Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Le voyage en France de 1655. | |
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§ 1. Le journal de Lodewijk etc.Déjà plusieurs années avant que le jeune Constantyn entreprit son grand voyage qui le conduisit e.a. à Paris, il avait été question d'une excursion en France des deux frères aînés. Le père Constantyn, tout gallophile qu'il était, n'avait jamais visité ce pays; plus ou moins par hasard, peut-on dire, puisque, déjà dans sa jeunesse, attaché à des ambassades, il avait été tant en Angleterre qu'en ItalieGa naar voetnoot1). C'est dans une lettre à Mersenne de septembre 1646Ga naar voetnoot2) qu'il dit pour la première fois ne pas savoir si dans l'hiver qui vient il se résoudra ‘a envoyer ces deux enfans en france’. Pour lui c'étaient toujours des enfants. En 1649 aussi - voyez la p. 57 qui précède - il parlera de Christiaan comme de ‘ce garçon’. Même dans les dernières années de sa vie, tout en se réjouissant depuis longtemps de pouvoir constater dans sa progéniture certaines qualités supérieures aux siennesGa naar voetnoot3), il aura l'impression que rien que par son existence il tient toujours ses fils dans l'enfanceGa naar voetnoot4). Combien plus doit-il en avoir été ainsi en 1646 et 1655! En mars 1648, dans une lettre de MersenneGa naar voetnoot5), il est question d'une visite à Paris (‘voyage futur’) du père Constantyn accompagné de Christiaan; mais en mai ‘nostre venue en France n'est pas des plus certaines pour encorGa naar voetnoot6),’ Mersenne décéda bientôt et le père Constantyn ne parle plus de se rendre lui-même à Paris. En avril 1649, sa lettre à RivetGa naar voetnoot7) nous l'apprend, il a l'intention, puisque ‘la france commence à nous promettre du repos et de la securité pour les estrangers’, d'y envoyer Christiaan et | |
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Lodewijk, e.a. pour ‘estudier la bonne et belle conversation’. Rivet prometGa naar voetnoot8) un itinéraire facultatif et des recommandations. Le voyage de Constantyn Jr. qui partit pour Paris en mai, comme nous l'avons dit plus haut, avait sans doute déjà été décidé. Toutefois en septembre 1649 Christiaan doit écrire à son frère aîné absent que Lodewijk et lui resteront à la Haye cet hiverGa naar voetnoot9). Il n'en fut pas tout-à-fait ainsi puisque Christiaan fit le voyage de Danemarck dont il revint en décembreGa naar voetnoot10). Mais durant quelques années il ne fut plus question de ParisGa naar voetnoot11). En 1653 le père Constantyn fait connaître incidemment la cause de ce retard: dans une lettre à Conrart du mois de janvierGa naar voetnoot12) - où il s'excuse du fait que Constantyn Jr. ne l'a pas visité à Paris - il annonce que ses autres sils ‘s'il plait à Dieu auront leur tour à veoir la France’: toutefois il faudra qu'elle soit ‘moins troublee’. C'était le temps où la Fronde tirait à sa fin. Après une courte tyrannie de Condé, le jeune Louis XIV avait pu rentrer à Paris en octobre 1652, mais Mazarin n'y retourna et ne reprit son pouvoir que dans le cours de 1653. Bientôt l'autorité royale se trouva reconstituée partout dans sa plénitude. En avril 1654 Christiaan écrit à van Schooten que probablement le voyage pourra avoir lieu cet été. Mais le père Constantyn jugea prudent d'attendre encore une année.
Toute sa vie - nous voulons dire depuis 1655 jusqu'à 1695 - Christiaan n'a connu qu'une France soumise au Roi-Soleil.
Les Provinces-Unies avaient fait la paix avec l'Espagne en 1648; entre la France et l'Espagne la guerre continua jusqu'en 1659. Il est donc tout naturel que Christiaan et Lodewijk firent le voyage par mer - à partir de den Briel - sans traverser les Pays-Bas espagnols. Ils furent accompagnés par leurs cousins Philips Doublet, le futur époux de la soeur SusannaGa naar voetnoot13), et Gijsbert EickberghGa naar voetnoot14). Le journal de voyageGa naar voetnoot15), pour les mois juillet et août (jusqu'au 15), ayant été con- | |
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servé, nous le publions ici. Ce journal n'est pas signé. Quoique les mains des deux frères ne diffèrent pas énormément, nous croyons devoir l'attribuer à Lodewijk. Une partie en a déjà vu le jour par les soins de H.L. Brugmans en septembre 1937 dans la Gazette des Beaux-Arts de ParisGa naar voetnoot16). Dans son ‘Dagboek’ le père Constantyn donne la date du 28 juin 1655 au jour du départ de la Haye (28 Juni: ‘Christianus et Ludovicus meus cum cognato P. Doubletio in Galliam profecti. Utantur duce Deo Optimo Maximo’), mais il faut bien croire, d'après le journal, que le départ n'eut lieu en réalité que le 6 juillet. | |
La Haye, Delft, Maeslantsluys, Briel.
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le vent estoit changé tout à fait la nuit passée et nous estoit favorable, de sorte que nous nous levasmes le plustost que nous peusmes, et aijans seulement dit adieu à Monsr. d'Haucourt, nous embarquasmes vers les 6. heures et fismes voile aussij tost. Ce jour là aijans le vent en poupe nous avançasmes jusques à la hauteur de Ostende, et comme il commençoit à faire fort calme sur la brune, nous trouvasmes que le 8. Lendemain nous estions encor à la veüe de la mesme ville et n'avions rien avancé toute la nuit, à cause de la marée qui nous avoit estè contraire presque tousiours. Au lever du Soleil le vent commençoit à se souslever en mesme temps mais nous devint tout à fait contraire et s'augmentant peu à peu nous jetta de costè et d'autre toute la journee sans rien avancer, ce qui nous rendit bien malades et sur tout le pauvre Chevreau, qui fit voeu par plusieurs fois de n'aller plus jamais par mer ou il pouvoit aller par terre, et approuva fort le repentir de CatonGa naar voetnoot23). Le soir pourtant le vent commença à se remettre et s'estant alors tourné vers le nordwest, il nous poussa cette nuit le long de toute la coste de Flandres, de sorte que 9. le lendemain à la pointe du jour nous nous trouvasmes entre Douer et Calais, que nous decouvrismes tous deux tres-distinctement, les costes estans fort hautes de costè et d'autre, particulierement celle d'Angleterre qui paroit toute blanche. La maree nous estant encor contraire et plus impetueuse à cause que le passage y est estroit, nous n'avancames gueres encore ce jour là, le vent se tournant tantost d'un costè tantost d'un autre. La nuit il se declara tout à fait en nostre faveur et nous 10. mena le lendemain vers les 5. heures à la rade de Diepe ou aussij tost une chaloupe nous vint aborder pour nous mener à terre, avec laquelle aijans fait marchè apres une longue contestation et force injures pour 3. louis 10. sols par teste, quand nous estions à terre ils nous demanderent encor autant pour chacun de nos 3 valets que nous avions ce qui ne se pratique jamais. Comme nous ne leur voulions donc rien donner, ils s'en allerent pleindre à Monsr. de Montignij Gouverneur de la place, qui aussy tost nous envoija son secretaire pour estre informè du faict; ce qu'estant fait il se trouva qu'au bout du compte nous leur avions offert plus de la moitié d'avantage qu'il ne leur falloit, et que selon l'ordonnance ils ne peuvent exiger d'avantage que 20 sols par teste, de sorte que nous nous fismes bien tirer l'oreille encore avant que de leur paijer ce qu'avions promis auparavant. On nous porta icij nos hardes à la doüane pour estre visitées, ce qui se fist fort legerement moijennant une demy pistole que nous donnasmes pour un acquit. Nous allasmes loger au Prince d'Orange ou il ij avoit une fille assez raisonnable. Environ une vingtaine d'Allemans ij monta à cheval ce matin que nous ij arrivasmes, pour aller à Rouen et emmenerent tout ce qu'il ij avoit de chevaux de loüage dans la ville, ce qui retarda notre voyage jusques au lendemain. | |
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JuliusNous allasmes promener ce jour là par la ville et aux environs, un fort honeste homme nommé Bassé et marchand de profession à qui Mr. Chevreau avoit adresse, nous servant de guide et de compagnie. Diepe est sçitué à l'amboucheure de la riviere d'Arque dans une vallee fort agreable. A l'autre costè de la riviere est une plaine ou se donna la fameuse bataille d'Arque entre le Roij Henrij 4 et..........Ga naar voetnoot24). La fortification de la ville n'est pas fort considerable, elle n'a qu'une muraille mediocre et un fossé sans eau. Le Chasteau est fort vieuxGa naar voetnoot25) et scitué sur le haut de la montagne de sorte qu'il commande la ville, mais est derechef commandé par une autre hauteur, ou l'on bastit à cause de celaGa naar voetnoot26) une forme de citadelle, qui toutefois n'est pas aussij de trop grande importance. A l'entrée du port on a eslevé aussij quelque bastion. Sur le haut de la montagne un quart d'heure de la ville il ij a une veüe merveilleuse sur la mer et une partie de la ville; cette montagne est fertile et semée de bled jusques à l'extremité du bord de la mer, ou elle finit en un precipice effroijable. La ville est environ de la grandeur de Breda, assez marchande, pas trop bien bastie et fort sale. Les Gouverneurs en sont les deux freres Comtes de Montignij qui commandent l'un en l'absence de l'autre, et ont leur demeure au Chasteau. Elle a plusieurs fontaines et il n'ij [a] presque aucune maison un peu considerable qui n'aijt la sienne; elles viennent toutes d'un village qui est à une demy lieue de là, et d'une source qu'on dit estre de la grosseur d'un homme. Environ à la portee d'un mousquet hors de la ville est une eglise de notre religionGa naar voetnoot27) assez simple par dehors, ou l'on dit qu'il vient quelquefois jusques à 8 ou 10000 communiquans. Dans toute la Normandie il ij a.....eglises de la Religion, et dans toute la France environ 500. Nous laissasmes nostre bagage à Diepe pour estre envoyè le lendemain de notre depart par le messager droict à Paris, dont Monsr. Bassé se chargea et eut soing. 11. Nous montasmes sur d'assez meschants chevaux que nous avions louez pour 4. franc la piece pour Roüen. Un jeune homme Gascon logé avec nous fut de notre compagnie. Nous disnames à un village qui est à moitié chemin nommé Tot; et aijans passé encor quelques autres villages peu importants l'apresdiner et marchants depuis environ 2 lieues de Rouen le long d'une tres belle vallée, arrivasmes dans la ville entre 8. et 9. heures du soir. On compte depuis Diepe jusqu'a Roüen 12. lieues, mais elles sont un peu grandes comme estans dans une Province esloignee, car à mesure qu'on s'approche de Paris, les lieues se racourcissent. Nous logeasmes à Roüen à la rüe herbière chez un jeune homme appellé Bougeonnier qui avoit une femme assez | |
