, qu'il trouvait cette instruction fort nette et claireGa naar voetnoot11). A la fin de la dite ‘Brève instruction’ Huygens mentionne les nouvelles horloges marines, les remontoirs, qu'il désigne par le mot ‘kettingwercken’ (horloges à chaîne); lesquelles, fait-il entendre, auraient permis à Holmes une détermination de la longitude encore plus exacteGa naar voetnoot12). | |
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Malgré tout les ‘Pilotes et gens de mer’Ga naar voetnoot13) à qui Huygens s'adressa ne voulurent rien savoir de cette méthode de déterminer la longitude. Et ce sont eux qui avaient raison. Quoi qu'on fasse, sur mer on ne peut se fier au pendule.
Les remontoirs avaient de plus le désavantage d'être bien chers. Le prix - 300 florins - a déjà été mentionné deux fois dans le présent TomeGa naar voetnoot14); la première fois par Spinoza à qui Oldenburg avait demandé ce qu'on pensait en Hollande des nouvelles horloges marines. Spinoza n'y put répondre ‘nil certi’; ce qu'il savait, c'est qu'Oosterwijck, en septembre 1665, n'en fabriquait plus guère puisqu'il ne pouvait pas les vendre. Nous ne pouvons pas affirmer qu'elles ne furent jamais essayées sur mer; mais si elles y avaient eu un succès quelconque, il nous semble que Huygens n'aurait pas manqué de le dire dans quelques-unes de ses lettres. Ce n'est pas la faute de Spinoza qu'il ne pouvait louer ni cette invention ni celle des machines pour tailler les lentilles. Pour être impartiaux nous ajoutons en passant qu'il ne nous reste rien des microscopes ou télescopes que Spinoza composait, d'où il faut bien conclure qu'il est impossible d'affirmer que ces instruments aient été, pour leur époque, de toute première qualité. Ce qui est certain - nous l'avons déjà dit à la p. 12 - c'est que tant Constantyn que Christiaan prenaient Spinoza fort au sérieux; voyez p.e. le passage de la p. 158 du T. VI où Christiaan parle de ‘ses petites lentilles tres excellentes’. Huygens obtint également de Louis XIV, le 5 février 1665, pour lui seul, grâce à l'influence de son père, un privilège pour la France sur les horloges marines construites suivant sa ‘nouvelle et très exacte manièreGa naar voetnoot15)’. Thuret, avec lequel il entra, ou tâcha d'entrer, en négociations eût donc pu construire les remontoirs à poids moteurs en payant à l'inventeur une certaine somme pour chaque horloge vendue; mais le fait est que Thuret n'approuva pas cette construction; c'est ce qu'on peut lire aux p. 7-10 de notre T. XVIII.
En cherchant le centre d'oscillation de diverses figures HuygensGa naar voetnoot16) ne prit pas la peine de s'enquérir des considérations de Descartes et de Roberval. Outre les motifs | |
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dont il fut déjà question, il y eut pour lui le plaisir d'inventer une théorie nouvelle. Considérant ses nombreux calculs de septembre et d'octobre 1664Ga naar voetnoot17) nous croyons même pouvoir direGa naar voetnoot18) que ce fut là pour lui le motif le plus puissant. Ici il se révéla vraiment grand mathématicien. Il reste toujours vraiGa naar voetnoot19) qu'il ne fut pas animé en ce temps, et que plus tard aussi il ne le fut que rarement et partiellementGa naar voetnoot20), de l'esprit platonicien - pour ne rien dire de l'esprit spinoziste - lequel afpire à établir des vérités en faisant abstraction, autant que possible, du monde visible, tangible, ou perceptible à l'oreilleGa naar voetnoot21).
