Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Horat. Epist. 6. lib. I.
Hunc solem, & stellas, & decedentia certis
Tempora momentis, sunt qui formidine nulla
Imbuti spectent: quid censes munera terrae
Quid maris extremos Arabas ditantis & Indos?
Ludicra quid, plausus, & amici dona Quiritis,
Quo spectanda modo, quo sensu credis & ore?
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Le cosmotheoros
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Christiani Hugenii Cosmotheoros,
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des mêmeGa naar voetnoot1). Quant aux auteurs postérieurs tels que le Cardinal de Cuse, Bruno et Kepler, dont le dernier écrit que tel était aussi le sentiment de Tycho Brahé, ils ont sans doute attribué des habitants aux différentes Planètes, le Cardinal de Cuse et Bruno même au Soleil et aux étoiles fixesGa naar voetnoot2). Mais ni les uns ni les autres n'ont apparemment fait une sérieuse recherche sur ces habitants, et la même remarque s'applique à l'auteur Français qui a récemment publié un ingénieux dialogue sur la pluralité des MondesGa naar voetnoot3). Quelques-uns d'entr'eux ont seulement inventé, par plaisanterie, certaines fables sur les peuples de la Lune, lesquelles ne sont pas beaucoup plus vraisemblables que celles de Lucien que vous connaissezGa naar voetnoot4). Je compte parmi celles-ci les fantaisies de Kepler dont il a bien voulu nous amuser dans son rêve AstronomiqueGa naar voetnoot5). Mais pour moi qui ne me juge nullement doué d'une perspicacité supérieure à celle de tant d'hommes éminents, mais seulement priviligié en tant que né après eux - à une exception prèsGa naar voetnoot6) -, il me parut, lorsque j'eus commencé il y a quelque temps à méditer sur ces sujets avec plus de diligence, que les routes conduisant à la connaissance de choses si éloignées ne sont pas absolument barrées, qu'il y a là au contraire une abondante matière à de vraisemblables conjectures. Je me proposai ensuite de réduire en bon ordre les dites conjectures sur ces sujets notées dans mes journaux comme elles s'étaient présentées spontanément, et de vous les exposer en y ajoutant quelques chapitres sur le Soleil, les Étoiles fixes et les dimensions du monde dont notre Système entier est une fort petite particule. Considérant votre zèle à prendre connaissance de tout ce qui regarde les corps célestes, je pense que vous lirez volontiers le traité que j'en ai fait. Ce que je puis affirmer sans réserve, c'est que sa composition fut un plaisir pour moi; mais ici, comme dans beaucoup d'autres occasions, j'ai fait l'expérience, et cette | |
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ipso Astronomiae exortu, cum primum Sphaericam esse Terrae formam intellectum est, eamque undique aethere cingi, fuere qui auderent alios esse in sideribus mundos, imo innumerabiles dicereGa naar voetnoot1). Posteriores vero, ut Cardinalis | Cusanus, Brunus, Keplerus,Ga naar margenoot+ qui & Tychonem Braheum idem sensisse scribit, Planetis quidem incolas suos tribucrunt; Cusanus & Brunus etiam Soli, & stellis inerrantibusGa naar voetnoot2): nihil tamen ulterius aut hi aut illi quaesivisse inveniuntur; neque etiam nuperus auctor Gallicus dialogi ingeniosi de Mundorum multitudineGa naar voetnoot3). Tantum fabulas quasdam de Lunae populis nonnulli contexuerunt, animi causâ, Lucianicis, quas nosti, haud multo verisimilioresGa naar voetnoot4). Nam & Keplerianas his annumero, quibus ille in somnio Astronomico ludere voluitGa naar voetnoot5). Mihi vero, qui tot viris egregiis nequaquam me perspicaciorem esse existimo, sed eo feliciorem, quòd post illos tantùm non omnesGa naar voetnoot6), natus sim; cum ab aliquo tempore diligentius ista meditari coepissem, visum est non prorsus obseptas esse, de rebus tam proçul dissitis, inquirendi vias, sed verisimilibus conjecturis abunde materiam praeberi. Quas conjecturas meas, prout sese subinde obtulerunt, in adversariis annotatas, nunc in ordinem redigere, tibique exponere volui; atque aliquid etiam adjicere de Sole, stellisque inerrantibus, & mundi magnitudine, cujus particula quaedam minima est totius Systematis nostri complexus. | Et haec quidem, pro solito tuo res superas cognoscendiGa naar margenoot+ studio, libenter te lecturum arbitror. Mihi certe scribere ea jucundum fuit; | |
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fois fort littéralement, de la vérité de la sentence suivante d'Archytas: Si quelqu'un était monté au ciel et qu'il avait appris à connaître de vue la nature du monde et la beauté des astres, son émerveillement (qui sinon serait fort délectable) lui ferait peu de plaisir s'il n'y avait personne à qui il pourrait tout raconterGa naar voetnoot7). Je voudrais bien, pour ma part, être en état de communiquer mes pensées non pas à tout-le-monde, mais pouvoir choisir, outre vous, les lecteurs qui me conviendraient, savoir ceux qui ne sont étrangers ni à la science Astronomique ni à la Philosophie raisonnable: de cette façon je pourrais être fort assuré que mes lecteurs approuveraient mes efforts, que malgré leur nouveauté toute défense serait superflue. Mais comme je prévois que ces pages tomberont aussi dans les mains de gens moins instruits et que d'un autre côté elles subiront peut-être des jugements assez sévères, j'estime qu'il ne sera pas mauvais de tâcher ici déjà d'écarter les objections des uns et des autres. Ga naar margenoot+ Il y aura d'abord des gens, n'ayant fait aucune étude de la Géométrie ou des Mathématiques, qui jugeront notre entreprise vaine et ridicule. Il est incroyable à leur avis que nous serions en état de mesurer les distances ou les grandeurs des Astres. D'autre part ils estiment qu'on attribue à tort du mouvement à la Terre ou du moins que l'existence de ce mouvement n'a pas encore été démontrée. Il ne faut donc pas s'étonner s'ils considèrent comme des songes et des enfantillages tout ce qui est bâti sur de pareils fondements. Que leur dirons-nous, sinon qu'ils seraient d'un autre avis s'ils s'étaient appliqués à ces sciences ainsi qu'à la contemplation de la nature. Nous savons fort bien qu'en grande majorité ils n'ont pas eu l'occasion de faire ces études, soit parce qu'ils y étaient peu aptes soit qu'ils n'en avaient pas les moyens, soit enfin qu'ils étaient appelés à s'occuper d'autres affaires, les leurs ou celles de l'état. Nous ne les blâmons donc en aucune façon; mais s'ils croiront devoir désapprouver notre application à ces choses, nous faisons appel à des juges plus éclairés. Ga naar margenoot+ Il y aura d'autres gens dont les discours tendront à prouver, lorsqu'ils nous verront disserter sur des Terres et des animaux même raisonnables, que ce que nous tâchons de rendre vraisemblable est contraire à l'Ecriture Sainte, attendu qu'il n'y est aucunement question de la création ou de l'existence de ces animaux-là, mais qu'on y trouve plutôt ce qui ferait conclure à leur non-existence. Ils diront que l'Ecriture ne fait mention que de cette Terre-ci avec ses animaux et ses plantes, et l'homme qui en est le seigneurGa naar voetnoot8). Je leur réponds, ce que d'autres ont fait avant moi, qu'il est bien | |
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utque saepe aliàs, ita nunc, velut in re ipsa, verum esse expertus sum illud Archytae; Si quis in coelum ascendisset, naturamque mundi & pulchritudinem siderum perspexisset, insuavem illam admirationem ei futuram, (quae alioqui jucundissima fuisset) nisi aliquem cui narraret habuissetGa naar voetnoot7). Utinam vero haec nostra narrare non omnibus possem, sed praeter te lectores arbitratu meo deligere liceret, qui nec Astronomicae scientiae, nec Philosophiae melioris rudes essent; quibus facile conatus hosce probatum iri, nec, propter novitatem, defensione opus habituros confiderem. Quia vero & in imperitiorum manus venturos provideo, & fortasse quorundam severiora judicia subituros, puto non abs re fore ut utrorumque reprehensiones jam hinc repellere coner. Atque erunt quidem, qui cum Geometriam aut Mathematicas nunquam attigerint,Ga naar margenoot+ omnino vanum ac ridiculum hoc inceptum nostrum censebunt. Incredibile enim iis videtur, ut Siderum distantias, aut quae sit magnitudo eorum, metiri possimus. Tum vero motum huic Terrae aut falso adscribi existimant, | aut nequaquam adhuc probatumGa naar margenoot+ esse. Quare nihil mirum, si, quae talibus fundamentis exstruuntur, pro somniis nugisque sint habituri. Quid vero his dicemus, nisi aliter sensuros si disciplinis istis, naturaeque rerum contemplandae, operam dedissent. Hoc vero longe plurimis non licuisse scimus, vel quod ad ea parum ingenio comparati essent, vel quod unde discerent non haberent, vel denique quod suis, aut reipublicae curandis negotiis, alio vocarentur. Itaque nihil eos reprehendimus; sed, si diligentiam in his rebus nostram condemnandam putabunt, ad magis idoneos judices provocamus. Erunt alii qui ea, quae verisimilia esse ostendere conati sumus, Sacris Literis adversariGa naar margenoot+ praedicent, cum de Terris animalibusque, atque etiam ratione praeditis, nos disserere animadvertent; de quorum origine, aut quod omnino in rerum natura extent, nihil illic traditum sit, sed ea potius ex quibus contrarium sequatur. Tantum enim de Tellure hac, cum suis animantibus, herbisque, & homine omnium domino commemorariGa naar voetnoot8). Quibus respondeo, quod & ante me alii, satis apparere non de omnibus iis, | |
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évident que Dieu n'a pas vouluGa naar voetnoot9) que nous fussions instruits en détail par l'Ecriture sur tout ce qu'il a créé. Par conséquent, vu que dans le premier chapitre de la Genèse les Astres Errants autres que le Soleil et la Lune, sont compris soit sous le nom d'Etoiles soit sous celui de Terre, et qu'il en est de même des Satellites de Jupiter et de Saturne, il est permis d'observer que non seulement beaucoup d'autres corps célestes de l'un ou de l'autre genre peuvent y être inclus, mais aussi d'innombrables objets qu'il a plu à l'architecte souverain d'y placer. Je réponds de plus qu'ils ne peuvent ignorer comment il faut interpréter ce qui y est dit, à savoir que toutes choses ont été créées pour l'homme, ce qui ne peut signifier, comme beaucoup d'auteurs l'ont déjà remarqué, que tant d'immenses étoiles dont nous voyons une partie mais dont une autre partie aurait toujours échappé à nos regards sans le secours des Télescopes, ont été créées pour notre usage ou pour être contemplées par nous, puisque ce serait là une sentence absurde. On peut au contraire soutenir, précisément parce qu'une grande partie des oeuvres de Dieu est placée en dehors de la vue des hommes et semble n'avoir aucun rapport avec eux, qu'il doit vraisemblablement y avoir des êtres qui contemplent et admirent ces oeuvres de près. Ga naar margenoot+ Mais ils diront peut-être que puisque l'auteur suprême n'a pas plus enseigné ou révélé qu'il n'a fait, il faut croire qu'il s'est réservé la connaissance du reste et que tâcher d'y pénétrer est par conséquent faire preuve de témérité et d'une curiosité excessive. J'estime pour ma part qu'on se donne trop d'autorité en voulant prescrire jusqu'où les hommes doivent pousser leurs investigations et assigner une limite à leur assiduité, comme si l'on connaissait avec certitude les termes fixés par Dieu et qu'on savait en outre qu'il serait dans le pouvoir de l'homme de dépasser néanmoins ces bornesGa naar voetnoot10). Si nos ancêtres s'étaient laissés retenir par de pareils scrupules, nous pourrions encore ignorer quelle est la forme ou la grandeur de la Terre et s'il existe un continent Américain. De même si la Lune est éclairée par les rayons du Soleil et par quelles causes l'un et l'autre de ces corps célestes subit une éclipse; et beaucoup d'autres choses que nous devons aux travaux et découvertes des Astronomes. Qu'est ce qui semblait aussi caché et inaccessible que l'objet des connaissances récemment acquises sur les choses célestes? On peut comprendre par là que l'industrie et la pénétration d'esprit ont été données aux hommes pour parvenir peu à peu à entendre les choses naturelles, et qu'il n'y a pas de raisons pour lesquelles nous devrions nous résoudre à nous abstenir de recherches ultérieures. Toutefois les choses plus cachées que nous avons ici principalement en vue ne sont pas, nous le savons, de telle sorte qu'elles pourraient être parfaitement tirées au clair par nos efforts. Par conséquent nous n'avançons rien ici avec une entière conviction (comment le pourrions-nous?) nous | |