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jolie et une belle soeur qui passoit pour esprit fort, qui ne manqua pas de nous venir voir le lendemain. On nous en avoit desia parlé à Diepe. 12. Nous emploijasmes le matin à voir une partie de la ville, qui est fort grande et belle. A ce que nous peusmes juger elle est beaucoup plus grande qu'aucune ville d'Hollande excepté Amsterdam, a laquelle on croit qu'elle ne cede pas beaucoup. Depuis Paris on croit qu'elle est la premiere en grandeur de toute la France. L'apresdiner apres nous estre promenez encor quelque temps nous allasmes voir la Comedie qui s'ij representoit tous les jours en 2 differens endroits. Ils representerent ce jour là l'Agrippine de Bergerac et firent assez bien. 13. Nous vismes le matin ce qui nous restoit encor à voir de la ville, un marchand nommè Monsr Wessel à qui Monsr Hoeuft à la HayeGa naar voetnoot28) nous avoit donné adresse nous conduisant par tout. Nous vismes donques l'eglise de N. Dame qui est un fort beau bastiment, sur tout le grand frontispice du costé d'un marché; nous montasmes mesme sur le grand clocher qui s'appelle la Pyramide et est plus haut que les deux autres qui sont sur la mesme eglise avec lesquels il a communication par des galeries jusques à une certaine hauteur. Il est haut de 300. degrez de pierre de taille et apres cela encor de 200. de bois. Dans la plus grosse tour des trois qui s'appelle la tour du beurre est un fort grand clocher que le Cardinal Amboise cijdevant Archevesque de la villeGa naar voetnoot29) ij avoit mis, on disoit qu'il estoit de 11000 livres. Le vieux PalaisGa naar voetnoot30) est un grand chasteau à hautes murailles et 6. ou 7. grosses tours à l'entour presque comme la bastille à Paris; on disoit qu'il n'ij a pas grand chose à voir par dedans, de sorte que nous n'ij entrasmes point. On y tient tousiours quelque petite garnison. Le Palais ou le Parlement s'assemble est d'une assez grande estendüe. La grande salleGa naar voetnoot31) ou se plaident les causes est pour le moins aussij grande que celle de la Haije et tousiours remplie de monde qui font un bruit espouventable ce qui n'empesche pourtant pas les clercqs des Procureurs et Notaires qui ij sont assis chacun à sa petite table en tres-grand nombre, d'expedier leurs affaires. Outre cela il ij a la grand chambreGa naar voetnoot32) toute lambrissee en haut, ou le Parlement a sa seance. Les Presidents ij sont en robbe rouge et se font porter la queüe. Il ij a encor la chambre de l'Edict qui est plus particulierement pour ceux de la Religion, de laquelle il ij a 3 conseillers, le Parlement entier estant compose environ du nombre de 60. Nous entrasmes encor dans la cour de la maison de ville, ou il n'ij a pas grand | |
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chose à voir, à cause que toutes les causes viennent à la premiere instance au Parlement comme en toutes les autres villes ou il ij a le Parlement d'une Province. Le Palais du RoijGa naar voetnoot33) ou il loge quand il est à Rouen est un petit meschant bastiment et fort sale. Il est proche de l'Eglise de St. Ouin qui est assez belle. Proche de notre maison il ij a une placeGa naar voetnoot34) ou il ij a une fontaine aupres de la quelle on dit que la pucelle d'Orleans a esté bruslee. Le lieu le plus agreable de toute la ville est le quaij de la Seine qui est large et tousiours remplij de toutes sortes de marchandise. Le PontGa naar voetnoot35) a esté tres-beau, mais est abatu environ de la moitié, les arches qui restent sont fort hautes et larges. Au lieu de cettuij cij, un peu plus haut on en a fait un autre de batteaux dont on se sert, qui est pavé comme sont les rües, on le peut ouvrir d'un costé pour donner passage aux navires qui veulent monter ou descendre la riviere. A une lieue de la ville de l'autre costé de la Seine est l'église de ceux de la Religion en un village qui s'appelle Quevillij. La Riviere est toute semee d'Isles de diferentes grandeurs qui servent la pluspart a blanchir de la toile. Apres avoir parcouru ce qu'il ij a de plus beau à voir en la ville, monsr Wessel nous mena l'apresdiner dans une barque couverte de toile et de verdure, nous promener sur l'eau. Il avoit prié deux autres marchands Flamands ses camarades pour nous faire compagnie a cause que Messrs Oelenfelt et Chevreau estoijent engagez ailleurs. Il nous mena premierement dans un jardin d'un certain Mr Leonard autre marchand Flamand lequel arrivant pendant que nous y estions à regarder sa maison, qui estoit assez jolie, il nous receut avec des civilitez assez froides. Apres cela ils nous menerent dans le jardin du beaupere d'un de ces messieurs qui estoit avec nous nommé Kapper, ou nous trouvasmes sa jeune femme et quelque autre compagnie qui nous furent tres-civils. Au sortir de là on nous mena chez un chanoine fort vieux nommé Monsr Brasdefer qui avoit sa maison, aussij bien que celles que j'aij desia dites, sçituee au penchant de la mesme montagne sur laquelle est Roüen, sur le bord de la Seine; mais incomparablement plus belle que les autres et ou les jardins à triple ou quadruple estage en montant tousiours contre la montagne par des beaux degrez de pierre de taille, vous faisoijent decouvrir une veüe miraculeusement belle par dessus cette belle riviere et une campagne presque toute unie et bigarree de diverses sortes de bleds au de là de l'eau; en fin j'advoüe que c'estoijt la chose la plus ravissante que jusqu'a ce temps là je me souvenois d'avoir veüe. La maison aussij estoit fort belle et bastie selon la nouvelle architecture, nous ne la vismes pas par dedans, à cause que le maistre ij estoit avec quelque autre compagnie qui l'estoit venu voir. Derriere tout ce beau jardin et encor entre deux des jardins les plus bas passoijent deux grands chemins par | |
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ou estoit contraint de passer tout ce qui vouloit entrer de ce coste là dans la ville de Roüen, et tout cela sans donner la moindre incommodité au jardin, car ce dernier chemin d'en bas passoit entre 2. murailles assez hautes et par dessous d'un pont, qui donnoit la communication de l'un jardin à l'autre. Apres nous estre rembarquez ils nous menerent à quelqu'une de ces belles Isles qui sont dans le fleuve ou nous estans cachez soubs l'ombre de quelques arbres avec nostre petite barque, on nous servit à souper avec 7. ou 8. tres bons plats de viande et apres cela avec autant de plats de fruit, et fort excellent vin avec tout cela. Enfin nous voylà dans la bonne chere jusques à 10. ou 11. heures du soir, quand mr van der Sprangen proposa d'aller retrouver encor la compagnie que nous avions laissee chez son beaupere, ce qu'aijans tous approuvez nous ij retournasmes encore soubs pretexte de venir puiser une bouteille d'eau d'une fontaine qu'ij avions veüe auparavant, ce qu'estant fait et eux s'estans encor quelquetemps promenez avec nous sur l'eau nous nous en retournasmes à la ville trescontents de la bonne chere dont le bon monsr Wessel nous avait regalez. En passant par devant son logis il nous obligea encore de monter en sa chambre ou il nous fit manger encore de tres-excellentes confitures. Le 14me nous partismes de bonne heure avec le messager pour Paris; paijasmes 12. francs par teste, et eusmes des chevaux un peu meilleurs que ceux de Diepe. Nous passasmes par Fleurij et fismes assez bonne chere le midij à Escoij aux depens du messager encore que nous ne fussions gueres moins de 25. personnes à table. L'apres-diner passasmes par St. Clair petite ville, laissasmes Chasteau Sujette à la main droite fur une hauteur, et arrivasmes en fin le soir à Magnij ou nous couchasmes tous dans une mesme hostellerie sans nous mettre en peine de quoij que ce fut au monde. Le 15me montasmes à cheval à 6 heures, passasmes par Vignij et disnasmes à Pontoise, assez jolie ville scituée sur l'Oise avec un chasteau sur le haut de la montagne ou le Roy se retira quelque temps durant le siege de Paris. On passe icij l'Oise sur un pont dont la ville porte le nom. Apres diner estans remontez à cheval passasmes par Aumosne et Franconville villages et par devant un couvent qui s'appelle Maubisson, apres par Aubraij autre village, et laissans Cormeille à main gauche et Maisons a droite arrivasmes en fin a Argenteuil, ou nous estans rafraischis un moment passasmes la Seine dans un bacq ou ponton, et environ une petite lieue apres encor une fois, et entrasines à la fin vers les 6. heures du soir dans Paris par le faubourg et porte St. Honoré. Depuis Argenteuil il n'avoit presque rien fait que pleuvoir, en sorte que le temps estant obscur nous ne vismes presque Paris que quand nous fusmes desia tout contre. Depuis Roüen jusqu'a Paris le terroir est tres-beau et fertile, particulierement vers Paris, ou tout n'est que bled et vignoble sans qu'il ij aijt un pouce de terre de perdu. On conte de distance entre ces deux villes 28. lieues qui font environ vingt et 2 des nostres. Nous allasmes loger au fauxbourg St. Germain à la rüe de Serne, chez Monglas à la ville de Brisac. | |