Nous avons parlé aux p. 357 et suiv. du T. XVI de l'application générale aux pendules du principe fondamental de la dynamique de Huygens - le mot ‘dynamique’ étant toutefois plus moderne, tout aussi bien que le mot ‘statique’ -, de même que nous l'avons fait plus hautGa naar voetnoot22) lorsqu'il fut question du petit poids régulateur etc.; et ensuiteGa naar voetnoot23) des différentes méthodes dont il se servit pour mener le calcul à bonne fin; nous les avons désignées par les expressions ‘méthode directe’, ‘méthode de la parabole’, ‘méthode des trois-quarts’, ‘méthode des quatre cinquièmes’, ‘méthode de l'onglet’, ‘méthode du tronc’, ‘méthode de réduction de l'oscillation latérale à l'oscillation perpendiculaire au plan de la figure’, ‘méthode générale pour les surfaces planes symétriques oscillant dans leur plan’, ‘méthode générale pour les corps de révolution’; reproduisant fidèlement sa pensée telle qu'elle se révélait à nous, sauf à employer un signe Σ de sommation, ou même à la fin le nombre π, qui ne se trouvent pas chez lui. Les calculs, souvent brefsGa naar voetnoot24), sont en outre expliqués dans les notes. Huygens en rédigea ensuite, toujours en latin, une petite partie dans une forme convenableGa naar voetnoot25). On y voit réapparaître les portions de cylindres (cunei ou trunci) déjà considérées dans le traité ‘De iis quae liquido supernatant’Ga naar voetnoot26); mais cette fois elles servent à effectuer certaines sommations. Nous avons ajouté une traduction française à cette partie. | |
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Il resta du temps à Huygens, en 1664, pour s'occuper de quelques autres sujets.
Comme en 1652Ga naar voetnoot27) il mesura l'indice de réfraction pour l'eau, salée ou nonGa naar voetnoot28). Il dessina de plus - et employa sans doute - un triangle de verre pour mesurer pour différents angles la réfraction de cette substanceGa naar voetnoot29). En juillet, après avoir appris que Hooke construisait un appareil pour déterminer exactement l'accélération de la pesanteurGa naar voetnoot30), il fit connaître à Moray la grandeur de la distance parcourue pendant la première seconde par un corps tombant, telle qu'il l'avait mesurée ou plutôt calculée en 1659Ga naar voetnoot31), savoir 15 pieds et 7½ pouces rhénansGa naar voetnoot32). En septembre nous trouvons aussi chez lui des figures d'appareils destinés à mesurer directement les temps des chutesGa naar voetnoot33); nous ne connaissons pas d'observations faites avec ces appareils et il nous semble qu'après les résultats obtenus en 1659 elles ont dû être bien superflues; l'appareil esquissé de la p. 212 qui précède nous semble ne pas avoir été construit. Huygens parle d'observations faites avec ces appareils tant dans l'‘Horologium oscillatorium’ de 1673Ga naar voetnoot34) que dans sa lettre de 1674 à son pèreGa naar voetnoot35).
Saturne fut observé en septembreGa naar voetnoot36); ensuite, à partir du 15 décembre, une comète, dont la marche put être suivie jusqu'en janvierGa naar voetnoot37). Nous ajoutons qu'en 1665 une autre comète fut vue en avril et qu'en septembre Huygens nota des observations sur la position des satellites de Jupiter qu'il compara avec des prédictions du grand Cassini lesquelles ne lui parurent pas toutes exactesGa naar voetnoot38). Le cadran solaire ‘latitudine 52o’ considéré en 1664Ga naar voetnoot39) se trouvait peut-être dans le jardin de la maison du Plein ou à Hofwijck. Nous notons encore qu'une petite Pièce de 1665 sur le diamètre de l'ombre de la terre sur la luneGa naar voetnoot40) fait voir que Huygens avait toujours en main la ‘Nederduytsche Astronomia’ de Rembrantsz van Nierop. | |
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En novembre 1664Ga naar voetnoot41) Huygens - avec son frère Constantyn, pensons-nous - voulut tailler des lentilles suivant la méthode de CampaniGa naar voetnoot42). En ce mois il est en correspondance avec Auzout sur ce sujet et l'on voit que son père s'y intéresse égalementGa naar voetnoot43). Le dessin de la machine pour tailler des lentilles représenté à la p. 302 du T. XVIIGa naar voetnoot44) est de mars 1665.
