Oeuvres complètes. Tome XXII. Supplément à la correspondance. Varia. Biographie. Catalogue de vente
(1950)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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§ 12. La vie au grenier et dans le cabinet d'étude.
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Au grenier se trouvait, sans doute déjà en 1652, le laboratoireGa naar voetnoot8). C'est là que Christiaan a dû mesurer en 1652Ga naar voetnoot9) l'indice de réfraction de son verre qu'il trouve être égal à 600:397. Mais déjà dans les premières pages qu'il écrivit sur la dioptriqueGa naar voetnoot10) il pouvait dire que la valeur numérique de l'indice n'est pas exactement la même pour tout verre ni même pour toute eau. Quant à la méthode de mesurer on peut consulter p.e. les p. XIV et 8-10 du T. XIII. En octobre 1652 il écrit à van SchootenGa naar voetnoot11): ‘In dioptricis totus sum’ et en décembre à Anvers à TacquetGa naar voetnoot12): ‘Duos libros pene perscriptos habeo’. Ce sont - aux corrections près, imprimées en italiques - les livres des p. 2-141 et 173-233 du T. XIII. La correction, ou plutôt addition, de la p. 141 ne peut être antérieure à 1690 puisque Huygens y cite le Traité de la Lumière. Un troisième livre fut achevé en 1653. Celui-ci a subi plus tard bien des changements de sorte que la date 1653 au haut des pages du T. XIII pourrait induire le lecteur superficiel en erreur. De fait les trois premières propositions datent de beaucoup plus tardGa naar voetnoot13) ce qui a son importance puisque la Prop. III traite de l'‘oculaire de Huygens’. Voyez notamment la note 1 de la p. 252 du T. XIII d'après laquelle ce qui se rapporte ici au dit oculaire doit dater de 1662 ou de plus tardGa naar voetnoot14). Nous supposons que les résultats du calcul furent souvent contrôlés dans le laboratoire. Le 1 janvier 1653 Christiaan écrit avoir donné à l'homme de métier Paulus van Aernhem les mesures exactes pour la construction d'un télescopeGa naar voetnoot15). Puisque sa lettre du 20 septembre suivant à van SchootenGa naar voetnoot16) parle ‘de telescopij nova forma quam apud me reperit [Berkelius] quam te quoque videre optarem’, il semble possible que ce soit là le télescope construit par Paulus. Le frère Constantyn prenait-il part au travail pratique déjà en 1652, comme il le fera bientôt après lorsqu'il s'agira de tailler des lentilles? Son nom est mentionné en mai 1655Ga naar voetnoot17) comme acheteur de l'‘Astronomia nova’ de 1609 de Kepler. Ce livre se trouve en effet dans le Catalogue de vente de 1701 de sa bibliothèqueGa naar voetnoot18), mais ce | |
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n'était pas seulement cet ouvrage-là de Kepler qu'il possédait. Nous y trouvons également les ‘Ad Vitellionem Paralipomena, in quibus astronomiae pars optica traditur’ de 1604 et la ‘Dioptrice’ de 1611; et encore le ‘De stella in pede serpentarii etc.’ de 1606, le ‘Phaenomenon singulare, Mercurius in sole visus’ de 1609Ga naar voetnoot19), la ‘Antword auff D. Helis Roslini discurs von heutiger zeit etc.’ de la même année, le ‘Tertius interveniens’ de 1610, la ‘De vero anno Christi commentatiuncula’ de 1614, les ‘Eclogae Chronicae’ de 1615, l'‘Harmonice mundi’ de 1619, le ‘De cometis’ de 1619-1620, le ‘Prodromus dissertationum Cosmographicarum’ de 1621, la ‘Logarithmorum Chilias’ de 1624, le ‘Chiliadis augmentum’ de 1625, le ‘Hyperaspistes’ de la même année, le ‘Somnium sive astronomia Lunaris’ de 1634, l'‘Astronomia Copernicana’ de 1635. Ceci pour donner, par un exemple, une idée de la richesse de cette bibliothèqueGa naar voetnoot20). Il semble bien peu probable que Constantyn aurait rassemblé tant de livres sans s'intéresser à leur contenu. Quoiqu'il n'ait jamais publié aucun traité scientifique l'on doit, nous femble-t-il, se le figurer comme un amateur sérieux qui passait bien des heures à étudier les livres les plus divers. Instruit lui aussi par Stampioen il a de suite, pensons-nous, contracté l'habitude de lire des oeuvres scientifiques. Il s'est donc sans doute intéressé dès le début aux travaux optiques, et autres, de son frèreGa naar voetnoot21). En août 1654 nous le voyons en possession d'un microscopeGa naar voetnoot22). Le contenu des trois livres nommés ayant été analysé dans le T. XIIIGa naar voetnoot23) nous jugeons inutile d'y revenir. Signalons seulement ‘la grande rigueur que Huygens s'est imposée’Ga naar voetnoot24) et l'importance de la Prop. VI du deuxième livreGa naar voetnoot25) suivant laquelle ‘lorsqu'un objet est vu à travers un nombre quelconque de lentilles, et qu'on intervertit les positions de l'oeil et de l'objet tandis que les lentilles demeurent en place, la grandeur apparente de l'objet sera la même et l'image aura la même position, droite ou renversée’. Il est évident que si l'on veut se contenter de considérer l'oeuvre de Christiaan telle qu'elle était en 1652-1653, il faut faire abstraction, en lisant cette analyse, de tout ce qui se rapporte à des développements ultérieurs de la théorie. | |