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Nous interrompons ici le récit de Lodewijk puisqu'il ne dit rien du séjour à Paris, se contentant de mentionner que les quatre jeunes voyageurs s'y arrêtèrent environ deux semaines. Quoique Christiaan eût l'intention - dit-il le 6 aoûtGa naar voetnoot36) - de ‘differer les visites’ jusqu'après le ‘voyage d'Angiers’, nous constatons que dans les quelques semaines de son premier séjour à Paris, entre le 15 juillet et cette date, il en fit déjà plusieurs. C'est ce qui résulte de ses lettres du 23 juillet à Constantyn frèreGa naar voetnoot37) et du 6 août à son pèreGa naar voetnoot36). Ce furent d'abord les visites officielles qu'il convenait à des jeunes gens bien nés de la Haye de faire dès leur arrivée à Paris: celle à l'ambassadeur néerlandais BoreelGa naar voetnoot38) et celle à M. Brasset qui avait été ministre résidant de la France en Hollande. Boreel ‘tint fort sa gravité’. Dans une lettre que nous ne possédons pas le père Constantyn interpréta cette expression en ce sens que ses fils auraient été reçus avec froideur, ce que Christiaan dit n'avoir pas écrit. Au contraire il s'est montré ‘fort affable et nous a fait disner avecq luy une fois que nous estions pour entendre le presche chez luy’. Il est vrai qu' ‘il sort le premier de sa chambre, en nous conduisant, ce que Monsieur Chanut ne voudroit jamais avoir fait’. Pierre de Chanut était, depuis 1653, le successeur de Brasset à la HayeGa naar voetnoot39). Quant à ce dernier, les frères Huygens le connaissaient apparemment également bien, lui et sa famille, puisque Christiaan dit de Mademoiselle sa fille qu'il la trouva ‘fort scavante de tout ce qui se passe en Hollande jusqu'au moindre chose, au reste un peu moins belle que par le passé, et ce non obstant de tres bonne humeur comme tousjours’. C'est ce Willem Boreel qui s'est intéressé à la question historique de la construction des premiers microscopes et télescopes comme Christiaan le savait peut-être. En a-t-on parlé à table? La chose n'est certes pas impossible, quoique nullement certaine. La lettre écrite par Boreel aux membres du gouvernement de Middelburg, sa ville natale, sur ce sujetGa naar voetnoot40) date de janvier de cette même année 1655: il y demande des renseignements sur le constructeur LipperheyGa naar voetnoot41) ce qui donna lieu, comme il le demandait, à un examen de la question par les autorités de la ville. Christiaan s'est toujours montré d'avis que Jacob Metius n'a pas été le premier inventeur comme l'avait dit DescartesGa naar voetnoot42). Boreel, si la conversation est tombée sur ce sujet, a sans doute pu annoncer à | |
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Christiaan (mais celui-ci peut bien aussi l'avoir déjà su d'ailleurs) l'apparition prochaine - en cette même année - chez A. Vlacq à la Haye du livre du parisien P. Borel, médecin ordinaire de Louis XIV, qu'il connaissait personnellement et qui fut probablement l'homme qui l'avait poussé à écrire sa lettre de janvier, livre intitulé ‘De vero Telescopii inventore, cum brevi omnium conspiciliorum historia. Etc.Ga naar voetnoot43)’. Il eût été peu convenable de ne pas assister au ‘presche’ dans la chapelle protestante de l'Hôtel des Ambassadeurs. En ce temps il était de bon ton de fréquenter l'église; et surtout dans un pays en majorité catholique les protestants néerlandais de passage devaient bien se montrer animés de sentiments patriotiques en faisant acte de présence. D'ailleurs à la Haye comme à LeidenGa naar voetnoot44) les frères Huygens assistaient régulièrement au culte protestant. Il y eut en outre des visites chez l'organiste du Roi de la Barre - nous en avons dit un mot plus hautGa naar voetnoot45) - ainsi que chez les ‘fameux Mathematiciens’ Gassendi et Boulliau, l'un et l'autre ecclésiastiques. Le premier n'avait encore que quelques mois à vivre: il décéda le 24 octobre. Nous ignorons si son état de santé lui permettait encore d'avoir avec Huygens une conversation fort intéressante. C'est ici la première fois qu'il est nommé dans la Correspondance. Comme Huygens avait grande envie de le rencontrerGa naar voetnoot46) et que dans quelques mois il dira avoir appris la nouvelle de sa mort à son ‘grand regretGa naar voetnoot47)’, il semble bien du moins avoir eu avec lui une conversation suivie. C'est ce qui résulte aussi plus ou moins du fait que Huygens fait mention de sa visite à Gassendi dans le ‘Systema SaturniumGa naar voetnoot48)’ disant lui avoir fait part de sa découverte d'un satellite et avoir reçu de lui le conseil de la publier. La Correspondance ne fait pas voir, ce qui pourtant semble probable, que Huygens avait déjà feuilleté ses Oeuvres. Nous avons remarqué plusieurs fois dans les tomes précédents - p.e. aux p. 434 et 439 du T. XXI - qu'en admettant le vide et de véritables atomes Huygens se distance de Descartes et qu'en cette importante matière il faut plutôt l'appeler gassendiste. La conversation de 1655 peut avoir eu sur lui une influence nullement négligeable. Le père Constantyn ne semble pas s'être intéressé spécialement à Gassendi. Il est vrai qu'en 1642 A. Rivet dans une lettre à luiGa naar voetnoot49) dit, à propos des ‘Meditations’ de Descartes, que Gassendi n'est pas toujours d'accord avec ce dernier | |
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et qu'en 1643 un autre correspondant parle brièvement dans le même sensGa naar voetnoot50), mais nous ne connaissons pas de réponse de Constantyn sur ce sujet. Rivet et Bornius ont pu mentionner Gassendi lorsque Christiaan était à Breda. Quant à Boulliau, Huygens avait acheté son ‘Astronomia philolaica’ en 1653Ga naar voetnoot51); nous ne trouvons pas qu'avant ou après cet achat il ait exprimé (avant août 1655 bien entendu) aucune opinion sur ce livre ou son auteur. Dans la Correspondance du père Constantyn le nom n'est mentionné qu'une seule fois, en 1638 dans une lettre de DescartesGa naar voetnoot52): Constantyn lui avait envoyé le livre de Boulliau de l'année précédente ‘De lucis natura’. Christiaan eut l'occasion, en le visitant, de voir pour la première fois la Bibliothèque Royale où Boulliau avait un appartement et où ‘s'assemblent tous les jours les illustres’. Il ne dit pas si dans cette première entrevue il a déjà fait connaître à Boulliau sa découverte toute récente d'un satellite de Saturne; il est possible, quoiqu'il en eût parlé à Gassendi, qu'il s'est réservé cette révélation jusqu'après le voyage de la Loire qui comportait une visite à Angers où sans doute les jeunes gens étaient attendus. Donnons maintenant de nouveau la parole à Lodewijk. | |
Juillet.Apres nous estre arresté environ 15. jours à Paris, nous allasmes faire un petit voijage pour voir quelquesunes de ces belles maisons dont on dit qu'il ij en a pres de 400. à l'entour de la ville. Nous partismes donc, mes cousins Doublet et Eijckberg, mon frere et moij avec deux valets, en carosse a 4 chevaux. 29. le 29me de Juillet, passasmes par St. Denis ou nous croijions voir le Thresor et cette grande quantité de reliques qu'il ij a, mais comme on ne les monstroit qu'à un heure d'apres disner, nous n'eusmes pas assez de devotion pour ij attendre jusqu'a ce temps là; le chemin depuis Paris jusqu'a St. Denis ou il ij a 3. lieues est tout pavé, mais pourtant assez mauvais; à chaque demij lieüe environ on voit des croix eslevëes qui paroissent estre assez antiques, ou l'on dit que St. DenisGa naar voetnoot53) s'est reposé quand il portoit sa teste depuis Montmartre jusques à ce bourg. Nous nous contentasmes donc icij d'un petit livre qu'on nous vendit, ou toutes les reliques et choses pretieuses sont | |
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specifiées et passasmes outre par un village nommé Sarcelle et de là à EscoonGa naar voetnoot54) autre village a 6. lieues de Paris, ou en attendant qu'on nous apprestoit à disner, nous allasmes voir la Maison RoijaleGa naar voetnoot55) qui est à present à Madme la Duchesse d'Angoulesme. Elle est scituee sur une petite montagne, en sorte que la veüe de l'un costé ij est fort plaisante et de belle estendüe, car de l'autre costé elle est bornee par un petit bois fort jolij de Chastaigners de haute fustaije. La maison est quarree, avec des pavillons sur chaque coin, fort bien bastie et embellie, particulierement par dedans la court, au reste fort peu meublée. Dans une galerie il y avoit une chose assez remarquable, à sçavoir une table de 4. pieds de longueur et 2. de large coupée d'un sep de vigne tout d'une piece. En partant d'icij nous passasmes a 2½ lieues de là par Lusarche bourg assez jolij et arrivasmes le soir à Chantillij; environ à une lieue du chasteau nous entrasmes dans une forest qui nous mena par des chemins fort agreables jusqu'au dit chasteau. En passant par devant une porte de bois que nous laissasmes à la main gauche on nous dit qu'il ij avoit là un jeu de mail assez beau. Chantillij est scituè au milieu d'un estang que la petite riviere d'Aunet fait en ce lieu; a une demij lieue de là elle en fait un autre qui s'appelle l'estang de Gouvieu. Anne de Monmorancij qui fut tuè à la bataille de Senlis en est le fondateurGa naar voetnoot56); elle est à present au Roij qui en jouit par confiscation sur le P. de CondéGa naar voetnoot57). Le bastiment en est fort beau mais irregulier à cause des roches sur lesquelles il est fondé, et qu'il a fallu suivre. Il ij avoit pourtant de fort beaux appartemens dedans et quelques uns ou on travailloit encore pour le Roij et la Reijne qui s'ij viennent divertir quelquefois à la chasse, laquelle ij est merveilleusement bonne puis qu'on la garde tout seulement pour Sa Majesté; nous vismes 5 ou 6 beaux levriers pendus à un arbre, dont quelques Gentilshommes du voisinage s'estoit [sic] voulu servir pour contrevenir à cette defence. Tout a l'entour de la maison il y a de l'eau d'une fort grande largeur et extremement belle et claire, car outre que l'estang l'est naturellement, il ij a encore plusieurs sources de fontaine qui ij donnent dedans dont il ij en [a] quelquesunes dans l'estang mesme, de sorte qu'il en sort continuellement de l'eau par des tuyaux d'une excessive grosseur, qui depuis est derivee par des autres canaux qui environnent les jardins et passent le long de certaines allees couvertes, les plus agreables qu'on puisse voir. Les jardins estoijent assez beaux mais pas trop | |
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CHATEAU DE VERNEUIL (gravure d' Israël Silvestre).