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quae Deus creavit, parti|culatim nos edoceri eum voluisseGa naar voetnoot9). Itaque cum vel SiderumGa naar margenoot+ vel Terrae nomine, in prima Genesi, etiam Planetae, qui praeter Solem Lunamque sunt, comprehendantur; atque etiam Jovis & Saturni Comites; posse non tantum plures alios utriusque generis includi, sed & res innumeras quas in superficie eorum summo opifici collocare placuerit. Porro non nescire eos quo pacto interpretandum sit, quod dicitur omnia propter hominem condita esse; neque eo significari, ut a pluribus jam est animadversum, tot ingentia corpora stellarum, quas partim videmus, partim nec vidissemus quidem unquam, si Telescopiorum auxilium defuisset, nostrae utilitatis aut contemplationis gratia fuisse condita; quia id absurde diceretur. Quare cum operum Dei magna pars extra conspectum hominum sit posita, neque ad eos pertinere videatur, haud alienum esse opinari, aliquos extare, qui illa propius aspiciant & admirentur.Ga naar margenoot+ Sed dicent fortasse, cum de his ipse supremus auctor nihil amplius docuerit aut revelarit, credendum esse sibi scientiam eorum reservasse, ac proinde temere, & curiose nimis de iis inquiri. At nimium ipsos sibi sumere ajo, | si definire velint, quousque hominesGa naar margenoot+ investigando progredi debeant, diligentiaeque eorum modum statuere; ac si terminos, quos hic Deus praescripsit, certo cognitos haberent; aut in hominum potestate esset illos praetergrediGa naar voetnoot10). Et sane, si talibus scrupulis retenti fuissent qui ante nos vixerunt, adhuc ignorari potuisset quaenam Telluris esset figura, aut quae magnitudo, & num aliqua Americae regio. Item an Solis radiis Luna illustraretur, quibusve ex causis aut haec aut ille deficerent; ac pleraque alia, quae Astronomorum laboribus repertisque accepta referimus. Quid enim tam absconditum & inaccessum videbatur, quam quae de rebus coelestibus in aperta luce nunc posita sunt? Ex quo intelligitur industriam mentisque acumen hominibus data esse, quibus paulatim rerum naturalium cognitionem consequerentur, neque esse cur conari desinamus & ulteriora inquirere. Attamen reconditiora illa, quibus hic praecipue insistimus, scimus non esse ejusmodi, ut quaerendo penitus investigari possint. Itaque nihil veluti certum affirmamus, (quî possimus enim?) sed conjecturis tantum agimus, quarum de verisimilitudine suo cuique | |
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contentant de conjectures sur la vraisemblance desquelles chacun est libre de se faireGa naar margenoot+ juge. Que si quelqu'un dira donc que nous nous donnons une peine vaine et inutile en proposant des conjectures sur des choses desquelles nous avouons nous-mêmes ne rien pouvoir comprendre avec certitude, je répondrai que l'étude entière de la Physique, pour autant qu'elle s'occupe de chercher les causes des phénomènes devrait être désapprouvée pour la même raison, la plus haute gloire étant d'y avoir trouvé des théories vraisemblablesGa naar voetnoot11); c'est la recherche elle-même, tant des sujets principaux que des choses les plus cachées qui constitue son charme. Mais il y a beaucoup de degrés de vraisemblance dont les uns sont plus proches de la vérité que les autres; c'est surtout dans l'évaluation de ces degrés qu'on doit faire preuve de bon sensGa naar voetnoot12)Ga naar margenoot+ Suivant mon opinion nous n'examinons pas seulement ici des choses fort dignes d'être connues en elles-mêmes, mais de plus telles que leur contemplation collabore aussi à nous rendre plus sages. Il convient de nous considérer comme placés hors de la Terre et la regardant de loin, et de nous demander alors si c'est à elle seule que la nature a conféré tous ses ornements. De cette façon nous pourrons mieux comprendre ce que c'est que la Terre et en quelle estime il faut l'avoir; de même que ceux qui font de grands voyages sont en général meilleurs juges des affaires de leur patrie que ceux qui ne l'ont jamais quittée. Celui qui, accordant quelque valeur à nos raisonnements, s'est une fois figuré une multitude de Terres semblables à la nôtre et habitées de même, ne sera pas fortement influencé par des arguments qui aux yeux du grand public paraissent de grand poids. Et comment pourra-t-il ne pas beaucoup admirer et vénérer Dieu, auteur de si grandes choses? de la providence et de la merveilleuse science duquel il trouvera ici partout des marques, à l'encontre des fausses opinions de ceux qui ont soutenu soit que la Terre a été engendrée par un concours fortuit d'atomes soit qu'elle n'a eu aucun commencementGa naar voetnoot13). Mais il est temps de venir aux faits. Or, comme, pour prouver ce que je me suis proposé, mon argument principal sera tiré de l'arrangement Copernicain des Planètes et du fait que notre Terre en fait sans aucun doute partie, je commence par tracer deux figures dont l'une contient en vraies proportions leurs orbites entourant chacune le Soleil, figure identique avec celle que vous avez souvent contemplée dans notre Automate, tandis que l'autre montre les | |
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arbitratu | judicare liberum sit. Quod si quis irritam igitur, & inanem in his operamGa naar margenoot+ nos ponere dicat, de rebus iis conjecturas prodendo, de quibus ipsi fateamur nihil certiGa naar margenoot+ unquam comprehendi posse: respondebo totum Physices studium, quatenus in causis rerum eruendis versatur, eadem ratione fore improbandum; ubi verisimilia invenisse laus summa estGa naar voetnoot11), & indagatio ipsa rerum, tum maximarum, tum occultissimarum, habet oblectationem. Sed verisimilium multi sunt gradus, alii aliis veritati propiores in quo diligenter aestimando praecipuus judicii usus vertiturGa naar voetnoot12). Ut vero mihi videtur, non tantum res ad cognitionem maximas hic indagamus,Ga naar margenoot+ sed quarum contemplatio studiis quoque sapientiae multum conducat. Expedit nimirum ut, velut extra Tellurem hanc positi, procul eam intueamur, quaeramusque, an sola sit in quam omnem ornatum natura contulerit. Ita enim rectius quid sit, quoque loco habenda, intelligere poterimus: quemadmodum qui longinquas regiones obeunt, de patriae suae rebus verius judicare solent, quam qui nunquam inde se moverunt. Nec sane ille magnopere admirabitur quaecunque hic vulgo maxi|ma habentur, qui, rationibusGa naar margenoot+ nostris aliquid tribuens, multitudinem Terrarum nostrae similium, similiterque incolis suis frequentatarum, sibi proposuerit. Deum vero, tantarum rerum effectorem, quî poterit idem non valde suspicere & venerari? cujus providentiam, sapientiamque mirabilem, passim hic assertam inveniet, contra falsas opiniones eorum, qui vel ex fortuito corpusculorum concursu ortam esse Terram, vel omni principio eam carere dixeruntGa naar voetnoot13). Sed jam ad propositum. Et quoniam maximum sumetur argumentum, ad ea quae instituimus probanda, ex ordinatione Planetarum Copernicea, quodque inter eos Tellus haec haud dubie numeratur; bina schemata hic initio describo, quorum alterum orbes eorum, circa solem dispositos, continet, veris proportionibus expressos; simile illi quod in Automato nostro saepius conspexisti: alterum rationes magnitudinum ostendit, quibus corpora Plane- | |
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rapports des grandeurs des corps Planétaires tant entre elles qu'à l'égard du Soleil, la grandeur de celui-ci aussi ayant été indiquée dans le dit Automate. Dans la première figure [Fig. 149] le Soleil occupe le centre, auquel succèdent, dans l'ordre déformaisGa naar margenoot+ bien connu, les orbites de Mercure, de Vénus et de la Terre, à laquelle est surajoutée celle de la Lune, ensuite celles de Mars, de Jupiter et de Saturne; enfin, à l'entour
[Fig. 149]
de Jupiter et de Saturne les petits orbes des Satellites, dont le premier en a quatre et le deuxième cinq. Il faut savoir que ces petits orbes, de même que celui de notre Lune, ont été représentés ici en dimensions beaucoup exagérées par rapport à celles des orbites des Planètes primaires afin de ne pas être tout-à-fait invisibles à cause de leur exiguité. Or, quelle est la grandeur des orbites primaires? C'est ce qu'on peut con- | |
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tarum inter se, & ad Solem, comparantur; quod in eodem Automato adjectum est.Ga naar margenoot+ In priore punctum medium Sol est; à quo deinceps, noto omnibus ordine, sunt orbitae Mercurii, Veneris, Telluris, cum superaddita via Lunae; tum | Martis, Jovis, & Saturni:Ga naar margenoot+ ac circa Jovem, Saturnumque circelli Comitum; illius quatuor, hujus quinque. Quos circellos, cum eo, qui Lunae nostrae dicatus est, longe majores hic poni sciendum, quam pro ratione ad Planetarum primariorum orbitas; ne, ob parvitatem, penitus visum effugerent. Orbitarum vero quanta reipsa sit vastitas inde intelligere licet, quod | |
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clure de cette donnée que la distance du Soleil à la Terre comprend dix ou douze mille foisGa naar voetnoot14) le diamètre de cette dernière, mesure dont dans la suite nous traiterons plus explicitement. Toutes ces orbites sont situées à peu près dans un même plan, de sorte que leurs véritables plans ne s'écartent pas notablement de celui dans lequel la Terre accomplit ses révolutions et qu'on appelle le plan de l'Écliptique. Ce dernier est obliquement traversé [Fig. 150] par l'axe de la Terre autour duquel elle tourne en 24 heures par rapport au Soleil: cet axe, à une mutation fort lente près qui est bien connue aux AstronomesGa naar voetnoot15), reste parallèle à lui-même dans sa course autour du Soleil;
[Fig. 150].