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Du point de vue biographique c'est le progrès réalisé p.e. par rapport à Kepler qui importe en premier lieu. Il est impossible de prouver (quoique cela ait été dit bien positivement à la p. XIX du T. XIII) qu'en écrivant ses livres il ne connaissait pas encore les ‘Exercitationes Geometriae Sex’ de 1647 de Cavalieri. Le 13 décembre 1654 van Schooten lui demande de renvoyer ce livre (c'est le seul endroit où l'ouvrage est mentionné dans cette correspondance). Il doit donc, semble-t-il, l'avoir emprunté au professeur de Leiden assez longtemps avant cette date. Si van Schooten le possédait déjà en 1652 ou plus tôt, il serait bien naturel qu'il en eût fait part à son ancien élève (avec qui il était toujours en correspondance sur des sujets mathématiques) aussitôt que Christaan lui avait fait savoir qu'il travaillait à la dioptrique. Quoi qu'il en soit, l'oeuvre de Christiaan demeure originale puisque, comme le constate à bon droit la note 5 de la dite page XIX, ses résultats sont plus généraux que ceux de Cavalieri, attendu que dans la détermination du foyer des lentilles il tient compte de leur épaisseur. Si le traité avait été publié en 1654 ou 1655, ce qui était d'abord l'intention de HuygensGa naar voetnoot26), il nous semble probable qu'il aurait mentionné le savant italien quoiqu'il soit fort possible que ses calculs eussent été les mêmes si ceux de Cavalieri n'avaient pas existé. Dans la lettre de décembre 1653 à Kinner von Löwenthurn nous lisons: ‘Sicut hoc novum est Theorema, ita et reliqua sunt omnia’. Dans son ouvrage Huygens parle uniquement en mathématicien. L'hypothèse de la propagation droite des rayons de lumière et la loi de Descartes sur la réfractionGa naar voetnoot27) suffisent pour trouver les propriétés de la marche des faisceaux de rayons tombant sur des surfaces sphériques. Les couleurs qui apparaissent souvent sont gênantes, c'est un inconvénient dont le calcul ne peut tenir compte. Même en considérant, avec Descartes, l'arc-en-ciel, et en déduisant par le calcul l'indice de réfraction eau-air qui en résulteGa naar voetnoot28), Huygens mentionne seulement la ‘semidiameter Iridis maxima’ sans parler de couleurs; ce qu'il n'avait pu s'empêcher de faire en mai 1652 dans la brève considération de la couronne solaire, mais là il parlait en observateur sans vouloir pour le moment rien calculer ni expliquer. Dès novembre 1652Ga naar voetnoot29) nous voyons Christiaan correspondre avec van Gutschoven | |
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sur l'art de polir les lentilles dont ce dernier l'avait entretenu ‘ante annos aliquot’. En février 1653Ga naar voetnoot30) il donne quelques nouveaux préceptes et nomme Sirturus, Hevelius, et d'autres auteurs. Christiaan ne se propose que la fabrication de lentilles à surfaces planes et sphériques; les hyperboliques ne vaudraient pas mieux ‘propter incommodum colorum’Ga naar voetnoot31). Sur la taille des lentilles à la maison du Plein en 1653 et dans les années suivantes on peut consulter notre Avertissement, p. 248 et suiv., du T. XVII. En octobre 1654 Christiaan a fait tailler une lentille pour microscope chez de Wijck à DelftGa naar voetnoot32), en décembre il peut écrire à van Schooten avoir commencé depuis peu à en tailler lui-même ce qui est de plus une excellente gymnastiqueGa naar voetnoot33). A cet effet il fallait avoir des formes. Elles provenaient sans doute déjà alors de Kalthof, mentionné pour la première fois en février 1655 par Constantyn père dans une lettre au pasteur Colvius à Dordrecht: c'était Colvius qui avait recommandé son concitoyen. Grâce à lui l'on pourra peut-être joindre des télescopes aux microscopes déjà achevés. Ce Kalthof, ‘ouvrier’ renommé, avait, nous le savons d'ailleurs, longtemps séjourné en Angleterre avant de rentrer dans sa patrie. Il y avait été au service du Marquis de Worcester et de l'Etat. Plus tard il retourna en AngleterreGa naar voetnoot34). Rien ne prouve qu'avant son séjour à Dordrecht il se soit déjà occupé de forger des formesGa naar voetnoot35) pour la taille de lentilles, mais comme sa biographie fait voir qu'il s'occupait de métallurgie, il n'est pas étonnant qu'il ait pu exécuter ce travail où de suite il excella. En mars 1655Ga naar voetnoot36) Christiaan put envoyer à Colvius un microscope ‘manibus nostris elaboratum’, parlant en même temps de sa Dioptrique qu'il espère publier ‘propediem’. Un télescope, destiné à Kalthof, qu'il ne connaît pas encore personnellement, est également achevé. En revanche il espère recevoir de ce dernier une ‘tertia lamina’ pour tailler des lentilles d'une distance focale d'une vingtaine de | |