CHATEAU DE CHANTILLY (gravure d' Isr aël Silvestre).
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bien entretenus, dans une galerie qui estoit au bout il ij avoit quantité de testes de cerfs attachez contre la muraille; des peintures qui estoijent en fresco contre la muraille estoijent presque entierement effacees, on disoit qu'elles avoit [sic] estè belles. De l'autre costé de la maison il ij avoit un parq, qui estoit aussij tres beau et espais avec des allees qu'on ij avoit taillees dedans, par une de celles-cij on alloit à une maison où l'on nourissoit quantité de faifants, un aigle et un pellican qu'on disoit avoir eu desia plus de 60. ans quand il fut porté icij, il estoit noir, la teste rouge comme celle des cocqs d'Inde, dont il avoit presque aussij la grandeur. Dans une court en allant à ce parq il ij a une grande statue à cheval de bronze dans une grille de fer de Henrij de Monmorencij Connestable de France et fils de Anne de Monm. duquel on nous montroit les armes dans lesquelles il avoit esté tué à la bataille de SenlisGa naar voetnoot58); elles estoijent percées par derriere au dessoubs de l'espaulle d'un coup de mousquet et le casque d'outre en outre d'un coup de pistolet. Dans le même magazin ou nous vismes ces armes il ij en avoit une infinité d'autres pour la pluspart fort anciennes et riches; entre autres des gardes d'espees fort curieusement damasquinées et bien d'un autre façon qu'on ne le fait à cet heure. Il ij en avoit deux de Connestables qui avoyent esté toutes deux dans la maison, et une de Henrij 4. avec des grandes H sur le pommeau de la garde. Le Duc de St. Simon en est presentement Gouverneur, mais ne s'y [rend] gueres aijant une autre maison à quelque 2 lieues de la proche de Creil. Le 30me. Nous partismes de bonne heure et arrivasmes environ à 8. heures à Verneuil, autre beau chasteau appartenant à Mr. l'Evesque de MetsGa naar voetnoot59), Abbé de St. Germain à Paris; il est fils de Henrij 4. aagé environ de 50 ansGa naar voetnoot60). Il estoit alors icij mais s'estoit allé promener avec l'Evesque de Senlis qui l'estoit venu voir. Nous descendismes du carosse à l'entrée du parq qui appartient à la maison, et vismes d'abord en entrant 4. ou 5. allees coupees dans l'espaisseur de ce petit bois d'une fort jolie largeur, celle qui estoit au milieu servoit de mail, encore qu'elle ne fut separee que d'un petit espalier. Toutes ces allees estoijent fort couvertes de sorte qu'on ij estoit tout à fait à l'abrij du Soleil. En avançant tousiours le long de ce mail vers la maison nous vismes plusieurs semblables allées à costé qui coupoijent les autres dont il ij en avoit quelquesunes à perte de veüe. Au bout du mail qui est à la porte du chasteau vous descouvrez en sortant du bois une des plus jolijes valées qu'on puisse voir à la main droite, la maison estant scituée sur une montagne assez eslevee. Elle est commencée à bastir par un Comte de DampmartinGa naar voetnoot61) et achevée par henrij 4. L'Architecture | |
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en est assez belle et ressemble parfaitement bien au desseing que Israel SilvesterGa naar voetnoot62) en a mis en lumiere. Les meubles en estoijent assez mediocres pour un maistre de la condition de celuij à qui elle appartient. Pour tout jardinage il n'ij avoit qu'un petit parterre et point d'autre eau que quelques canaux de peu d'importance en bas. Environ à un coup de mousquet de la maison au pied de la montagne il y avoit un autre chasteau de vieille structure qui servoit de demeure au Receveur de Mr l'évesque. En partant d'icij nous passasmes à un demy lieue de chemin à gauche la rivière d'Oijse qui se jette dans la Seine au dessoubs de Paris à Conflans. On la passe icij dans un bacq. Sur le bord de l'eau nous vismes une tres grande quantité de bois à brusler pour estre porté à Paris dans ces grand batteaux dont on en void une si grande quantitè le long de la riviere par toute la ville. Nous passasmes encor par un village nommé Rieux et arrivasmes vers le midij à Liancour, ou apres avoir disné legerement (comme il se fait aux jours maigres aux lieux ou il n'ij a point de poisson) nous allasmes voir ce jardin tant fameux, qu'on dit n'avoir point de semblable de toute la France. Du grand chemin qui passe par devant la premiere porte vous entrez dans une grande bassecourt ou il ij a les offices des escuries de la maison, à laquelle vous montez de là par un escalier de peu de degrez. Le bastiment en est tout à fait beau et regulier au moins à ce que nous en peusmes juger par dehors, car à cause que Monsr le DucGa naar voetnoot63) ij estoit luijmesme avec sa famille qui occupoijent une bonne partie des appartements nous n'ij entrasmes point; et nous contentasmes de la veüe du Jardin qui effectivement est un des plus beaux ouvrages que l'industrie et la nature ensemble aijent jamais produit. Je ne m'amuseraij point à en faire icij une description exacte car outre qu'il faudroit trop de temps pour cela, on en a fait dernierement un plan assez curieux et Israel Silvester mesme nous en promet en peu de temps une bonne quantité de veues. Il ij estoit à present à travailler aux dites planches et à un cabinet qu'il peint avec un autre peintre pour Madme de Liancourt. Une des belles choses que j'aije remarquè en ce jardin est un fort bel estang d'eau la plus claire du monde, on il ij [a] au milieu un cabinet de verdure avec 8. ou 10. fontaines. Un autre estang ou il ij a 25. jets d'eau d'une fort belle hauteur qui ij sautent continuellement et dans un prè verd qui est au milieu uné cascade qui jette continuellement une tres-grande quantitè d'eau. Il ij a outre cela au bout d'un canal contre une allée obscure ou l'on monte de deux costez 17. jets d'eau chacun de la grosseur d'un poulce. Mais le plus [beau] de tous à mon advis est le parterre qui est à costé du chasteau qui est tout entouré de fort belles allees d'arbres et une tres-belle fontaine au milieu dans laquelle des monstres marins jettent | |
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une quantitè furieuse d'eau vers les bords de ladite fontaine. En regardant de la vers la maison il ij a une cascade tout du long du parterre de...jets d'eau qui tombent chacun en ses bassins ou grandes conches appropriées à cela. Outre ces fontaines il ij en a une infinitè d'autres toutes tres belles et copieuses, et il n'ij a presque pas une allée dans tout ce grand jardin qui ne regarde sur quelque fontaine diverse et mesme la plus part de diverse façon. A costè du jardin il ij a encore une prairie qui est remarquable pour sa grandeur et pour estre entourée de deux beaux grand canaulx, et entre ces deux d'une allee de 4. ou 5. rangees d'arbres. De Liancour nous arrivasmes l'apresdinée à Creil, ou il ij a un chasteau qui appartient au P. Thomas de la part de sa femme la Princesse de Carignan qui l'a par engagement de la couronne. Le Chasteau est bien vieux, au reste bien bastij et avec des murailles tres-espaissesGa naar voetnoot64). Il n'ij avoit presque point de meubles dedans à cause que la princesse n'y vient gueres souvent et le Prince encor moins. On nous ij monstra un petit cabinet qui estoit tout de fer couvert pourtant de plastre, lequel avoit servij autrefois pour enfermer le Roij Charles 5.me lors qu'il estoit despourveu de sensGa naar voetnoot65); il avoit la veue sur une terrasse à balustre de fer et de là sur un jolij parterre et au de là sur une isle qui estoit au milieu de la riviere d'Oijse, de l'un costè de la riviere il ij avoit des montagnes et de l'autre une campagne rase d'une fort belle estendüe. A la main gauche du chasteau estoit un parq avec des arbres de haute fustaije et des allées coupees là dedans. Le soir nous arrivasmes à Senlis, une fort jolie petite ville appartenant à l'evesque dudit lieu. Il ij a trois ou 4. eglises assez belles, dans la cathedrale il ij a des Chanoines, et un clocher assez haut. Le fossé de la ville est assez large et fort creux. Apres avoir soupé et couché icij 31. dans une hostellerie ou le Roij d'Angleterre et le Duc de Yorke avoijent logé 3. ou 4. jours, nous partismes le lendemain et arrivasmes de bonne heure à Dampmartin bourg mediocre sur une montagne assez haute dont la veue est merveilleuse en ij montant, sur une campagne de plus de 20. ou 30. lieues d'estendue. Il appartient proprement au P. de Condé, mais le Roij en jouit par confiscation. Aijans disnè icij nous avançasmes notre chemin et aijans laissé Nantouillet à gauche et plusieurs autres chasteaux de costé et d'autres, arrivasmes à 4 heures environ a Fresnes qui est une tres belle maison de monsr. le Plessis Guenegaud secretaire d'EstatGa naar voetnoot66); il l'avoit acheté il y a environ 15 ou 16 ans du duc de St. Simon et ses coheritiers en la succession de | |