ce dont résultent les inégalités des jours et des nuits ainsi que les différentes saisons, comme l'enseignent les livres astronomiques. C'est aussi à ces livres que j'emprunte les périodes qui correspondent aux orbites des Planètes: celle de Saturne est de 29 ans, 174 jours, 5 heures; celle de Jupiter de 11 ans, 317 jours, 15 heures; celle de Mars de 687 jours à fort peu près; celle de la Terre de 365¼ jour; celle deGa naar margenoot+ Vénus de 224 jours, 18 heures; celle de Mercure de 88 jours. Tel est l'ordre des corps célestes découvert par Copernic et aujourd'hui fort connu. On peut dire que ce système est en très bon accord avec la simplicité de la nature. Si quelqu'un se fait fort de le réfuter ou de le désapprouver, qu'il apprenne d'abord combien mieux et combien plus facilement d'après les démonstrations des Astronomes, on y rend compte de tout ce qui s'observe au sujet du mouvement de ces astres que dans les systèmes de Ptolémée ou de Tycho. Qu'il apprenne ensuite suivant quelle loi, d'après la remarquable observation de Kepler, les grandeurs des distances des Planètes - parmi lesquelles celle de la Terre - au Soleil sont liées aux valeurs des périodes que j'ai rapportées; loi qu'on a ensuite trouvée valable aussi pour les Satellites de Jupiter et de Saturne, dans leurs rapports avec ces PlanètesGa naar voetnoot16). Qu'il parvienne ensuite à comprendre combien est contraire à la nature du mouvement ce qu'il faudrait selon lui se figurer: savoir la cause que nous dirons du phénomène suivant dont l'existence a été démontrée. Il s'agit d'expliquer pourquoi l'étoile Polaire qui se trouve à l'extrémité de la queue du petit Ourse, se meut aujourd'hui en une petite circonférence de cercle distante de 2⅓ degrés du Pôle, tandis que 1820 années plus tôt, savoir au temps d'Hipparque, elle se trouvait à une distance de 12o24′ du même Pôle, et qu'après quelques siècles elle s'en écartera de 45o, tandis que dans 25000 ans elle reviendra à la distance qu'elle | |
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distantia a Sole ad Terram, decem vel duodecim milliaGa naar voetnoot14) Terrae diametrorum continet: de qua mensura pluribus postea agetur. Omnes porro in eodem fere plano sitae sunt; ut proinde non multum discedant ab eo in quo Tellus circumit, quod Eclipticae planum vocatur. Hoc vero oblique secatur ab axe Telluris, in quo illa volvitur horis viginti quatuor, respectu solis: isque axis, nisi quod mutationem lentissimam subit, quam norunt AstronomiGa naar voetnoot15), sibi ipsi parallelus manet, dum ipsa circa Solem defertur; ex quo dierum noctiumque oriuntur vices, itemque temporum anni commutationes, ut passim docent eorum libri. Unde & tempora periodorum, quibus circuitus suos Planeta quisque peragit, huc transcribo. Nempe Saturni, annorum 29, dierum 174, horarum 5. Jovis annorum 11, dierum | 317, horarum 15. Martis proxime dierumGa naar margenoot+ 687. Telluris dierum 365¼. Veneris dierum 224, hor. 18. Mercurii dierum 88. Hic est ille, notissimus jam, caelestium corporum ordo, a Copernico repertus, idemque naturae simplicitati convenientissimus. Hunc si quis convellere aut improbareGa naar margenoot+ contendat, is discat primum, ex demonstrationibus Astronomorum, quanto in hac descriptione melius faciliusque omnium eorum, quae circa motum siderum animadvertuntur, ratio reddatur, quam in Ptolemaico aut Tychonis systemate. Cognoscat etiam, ex singulari Kepleri observatione, quomodo Planetarum, interque eos Telluris, a Sole distantiae temporibus periodorum, quas retuli, certa quadam proportione respondeant; quam postea Jovis quoque & Saturni Comites, horum respectu, servare deprehensum estGa naar voetnoot16). Intelligat quam contra motus naturam quiddam comminiscendum sit, quo demonstretur cur stella Polaris, in extrema cauda minoris Ursae, exiguo nunc circulo moveatur, duobus gradibus & tertia parte à Polo distans; cum ante annos mille octingentos viginti, aetate nempe Hipparchi, duodecim gradibus, 24 | scrupulis,Ga naar margenoot+ ab eodem Polo abfuerit: post aliquot vero saecula, ad 45 gradus inde recessura sit, & post annorum viginti quinque millia, eodem quo nunc est, reversura. Ut proinde caelum totum, si circumrotari dicatur, super alio atque alio axe id faciat necesse sit, quod est absurdissimum; cum in Copernici hypothesi nihil sit explicatu facilius. Deni- | |
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a maintenant. Il saudrait donc, si l'on dit que le ciel tourne en entier, que cette révolution eût lieu autour d'axes continuellement différents ce qui est très absurde; tandis que dans l'hypothèse de Copernic rien ne s'explique plus facilement. Qu'il considère enfin toutes les réponses données par Galilée, Gassendi, Kepler et beaucoup d'autres aux objections qu'on a l'habitude de faire aux arguments de Copernic. Par leurs raisonnements les scrupules qui restaient ont été si bien écartés que tous les Astronomes, à moins que d'être d'une intelligence tardiveGa naar voetnoot17) ou entachés d'une crédulité soumise à l'autorité humaineGa naar voetnoot18), attribuent maintenant sans hésiter du mouvement à la Terre et lui assignent une place parmi les Planètes. [Fig. 151]
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que expendat omnia illa, quibus, ad argumenta Copernico objici solita, Galileus, Gassendus, Keplerus, aliique plurimi responderunt. Quorum rationibus ita sublati sunt qui supererant scrupuli, ut omnes nunc Astronomi, nisi tardiore sint ingenioGa naar voetnoot17), aut hominum imperio obnoxiam credulitatem habeantGa naar voetnoot18), motum Telluri, locumque inter Planetas, absque dubitatione decernant. | |
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Ga naar margenoot+ Dans la deuxième figure dont j'ai parlé plus haut [Fig. 151], les globes planétaires et le Soleil sont représentés comme si les planètes étaient placées en série contre son bord. Ici je me suis conformé aux rapports de leurs diamètres à celui du Soleil que j'ai publiés dans mon livre des Phénomènes de Saturne. Leurs valeurs sont les suivantes: pour l'Anneau de Saturne 11:37; pour celui de son Globe intérieur, également par rapport au diamètre du Soleil, à peu près 5:37, pour Jupiter 2:11, pour Mars 1:166, pour la Terre 1:111, pour Vénus 1:84; auxquelles j'ajoute maintenant celle du rapport du Mercure qui est 1:290 d'après l'observation d'Hevelius de 1661, lorsque Mercure fut vu sur le disque Solaire. ceci toutefois non pas d'après son calcul mais d'après le nôtreGa naar voetnoot19). J'ai montré dans le dit livre comment ces rapports, qui sont mes rapports à moi, des grandeurs considérées ont été trouvés, savoir en me basant à la fois sur les proportions connues des distances au Soleil et sur la mesure des Diamètres prise avec mes Télescopes; et je ne vois encore aucune raison pour m'écarter notablement des résultats de ce calcul quoique sans vouloir maintenir l'exactitude absolue des résultats. EnGa naar margenoot+ effet, bien que beaucoup de gens soient persuadés que dans la mesure des diamètres apparents l'usage des Micromètres - il s'agit d'instruments composés de fils fort ténus tendus dans le plan focal de l'objectif - est préférable à celui de nos lamelles; je ne puis me déclarer d'accord avec eux, étant encore toujours d'avis que les minces lamelles ou coins que j'ai dit en cet endroit devoir servir à ces observations spéciales y sont les plus aptes. C'est d'ailleurs de mon invention qu'est provenu, peu après, celui des Micromètres ainsi que l'adaptation du Télescope aux instruments Astronomiques; au grand honneur, certes, de ceux qui se sont appliqués à perfectionner une invention si utileGa naar voetnoot20). Ga naar margenoot+ Dans cette comparaison avec les planètes, il faut considérer l'immensité du Soleil à l'égard des quatre Planètes intérieures, et aussi que celles-ci sont extrêmement petites par rapport à Saturne et Jupiter. On doit remarquer à ce propos que les corps planétaires ne croissent pas proportionnellement à leurs distances au Soleil, attendu que le globe de Vénus est beaucoup plus grand que celui de Mars. | |
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In altero, quod dixi, schemate, ita horum globi cum Sole oculis subjiciuntur, ac siGa naar margenoot+ juxta se positi essent. Atque hic rationem diametrorum, ad Solis diametrum, eam secutus sum, quam tradidi in libro de Saturni Phaenomenis. Nempe Annuli Saturnii eam quae 11. ad 37; Globi inclusi, ad eandem Solis diametrum fere, quae 5 ad 37; Jovis, quae 2 ad 11; Martis, quae 1 ad 166; Telluris, | quae 1 ad 111; Veneris, quae 1Ga naar margenoot+ ad 84; quibus nunc addo Mercurii, quae est 1 ad 290 ex Hevelii observatione Anno 1661 habita; cum in Solis disco Mercurius conspiceretur, nostro tamen, non illius calculoGa naar voetnoot19). Quomodo autem hae nostrae magnitudinum rationes inventae sint, tum ex cognita proportione distantiarum à Sole, tum ex mensura Diametrorum, Telescopiis capta, eo, quem dixi, libro ostendi: neque adhuc video cur multum, ab iis quas tunc definivi, recedam; etsi nihil eis deesse non contenderim. Nam quod multi existimant, in metiendis apparentibus diametris, praestare lamellis nostris usum Micrometrorum quae vocant, quibus fila tenuissima in foco Lentis majoris praetenduntur, nondum iis assentiri possum, sed aptiores esse lamellas virgulasve tenues arbitror, quas eo loco objiciendas docueram. Ex quo istud Micrometrorum inventum, itemque Telescopii adGa naar margenoot+ organa Astronomica adaptatio, non multo post emanavit: non sine laude tamen eorum, qui in perficiendo tam utili invento elaboraruntGa naar voetnoot20). Caeterum, in hac planetarum comparatione, notanda est ingens Solis magnitudo, |Ga naar margenoot+ cum interioribus quatuor Planetis collata; utque hi Saturno quoque, ac Jove, longeGa naar margenoot+ longeque minores fint. Nam considerandum, non ordine crescere eorum corpora cum distantiis a Sole; quippe cum multo major sit Veneris, quam Martis, globus. | |
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Ga naar margenoot+ Après cette exposition sur les deux figures personne, pensé-je, peut ne pas voir combien manifestement il résulte de la première qui donne la forme du système, que notre Terre y est comprise de la même manière que les cinq autres Planètes. Les positions des orbites l'attestent. Il est constant en outre par les observations télescopiques que les corps de toutes les planètes sont sphériques, de même que cului de la Terre et que toutes elles empruntent leur lumière au Soleil. Enfin qu'elles ressemblent à la Terre aussi en ce point qu'elles tournent chacune autour de son propre axe; qui en effet en doutera après que ceci a été nettement établi pour Jupiter et Mars? Et de même que la Terre a pour compagne la Lune, Jupiter et Saturne ont les leurs. Puisque la ressemblance de la Terre à ces Planètes primaires existe à tant d'égards, qu'est ce qui est aussi naturel que de conjecturer qu'elles ne lui soient pas inférieures en dignité et en beauté, ni aucunement moins ornées ou plus incultes: quelle raison pourrait-on inventer pour laquelle il en serait autrement? Ga naar margenoot+ Certes, si l'on montrait, à quelqu'un qui n'aurait jamais vu ouvert le corps d'un animal, les entrailles dans le corps disséqué d'un chien, savoir le coeur, l'estomac, les poumons, les intestins, ensuite les veines, les artères, les nerfs; il ne douterait guère de l'existence d'un mécanisme semblable, d'une même variété de parties, dans les corps du boeuf, du porc ou d'autres animaux. De même, si nous avions appris à connaître la nature d'un seul des Satellites de Saturne ou de Jupiter, ne serions-nous pas d'avis que les mêmes choses à peu près doivent se trouver chez tous les autres? Pareillement, si nous réussissions à comprendre la nature d'une Comète quelconque, nous jugerions que telle est la nature universelle de ces corps. La conclusion, tirée de la ressemblance des choses observées à celles qui ne l'ont pas été, a donc un fort grand poids. Et en suivant la même manière de raisonner, nous pourrons faire, en nous basant sur notre connaissance d'une seule Planète contemplée de près, d'excellentes conjectures sur les autres Planètes de la même famille. Ga naar margenoot+ En tout premier lieu nous jugerons que, de même que notre Terre, elles consistent en des corps solides. Ensuite nous tiendrons aussi pour fort vraisemblable que leurs globes soient pourvus de ce que nous appelons la pesanteur ou gravité; par la force de laquelle tous les corps qui se trouvent sur leurs surfaces, y exercent une pression ou bien, s'ils en ont été écartés, y retombent de toutes parts comme s'ils subissaient une attraction. Ce qui ressort déjà de la forme sphérique elle-même, attendu que c'est celle-ci qui est produite par l'effort de corps tendant tous vers un même centre. Or, nous avons même appris à tirer, en raisonnant logiquement, des conclusions sur les rapports des grandeurs de la gravité auprès de Jupiter ou de Saturne à celle qui existe chez nous. De ce sujet, et de l'auteur des dits calculsGa naar voetnoot21), nous avons parlé dans notre Discours de la Cause de la Pesanteur. | |