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pieds. Il commence à songer à la conquête du ciel témoin l'hexamètre de cette dernière lettre | |
Sic petitur coelum, non ut ferat Ossan Olympusallusion d'Ovide aux géants combatifs qui voulurent escalader la demeure des dieux en entassant les montagnes de la GrèceGa naar voetnoot37). Et en effet, en juin de la même année Christiaan put envoyer à Wallis un anagramme se rapportant à la découverte d'un satellite de Saturne. Nous avons traité plus longuement de cette découverte dans le T. XV. Un deuxième hexamètre, emprunté au même poète latin, s'y rapporte: | |
Admovere oculis distantia sidera nostris.La méthode des géants ne pouvait apparemment conduire au but. Un moyen pour se rapprocher en quelque sorte des astres serait sans doute de les faire paraître plus proches. Ovide ose-t-il dire que des sages anciens avaient su accomplir cette merveilleGa naar voetnoot38)? C'est ainsi que Huygens interprète ici - plaisamment - le poète romain. Ce ne fut assurément qu'au commencement du dix-septième siècle que le rêve, après s'être précisé dans le siècle précédent, prit corps.
Quant à la percussion des corps durs, en décembre 1653Ga naar voetnoot39) Christiaan parle vaguement d'une publication (Descartes et d'autres ont erré ‘ut aliquando ostensurum me confido’). Il avait pourtant déjà écrit en 1652 plusieurs feuilles sur ce sujet. On y voit qu'il connaît bien maintenant les dialogues de Galilée. On peut trouver ces feuilles dans le T. XVI, de même que celles de 1654. Les pages 6-10 et 24-27 de l'Avertissement du dit Tome s'y rapportent. | |
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En ce temps la relativité du mouvement des corps a fait grande impression sur lui: ‘Quidnam in corporibus quies sit aut motus nisi aliorum corporum respectu, non videtur intelligi posse’Ga naar voetnoot40). Il se résout donc à prendre pour une des ‘hypotheses’ de ses démonstrations le principe de la relativité du mouvement uniforme en ligne droite. Outre l'importante correction de la thèse de Descartes sur la conservation de la quantité du mouvement on trouve dans ces pages, pour les corps durs, la règle non moins fameuse ‘quadrata velocitatum ducta in magnitudinem corporum semper eundem numerum producere’Ga naar voetnoot41) sans qu'il apparaisse comment ce résultat a été obtenu. L'Avertissement du T. XVIGa naar voetnoot42) fait là-dessus une hypothèse fort plausible.
Une particularité des dites feuilles qui, croyons-nous, n'a pas encore attiré l'attention, mérite d'être signalée. C'est qu'on y trouve, peut-être pour la première fois, des formules de physiqueGa naar voetnoot43). Désigner certaines grandeurs par des lettres, c'est ce qu'Aristote avait déjà fait dans sa Physique. En géométrie et algèbre cet usage était peu à peu devenu commun. Témoin Déscartes. Mais ici on rencontre des équations telles que bx + ay ∞ ac (la première de toutes) et axx + byy ∞ bcc où a et b désignent les quantités (on pourrait dire les masses ou les poids) des corps et x, y et c des vitesses. En 1929, dans le T. XVIGa naar voetnoot44), nous avons aussi parlé de la lente genèse des formules de physique. Les Dialogues de Galilée n'en ont pas. Huygens est peut-être le premier homme qui désigne une vitesse par une lettre. Cette question de style est importante et il s'agit sans doute d'une innovation heureuse, tant que la forme n'emporte pas le fond. On s'en méfiait pourtant: rédigeant plus tard (pas beaucoup plus tard, probablement) le ‘De Motu corporum ex percussione’ Huygens tourne le dos à la notation algébrique: il supprime les formules brèves.
Quelques mois avant d'entreprendre le voyage de Paris Christaan fut pour la première fois mêlé à la question des longitudes: les États-Généraux - fut-ce sur l'initiative de Johan de Witt? - sollicitèrent l'avis du fils du Seigneur de Zuylichem sur le projet d'un certain Placentinus. L'ayant reçu ils demandèrent néanmoins encore celui de van SchootenGa naar voetnoot45). |
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