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Mad.me de Fresnes. Mr. Forget autre secretaire d'EstatGa naar voetnoot67) l'avoit bastie, mais cettuij cij l'avoit entierement achevé et mis en l'estat ou elle estoit. Les chambres par dedans estoijent fort propres et tres bien meublees avecque des grands beaux lits de velours et toile d'or a grosse crepine d'or et d'argent, des tapisseries de muraille il ij en avoit par toutes les chambres et bien belles mais à cause qu'il n'ij estoit pas à present il n'ij en avoit que peu de tendues. On nous mena aussij dans sa bibliotheque qui estoit petite, mais propre et de livres tous bien reliez. Au dessus de la porte il ij a une fort belle chapelle en dome, à laquelle on va de deux costez par une terrasse fort large. Elle est de fort belle architecture et embellie par dedans par des tres-beaux autels de marbre et statues dorees et tout le reste peint par un fort bon maistre. A la main gauche de la bassecourt on entre par une grille de fer dans un parq ou d'abord vous entrez dans une allée large de 60. pieds qui a la veue a l'autre bout sur une campagne tresbelle, à costè de cette grande il ij a plusieurs autres allees toutes coupees dans l'espaisseur du bois et bornees entre les arbres de chaque costè, (comme est aussij la grande dont je viens de parler et presque toutes celles que j'aij veues de la mesme nature) par un espailler qui monte jusqu'a 20. ou 30. pieds de hauteur, qui fait une tapisserie de costè et d'autre fort agreable. Il ij avoit plusieurs de ces allées en estoille et çà et là des cabinets de chipres et sapins ou il faisoit travailler encore tous les jours. Derriere la maison sont deux grands parterres l'un en suite de l'autre et un rond d'eau dans le dernier, ou il devoit faire faire une fontaine bientost. Le sossé de la maison estoit pour le moins large de 60. pieds et tout le bord de pierre de taille. Le soir en partant d'icij nous arrivasmes à Meaux fort belle ville sur les deux bords de la Riviere la Marne qui se va rendre dans la Seijne à Conflans au dessus de Paris, on la passe icij par un pont de bois ou il ij a force moulins à bled et autre usage. Nous fusmes logez tout contre l'Eglise de St. Estienne qui est fort grande et embellie par dehors; elle a aussij des Chanoines. Le gouverneur de la ville estoit lors le M. de l'hospitalGa naar voetnoot68) et soubs luij son nepveu monsr. de Vitrij. Nostre hostesse estoit assez jolie et nous traitta civilement. | |
Augustus.Le 1. nous arrivasines à deux lieues de là à Monceaux apres avoir passé la Marne à un quart de liëue de Meaux. Monceaux est un des plus beaux chasteaux qu'on puisse voir; il est scitué sur une montagne et a la veue merveilleuse sur la campagne d'alen- | |
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tour. Henrij 4. l'a fait bastir du temps qu'il estoit amoureux de la belle GabrielleGa naar voetnoot69) de laquelle on rencontre par tout des chifres meslez avec le sien. Il a esté depuis l'apennage de la Reijne mere et a [esté] exposé en vente par des affiches depuis sa mort pour le paijement de ces debtes, mais comme personne ne l'est venu acheter elle est demeurée au Roij de qui elle est fort mal entretenue et se va ruiner assurement si on n'ij met ordre. Le domaine en est tout à fait aliené au d. d'ElboeufGa naar voetnoot70) qui a une maison icij aupres qui s'appelle Montmareuil; tous les vitres en sont cassez, la pluspart par une gresle qui tomba l'annee passee. La bassecourt pour les offices qui est devant la maison est extremement grande et à moitiè achevée de bastir. Tout à l'entour du chasteau il ij a une terrasse fort large et sur chaque coin un pavillon fort jolij, qui ont servij de logement aux 4. secretaires d'Estat. Sur la grande porte de devant il ij a une chapelle de fort belle architecture en forme de dome, et tout le reste de la maison merveilleusement bien bastij, avec des tres-beaux appartemens et galeries par dedans. Il ij a mesme une salle de Comediens de la quelle on s'est servij la derniere fois au mariage de la Reijne d'Angleterre. Il y a aussij un jeu de paulme dans la premiere court, de la quelle la veue est fort agreable sur la campagne, et sur tout quand on monte sur une petite tour qui est au dessus de la maison. Tout contre la maison il ij a un parq et des allees d'ormiersGa naar voetnoot71) fort agreables mais mal entretenües comme tout le reste, des parterres qui sont derriere la maison on ne sçauroit plus reconnoistre la figure. De Monceaux nous arrivasmes vers le midij à Coulombier qui est a 4 lieues de là, et vismes en passant Onoij, maison assez belle sçituee contre un jolij boccage comme sont la pluspart des chasteaux de ce pais icij. CoulombierGa naar voetnoot72) est sçituè dans un vallon proche d'un bourg du mesme nom, il appartient à monsr. de LonguevilleGa naar voetnoot73) et luy est venu du costè de sa mere qui l'a bastij. L'architecture en est fort bonne et le dehors extremement embellij par toute sorte d'ornemens, et entre autres par trois rangees de statues l'un par dessus l'autre tout au tour de la court. L'appartement de monsr. de Longueville, comme de celuij du duc de Nemour qui ij est souventGa naar voetnoot74) sont en | |
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bas, celuij de MadameGa naar voetnoot75) et de Madle de Longueville en haut, et le tout fort richement meublé sur tout le quartier de Madame, ou dans une Alcobe fort doree et peinte il ij avoit un lict de toile d'argent à grosses franges d'or et d'argent et le reste de l'alcobe tapissè de mesme; la chambre estoit avec du velours d'escarlatte garnij de passement d'or et argent de la largeur d'une main. La maison est fort grande; du costé droit en entrant elle n'est pas encor tout à fait achevée par dedans, mais on y travaille tous les iours. Une piece encore fort remarquable dans la maison est le grand escalier (qui est au milieu du bastiment vis à vis de la porte par ou on entre) car outre sa grandeur et largeur assez extraordinaire il est soutenu au lieu des colomnes par des grandes statües deux à deux de pierre de taille qui est fort magnifique à voir. Le fossé du Chasteau est aussij fort ample et tout de pierre de taille, il ij avoit eu un pont de mesme par derriere pour entrer dans les jardins, mais à cause des guerres civiles on avoit trouvè bon de l'abattre; on ij passoit donc a cet heure par un autre de bois dans un parterre fort beau et bien entretenu et au bout dudit parterre dans un parq avec des fort belles allées en estoille et avec des espaillers à costé entre les arbres. Apres avoir disné icij nous allasmes pour coucher à Rozoij mais avant que d'ij arriver nous nous esgarasmes plus de 2 lieues de sorte qu'il estoit desia bien tard avant que nous ij entrasmes. C'est une petite ville inhabitée pour la plus part par des bergers ce qui a donné sujet a l'autheur du berger extravagantGa naar voetnoot76) de choisir ce pais d'alentour pour le theatre d'une partie des aventures de son pasteur. Rozoij appartient aux Chanoines de N. Dame à Paris. 2. Le lendemain nous disnasmes à Melun à 6. lieues de là, ayans veu plusieurs chasteaux assez jolis en passant. La ville de Melun est assez grande et marchande estant scituee sur la Riviere de Seine en mesme forme que Paris à sçavoir de chaque costè de la riviere et sur une Isle entre deux: on dit mesme qu'elle est plus vielle que Paris, et qu'ayant autrefois estè nommé Isis, Paris eut son nom de ce qu'elle estoit semblable à Isis, Par-Isis. Au bout de l'Isle qui fait une partie de la ville il ij a un vieux chasteau de peu d'importance. Vers les 6 heures du soir nous arrivasmes à Fontainebleau qui est à 4. lieues de Melun, aijans passé pour plus de 3. lieues par une fort belle forest qui s'estend jusqu'au village. Sur le chemin il ij a une table de marbre ou le Roij a accoustumè de faire collation quand il va à la chasse. Le Chasteau de Fontainebleau est le plus grand de toutes les maisons roijales et sans controverse le plus beau. Il consiste en 8. ou 9. bassecourts basties tout au tour, dans lesquelles on dit qu'il ij a pres de 900. chambres logeables. Le bastiment de tout cela ensemble est fort irregulier, comme estant bastij par plusieurs Roijs successivement | |
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CHATEAU DE FONTAINEBLEAU (gravure d'Israël Silvestre).