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His de utroque Diagrammate expositis, nemo, ut puto, jam non videt, quam clareGa naar margenoot+ ex priore, in quo systematis est typus, sequatur, eodem genere, cum caeteris quinque Planetis, Tellurem hanc nostram contineri. Nam vel ipsi circulorum positus hoc testantur. Atqui praeterea constat, telescopiorum observationibus, & globosa esse omnium corpora, itidem ut Telluris, & à Sole splendorem similiter eos mutuari. Ac denique in hoc quoque ei similes esse, quod in se ipsis circum proprios axes volvantur: quis enim de caeteris dubitet, cum in Jove & Marte hoc certo compertum sit? Sicut autem Tellus Lunam comitem habet, ita Jupiter & Saturnus suas. Quid igitur tam probabile est, cum in his tot rebus Telluri cum Planetis illis primariis intercedat similitudo, quam non minori quoque dignitate & pulchritudine eos esse, nihiloque minus ornatos cultosque: aut quaenam | cur hoc aliter se habeat ratio excogitari potest?Ga naar margenoot+ Sane si cui, in dissecti canis corpore, viscera ostenderentur, cor, stomachus, pulmones,Ga naar margenoot+ intestina; tum venae, arteriae, nervi; etiamsi nunquam animalis corpus apertum conspexisset; vix dubitaret, quin similis quaedam fabrica, ac partium varietas, in bove, porco, caeterisque bestiis inesset. Nec si unius, ex Saturni aut Jovis Comitibus, naturam cognitam haberemus, non eadem fere quae in illo, in caeteris quoque reperiri putaremus? Similiterque ex uno quopiam Cometa, si quidnam esset perspici posset, eandem omnium rationem esse statueremus. Itaque plurimum ponderis habet illa ex similitudine petita, & à rebus visis ad non visas producta ratio. Quam proinde sequentes, ex Planeta uno, quem coram aspicimus, de reliquis ejusdem generis rectè conjecturam faciemus. Ac primùm quidem, non aliter quam Tellus nostra, solido corpore eos constareGa naar margenoot+ existimabimus. Deinde prorsus etiam verisimile censebimus, adesse globis eorum id quod gravitatem appellamus; cujus vi corpora quaeque, in superficie eorum haerentia, |Ga naar margenoot+ premant eam; aut, si dimoveantur, ex omni parte velut attracta recidant. Quod ex ipsa quoque globi forma liquet, cum haec ex conatu corporum, ad centrum unum tendentium, generetur. Imo jam, certo quodam ratiocinio, colligere didicimus, quanto majus minusve in Jove ac Saturno, quam apud nos, gravitatis momentum esse debeat. Qua de re, deque auctore ejusGa naar voetnoot21), in Diatriba de Causis gravium diximus. | |
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Mais voyons maintenant dans le présent traité ce qu'on peut examiner de plus, jusqu'à quel degré l'on peut parvenir à des connaissances plus détaillées sur la nature et l'équipement de ces Terres distantes. Et d'abord combien il est vraisemblable qu'il existe des plantes et des animaux sur leurs surfaces, de même que sur celle de la Terre. Personne, me semble-t-il, ne niera que la forme et la vie, ainsi que la croissance et laGa naar margenoot+ génération, qui se trouvent dans les plantes et les animaux, ne soient quelque chose de plus grand et de plus admirable que les corps inanimés, quelque volumineux que soient ces derniers tels que montagnes, rochers, ou mers. Il est de plus évident que dans l'une et l'autre de ces classes d'êtres vivants l'on voit tout autrement et bien plus clairement l'éminence de la providence et de l'intelligence Divines. En effet, tandis qu'un sectateur de DémocriteGa naar voetnoot22), ou bien aussi de DescartesGa naar voetnoot23), peut se faire fort d'expliquer tant les phénomènes Terrestres que les phénomènes célestes de manière à n'avoir besoin que d'atomes et de leurs mouvements, il ne réussira pas à produire une explication pareille pour les plantes et les animaux, étant incapable d'alléguer quelque chose de vraisemblable sur leur origine première; attendu qu'il est absolument manifeste que jamais de pareils objets n'ont pu être le résultat du mouvement déréglé et fortuit de corpuscules, puisque l'on constate que tout y est parfaitement accommodé à de certaines fins; ceci avec un fort grand discernement et une exquise connaissance des lois de la nature ainsi que de la Géométrie elle-même, comme nous le montrerons à plusieurs reprises dans les pages qui suivent; pour ne rien dire des miraclesGa naar voetnoot24) de la procréation. Or, si dans les Planètes il n'existe que de vastes solitudes et des corps inertes et sans vie, si les objets y font défaut dans lesquels brille le plus manifestement la sagesse de l'Architecte souverain, elles seront sans aucun doute de beaucoup inférieures à notre Terre en dignité et en beauté; ce qui, comme je l'ai déjà dit, est contraire à la raison. Ga naar margenoot+ Il n'en est donc pas ainsi: il y aura là aussi certains corps mobiles et capables de se mouvoir eux-mêmes, lesquels ne seront pas moins nobles que les corps Terrestres correspondants: ce seront des animaux. Ceci étant posé, il sera presque nécessaire de faire une même concession sur les plantes; car il devra y avoir quelque chose pour nourrir les animaux. Et l'on ne peut douter que tout ceci ne puisse exister que sur la surface des globes Planétaires, puisque les uns et les autres doivent jouir de la chaleur du Soleil et être choyés par lui; leurs surfaces étant exposées à ses rayons tout comme c'est le cas pour notre Terre. | |
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Nunc vero ulterius quaerere pergamus, quibus gradibus ad penitiora quaedam, de statu ornatuque Terrarum istarum, cognoscenda perveniri possit. Ac primùm quam verisimile sit herbas, & animalia in earum superficie existere, aeque ac in Tellure nostra. Nemo negabit puto, & formam & vitam, & crescendi generandique rationem, inGa naar margenoot+ stirpibus animantibusque majus quid esse, magisque mirandum quàm corpora vitâ carentia, quantumvis mole conspicua sint; velut montes, rupes, maria. Patet etiam in utroque illo viventium genere, multo aliter longeque expressius, cerni Divinae providentiae intelligentiaeque praestantiam. Cum enim quae in Terra, imo quae in Caelo quoque aspicimus, | aliquis DemocritiGa naar voetnoot22), aut etiam CartesiiGa naar voetnoot23) sectator, ita se explanaturumGa naar margenoot+ profiteri possit, ut tantum atomis & motu horum indigeat; in herbis tamen & animalibus frustra erit, nec de primo eorum exortu quidquam verisimile adferet; cum nimis manifesto appareat, nunquam vago, ac fortuito corpusculorum motu, talia quaedam prodire potuisse: quippe in quibus omnia ad certum finem egregie apta accommodataque cernantur; cum summa prudentia, & legum naturae, ipsiusque Geometriae, cognitione exquisita; quemadmodum in sequentibus saepius ostendetur: ut jam omittamus illa in progignendo miraculaGa naar voetnoot24). Quod si igitur in Planetis nihil aliud quàm vastae solitudines, corporaque inertia, & vita carentia reperiantur; atque absint ea in quibus clarissime certissimeque Architecti supremi sapientia elucescit; haud dubiè multum dignitate & pulchritudine concedent Telluri nostrae: quod, ut jam dixi, rationi adversatur. Non igitur sic; sed erunt & ibi corpora quaedam motu praedita, seseque ipsa moventia, neque his quae in Terra sunt ignobiliora; adeoque erunt animantia. His autem posi|tis, jam de herbis quoque fere necessario concedendum est; ut sit aliquid quo illaGa naar margenoot+ alantur. Omnia verò haec non aliter quam in superficie Planetariorum globorum existere,Ga naar margenoot+ dubitari non potest; cum calore Solis gaudere ac foveri debeant; cujus radiis, non secus quam Tellus nostra, expositi sint. | |
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Mais quelqu'un dira que nous allons ici plus vite qu'il n'est permis: sans nier qu'à la surface des Planètes se trouvent des objets qui y croissent et se meuvent, dignes, non moins que les objets terrestres correspondants, de Dieu leur créateur, il est possible de soutenir que leur nature peut néanmoins être fort diverse, de sorte qu'ils ne ressemblent aucunement à ceux de chez nous; ni dans leur matière, ni dans leur façon de croître, ni dans leur forme extérieure, ni dans leurs parties internes; en un mot qu'ils sont peut-être tels que rien de semblable ne peut venir à l'esprit de l'homme. Recherchons donc quelle est la probabilité de cette conjecture; et s'il ne faut pas plutôt se figurer que la diversité n'est pas si grande. Ce qui favorise l'opinion de ceux qui estiment que là-bas tout est autrement, c'est que la Nature semble fort souvent, et même dans la plupart des choses, rechercher la variété, et que la puissance du Créateur devient par là plus manifeste. Ils devront toutefois reconnaître que le degré de la variété ou dissemblance ne peut pas être arbitrairement fixé par l'homme; queGa naar margenoot+ quoiqu'elle puisse être immense et que ces choses-là puissent entièrement dépasser notre entendement et compréhension, il ne s'ensuit pas qu'elles soient vraiment telles. Car même dans le cas où Dieu aurait sr les autres Planètes créé toutes choses semblables à celles de chez nous, elles ne seraient pas moins admirables pour les spectateurs (supposé qu'il y en ait) que lorsque la diversité serait fort grande; attendu que ces spectateurs ne peuvent aucunement apercevoir ce qui a été créé sur les autres. Dieu aurait pu en Amérique et dans d'autres pays fort éloignés avoir créé des êtres vivants ne ressemblant en rien à ceux d'ici; il ne l'a pourtant pas fait. Il lui a plu, il est vrai, d'établir une certaine diversité de formes entre nos animaux et plantes et les organismes d'outre-mer, mais là aussi les animaux ont des pattes et des ailes et à l'intérieur un coeur, des poumons, des intestins, des vulves, quoique toutes ces choses eussent pu avoir été ordonnées diversement pour chaque espèce de là-bas et aussi d'ici, par l'auteur infiniment capable. Il n'a donc pas apporté dans les choses créées toute la variété qu'il était en son pouvoir d'y mettre. Il s'ensuit qu'il ne faut qas attacher à l'argument que la Nature aspire à la nouveauté une si grande valeur que nous serions forcés par là d'admettre que l'équipement des autres Planètes doit être absolument différent de celui que nous connaissons ici sur notre Terre. Il est au contraire croyable que la principale différence entre les êtres engendrés à la surface de ces globes distants et les nôtres n'est que celle qui provient de leur distance du Soleil, supérieure ou inférieure à la nôtre, le Soleil étant pour chacun d'eux la source de la chaleur et de la vie. Mais par l'effet de cette différence des distances, il y aura chez ces êtres une diversité de matière plutôt que de formeGa naar voetnoot25). Considérons donc généralement la matière dont sont formés les plantes et animaux | |
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Sed dicet aliquis, celerius quàm par est, hic nos progredi. Nam, ut non negetur res aliquas in Planetarum superficie reperiri, quae ibi crescant & moveantur, Deoque auctore, non minus quam nostra haec, dignae sint; longè diversam tamen earum posse esse naturam, ut nec materia, nec crescendi more, nec extrinseca forma, aut internis partibus, quidquam iis, quae apud nos sunt, simile habeant: ac talia sint denique, ut nihil ejusmodi in mentem homini venire possit. Hoc igitur jam quaeramus quam sit verisimile; & an non potius credendum sit, non tantam esse diversitatem quanta existimetur. Favet eorum sententiae, qui omnia alia illic imaginantur, quod Natura videatur varietatem plerumque, & plurimis in rebus, sectari; quodque Conditoris potentia hoc ipso magis declaretur. Sed cogitare debent, non esse homi|num arbitrio definiendumGa naar margenoot+ quàm magna ista sit varietas ac dissimilitudo. Neque, quia possit esse immensa,Ga naar margenoot+ resque illae ab intellectu, & comprehensione nostra penitus remotae, idcirco necesse esse, ut reipsa tales existant. Quamvis enim similia omnia iis quae apud nos sunt, finxisset Deus in caeteris Planetis; nihilo minor esset spectatoribus eorum, si qui sunt, admiratio, quam si plurimum distarent: cum, quid in aliis effectum sit, nullo modo possint cognoscere. Potuisset in terris Americae, aliisque longè remotis, aliqua creasse viventia, quae his nostris nihil simile haberent; neque id fecit tamen. Nam formarum quidem diversitatem aliquam esse voluit, quibus animalia herbaeque nostrae à transmarinis illis, dissiderent, sed & in his ipsis formis, inque crescendi & generandi modis, multa utrisque convenire fecit. Habent enim & illic animalia pedes, alas; atque intus cor, pulmones, intestina, vulvas; cum haec omnia in unoquoque genere illorum, ac nostratium quoque, planè diversa ratione ordinari potuerint, ab infinitae solertiae opifice. Non igitur omnem varietatem quam poterat in rebus creatis, earum auctor exhibuit, nec | proinde argumentoGa naar margenoot+ illi, quod a Naturae novandi studio petitur, tantum tribuendum est, ut omnem, qui in caeteris Planetis est, ornatum ab eo, qui in Terra nostra conspicitur, prorsus alienum putemus. At contra credibile est, inter ea quae in superficie istorum globorum generantur, quaeque apud nos sunt, praecipuam esse differentiam, quae ex majori, minorive, eorum a Sole, caloris vitaeque fonte, distantia oriatur. Propter quam tamen magis materiam, quam formam rerum, variari necesse sitGa naar voetnoot25). Ad materiam vero quod attinet qualiumcunque stirpium, atque animantium, quae | |