En cette dernière année, après l'apparition du ‘Kort Onderwijs’, Huygens entra dans une correspondance avec Hudde sur des problèmes de probabilité. C'était toujours de la question du partage de l'enjeu dans le cas de jeux non terminés qu'il s'agissait. La première lettre de Huygens, du 4 avrilGa naar voetnoot45), fait voir que deux questions, que nous ne connaissons pas, avaient déjà été proposées, probablement par HuddeGa naar voetnoot46). La correspondance continua jusqu'au 21 août; les lettres furent nombreuses et parfois longues. Les formules y abondent. C'est à elles que se rapportent les calculs de Huygens dont nous avons formé les Appendices II-V des p. 96-150 du T. XIV. Les p. 31-48 de l'Avertissement du dit Tome ont trait aux problèmes échangés entre les deux mathématiciens, lesquels n'avaient en ce moment aucune importance pratique. C'était un jeu d'esprit, un pur plaisir.
La dernière lettre de Huygens à Hudde - qui fit une longue réponse - fut celle du 28 juillet 1665; il y disait vouloir terminer ‘dese onse Exercitatie’. C'est qu'apparemment il songeait à autre chose. Il voulait compléter sa Dioptrique par des calculs appropriés. Le εὑρϰα d'un manuscrit de 11 feuilles est du 6 août. Qu'avait-il trouvé? Le calcul lui avait fait voir que l'aberration sphérique d'une lentille biconvexe de distance focale et de largeur données devient un minimum lorsque le ‘radius convexi objectivi’ est au ‘radius convexi interioris’ - il s'agit donc du rapport des deux rayons de courbure - comme 1 est à 6. Les p. 355-378 du T. XIII reproduisent le dit manuscrit intitulé ‘Adversaria ad Dioptricen spectantia m quibus quaeritur aber- | |
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ratio radiorum a focoGa naar voetnoot47)’. Huygens y calcule l'aberration sphérique aussi pour les ménisques, c.à.d. les lentilles convexo-concavesGa naar voetnoot48). Ce n'est pas seulement ce petit manuscrit, semble-t-il, qui date de ce temps. Tous les calculs et considérations, bien rédigées, ‘De aberratione radiorum a foco’, portant dans notre édition la date 1666, tandis que notre Table de ConcordanceGa naar voetnoot47) dit ‘vers 1666’, peuvent être antérieurs au départ de Huygens pour Paris en avril de cette année. Voyez ce qui est dit à la p. VII du T. XIII sur la copie qui fut faite de la ‘Dioptrica’ à Paris par un certain Niquet, laquelle, il est vrai, n'est pas datée mais qu'on a pu considérer comme ayant été faite en 1666 ou 1667. De ces calculs et considérations une partie, celle qui occupe (avec la traduction) les p. 272-313 du T. XIII, a été publiée par de Volder et Fullenius dans les ‘Opuscula Postuma’ de 1703; mais le resteGa naar voetnoot49) a été frappé par Huygens d'un verdictGa naar voetnoot47). Dans ces ‘Rejecta’ se trouve e.a. le projet de compensation, dans la lunette hollandaise, de l'aberration sphérique de l'objectif par celle de l'oculaire dont traite la p. LIX de l'Avertissement du T. XIII. Toute la partie des p. LII-L???III de ce savant Avertissement traite de la ‘Deuxième Partie de la Dioptrique’, c.à.d. de l'aberration sphérique; mais des considérations sur une invention de Huygens de 1669 y sont entremêléesGa naar voetnoot50) et l'‘Historique des sujets traités dans cette deuxième Partie de la Dioptrique’Ga naar voetnoot51) en dépasse de beaucoup les limitesGa naar voetnoot52). Nous ne croyons pas cependant devoir entrer ici, en nous bornant à ce qui semble ou peut être de 1665-1666, dans de nouvelles considérations sur le grand travail de Huygens sur la dite aberration. L'idée de compenser l'aberration sphérique de l'objectif par celle de l'oculaire s'était certainement présentée à Huygens en 1665; dans le sommaire d'une lettre à Slusius du 11 septembre il écrit: ‘Inventionem me invenisse aemulandi hyperbolicae figurae perfectionem lentibus sphaericis se mutuo corrigentibus in telescopiis ex duabus | |