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depuis François premier qui l'a commencé pour complaire à sa fille Glaude qui descouvrit la fontaine dont il porte le nom. Nous entrasmes par la court de la conciergerie de laquelle on nous mena dans une galerie qu'on appelle la Galerie aux cerfs à cause de quantitè de testes de cerfs qui ij sont contre les murailles avec une inscription soubs chacun du temps qu'il a estè pris d'un tel Roij. Elle a 3. toises de 5. p. de large et 28. de long. Il ij a encore icij les pourtraits de toutes les maisons roijales qui sont en France avec la sçituation de chacun fort exactement exprimées, peintes sur la muraille. De là nous montasmes à celle de la ReijneGa naar voetnoot77) qui est au dessus de celle cij et de la mesme grandeur: celle-cij est fort bien peinte et voutee en haut. Au bout il ij [a] un vestibule qui est peint par Du BoisGa naar voetnoot78) fort bon maistre, par lequel on entre dans le cabinet de la ReijneGa naar voetnoot79) qui est peint par le mesme de l'histoire de Tancrede et Clorinde qui est dans la Gerusaleme de Tasso. De là on entre dans un autre cabinet de la Reijne où elle tient cercle qui est aussij fort beau, le plancher peint et lambrissè et les murailles couvertes de fort belles tapisseries. Par cettuij cij on entre dans la chambre de la Reijne qui est tapissée de cuir doré et le plancher tout couvert de dorure sur des lambris tres excellens. La chambre ou elle s'habille est jointe à celle-cij qui est un cabinet tout plein des plus beaux originaulx Italiens qu'on puisse voir, entre autres il ij a une nativité de Nostre Seigneur par Raphael qu'on estime à 50 mille escus. Il ij a du mesme la Reijne Jeanne de Naples une vierge avec un St. Jean et nostre seigneur, devant la cheminee un St. Michel contre les fenestres et plusieurs autres. De Leonardo DavinciGa naar voetnoot80) il ij a la salutation de nostre Dame avec Elisabet qui est en taille douce et une Jocunda dame Romaine. De Titian il ij a la Madeleine et un autre visage de femme noir, dont nous avons les copies et plusieurs autres encor des meilleurs maistres d'Italie. D'icij on nous mena dans la chambre du Roij qui est aussij fort bien adjustee de tous costez et tapissée de cuir doré, avec des tableaux fort excellens par dessus et le pourtrait du Roij Louis 3.Ga naar voetnoot81) entre celuij de H. 4. et le Duc d'Orleans devant la cheminee. En sortant d'icij on nous mena dans le cabinet du RoijGa naar voetnoot82) qui est en forme ovale et peint de l'histoire de Theagenes et Cariclée par du Bois. Au de là il ij a une salle ou la Reijne mange et encore une autre pour ses gardes. Il ij a encor en ce mesme quartier la chambre d'audience du Roij, ou le Marechal de Biron fut arrestèGa naar voetnoot83); un autre ou le Roij mange | |
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qui est peinte en fresco, un antichambre meublee de cuir doré et une salle des gardes de mesme. Tous ces appartemens susdits ont leur veue sur le jardin de la reijneGa naar voetnoot84), qui est un fort jolij parterre, embellij par des tres-belles statues dont quelquesunes paroissoijent estre antiques d'en haut, car nous n'y entrasmes point. Sur le mesme jardin vis à vis de ces appartemens et à costè droit des galeries dont j'aij parlé, est l'orangerie qui est longue de 38 toises et a estè la voliere autrefois. Apres cela nous entrasmes dans la salle du balGa naar voetnoot85) qui est longue de 20. toises et large de 5. au reste fort bien peinte en fresco et doree.............celle cij est bastie par Henrij 2. elle regarde sur la Cour des Fontaines et l'escalier des sphinges, et de l'autre costè sur le grand parterre. Il ij a encore icij une chapelleGa naar voetnoot86) peinte en fresco: ou il ij avoit une copie du tableau de 50. mille escus sur l'autel. Apres cela il ij a la salle des comediens qui est grande et peinte par tout. Le Roij Louis 13. ij est en bas relief de marbre sur la cheminee. Il ij a puis la galerie du Roij François premier, qu'on appelle la petite galerie encore qu'elle soit longue de 30. toises et large de 3. elle est peinte en fresco mais un peu gastee par le temps; elle regarde d'un costé sur la cour des fontaines et de l'autre sur le parterre de la Reijne. Apres cela il ij a la grande chapelle qu'on appelle autrement l'église de la Trinité qui est merveilleusement belle et riche, ont [sic] dit que les fondemens en ont esté jettez par St. Louis, mais le deffunct Roij l'a mis en l'estat ou elle est; le pavé en est d'oeuvre mosaique fort beau, les murailles et la voute peinte par un excellent maistre qui s'appelle FreminetGa naar voetnoot87) et toute [sic] le reste lambrissé et doré le plus richement qu'on le pourroit faire; elle regarde sur la cour du cheval blanc: Proche d'icij est un apartement qui n'est pas encor achevé qui est destinè pour la Reijne mere lorsque le Roij sera mariè. il a la veüe sur le grand estang, qui est une des plus belles qu'on sçauroit souhaitter. Au bout de cettuijcij il ij a encore une grande galerieGa naar voetnoot88) bastie par Fr. 1. et achevée par Henr. 4. elle est longue de 76. toises et large de 3. et peinte en fresco par Denis ColeauGa naar voetnoot89) sur le desseing d'un autre grand maistre, elle regarde sur la cour du cheval blanc et de l'autre costé sur un autre jardin. Outre cecij il ij a encore une grande cour pour les offices qui a 40. et 45. toises en quarré. Il ij a aussi deux jeux de paulme ou nous n'entrasmes point. Apres avoir veu le logis nous descendismes en la cour des fontaines ou nous vismes dans un [estang] (qui est | |
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des deux costez d'une fontaine qui ij est sur une petite terrasse quarrèe avec des balustres au tour) une quantité furieuse de carpes extremement grandes auxquelles nous jettasmes du pain avec beaucoup de plaisir. C'est [sic] estang se rend par des canaulx fort larges de costè et d'autre dans le grand estang dont j'aij desia parlé, qui est une chose fort agreable, estant longue de 150. toises et large 114. et bordé tout au tour par des allees d'arbres sort hautes et obscures, entre lesquelles à la main droite il ij [a] un canal fort large et de la longeur de l'estang. Au bout de l'estang il ij [a] la petite escurie et le chenil qui sont des fort beaux et grands bastimens. A la main gauche de l'estang on entre par une porte dans le grand parterre qui a 190. toises de long et 154 de large; il est divisé en quatre et par le milieu passe un grand canal au milieu duquel (et par consequent au milieu du jardin) il ij a une terrasse balustrée ou il ij [a] une belle fontaine dans un petit estang quarré, laquelle represente le Tybre et les deux petits Romulus et Remus à son costè. Au bout de cette fontaine il ij a un autre canal semblable à ceux qui sont des deux costez de la terrasse. Il ij a outre cela encor 4. autres fontaines dans ce parterre, une en chaque quartier. Il est derriere la cour des offices et derriere encor un autre jardin que nous ne vismes point. A cause qu'il estoit desia tard, ce qui nous empescha d'entrer aussij dans le parq, celuy qui en a le soing y estant pour lors dedans et si esloigné de la porte qu'il n'entendoit pas ceux qui l'appelloijent, et nous n'eusmes pas le temps pour attendre son retour. On nous dit aussij que dans le grand canal qui le traverse et qui autrement est miraculeusement beau à voir il n'ij avoit pour lors point d'eau, à cause qu'on ij travailloit dedans. Nous ne vismes pas aussij la fontaine dont il porte le nom, à cause qu'elle est un peu esloignée et de peu d'importance. 3. Le lendemain nous partismes à 5. heures du matin, passasmes par Ponthierrij et Plessis et disnasmes à EssonGa naar voetnoot90) qui est à moitié chemin de Paris, ou nous disnasmes et creusmes voir le jardin de Monsr. InslingGa naar voetnoot91), maistre des deniers du Roij, qu'on dit estre fort jolij, mais comme il n'ij estoit pas luijmesme et que son concierge estoit sortij, le jardinier ne voulut point nous laisser entrer disant qu'il en avoit defence tres-expresse. L'apresdiner nous passasmes à une lieüe de la par petit bourg, qui est une maison fort jolie appartenant à l'Abbé de La RiviereGa naar voetnoot92). On y arrive par une longue allée de 4. rangées d'arbres fort belle et à main droite en sortant de la maison il ij en a une toute de mesme par laquelle nous passasmes en nous en allant. La maison ne paroit estre que mediocre par dehors, mais comme elle est fort bien meublee par | |
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dedans et qu'elle a une veue tres-agreable par derriere sur la Seine, qui en borde les jardins et que mesme de ce costé icij elle est plus eslevée que par devant, il faut avouer que cet [sic] une fort jolie habitation. L'apartement de Monsr. le D. d'OrleansGa naar voetnoot93) dont il a estè tres grand favorit autrefois, est le mieux meublé de toute la maison: la chambre ou il doibt coucher estant toute tapissée de toile d'argent fort riche. L'alcobe qui outre cela estoit toute dorée et peinte, tapissée de mesme, avec un fort beau lict dedans de velours verd à grosses franges et broderies d'or et d'argent. Nous entrasmes de là dans les jardins qui sont à 4. ou quintuple estage, tantost en parterres avec des fontaines au milieu, tantost des fort beaux estangs, puis des allées longues et droites avec des boccages obscurs au bout. puis autres parterres et en fin le plus bas de tous une plaine en demij lune contre la riviere avec des balustres au tour et des jolis cabinets sur l'eau. Mais ce qui surpasse tout le reste est une fort belle cascade qui descend du premier jardin jusqu'au second par des grandes coquilles et 20. ou 30. jets d'eau de chaque costé, et qui fait en bas contre la demij lune un jet d'eau le plus haut que j'aije encor veu en France. L'eau de tout cecij descend des estangs qui sont en haut, en sorte que les sources qui sont dans les dits estangs ne pouvant fournir autant d'eau qu'il en sort par cette cascade, ou il ij a encor beaucoup d'autre diversitez de fontaines qui se voijent trop longues a descrire, on ne les laisse jouer que quand il ij a du monde à le voir. De Petit-bourg nous passasmes à une lieüe de là par Ris village appartenant au premier President de Rouën; de là à 2 petites lieües par Juvisij ou nous nous fismes donner à boire à cause de la grande chaleur qu'il avoit fait ce jour là, et avançasmes nostre chemin vers Paris qui en est à 3 lieues mais petites. Le chemin est tout droit sans tourner la moindre chose à droit ou à gauche et fort unij. Nous laissasmes à gauche la maison Roijale de BissestreGa naar voetnoot94), qui est destinée maintenant à estre un hospital pour les soldats estropiez à la guerre, mais il n'ij en a point dedans, et la maison mesme est fort mal entretenüe. Nous vismes encor plusieurs autres belles maisons qui sont sur ce chemin au tour de Paris et arrivasmes en fin à 9 heures du soir dans notre fauxbourg de St. Germain aijans passé par celuij de..........et de St. Jaques le long tousiours des fossez et murailles de la ville.