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qui ornent les Planètes. Quoique nous ne puissions atteindre sa nature par la pensée, il ne nous est guère possible de mettre en doute que tous ces êtres, de même que les nôtres, croissent et se nourrissent de l'élément humide. En effet, presque tous les Philosophes sont d'avis que rien ne peut être produit autrement, et quelques-uns des plus éminents d'entre eux ont dit que l'origine de toutes choses c'est l'eau. Car les choses sèches et arides sont sans mouvement; et il est évident que sans mouvement rien ne peut accéder aux corps qui puisse contribuer à leur croissance. Mais les particules des liquides se meuvent continuellement les unes par rapport aux autres et de plus s'insinuent partout avec facilité, de sorte qu'elles sont capables non seulement de se joindre elles-mêmes aux organismes croissants mais aussi de leur amener d'autres particules d'une nature diverse qu'elles charrient. C'est ainsi que par l'affluence de l'eau nous voyons d'une part croître les plantes et se parer de feuilles et de fruits, de l'autre des pierres provenir du sable par concrétion. Il est certain que les métaux et les cristaux, ainsi que les pierres précieuses, croissent de cette manière, quoique chez eux ceci ne puisse être constaté nettement à cause de la grande lenteur de leurs progrès et parce que souvent, à ce qu'il paraît, ils ne sont pas trouvés dans les lieux et cavités où il sont nés, en ayant été éloignés, semble-t-il, par de fort anciennes révolutions et convulsions de la Terre. Mais ce sont aussi de vraisemblables conjectures,Ga naar margenoot+ basées sur des observations télescopiques, qui nous font admettre que l'élément aqueux ne fait pas défaut aux Planètes. En effet, il apparaît sur la surface de Jupiter certaines bandes plus obscures que le reste du disque, et celles-ci ne conservent pas toujours la même forme, ce qui est propre aux nuages. D'autre part des taches fixes que l'on aperçoit sur son globe, sont souvent longtemps recouvertes, étant apparemment cachées par des nuages dont ensuite elles émergent de nouveau. Il a de plus été parfois remarqué que des nues se forment au milieu du disque de Jupiter, qu'il s'y trouve certaines petites taches plus lucides que le reste et ne subsistant pas longtemps, lesquelles CassiniGa naar voetnoot26) pensait provenir de neiges entassées sur des cimes de montagnes. Il ne me paraît pas improbable, à moi, que ce soient des régions d'une terre plus blanche, généralement cachée par les nuages mais parfois lïbre d'eux. Dans Mars aussi on voit des différences de clarté et d'obscurité qui ont permis de conclure à sa conversion, par rapport au Soleil, en 24 heures et 40 minutesGa naar voetnoot27). Mais | |
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Planetas exornant, etsi qualis sit cogitatione assequi nequeamus, illud tamen vix dubitari potest, quin ex elemento humido, uti nostra omnia, crescant & alantur. Nihil enim aliter gigni posse omnes fere Philosophi arbitrantur; & fuere inter praecipuos, qui ex aqua omnium rerum originem esse dicerent. Etenim, sicca & arida quae sunt, motu carent: absque motu vero nihil corporibus, quo augeantur, accedere posse manifestum est. At liquidorum particulae, & inter se continue moventur, & facile sese ubique insi|nuant; quo fit, ut non tantum seipsas, sed & alias diversae naturae, quas secum vehunt,Ga naar margenoot+ crescentibus apponere aptae sint. Ita enim, aquae affluxu, & herbas adolescere, foliisque & fructibus augeri, & lapides ex arena concrescere cernimus. Itemque metalla & crystallos, gemmasque incrementa inde capere satis constat, etsi in his obscurius id animadvertitur, propter lentissimos progressus; quodque saepe non in iis, quibus enatae sint, locis cavitatibusque reperiantur; pervetustis, ut videtur, Terrae ruinis convulsionibusqueGa naar margenoot+ disjectae. Sed aquae elementum a Planetis non abesse, verisimiles quoque conjecturae suppetunt, ex telescopiorum observationibus. Apparent enim in Jove tractus quidam reliquo disco obscuriores, iique non eadem semper forma permanentes, quod nubium proprium est. Maculae vero, quae immutabiliter globo ejus inhaerere conspiciuntur, saepe longo tempore obtectae manent, nubibus videlicet illis interceptae, è quibus deinde rursus emergant. Atque etiam nubes in medio Jovis disco exoriri quandoque annotatum fuit, & maculas quasdam minores existere, reliquo corpore magis lucidas, neque | eas diu superesse; quas CassinusGa naar voetnoot26) ex nivibus esse conjectabat,Ga naar margenoot+ cacumina montium insidentibus. Mihi non improbabile videtur, terrae regiones candidiores esse, superfusis nubibus plerumque occultatas, ac nonnunquam ab iis liberas. Apparent, etiam in Marte, lucis & obscuritatis discrimina, ex quibus conversio ejus ad Solem, viginti quatuor horis cum 40 scrupulis primis, absolvi reperta estGa naar voetnoot27); | |
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on n'y a pas encore remarqué de nuages pour la raison que cette planète paraît beaucoup plus petite que Jupiter, même lorsqu'elle se rapproche de la Terre autant que possible; de plus la lumière de Mars est plus intensive, puisque celle-ci provient à plus courte distance de celle du Soleil; elle forme par conséquent un obstacle pour les observateurs. Et cette même clarté nous gêne encore davantage dans la contemplation de Vénus. Mais si la Terre et Jupiter ont des nuages et des eaux, il peut à peine être mis en doute qu'il s'en trouve aussi à la surface des autres Planètes. Je ne voudraisGa naar margenoot+ pourtant pas soutenir que ces eaux sont absolument semblables à la nôtre, quoiqu'il soit nécessaire qu'elles soient liquides pour les fonctions qu'elles doivent exercer, et transparentes pour être belles. En effet, l'eau que nous avons ici serait constamment gelée en Jupiter et en Saturne, à cause de leur grande distance du Soleil. Il faut donc se figurer que la nature des eaux Planétaires est adaptée aux régions où elles se trouvent de sorte qu'en Jupiter et Saturne elles se transforment plus difficilement en glace, tandis qu'en Vénus et Mercure elles se vaporisent moins aisément. Mais dans chaque planète il faut que le fluide attiré par le Soleil se condense de nouveau et retourne en son lieu pour que le Sol ne se dessèche pas entièrement. Or, le fluide ne tombera pas à moins que d'être condensé en des gouttes; ce qui lui arrivera comme chez nous après son ascension en un lieu plus froid que celui dont il était parti, ce dernier étant plus chaud à cause de sa situation plus basse, plus rapprochée du sol. Nous avons donc dans ces globes des champs exposés aux rayons du Soleil et arrosés par des pluies ou par de la rosée; s'il y croît quelque chose, comme nous avons dit que cela doit être le cas tant pour l'utilité que pour la parure, il est probable que ceci a lieu de la même manière que chez nous, puisque le développement ne pourrait avoir lieu d'une façon beaucoup différente et en même temps meilleure; nous voulons dire qu'il s'accomplit par l'existence de racines attachées au sol et l'absorption de l'humiditéGa naar margenoot+ par leurs fibres. Et il me semble que ces terres ne seront pas suffisamment parées si elles ne possèdent certaines plantes de haute stature constituant par conséquent des arbres ou quasi-arbres; puisque les arbres sont le plus grand et, aux eaux près, le seul ornement que la Nature puisse leur donner. Tout-le-monde se représente aisément l'aménité et la grâce qu'ils peuvent porter avec eux. Pour ne rien dire de l'usage fort général qui peut être fait de la matière dont les arbres sont composés. J'estime en outre que les plantes ne peuvent guère se propager et se perpétuer que par la production de semences; pour la raison que ceci semble être le moyen presque unique de propagationGa naar voetnoot28), et que c'est d'autre part un mode si admirable qu'il peut ne pas avoir été inventé pour notre Terre seulement. Rien, finalement, ne s'oppose à l'idée que la Nature, de même qu'il en est pour les diverses régions de cette terre-ci, sasse usage | |
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nubes tamen nondum fuerunt animadversae, idcirco quod multò minor cernitur quam Jupiter; etiam cum maximè ad Tellurem appropinquat. Praeterquam quod & intensior Martis lux, utpote a propiore Sole accepta, intuentibus impedimento est. Eademque lux magis etiam obstat in Venere. Sed si Tellus ac Jupiter nubes aquasque habent, vix dubitandum est quin & in caeteris inveniantur Planetis. Nec tamen nostrae prorsusGa naar margenoot+ similes esse aquas istas dixerim; etsi liquidae ut sint, ad usus quos praestare debent, requiritur; ut verò perspicuae, ad pulchritudinem. Nostra enim haec, in Jove & Saturno, continuo gelu astringeretur, propter magnam Solis distantiam. Itaque putandum est naturam | earum, quae in Planetis sunt, ad suam quamque regionem attemperatam esse;Ga naar margenoot+ ut in Jove quidem ac Saturno difficilius in glaciem vertantur, in Venere verò, ac Mercurio, minus facile in vapores abeant. In omnibus autem attractum a Sole humorem, subsidere rursus, & unde venit reverti, necesse est, ne penitus aridum Solum relinquatur. Non cadet autem nisi in guttas densatus; quod eveniet, sicuti apud nos, cum in frigidiorem locum ascenderit ex inferiore calidioreque ob terrae viciniam. Habemus igitur in globis illis campos Solis radiis expositos, pluviisque aut rore irrigatos, in quibus si quid enascatur; ut fieri debere utilitatis & ornatus gratia diximus; id eodem quo apud nos modo fieri verisimile est: cum nec aliter fere, nec melius possit. Ut nempe radicibus suis solo adhaereat, simulque harum fibris humorem inde combibat. Neque vero satis ornatae mihi esse terrae istae videbuntur, nisi stirpes quasdam habeantGa naar margenoot+ alte excrescentes, quaeque adeo arbores, aut arborum instar, fiant: quandoquidem hae maximum, ac, praeter aquas, unicum sunt ornamentum, quod Natura terris largiri possit. Quae | quantum amoenitatis & gratiae afferant facile unusquisque secum existimat.Ga naar margenoot+ Ut omittam jam materiae ex arboribus oportunissimum ad omnia usum. Porro vix aliter quoque propagari stirpes, aut perennare posse existimo, quam producendis seminibusGa naar voetnoot28). Cum unica fere haec ratio videatur, eademque tam mirabilis, ut non solius Telluris nostrae gratia inventa sit. Denique nihil vetat, ut, quemadmodum in diversis hujus | |
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pour les plantes dans toutes ces contrées fort éloignées de méthodes bien semblables. Ga naar margenoot+ Le même raisonnement s'applique aux animaux; il n'y a pas de raison pour laquelle leur mode de se nourrir et de se multiplier sur les Planètes ne ressemblerait pas à celle d'ici; puisque tous les animaux de cette terre, qu'ils soient du genre des quadrupèdes, des oiseaux, des nageurs, des reptiles ou même des insectes, suivent une même loi de la nature. En effet, ils mangent tous soit des plantes et des fruits soit d'autres animaux qui en ont été nourris; et la génération de chacun d'eux a lieu par la conjonction du mâle et de la femelle et la fécondation des oeufs; c'est ce qu'on remarque partoutGa naar voetnoot29). Il est en tout cas certain qu'il est impossible que soit les plantes soit les animaux de làbas persistent sans aucune propagation de leur espèce, puisqu'ils devraient périr et disparaître, ne fût-ce que par des accidents, que d'autre part les plantes, petites ou grandes, consistent en une matière humide et doivent donc pouvoir se dessécher; tandis que les animaux doivent être composés de membres mous et flexibles, non pas durs comme de la pierre; que si l'on imagine pour les animaux d'autres genèses, par exemple la provenance d'arbres, comme il a été longtemps cru que de certaines espèces britanniques de ces derniers naissent des canards, il est bien évident que ceci est nettement contraire à la raison à cause de la très grande différence qui existe entre le bois et la chair. Ou bien si quelqu'un opine que des animaux proviennent de limon, comme beaucoup d'auteurs l'ont rapporté pour les souris d'Egypte, quel homme intelligent ne voit pas que ceci est contraire à leur nature? et qui ne serait pas d'avis qu'il convient bien plus à la grandeur et sagesse de Dieu d'avoir créé en une fois des animaux de toutes espèces et de les avoir placés sur le globe terrestre par un certain procédé (que nul homme n'a encore pu deviner) que de devoir se donner continuellement la peine d'en faire sortir de nouveaux de la terre? D'ailleurs dans cette dernière hypothèse le charitable soin de parents ferait défaut à ces êtres nouveau-nés; or, nous savons que pour nourrir et élever les petits, l'instinct du soin a été donné, non sans nécessité, à chaque espèce de nos animaux. Mais quoique ce qui se rapporte à la multiplication puisse néanmoins être différent, il résulte en tout cas assez clairement des raisons alléguées ci-dessus que sur les terres Planétaires se trouvent généralement tant des plantes que des animaux, bien entendu afin que les autres Planètes ne soient pas inférieures à la nôtre. Ceci étant accordé, il faut également considérer comme nécessaire, afin que ces autres Terres ne soient pas moins bien parées que la nôtre, que la variété des plantes et des animaux n'y soit pas moindre que chez nous. Mais quelle peut être cette variété? Considérant pour tout genre de nos animaux leurs modes de se mouvoir, je vois que tout se réduit soit à marcher avec deux ou quatre pattes, | |