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tantum composito’. Nous avons déjà parlé de cette compensation dans la note 8 de la p. 87 qui précède à l'occasion d'une remarque de Spinoza sur ce sujet. La conversation de Spinoza avec Huygens doit être antérieure - de peu probablement - au 11 septembre, puisque d'après Spinoza Huygens disait chercher ce que dans la lettre à Slusius il déclare avoir trouvé. Une raison pour croire que ce fut bientôt après son arrivée à Paris que Huygens fit copier sa Dioptrique, c'est qu'il écrit le 22 juin 1666 au prince Leopoldo: ‘Pro viribus conabor ut quampridem desiderio [Celsitudinis Tuae] satisfiet’ (il s'agit ici de la publication de ses écrits en général) et le 19 novembre 1667, parlant précisément de la Dioptrique: ‘Figurarum maximam partem jam incisam habeo, brevique typographis sum traditurus’. Voyez cependant ce qu'il écrit encore en mai 1668Ga naar voetnoot53): ‘Si ma dioptrique ne s'avance pas plus, ce n'est que faute de loisir, et parce qu'il est difficile de s'appliquer à ces matieres par intervalles’. En ce temps il n'était pas encore d'avis que la Dioptrique pourrait ou devrait être précédée par un traité sur la nature de la lumièreGa naar voetnoot54).
Il ne put cependant, depuis 1664, se désintéresser des spéculations anglaises sur la nature des couleurs et de la lumière en général. Son père, prévenant Moray, lui avait envoyé de Londres le livre de Boyle sur la théorie des couleursGa naar voetnoot55). En mars 1665 il reçut la célèbre ‘Micrographia’ de Hooke - parue en janvier - dont une vingtaine de pages sont consacrées aux couleurs. Hooke y considère e.a. les couleurs des lames minces. Mais déjà avant cette dernière publication Huygens avait remarqué, ce qui ne se trouve pas dans le livre de BoyleGa naar voetnoot56), les ‘couleurs de l'Iris’ que font voir deux petits morceaux de verre fortement pressés l'un contre l'autre ‘soit qu'il y ait de l'eau entre deux ou rien que l'air’. Nous avons ditGa naar voetnoot57) par suite de quelle interférence (pour employer ce mot moderne) les couleurs se produisent suivant Hooke. Il n'avait pas su mesurer l'épaisseur de ses lames minces. C'est ce que Huygens se proposa de faire. Le bon moyen lui sembla être de considérer la mince couche d'air qui se trouve, près du point de contact des surfaces sphériques, entre deux lentilles planconvexes superposées, vu qu'en ce cas le calcul fait connaître l'épaisseur de la couche en chaque | |
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endroit. Cette observation des ‘anneaux de Newton’, comme on les appelle non sans raison puisque Huygens n'a jamais rien publié sur ce sujetGa naar voetnoot58), eut lieu en novembre 1665. Il n'y employa d'autre lumière que celle du jour. Suivant nos notes l'épaisseur de la couche d'air fut partout moindre qu'il ne le crut, par suite de la déformation des lentilles: il parle de ‘superficies valide compressas’ et il semble qu'il eût pu s'attendre à ces déformations dont, il est vrai, il n'aurait guère pu évaluer la grandeur. Huygens observait les franges avec un microscope. Nous avons pu faire voir que suivant lui des franges colorées (du moins colorées lorsqu'on regarde avec un microscope) apparaissent aux endroits où l'épaisseur est 0,000034 + 0,000014 N pouce (N = 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6 ou 7) ou 890 + 370 N μμ (millionièmes de millimètre), tandis que la vraie formule aurait été: épaisseur = 0,000011 + 0,000010 N pouce ou 275 + 263 N μμ. Il n'en conclut rien sur la nature de la lumière. Tout en appelant Hooke ‘un peu hardi à former des hypotheses’ il considère ‘sa pensée touchant la cause des couleurs’ comme belle. Hooke admettait deux couleurs fondamentalesGa naar voetnoot60).