De retour à Paris Christiaan écrivit une lettre à son père sur cette excursion de quatre jours. Elle a été publiée aux p. 341-342 de notre T.I. | |
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A quelques 3. ou 4. jours de là nous sortismes en mesme equipage le 8.me un dimanche matin a 5. heures, à mesme dessein qu'auparavant pour aller voir quelques belles maisons aux environs de Paris. Nous passasmes la Riviere de Seine par un barq proche du pont de N. Sullij qui est de bois et estoit rompu environ passé un mois par une charette qui estoit tombée de haut en bas dans la rivière et quelque monde noijé. De l'autre costè de l'Isle (car ce n'est qu'un bras de la riviere que nous passasmes alors) le pont estoit entier. A main gauche nous vismes le chasteau Roijal de Madrid, qui semble estre fort beau, mais à cause qu'il n'est pas entretenu et qu'il n'y a point de jardins nous nous contentasmes à le voir par dehors. nous passasmes encor la riviere à une lieüe de là par un autre barq tout contre le village de Bellon et encore une fois à Maisons, où nous allasmes voir le chasteau du President de Maisons qui merite en effet cette curiositè estant le plus beau bastiment et le plus richement achevé qui soit en toute la FranceGa naar voetnoot95). Il n'est gueres grand au reste et ne surpasse pas beaucoup la maison de mon Père à la Haije en grandeur. On ij entre par une bassecourt fort large qui termine en ovale vers le bout le plus esloignè de la maison, ou il ij a une porte de pierre de taille de fort belle architecture et embellie par des Cupidons extremement bien travaillez sur les deux costez, car au milieu elle est ouverte pour n'empescher la veüe d'une allée belle, large et à perte de veüe qui entre dans le bois de St. Germain, avec plusieurs autres encore de costè et d'autre. Ce milieu de la porte est fermé par une balustrade et au de là par un petit jardin des statues dedans qui est dans un puis pour empescher qu'on ne puisse approcher de cette balustrade qui n'est qu'a hauteur d'appuij: à chaque costè il ij a des entrées pour le carosse. La bassecourt qui doibt servir aux offices de la maison n'est pas encor achevée de bastir, à cause de la disgrace de son maistre qui s'est retiré depuis environ deux ans à l'Abbaije de Cochon qui est à son fils, pour n'avoir pas voulu consentir au retour de quelques conseillers exilez. Pour entrer dans la maison on passe par un pont de pierre de taille qui est vouté d'une seule arche, encore qu'il passe par un fossè fort large qui est tout de la mesme pierre avec des balustrades encor de mesme de costè et d'autre tout au tour de la maison. Dans ce fossè, qui est sans eau, il ij a des logemens et escuries qui sont creusées dessoubs la petite cour qui est devant la maison et les terrasses qui vont tout à l'entour. Par ce pont donc on passe dans la cour et de là dans la maison mesme par un vestibule le plus achevé et de la plus jolie architecture qu'on puisse voir, à droite il ij a un escalier qui est merveilleusement beau et embellij par plusieurs anges qui chantent, fort bien travaillez. Par cet escalier on entre dans une salle dont le plancher | |
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est peint et doré et les murailles fort bien tapissées. A l'un bout il ij a environ 30. miroirs de la grandeur d'un aulne d'Hollande en quarré qui sont joints ensemble, et ij sont mis pour representer encor la salle et la faire paroistre encor une fois si grande, ce qu'ils font merveilleusement bien. A l'autre bout il ij [a] une autre chambre par la quelle on entre en forme d'Alcobe qui est fort joliment meublée et adjustée. De la on entre dans une chambré ou deux qui ont chacune leur cabinet, le tout fort propre et richement meublé et peint. De l'autre costé il ij a tout de mesme deux chambres et des cabinets, car la grande salle aux miroirs est sur le vestibule et sur un autre petite salle en bas qui respond a la place qu'occupe l'escalier. Des appartemens d'en bas nous ne vismes que la moitié à cause qu'il ij avoit du monde logé dans l'autre, celuij que nous vismes estoit à Mad.le la fille de M. le President et bien en ordre. Nous entrasmes en sortant de la maison dans les parterres qui sont tout au tour, et fort bien entretenus. A gauche est le village et à droite au de la des parterres un fort bel escalier par lequel on descend dans une orangerie de quantité de beaux arbres, et de là dans un grand jardin avec des grandes allees de chipres et autres arbres sauvages, il ij a mesme des espaliers de chipres qui sont fort belles. On dit que cette maison a cousté plus de 2. millions à faire, et qu'elle en coustera bien un encore, avant qu'elle soit tout a fait en ordre. De Maisons nous allasmes à St. Germain qui est a 1½ lieüe de là et passasmes par la belle forest de St. Germain et plus de ¾ de lieüe le long de la muraille du parq qui fait une partie mesme de la forest. En attendant qu'on nous apprestoit à disner dans le village, nous allasmes voir le chasteau. Ou on entre le premier c'est le vieux chasteauGa naar voetnoot96) qui est bastij par Franc. 1 de brique mais fort irregulierement. C'est icij où loge le Roij d'à present car le defunct estoit dans le chasteau neuf qui est en bas et bastij par Henri 4Ga naar voetnoot97). Il ij a dans ce vieux bastiment une chapelle assez belle où il ij a des orgues, au reste les appartemens du Roij et de la Reijne et la salle des comediens ij sont assez mediocres et mal entretenus, encore que le Roij ij vienne assez souvent. Elle est au reste fort grande, et on dit mesme qu'il ij [a] plus de 500. chambres logeables et encor n'ij a t'il qu'une court. A costè gauche de la maison il ij a des parterres qui sont bien jolis et au de là d'autre grand jardins. Derriere il ij a premierement une grande court et au de là le chasteau neuf qui est assez estendu en largeur mais aussij bien bas. L'Architecture n'en est pas tout à fait à la moderne mode. Le corps de logis consiste principalement aux appartemens du Roij et de la Reijne, cettuijcij est peint mais pas trop bien, celuij du Roij est beaucoup meilleur et le plancher tout doré et lambrissé. On nous monstra icij la chambre ou il est mortGa naar voetnoot98). A chaque appartement il ij a une longue galerie voutée toute | |
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peinte; dans l'une des deux il ij a plusieurs villes assez mal representées, entre autres Maestricht et Nimwegen et Weerdenborgh en Westphalie ou ils ont mis dessoubs Werdenbroch, ville de Wespallon. Derriere cette maison il ij a une grande terrasse de la quelle on descend par des grands degrez dans les jardins qui viennent jusques à la riviere mais sont tres-mal entretenus, tous les degrez abbatus et toutes ces fameuses grottes, qui ont tant coustè autrefois, en desordre. Le chasteau vieux est tout couvert de grosses pierres de taille au lieu d'ardoises, quand on ij est monté dessus on descouvre une fort belle campagne et Paris fort distinctement. Nous partismes de St. Germain à 3. heures et arrivasmes un heure apres à Ruel fort jolij maisonGa naar voetnoot99) et jardins appartenans à Mad. d'Aiguillon qui l'a eu par testament de fon frereGa naar voetnoot100) le Card. de Richelieu. L'Abbè de Richelieu frere du Duc d'apresentGa naar voetnoot101) ij demeure d'ordinaire avec sa soeur; il n'a que 17 ans. A l'entree de la porte on est obligè de quitter ses espëes à cause du desordre qui arrive quelques fois par des personnes qui se faschent qu'on les a mouillez par des fontaines et grottes qui ij sont. Ce qu'il ij [a] du plus beau icij sont les belles allées qui passent par tous les jardins, qui font des beaux espaliers de costé et d'autre. il ij a outre cela des beaux parterres et un rond d'eau au milieu, une perspective en forme d'arc triomphal qui est merveilleux et trompe la veüe des plus clairvoijans; on dit mesme que les oijseaux y ont esté trompez plusieurs fois en se voulant reposer sur les corniches qui ne sont que peintes et toutes plattes, ou passer par le milieu croijans qu'il est une porte ouverte, tant ils ont sçeu representer le ciel par des couleurs vives et fortes; nous ne le vismes que par une grille de fer qui en est esloignee quelques 50. ou 60. pas qui est la vraije distance pour le regarder. Derriere cette mesme grille est l'orangerie qui est de deux cent arbres pour le moins dont il ij en a de fort belles. A quelque 100. pas d'icij il ij a un cabinet ou il ij a une fontaine en forme d'aigle, qui se peut tourner pour mouiller le monde de quel costé qu'on veut; un garçon à qui on le fit en cassa le tuijau par lequel sort le jet d'eau. En sortant de ce cabinet il ij a dans la mesme allée à gauche un petit desert ou on a mis un crucifix pour representer le mont calvaire, c'est contre une montagne qui va le long de cette allée. En avançant tousiours on vient à la | |