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terrae regionibus, ita in istis quoque longè remotis, idem in iis quae ad stirpes attinent, Natura secuta sit. Neque vero dispar ratio est in animalibus; cur non & pascendi, & generandi, modusGa naar margenoot+ similis putetur in Planetis ei qui est apud nos. Quia nempe universa terrae hujus animalia, sive quadrupedum generis, aut volucrum, aut natantia, aut reptilia, ipsaque insecta, idem naturae praescriptum sequuntur. Vescuntur enim vel herbis, fructibusque, vel ipsis animantibus, quae inde nutrita fuere: omniumque generatio per conjunctionem maris & foeminae, perque faecunditatem ovorum (nam & haec ubique animadvertitur) peragiturGa naar voetnoot29). Nam hoc quidem certum est, fieri non posse ut, vel herbae, vel animantia | quae illic sunt, sine propagatione generis sui esse perseverent; quia vel fortuitisGa naar margenoot+ casibus interire ea ac deficere contingeret; cum herbae stirpesque humida materia constent, eoque etiam exarescere debeant; animalia mollibus flexilibusque membris, nec, ut silices, duris. Quod si in his alias nascendi vias comminiscamur, velut ex arboribus; quemadmodum diu creditum est, ex harum genere quodam in Britannia anates nasci, apparet quàm id à ratione abhorreat, propter summam, quae lignum inter carnesque est, differentiam. Vel si animalia ex limo terrae existere putemus, velut de muribus in AEgypto multi prodiderunt, quis, naturae paulo intelligentior, non videt hoc alienum esse institutis ejus? aut quis non existimet multò magis convenire Dei magnitudini ac sapientiae, ut semel omnis generis animantia creaverit, inque Terrarum orbem certo modo, (quem nemo hominum adhuc divinare potuit) imposuerit, quam ut perpetuo novis ex terra producendis vacare necesse habeat? Quibus alendis, educandisque, abesset quoque prorsus parentum cura ac charitas, quam necessaria quadam ratione, omni animalium nostrorum generi, | insitam, ingenitamque novimus. Sed haec quae adGa naar margenoot+ propagationem attinent, etsi fortasse aliter sese habeant, hoc tamen rationibus superius adductis satis probatum est, & stirpes & animalia in Planetarum terris inveniri, ne scilicet sint hac nostra viliores. Quod cum ita sit, tum quoque, ne minus, quam nostra Tellus, istae aliae ornatae sint, necesse est, ut non minor sit, in utroque genere illo, quàm apud nos varietas. Quaenam vero haec esse potest? Equidem cum, in omni animantium nostrorum genere, cogito quibus modis moveantur; omnia video eo reduci, ut vel pe- | |
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avec six ou même des centaines de pattes dans le cas des insectes, soit à voler dans l'air, par la force et la structure, l'une et l'autre si admirables, des ailes; soit à ramper sans pattes; soit à s'ouvrir une voie dans l'eau par des flexions véhémentes du corps ou encore par des membranes attachées aux pattes. Outre ces modes connus de se mouvoir il ne semble guère y en avoir d'autres imaginables. Les animaux Planétaires feront donc usage de quelqu'un de ces modes ou bien aussi, du moins certains d'entre eux, de plusieurs de ces modes; de même que chez nous les oiseaux amphibies marchent avec leurs pattes et de plus nagent dans l'eau et volent dans l'air, et que les crocodiles et hippopotames occupent une place intermédiaire entre les genres terrestre et aquatique. Aucune autre manière de vivre, outre celles-ci, ne semble pouvoir être imaginée. Car quel autre milieu pourrait-ce être où vivraient des animaux que la terre solide ou bien un Elément liquide tel que notre eau, ou beaucoup plus liquide encore tel que l'air, ou du moins des milieux assez semblables? L'air pourrait sans doute y être beaucoup plus dense et plus pesant que chez nous et par là plus accommodé au vol, sans être moins transparent. Il pourrait aussi y avoir des couches superposées de différents liquides. Comme si, au dessus de la mer, on se figurerait une autre matière dix fois plus légère que l'eau et cent fois plus lourde que l'air, terminée en haut par sa surface à elle, de telle manière toutesois que des parties solides de terre en émergeassent. Il n'y a pas de raison pour laquelle nous devrions croire qu'une plus grande quantité de milieux de ce genre serait présente sur les autres Planètes que sur la nôtre; s'ils s'y trouvaient en abondance les animaux ne pourraient néanmoins s'y mouvoir que suivant les modes dont il était question plus haut. Mais quant aux formes planétaires des animaux, si l'on a égard à leur grande et merveilleuse diversité dans les différentes régions de la terre, et au sait qu'en Amérique on trouve ce qui est vainement cherché ailleurs, il y a beaucoup de raisons pour nous considérer comme incapables d'en deviner aucune. Toutefois en songeant à tous les modes de locomotion ici rapportés, on peut dire qu'il ne serait pas étonnant si quelque animal de là ne differât de quelque animal d'ici qu'autant que nos animaux diffèrent entr'eux. Je parle de ceux qui se ressemblent le moins. Nous entendrons en effet le mieux la diversité des espèces Planétaires en ayant égard à l'admirable variété de formes des nôtres. Il est extrêmement vraisemblable qu'elles ne se montreraient pas moins nombreuses à nos yeux si quelqu'un de nous était mis en état de contempler de près le globe de Jupiter ou de Vénus. Parcourons (car il ferait trop long de nous étendre sur chacune d'elles) les principales différences entre nos animaux, se faisant jour soit dans leur forme soit dans quelque propriété singulière; et cela pour les animaux terrestres, aquatiques et volatiles. Considérons combien grande est la dissemblance entre le cheval, l'éléphant, le lion, leGa naar margenoot+ cerf, le chameau, le porc, le singe, le porc-épic, la tortue, le caméléon; pour les animaux aquatiques entre la baleine et le phoque, la raie, le brochet, l'anguille, la seiche, le polype, le crocodile, le poisson volant, le gymnote, l'écrevisse, l'huître, le pourprier; pour les oiseaux entre l'aigle, l'autruche, le paon, le cygne, l'hibou, la chauve- | |
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dibus ingrediantur binis, quaternisve; insecta senis, vel etiam centenis; vel ut in aere volent, alarum mirabili vi & moderamine; vel sine pedibus reptent; vel flexu corporum vehementi, aut etiam pedum percussu, in aqua sibi viam aperiant. Praeter hos incedendi modos, vix videtur alius dari, aut omnino mente concipi posse. Ergo quae in Planetis extant animantia, uno aliquo ex his utentur; aut quaedam pluribus etiam, quemadmodum apud nos aves amphibiae; quae & pedibus incedunt, & natant in aquis, & in aere volitant: & crocodili & hippopotami, inter | terrestria, & aquatica, medii generis.Ga naar margenoot+ Nulla autem praeter hasce vita cogitari posse videtur. Quid enim esse possit, in quo animantia existant, praeter tellurem solidam, aut Elementum liquidum, quale aquae nostrae, aut multo liquidius, quale aer; aut illis similia. Posset enim esse aer multò, quàm apud nos densior, graviorque; eoque ad volandum accommodatior, neque tamen minus perspicuus. Possent etiam liquidorum plura genera, alia aliis superinducta esse. Velut si, super mare, incumbere cogitetur alia quaepiam materia, quae decuplo levior sit aqua, centuplo gravior aëre; ac sua quidem superficie extrinsecus terminata, sed ut extra eam, terrae partes solidae emineant. Sed non est, cur plura hujusmodi in caeteris Planetis, quàm in nostro, inveniri putemus, & si inveniantur, non tamen aliis modis ibi animalia moveri poterunt. Caeterùm quod ad varias eorum formas attinet; cum videamus in variis terrae regionibus miram adeo ac multiplicem diversitatem; invenirique in America quae frustra alibi quaeras; magna ratio est ut nullam earum formarum, quae in Planetis exstant, imaginando assequi nos posse credamus. | QuanquamGa naar margenoot+ si omnes istos movendi modos cogitemus, quos hic recensui, nihil mirum esset non magis differre aliquod istorum animalium, à nostrate quopiam, quàm nostra discrepant inter se. Ea dico quibus minimum est similitudinis. Quam varia porro sint genera eorum in Planetis ita optimè colligemus, si ad ea quae apud nos sunt, miramque in iis formarum diversitatem, animum advertamus. Planè enim verisimile est, non minori numero occursuras, si quis ad Jovis, aut Veneris globum cominus spectandum admitteretur. Percurramus verò (nam de omnibus dicere longum esset) majores nostrorum animalium differentias, vel formâ, vel proprietateGa naar margenoot+ aliqua singulari notabiles; idque in terrestribus, aquatilibus, volucribus. Cogitemus quae sit inter equum, elephantum, leonem, cervum, camelum, porcum, simiam, histricum, testudinem, chamaeleontem, dissimilitudo; quanta in aquaticis, cetum inter & phocam, raiam, lucium, anguillam, sepiam, polypum, crocodilum, piscem volantem, torpedinem, cancrum, ostream, muricem. In avium genere quan|tum discrimen, aquilae,Ga naar margenoot+ struthiocameli, pavonis, cygni, noctuae, vespertilionis. Reptilia pro uno tantum genere | |
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souris. Prenons les reptiles pour une famille unique. Mais jetons les yeux chez les insectes sur les fourmis, les araignées, les mouches, les papillons, et ayons égard à cette merveille de la nature que des animaux volatiles sortent de vers. Or, nous savons de plus combien grand est pour chacun de ces groupes le nombre de ceux qui présentent de moindres différences. Ga naar margenoot+ Mais quelque grand qu'il soit, il faut croire qu'il n'y a pas moins de créatures différentes dans chacune des autres Planètes. Quoique toute conjecture sur leurs formes soit vaine, nous avons cependant déjà obtenu quelques résultats généraux sur leur manière de vivre; quant à leurs sens, nous en parlerons tantôt. Ga naar margenoot+ Nous pourrions signaler, de même que nous l'avons fait pour les animaux, les principales diversités entre nos différentes plantes basses et nos différents arbres. Par exemple celles qui existent entre le sapin, le chêne, le palmier, le cep, la figue, l'arbre qui produit les noix de Coco, l'arbre Indien des branches duquel proviennent en masse de nouvelles racines qui s'enterrent. De même, chez les plantes basses, la graminée, le pavot, le chou, la lierre, les melons, la figue Indienne où des feuilles épaisses succèdent à d'autres sans qu'il y ait un tronc, l'aloès. Et dans chacun des groupes existe l'abondance qu'on connaît des plantes qui présentent quelque moindre différence entre elles. Qu'on considère aussi leurs divers modes de propagation, comme par les semences, les noyaux, les boutures, les greffons, les bulbes: il faut admettre pour tout ceci une variété ni moins grande ni moins admirable dans le cas des terres Planétaires. Ga naar margenoot+ Mais il me semble ne pas encore avoir touché ce qui dans cet examen est le principal et le plus intéressant aussi longtemps que je n'ai pas placé dans ces terres des spectateurs capables de jouir de tant de choses créées et d'en admirer la beauté et la variété. Or, j'observe que personne, ou presque personne, qui en est venu à méditer sur ces sujets, ne fût-ce que superficiellement, a révoqué en doute la nécessité de se figurer certains spectateurs Planétaires, non certes des hommes semblables à nous, mais cependant des êtres vivants usant de raison. Il leur a semblé que la parure de ces terres lointaines, quelle qu'elle soit, aurait été pour ainsi dire créée en vain, sans aucun but ou propos, s'il n'y avait pas eu ce dessein qu'elle serait contemplée par quelqu'un qui pourrait faire état de son élégance, en retirer les fruits, et admirer la sagesse du souverain architecte. Quant à moi, ce n'est pas là le principal argument qui me persuade de l'existence d'habitants raisonnables des Planètes. En effet, ne pourrions-nous pas dire que Dieu lui-même est le spectateur de ses créations - d'une autre façon sans doute que nous; mais qui doutera qu'il voit, celui qui a fabriqué les yeux?Ga naar voetnoot30) - | |