Mais Huygens n'émit aucune opinion sur les diamants, dont parle Boyle en 1663, qui deviennent lumineux lorsqu'on les frotteGa naar voetnoot61), sachant bien - comparez la p. 436 qui précède - que le problème de la genèse de cette lumière était pour le moment insoluble.
Quelle que soit la chose qu'on se propose de mesurer, il y faut une unité ou des unités bien choisies. Cela a toujours été évident pour les mesures des distances et des longueurs. La question de la mesure universelle, qu'on espérait obtenir par le pendule à secondes définiant un ‘pes horarius’ a été touchée plus haut. Dans sa lettre du 2 janvier 1665 à Moray Huygens avait proposé - pour la première fois, croyons-nous - ‘de songer à une mesure universelle et determinee du froid et du chaud’ et de prendre (il n'ajoute pas: à la pression normale de l'atmosphère) ‘pour commencement le degrè de froid par lequel l'eau commence a geler, ou bien le degrè de chaud de l'eau bouillante’Ga naar voetnoot62). Point de science expérimentale, digne de ce nom, sans étalons. Il est vrai qu'au dix-septième siècle on ne pouvait encore songer à exiger une bien grande précision.Ga naar voetnoot59) | |
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Une mesure universelle rigoureuse de longueur, un vrai ‘pes horarius’, ne peut évidemment être obtenue que si la longueur du pendule à secondes est partout la même. Huygens était d'avis qu'en montant à une hauteur de 3000 pieds, on n'aperçoit ou n'apercevrait aucun changement dans la marche d'un pendule. Il nota cette opinion lorsqu'il fut, en 1666, sur le point de partir pour ParisGa naar voetnoot63). Mais cette marche est-elle la même partout à la surface de la terre, à l'équateur comme aux pôles ou ailleurs? En 1659 déjà il avait calculé de combien la force centrifuge diminue la gravité à l'équateurGa naar voetnoot64). Sur le point de partir, alors que les malles étaient sans doute déjà faites, il n'eut sous la main ni le résultat numérique de ce calcul ni certaines autres données. Il refit donc le calculGa naar voetnoot65) en prenant une valeur erronée pour le rayon de la terre. Au même endroitGa naar voetnoot66) il calcula, en se basant sur ce résultat erroné, de combien un pendule doit marcher plus lentement auprès de l'équateur qu'à une latitude de 45o ou 90o. Toutefois l'ordre de grandeur, quelques minutes en 24 heures, est bon. En ce temps personne autre que lui, si nous voyons bien, n'eût pu faire ce calculGa naar voetnoot67).
Nous observons en passant que nous avons - voyez les notes - publié en trois endroits différents des Tomes XVI et XVII des parties de ces calculs et considérations lesquelles dans la pensée de Huygens formaient un tout. C'est une nouvelle illustration de ce que nous avons fait voir par un autre exemple dans notre article de 1940 ‘Deux pages consécutives du Manuscrit G de Christian Huygens’, savoir que le groupement des matières nous a parfois obligé de séparer l'une de l'autre des choses étroitement liées entr'elles dans la pensée de Huygens. Nous sommes heureux de pouvoir compléter çà et là dans la présente biographie l'expression de sa pensée en tenant mieux compte de certaines relations et simultanéités.