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cascade qui est tres-belle et de 50. ou 60. jets d'eau de 6. ou 7. pieds de hauteur mais ne sont non plus perpetuelles que celle de Petit-bourg. De là descendant par une longue allée on vient à la grotte qui est soubs un quarré avec un balustre au tour, lequel a un fort bel èstang d'un costé ombragé d'arbres fort hautes tout au tour et de l'autre costé un canal ou il ij a soixante et dix jets d'eau qui ij tombent dedans en forme de cascade. La grotte est fort joliment adjustée par dedans et une fontaine au milieu qui represente toute sorte de choses par des differens tuijaux qu'ils ij mettent dessus, comme le soleil, une estoille, un esvantail de dame, de la pluije, de la gresle etc. Dans un autre estang tres-beau il ij a un rocher artificiel qui sert a des cignes et oijsons pour ij couver leur petits. Encore ij a il un autre petit estang ou il ij a plusieurs jets d'eau, qui toutefois ne jettent que quand la cascade joüe. La pluspart du reste du jardin consiste en des fort jolij boccages de haute fustaije, des jardins ou il ij [a] quantité de chipres et ça et là des fontaines. Au bout d'une longue allée on a fait encore une grotte ouverte qui n'est pas tout à fait achevée. En un autre endroit il ij a un jolij cabinet dans un rond d'eau, avec des belles arbres hautes tout au tour qui se joignent par en haut. On dit que dans toutes ces cascades grottes et fontaines il ij a pour plus de cent cinquante mille livres en plomb soubs terre. Nous ne vismes pas la maison à cause que Monsr. l'Abbè ij estoit avec des dames: elle n'est gueres grande nij trop belle par dehors, mais fort bien meublée par dedans a ce qu'on dit. Le mesme soir nous allasmes encor à St. Cloud voir Gondij le jardin qui a esté cij-devant a l'Archevesque de Paris le Card. de RetsGa naar voetnoot102), mais est vendu à present pour 24 mille escus à Monsr. Intendant des finances qui y fait travailler encor tous les jours par plus de 200 personnes. Comme par hasard il ij estoit luijmesme avec des dames il nous donna permission d'entrer; la maison est mediocre mais fort embellie par dehors par des peintures en fresco, qui toutefois ont beaucoup soufert de l'injure de l'air et du temps. Le jardin n'est gueres plus grand que notre Hofwijck mais merveilleusement beau et agreable. Les arbres ij sont hautes. les allees obscures, les parterres bien en ordre, les fontaines naturelles, la grotte fort bien travaillée, la cascade delicieuse, encor qu'elle ne soit pas tant abondante en eau que celle de Rüel, en fin on ij trouve presque tous les agreemens qui sont en tous les autres jardins assemblees en petit volume en cettuijcij. En entrant dans le jardin il ij a une veüe merveilleuse vers Paris, par dessus les parterres; il ij a aussij une petite galerie pour le mesme sujet à costè gauche de la première porte. Il ij a encor icij à St. Cloud plusieurs autres beaux jardins à voir mais nous n'eusmes pas le temps. Le bourg de St. Cloud est grand, sçitué | |
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au penchant d'une montagne le long de la riviere de Seine, qu'on ij passe par un beau pont de pierre. Nous traversasmes en suite le bois de Boulogne laissasmes le chasteau de Madrid à gauche, et rentrasmes par la porte St. Honorè, dans la ville, à 9. heures du soir. | |
Voijage de la Loire etc.
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commence [à] ij avoir des vignes, et presque par toute la Beau. Nous partismes à 4 [?] h. beumes en passant à Artenaij et arrivasmes a 5 h. du soir à Orleans le long tousiours d'un pavé qui va depuis Paris jusqu'a cette ville ou l'on conte 32. ou 33. lieües, mais à dire la verité elles sont petites et on en fait aisement 2. en un heure de temps. On dit mesme qu'il ij a des lacquais qui font tout ce chemin à pied entre deux soleils. À main en entrant la ville il ij a un mail sur le rempart d'une assez grande estendüe et assez bien couvert. Nous logeasmes aux trois Empereurs pour eviter la conversation d'une infinité d'Allemands et Hollandois qui se trouvent tousiours à la croix blanche. Le pont de la Loire ij est beau et divisé en 17. arches de pierre de taille, il passe par dessus une Isle qui est plantée d'arbres fort grosses et hautes, qui rend ce lieu beau, et pourtant il ne sert qu'aux cordiers pour ij travailler. Environ sur le milieu du pont est la representation de l'histoire tant connue de la pucelle d'Orleans. L'Eglise cathedrale de Ste. Croix est ruinée et il n'ij a que le choeur dont on se sert. Le bastiment au reste en a estè fort beau et solide. Tout contre la grande porte de l'autre costé de la rüe est un grand cimetiere ou il ij a force sepultures. Nous y vismes des femmes qui prioijent a genoux sur la tombe pour l'ame d'une fille nouvellement enterrée; un pauvre homme qu'elles avoijent loüees [sic] pour les aijder à prier nous demanda de l'aumosne en mesme temps qu'il continuoit tousiours ses oraisons. La ville en general est assez belle et environ de la grandeur de la Haije. Le rempart sur tout en est tres-beau, particulierement du costè de la riviere. Le 15.me Ayans emploijé le matin a considerer la ville, nous nous allasmes promener apres disner vers une source qui est à 2 bonnes lieues de là encor qu'on nous dit qu'il n'ij avoit qu'une petite demij lieue. Elle est au delà d'un village nommé Olivet dont elle porte le nom.
Brugmans, dans la Gazette nommée des Beaux-Arts, fait sur ce journal les réflexions suivantes: ‘Ici finit le document dont nous avons reproduit l'essentiel en omettant, en somme, très peu de choses. Il faut conclure que ces jeunes étrangers avaient une curiosité plus qu'ordinaire pour les monuments de France [ainsi que, ajoutons-nous, pour ses grands personnages]. Les citoyens des divers pays d'Europe, de Hollande en particulier, non seulement venaient à Paris pour s'initier à la langue et aux habitudes de la bonne société, mais une fois rentrés chez eux, s'efforçaient de recréer autour d'eux un cadre semblable à celui des demeures françaises. De là l'intérêt que révèle le journal de Huygens pour ce qui a trait à l'architecture des maisons et des jardins. [Nous ajoutons qu'on pouvait avoir cet intérêt même sans avoir fait le voyage de France: le père Huygens - dont, soit dit en passant, la maison à la Haye ainsi que Hofwijck à Voorburg ont été mentionnés, comme on a vu, par Lodewijk dans le présent Journal - n'avait pas encore en ce temps mis le pied en France]. On connaît l'influence prépondérante que devait avoir Le Notre dans les Pays-Bas du Nord | |
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jusqu'à une période avancée du XVIIIe siècle. Dans ce genre d'art, comme dans celui de la peinture, les Hollandais, pour la plupart aveugles aux chefs-d'oeuvre de leurs artistes nationaux, recherchèrent, au XVIIe siècle, de préférence la manière “noble”, le style français, entraînés, les uns par leur gallomanie, les autres par leurs aspirations vers un art plus classique’.
Ici s'arrête donc le journal de LodewijkGa naar voetnoot107). A-t-il cessé d'écrire ou le reste s'est il perdu de même que les lettres de Christiaan adressées de Tours à son frère aînéGa naar voetnoot108), et de Nantes à son pèreGa naar voetnoot109)?. Les épîtres conservées du mois de septembre donnent encore sur le voyage les quelques indications qu'on peut y voir. Le 18 septembre, semble-t-il, les voyageurs rentrèrent à ParisGa naar voetnoot110). Ce fut le premier septembre que Christiaan et Lodewijk furent créés doctores utriusque juris à Angers. La faculté de droit, catholique, était spécialement autorisée à recevoir des étudiants protestants. Il en fut sans doute déjà en 1655 et plus tôt comme en 1684 où l'intendant de la généralité de Tours, Charles Colbert marquis de CroissyGa naar voetnoot111), frère du grand Colbert, écrivit à Louis XIV: ‘Un des grands abus de l'Université d'Angers est que les professeurs de Droit vendent des lettres de Quinquennium ou certificat d'étude de cinq années à ceux qui n'ont fait aucune étude chez eux et qu'ils connaissent seulement par l'argent qu'ils en reçoivent’. Le frère Constantyn s'était contenté du titre de licencié qui lui coûta 51 florinsGa naar voetnoot112). Christiaan et Lodewijk ont évidemment dû payer davantage. Constantyn avait été interrogé par le professeur de Voisin ‘de Tutelis’ et sur les ‘praecepta juris’. Il y eut donc évidemment aussi en 1655 pour les deux frères un ‘colloquium doctum’. Nous avons ditGa naar voetnoot113) que Christiaan n'a jamais dû se soumettre à aucun examen, ni dans son enfance ni à l'entrée ou à la sortie d'une université. L'‘examen’ d'Angers - qui d'ailleurs | |
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n'eut pas lieu à la sortie d'une université - ne fut qu'une formalité: lorsque Christiaan quitta Breda, où l'école illustre ne conférait pas de grades, son père écritGa naar voetnoot114) qu'il a achevé l'étude de droit. C'étaient - dans cette famille - les connaissances qui importaient beaucoup plus que les diplomes. Revenu à Paris Christiaan put encore y rester jusqu'à la fin de novembre pour étudier dans le grand livre du monde et spécialement pour converser avec ceux dont l'intéressaient les connaissances en musique ou en philosophie, c.à.d. en ‘philososophia naturalis’, comprenant tant l'astronomie que la physique et mathématique. Il ne rechercha pas la compagnie des jurisconsultesGa naar voetnoot115), bien résolu, semble-t-il, à ne plus s'occuper de ce côté du savoir humain. |
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