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censeamus. At in insectis formicas spectemus, araneos, muscas, papiliones; & miram horum naturam, quod ex vermibus volatilia evadant. In omnibus vero his, scimus quàm magnus praeterea sit numerus minus dissidentium. At quantuscunque sit, nihilo minorem esse in unoquoque reliquorum PlanetarumGa naar margenoot+ putandum est. Quamvis vero de figura istorum animalium frustra per conjecturas quaeratur, tamen de vita eorum generatim jam aliquid assecuti videmur; & de sensibus erit in sequentibus quod dicamus. Sicuti verò animantium, ita stirpium quoque & arborum nostrarum praecipuae differentiae expendi possunt. Velut quae in abiete, quercu, palma, vite, ficu; tum ea quaeGa naar margenoot+ nuces, Cocos dictas, generat arbore; itemque alia apud Indos, è cujus ramis radices novae pullulant, inque terram demittuntur. Item, in herbis, gramen, papaver, brassica, hedera, pepones, ficus Indica foliis crassis, sine caule, succrescentibus, aloë. In quibus rursus ea quam scimus, minus dissi|milium est copia. Ad haec propagandi viae variaeGa naar margenoot+ inspiciantur; velut ex seminibus, nucleis, taleis, insitione, bulbis. Quibus omnibus nihilo pauciora, aut minus miranda, in Planetarum terris reperiri, existimandum sit. Sed quod in hac disquisitione praecipuum est, plurimamque jucunditatem habet, nondum attigisse mihi videor; quamdiu nullos in terris illis spectatores posui, qui totGa naar margenoot+ rebus creatis fruantur, pulchritudinemque, & varietatem earum, admirentur. Et video quidem, neminem fere eorum, quibus vel leviter haec meditari contigit, dubitasse quin spectatores aliqui in Planetis collocandi sint: non quidem homines nobis similes, sed animantia tamen ratione utentia. Nempe iis visum est, qualemcunque terrarum istarum ornatum, velut frustra, nulloque fine aut consilio, fore procreatum, si non hoc propositum fuisset, ut ab aliquo cerneretur, qui intelligere ejus elegantiam posset, fructumque simul percipere, & summi opificis admirari sapientiam. Ego vero non hoc praecipuum argumentum habeo, cur animal rationis particeps Planetas incolere existimem.| Quid si enim dicamus ipsum Deum spectare quae effecit; (alia quidem ratione quamGa naar margenoot+ nos, sed videre eum quis dubitet qui oculos fabricatus estGa naar voetnoot30)?) iisque delectari, neque | |
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qu'il en tire, lui de la jouissance et qu'il ne faut rien de plus? N'a-t-il pas créé pour ce but tant les hommes eux-mêmes que plus généralement l'univers et tout ce qu'il contient? Ce qui me pousse surtout à croire à l'existence d'êtres Planétaires raisonnables, c'est donc autre chose: savoir que notre Terre aurait un trop grand avantage et une trop grande noblesse par rapport aux autres Planètes si elle possédait seule un animal qui surpasse de si loin tous les autres, pour ne rien dire de sa supériorité par rapport aux plantes; animal dans lequel il y a quelque chose de divinGa naar voetnoot31) par lequel il prend connaissance d'innombrables choses, les entend et les fixe dans sa mémoire, recherche la vérité et s'en fait juge; tel aussi que tout ce que la terre produit semble avoir été apprêté pour lui. En effet, il fait usage de tout. Il construit des maisons avec le Bois, la pierre et le métal; il mange les oiseaux, les poissons, le bétail et les herbes; il prend avantage de l'Eau et des vents pour naviguer; il jouit de l'odeur des fleurs et de leurs belles couleurs. S'il n'existe aucun animal de ce genre sur les Planètes, que pourrait il y avoir d'aussi valuable par lequel ce défaut serait compensé? Supposons en Jupiter une beaucoup plus grande variété d'animaux, plus d'arbres, d'herbes, de métaux: rien dans tout ceci ne conférera à ce monde une dignité pareille à celle que possède le nôtre par l'admirable nature de l'esprit humain. Si mon jugement me trompe en cette rencontre, j'avoue être incapable d'estimer la valeur des choses. Et que personne ne dise qu'il existe dans ce même genre humain tant de maux et de vices qu'on peut bien mettre en doute si, en attribuant un animal de ce genre aux mondes Planétaires, il en résultera pour elles de la dignité et du décor, ou bien toutGa naar margenoot+ le contraire. D'abord, disons-nous, les vices de la plupart des hommes n'empêchent pas que ceux qui s'appliquent à la vertu et au droit usage de la raison ne doivent être considérés comme quelque chose de fort beau et excellent. D'autre part il est permis de croire que ces vices de l'âme aussi n'ont pas été donnés à l'homme sans la volonté de l'être souverainement sage. En effet, comme par la volonté et la providence de Dieu la Terre et ses habitants sont tels que nous les voyons; car il serait absurde de penser que toutes les choses d'ici se sont développées autrement qu'il ne l'avait voulu et prévu; il faut, dis-je, admettre qu'une si grande diversité d'âmes n'a pas été donnée aux mortels sans raison, mais que le mélange de ce qui est méchant ou mauvais avec ce qui est bon, et les infortunes, guerres et calamités qui en résultent, se produisent dans ce but que les esprits soient tenus en alerte, la nécessité nous forçant à être actifs et à nous exercer à rechercher des moyens de défense contre nos ennemis ainsi qu'à nous demander avec quelles machines et quels projectiles nous pourrons les attaquer. La même nécessité nous oblige, en cherchant à combattre la pauvreté et la misère, à inventer divers arts et à scruter la nature, par la connaissance de laquelle nous nous | |
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praeterea quidquam requiri. Nonne enim ob hoc ipsum & homines condidit, & quicquid continet mundus universus? Itaque quod praecipue me movet, ut rationabile animal in Planetis non deesse credam, hoc est, quod nimia Terrae nostrae prae caeteris illis esset praestantia ac nobilitas, si sola animal haberet tam longe caeteris omnibus animalibus, nedum stirpibus praecellens; in quo inest divinum quiddamGa naar voetnoot31), quo cognoscit, intelligit, res innumeras memoria complectitur, veri expendendi judicandique capax est; cujus denique gratia quicquid terra progenerat paratum esse videtur. Omnia enim in usus suos vertit. Lignis, lapidibus, metallis, domos exstruit; Avibus, piscibus, pecore & herbis vescitur; Aquae & ventorum commodis ad navigandum utitur; ex florum odore pulchrisque coloribus voluptatem percipit. Si nullum in Planetis est ejusmodi animal, quid esse queat, quod tanti aestimandum sit, quove is defectus pensetur? Pone in Jove majorem multo ani|mantium varietatem; plures arbores, herbas,Ga naar margenoot+ metalla: nihil erit in omnibus his, ob quae tantum dignitatis accedat isti mundo, ac nostro propter humani ingenii mirabilem naturam. Hic si me judicium fallit, fateor me pretia rerum aestimare nescire. Nec dicat aliquis, tantum malorum ac vitiorum eidem humano generi inesse, ut merito dubitari possit, an, tale quodpiam animal Planetariis mundis tribuendo, dignitas iis ornamentumque, an his contraria accessura sint. Primum namque non impediunt vitia,Ga naar margenoot+ majori hominum parti insita, quin ii qui virtutem, ac rectum rationis usum sectantur, tanquam pulcherrimum quid praestantissimumque censendi sint. Praeterea credibile est, ipsa illa animi vitia, magnae hominum parti, non sine summo consilio data esse. Cum enim Dei voluntate ac providentia talis sit Tellus, ejusque incolae, quales cernimus; absurdum enim foret existimare omnia haec alia facta esse, quam ille voluerit, sciveritque futura; putandum est utique non frustra multiplicem adeo animorum diversitatem mortalibus esse insitam; sed malorum cum bonis misturam, quaeque inde eveniunt | infortunia, bella, calamitates, eo fine accedere, ut necessitate urgente stimulosqueGa naar margenoot+ admovente, ingenia excitentur, exerceanturque, dum quaerimus ea quibus ab hostibus nos tutemur, quibusve machinis telisque eos persequamur: Utque paupertatem ac miseriam depellere conantes, varias artes exquiramus, naturamque scrutemur, ex cujus cognitione deinde auctoris potentiam prudentiamque admirari necesse sit; | |
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voyons ensuite forcés d'admirer la puissance et l'intelligence de son auteur, auxquelles sans cela nous aurions peut-être, dans notre ignorance, été aussi indifférents que les bêtes. Car il ne faut pas tirer en doute que si les hommes étaient dans une paix continuelle et dans une continuelle abondance, il serait possible qu'ils ne vécussent que comme les brutes ou peu s'en faut, dénués de toute science et ignorant la plupart des commodités par lesquelles la vie se fait meilleure et plus agréable. L'admirable art d'écrire nous ferait défaut si la nécessité la plus stringente, tant dans les commerces que dans les guerres, ne nous eût poussés à l'inventer. C'est à elle que nous devons l'art de naviguer, celui de semer, ainsi que la plupart des autres inventions dont nous jouissons; et de même la connaissance de tous les secrets de la nature trouvés par voie expérimentale. Il faut en conclure que les choses mêmes qui ont porté à critiquer la nature imparfaite en apparence de la raison peuvent être dites être de grand avantage pour la talonner et la parfaire. Les vertus elles-mêmes, le courage et la constance, ne peuvent guère apparaître que dans les dangers et l'adversité. Supposé que sur les autres Planètes il existe un genre d'animaux raisonnables doués à peu près des mêmes vertus et des mêmes vices que les hommes, celui-ci doit donc être considéré comme un élément de tant de valeur que sans lui elles seraient de beaucoup inférieures à notre Terre. Ga naar margenoot+ Mais après avoir posé l'existence d'habitants raisonnables des Planètes, on peut encore se demander si ce que nous appelons raison chez eux est la même chose que ce qu'ici nous désignons par ce terme. Il semble bien qu'il faille répondre qu'oui, en ajoutant qu'il ne peut guère en être autrement, soit que nous considérions l'usage de la raison dans ce qui appartient aux moeurs et à l'équité, soit ce même usage dans ce qui regarde les principes et fondements des sciences. C'est en effet chez nous la raison qui nous inculque les sentiments de la justice, de l'honnêteté, de la louange et de la gloire, de la clémence, de la gratitude, et qui généralement nous apprend à distinguer le mal d'avec le bien; c'est elle qui rend notre esprit capable de discipline et d'inventions multiples. Pourrait-il exister ailleurs une raison différente? Tiendrait-on pour injuste ou criminel en Jupiter ou en Mars ce qui chez nous est jugé juste et louable? Certes ceci n'est ni vraisemblable ni même possible. En esset, comme - nous le constatons ici - le régiment de la raison est nécessaire pour conserver la vie et la société (or, nous ferons voir que cette dernière aussi existe chez les planéticoles), il s'ensuit qu'en statuant ce qui est contraire à ses décrets, il en résulterait la ruine et subversion de ceux qui seraient doués d'une mentalité si perverse. Mais la conservation, nous le voyons, a été partout le but que l'auteur des choses s'est proposé. Et bien que les affections de l'âme puissent chez les habitants de ces contrées éloignées être quelque différentes de celles que nous éprouvons, par exemple dans ce qui a trait à l'amitié, à la colère, à la haine, à l'honnêteté, à la pudeur, au sentiment du convenable, on ne peut cependant tirer en doute que dans la recherche de la vérité, dans la logique et surtout dans les jugements qui se rapportent à la quantité et à la grandeur, ce dont s'occupe la Géométrie (s'ils ont quelque chose de tel, ce que nous examinerons un | |
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quas forsan alias pari stupore ac bestiae praeteriissemus. Nec enim dubitandum est, si in continua pace, omniumque rerum affluentia homines aetatem agerent, fieri posse ut admodum diu, non aliter fere quam bruta animalia, victuri sint; omnis scientiae expertes, pluriumque commodorum ignari, quibus melius jucundiusque vita transigitur. Careremus mirifica illa scribendi arte, nisi summa in commerciis bellisque necessitas eam extudisset. Huic artem navigandi, huic serendi debemus, maximamque partem caeterorum quibus fruimur inventorum; itemque naturae arcana fere omnia, inter experiendum reperta. Ita ea ipsa propter quae incusanda rationis facultas videbatur, possunt dici ad perficiendam exa|cuendamque eam plurimum prodesse. Nam & virtutesGa naar margenoot+ ipsae, fortitudo animi, & constantia, vix aliter quam in periculis rebusque adversis apparere possunt. Quod si igitur genus animalium rationabile in caeteris Planetis esse cogitemus, quod virtutibus vitiisque fere iisdem atque homines praeditum sit, id tanti esse existimandum est, ut, absque iis, longè quàm Tellus haec nostra viliores futuri sint. Positis vero ejusmodi Planetarum incolis ratione utentibus, quaeri adhuc potest,Ga naar margenoot+ anne idem illic, atque apud nos, sit hoc quod rationem vocamus. Quod quidem ita esse omnino dicendum videtur, neque aliter fieri posse; sive usum rationis in his consideremus quae ad mores & aequitatem pertinent, sive in iis quae spectant ad principia & fundamenta scientiarum. Etenim ratio apud nos est, quae sensum justitiae, honesti, laudis, clementiae, gratitudinis ingenerat, mala ac bona in universum discernere docet: quaeque ad haec animum disciplinae, multorumque inventorum capacem reddit. Exstaretne alibi diversa ab hac ratio? censereturque injustum aut scelestum in Jove aut Marte, quod apud nos ju|stum ac praeclarum habetur? Certè nec verisimile est, necGa naar margenoot+ omnino possibile. Cum enim rationis, qualem hic agnoscimus, ductu opus sit ad tuendam vitam ac societatem (nam & hanc apud Planeticolas reperiri ostendemus) si contraria ejus decretis statuantur, sequetur ruina ac subversio eorum, quibus ejusmodi mens perversa contigissiet. At conservatio, ut videmus, rerum conditori ubique proposita est. Verum ut ut affectiones animi à nobis aliquatenus diversae sint apud istos longinquarum terrarum habitatores, puta in his quae ad amicitiam, iram, odium, honestatem, verecundiam, decorem attinent; non tamen dubitari potest, quin in veri investigandi studio, judicandis rationum consequentiis, ac praesertim in ratiociniis, quae ad quantitatem ac magnitudinem spectant, circa quae Geometria versatur, (si quid | |