Huygens ne fit pas mention dans ses lettres à Moray de cette influence de la rotation de la terre sur la marche des pendules. Malgré elle, une mesure universelle suffisante, ou provisoirement suffisante, lui semblait, paraît-il, pouvoir être obtenue au moyen du pendule. | |
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Cette diminution de la gravité auprès de l'équateur doit exister, dirait-on, si la terre tourne. Or, elle tourneGa naar voetnoot68). Mais d'autre part la physique est une science expérimentale. Et il y a des personnes qui nient cette rotation. C'était là aussi une raison pour Huygens de ne rien affirmer publiquement au sujet de la dite diminution de la gravité, et même pour ne pas en être absolument persuadé lui-mêmeGa naar voetnoot69). Dans le programme intitulé ‘Parties a considerer dans les mechaniquesGa naar voetnoot70)’ il s'exprimera comme suit à l'Académie des Sciences de Paris: ‘La force du mouvement circulaire à rejetter du centre et l'experience pour scavoir si la terre tourne par le moyen des pendulesGa naar voetnoot71)’. Lorsqu'on parle en public, et qu'on est considéré comme une autorité, il faut être modeste et prudent.
Nous avons parlé de la fin de l'Académie-Montmor, laquelle cependant ne fut pas la fin de toute entreprise de ce genre. L'Académie-Bourdelot lui succéda et continua à exister jusqu'en 1685. Une des publications de cette Académie, de 1674, a été citée dans le T. XIX; comme en cet endroitGa naar voetnoot72) nous renvoyons le lecteur - puisque nous n'aurons plus guère à parler d'elle - au livre de 1934 de H. Brown ‘Scientific organizations in seventeenth century France’ qui en traite longuement.
Déjà en février 1665 Huygens reçut de son pèreGa naar voetnoot73) un certain projet qui, pensonsnous, n'est autre que celui imprimé dans notre T. IVGa naar voetnoot74) lequel porte le titre: ‘Project de la Compagnie des Sciences et des Arts’, sur lequel Huygens a noté ‘Fait par les Messieurs qui s'assembloient en particulier’. Le programme est vaste et parle du commerce auec toutes les autres Academies, et auec tous les scauants de tous les Pays pour s'instruire reciproquement’ et observer quantité de choses; de ‘faire des Cartes Geographiques tres-exactes, qui est une des choses qui manquent le plus | |
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dans cet Estat’...‘Le Roy aura dans ses grands desseins et dans toutes les propositions nouvelles qu'on luy fera un Conseil capable de luy donner des aduis sinceres et veritables s'il luy fait l'honneur de le consulter.’ Etc. Les Messieurs qui s'assemblaient en particulier nourrissaient apparemment l'espoir que cette Compagnie jouirait de bien des faveurs et aurait un caractère officiel. Il semble probable que Thévenot fut un de ces messieurs, lui qui avait écrit déjà en 1664 une lettre à Huygens (que nous ne possédons pas) à laquelle celui-ci répondit le 27 novembre (minute): ‘Reponse de ce qu'il me mande de l'apparence d'un etablissement d'Academie, ce me sera beaucoup d'honneur d'en estre’. Par la lettre de Christiaan du 15 juin 1665 au frère LodewijkGa naar voetnoot75) nous apprenons que, six mois plus tard, Colbert, par l'intermédiaire de Carcavy, manda ‘que le Roy seroit bien aise que je voulusse venir demeurer à Paris’ etc. Les éditeurs du T. V n'ont pas remarqué que le passage latin de la lettre dans laquelle Huygens fait entendre que cette proposition lui sourit Rectius hoc et
splendidius multo est, equus ut me portet, alat Rex
est une citation d'HoraceGa naar voetnoot76). On a vu plus haut qu'en 1662 Huygens avait reçu 1200 livres de la part de Louis XIV. En 1665, quoique résidant encore à la Haye, il reçut 1500 livresGa naar voetnoot77). Impossible de dire si Colbert a été fortement inspiré par les auteurs du ‘Project de la Compagnie des Sciences et des Arts’. Il est difficile d'admettre que leur influence aurait été nulle. S'il est vrai que Thévenot était un de ces messieurs, son prestige ne fut cependant pas assez grand pour que Colbert s'adressât à luiGa naar voetnoot78). Quoi qu'il en soit, Colbert prit son initiative et créa en 1666 l'Académie Royale des Sciences. |
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