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peu plus loin), on ne peut, dis-je, tirer en doute que leur raison ne soit entièrement semblable à la nôtre et ne suive la même voie; que ce qui est vrai pour nous ne le soit aussi dans les autres PlanètesGa naar voetnoot32). Quoique dans ces matières une perspicacité ou aptitude supérieure ou inférieure à la nôtre puisse être échue à leurs habitants. Mais je sens m'être aventuré trop loin : il fallait d'abord instituer un examen sur les sens corporels des Planéticoles. S'ils en étaient destitués ils ne pourraient guère ètre censés avoir une vie comparable à celle des animaux ou posséder les organes permettant l'exercice de la raison. Or, je pense qu'on peut faire voir par une argumentation probable, que tant leurs animaux brutes que leurs êtres raisonnables s'accordent en ce qui concerne les sens avec ceux qui habitent cette terre-ci. Si nous nous représentonsGa naar margenoot+ d'abord ce qui constitue chez les animaux la faculté de voir, sans laquelle ils ne pourraient pas même paître ni éviter les dangers ni avoir une autre vie que celle des taupes ou des vers de terre, nous comprendrons que nécessairement là où il existe des animaux supérieurs à ces derniers, ils doivent, là-bas aussi, être munis d'yeux, puisque rien n'est de la même importance pour conserver ou embellir la vie. Ayant égard à la merveilleuse nature de la lumière et à l'admirable artifice des yeux construits pour en tirer partie, nous saisirons aisément que la perception d'objets fort éloignés avecGa naar margenoot+ la compréhension de leurs formes et la différentiation des distances ne peuvent être obtenues autrement que par des yeux. En effet, tant ce sens-ci que tous les autres à nous connus ne peuvent exister que grâce à un mouvement venant du dehors. Dans le cas de la vue ce mouvement, comme nous l'avons expliqué ailleurs, part du Soleil ou des étoiles fixes, ou bien du feu, dont les particules agitées d'un mouvement fort rapide poussent et choquent continuellement la matière céleste environnante, impulsion qui se communique avec une très grande vitesse des particules proches à d'autres fort éloignées, à peu près de la même manière que le son se propage par l'air. Sans ce mouvement, sans la matière éthérée qui remplit les espaces célestes intermédiaires, nous ne pourrions voir ni le Soleil ni les étoiles ni même d'autres objets plus rapprochés, puisque c'est ce mouvement qui, réfléchi par eux, doit nous parvenir: ce mouvement, aperçu par le sens de la vue, constitue ce que nous appelons la lumièreGa naar voetnoot33). Dans ce sens il y a surtout ceci d'admirable que par la méthode de la construction il a pu être rendu assez fin pour être affecté par la moindre petite commotion de la matière céleste et reconnaître en même temps d'où elle provient. Il est également merveilleux que les innombrables traînées de secousses de ce genre ne se gênent en rien, que les | |
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habent ejusmodi, quod mox inquiremus) non, inquam, dubitari potest, quin prorsus similis sit, eademque via ingrediatur illorum ac nostra ratio; quodque apud nos verum est, idem sit in caeteris PlanetisGa naar voetnoot32). Etsi vis ac facultas in his rebus major minorve illorum incolis fortasse quam nobis contigerit. Sed jam nimis longè provectum me esse sentio. Ante enim dispiciendum erat deGa naar margenoot+ sensibus corporeis istorum in Planetis agentium, quibus si carerent, vix jam aut vitam, ut animalia, sortiti esse videri possint, aut habere, in quo rationis usum exerceant. Puto autem ostendi posse probabilibus argumentis & bruta animantia, & quibus ratio inest, convenire, in his quae ad sensus attinent, cum iis quae terram hanc incolunt. Primùm namque si cogitemus quid sit in animalibus videndi potestas, absque qua nequeGa naar margenoot+ pascendi ratio esset, nec pericula vitandi; nec denique vita alia quam talparum aut lumbricorum; prorsus necesse esse intelligemus ut, ubi sunt animalia his praestantiora, ibi & visu praedita sint. Cum nihil ad vitam vel conservandam, vel exornandam aeque conducat. Quod si vero inspiciamus mirabilem lucis naturam, stupendumque artificium, quo ad eam fruendam oculi comparati sunt, facile cognoscemus, perceptionem rerum procul distantium, cum circumscriptione formarum, discrimen intervallorum, non alioGa naar margenoot+ modo, quam qui ex visu sit, institui posse. Non enim potest hic sensus, imo nec alius quisquam eorum quos no|vimus, existere, quam ex motu extrinsecus adveniente. QuiGa naar margenoot+ motus, ut alibi explicuimus, in efficiendo visu, à Sole proficiscitur, aut stellis inerrantibus, aut igne; quorum particulae celerrima agitatione concitae, circumfusam caelestem materiam continue pulsant, impelluntque; qui impulsus a proximis ad longe dissitas citissime propagetur, fere eo modo quo sonus per aerem. Absque hoc motu, materiaque aetheris qui intermedia caeli spatia complet, nec Solem nec stellas cernere possemus; neque etiam alia quae propiora sunt corpora; cum ab his ad nos idem ille motus repercussus pervenire debeat. Hic, oculorum sensu perceptus, lux appellaturGa naar voetnoot33). Inque eo sensu mirabile est ante omnia, quo pacto ad tantam subtilitatem perduci potuerit, ut minimâ caelestis materiae commotiunculâ afficeretur, simulque qua ex parte illa oriretur perciperet. Tum quomodo nihil sese mutuo impediant innumeri ejusmodi pulsuum processus, sphaericaeque superficies, aliae alias trajicientes. Haec omnia tam | |
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innombrables surfaces sphériques se traversent les unes les autres. Tout ceci a été arrangé d'une manière si admirable et si subtile que des intelligences humaines auraient été incapables d'en inventer la moindre partie, et qu'elles suffisent à peine pour comprendre cet agencement. Car que pourrait-il y avoir de plus étonnant que le fait qu'une petite partie du corps a été fabriquée de telle façon qu'à son aide l'animal aperçoit la figure, la position, le mouvement quelconque, la distance d'objets éloignés, et cela avec la variété des couleurs qui lui permet de les distinguer encore mieux. La construction hautement ingénieuse de l'oeil capable de produire sur la surface concave de la choroïde une parfaite image des choses extérieures, passe les bornes de notre admiration: il n'y a rien où Dieu a plus manifestement exercé l'art de la GéométrieGa naar voetnoot34). Et tout ceci n'a pas seulement été inventé et fabriqué avec une industrie suprême, mais en en faisant un examen détaillé on se persuade que cette construction n'aurait pas pu avoir été autre qu'elle n'est: on voit que d'une part la lumière ne pourrait offrir à nos sens les objets distants que par la communication d'un mouvement agitant la matière céleste, et que d'autre part il n'existe aucun artifice autre que l'oeil capable de nous en présenter des images si distinctes. Je suis donc d'avis que toute personne est dans l'erreur qui ose soutenir que ces mêmes choses eussent pu avoir été ordonnées d'un grand nombre d'autres façons. C'est pourquoi il est absolument croyable que ceci se trouve dans les régions Planétaires tout comme ici, que pour les animaux qui vivent là-bas, la manière de voir est exactement la même. Ils auront donc des yeux, deux au moins, afin de pouvoir percevoir les distances des objets qui se trouvent devant leurs pieds, sans quoi on ne peut guère marcher avec assurance. Ceci s'applique à la grande majorité des animaux Planétaires lesquels dans leurs vies ont besoin de ces organes. Quant à ceux d'entre eux qui sont doués de raison et d'intelligence, plus ils peuvent tirer profit de la vue, plus aussi est-il certain qu'ils ont été dotés de ce sens magnifique. En effet, nous percevons, nous, la beauté des couleurs, l'élégance des formes, l'harmonie des choses; nous lisons, nous écrivons, nous contemplons le ciel et les astres, nous mesurons leurs orbites et leurs distances; or, l'on verra un peu plus bas jusqu'à quel point ceci s'applique aussi aux Planéticoles. Ga naar margenoot+ Bornons-nous pour le moment à rechercher s'il est vraisemblable que nos autres sens leur soient aussi tombés en partage. Quant à l'ouïe, beaucoup de raisons nous poussent à croire qu'elle existe chez tous les animaux de là-bas. En effet, l'ouïe est de grande utilité pour sauvegarder la vie de dangers, attendu que c'est souvent par le son et le fracas qu'un malheur imminent est reconnu, surtout la nuit et dans les ténèbres lorsque le secours des yeux sait défaut. Nous voyons aussi que plusieurs animaux appellent leurs semblables en se servant de leurs voix, qu'ils se communiquent par elles | |
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mira ac subtili ratione constituta sunt, ut nec minimam eorum partem hominum ingenia excogitare potuissent, cum vix etiam quomodo | sese habeant comprehendereGa naar margenoot+ queant. Quid enim tam mirabile, quam particulam corporis quandam ita fabricatam esse, ut ejus opera animal sentiat procul positorum corporum figuram, positum, motum quemlibet, distantiam; idque etiam cum colorum varietate, quo distinctius ea dignosceret. Oculi vero praeter haec artificiosissima constructio, quae perfectam rerum extra positarum picturam in cava choroidis superficie imprimere apta est, omnem profecto admirationem superat, neque est in quo manifestius Geometriae artem Deus exercueritGa naar voetnoot35). Atque haec non tantum solertia summa inventa & fabricata sunt, sed & videntur esse ejusmodi, si quis propius attendat, ut non alia ratione perfici potuerint quàm hac quam cernimus. Nam neque lux aliter, quàm communicato motu per materiam caelestem, res longo intervallo remotas sensibus nostris offerre poterat; nec oculorum artificio ullum aliud par dari ad distinctè referendas rerum imagines. Ut valde eos falli arbitrer, siqui haec eadem multis modis ordinari potuisse contendere audeant. Quare omnino credibile est utrumque istud eodem modo se habere in Planetarum regioni|bus atque hic; neque aliam esse iis, quae illic habitant animantibus,Ga naar margenoot+ videndi rationem. Habebunt igitur oculos; atque etiam binos minimum, quò possint rerum ante pedes positarum distantias percipere, sine quo vix tutò ingredi licet. Et haec quidem ad vitae usum necessariò tribuenda sunt animantibus Planetarum universis fere. Quae vero ratione & mente praedita sunt, cum alias quoque ex visu utilitates capere possint, tantò magis consentaneum est ut tam praeclaro munere donata sint. Nos enim colorum pulchritudinem, formarum elegantiam, ac concinnitatem visu percipimus; legimus, scribimus, caelum & astra contemplamur, eorumque cursus, magnitudinesque metimur; quae quatenus ad Planetarum incolas quoque pertineant, paulo post videbimus. Nunc illud prius quaeramus an caeteros quoque sensus nostros iis contigisse verisimile sit. Ac de auditu quidem multa suadent, ut cunctis, quae illicGa naar margenoot+ sunt, animalibus eum inesse credamus. Prodest enim plurimum ad vitam à periculis tutandam; cum sonitu ac fragore saepe imminens infortunium cognoscatur; praesertim noctu atque in tenebris, cum oculorum auxilium ereptum | est. Videmus praeterea utGa naar margenoot+ animalia pleraque vocis sono sui similia advocent, multaque inter se significent, nobis quidem parum intellecta, sed plura fortasse quam putamus. Apud ea vero quae ratione utuntur, si cogitemus quam mirabilis sit vocis & auditus oportunitas, vix credibile | |
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bien des choses inintelligibles pour nous et cependant, peut-être, de plus grande portée que nous ne serions tentés de le croire. Mais pour ce qui est des êtres raisonnables, si nous songeons combien admirable est la faculté de parler et d'entendre, il semblera à peine croyable que ce sens si utile, que le grand artifice de l'articulation aient été inventés seulement pour cette Terre et pour nous. Ne manquerait-il pas beaucoup à leur commodité et à un bonheur semblable au nôtre s'ils étaient dépourvus d'un si grand bénéfice? Quoi d'autre pourrait compenser ce défaut? Que si nous considérons en outre avec quel art et industrie la nature a obtenu que ce même air par la respiration duquel nous vivons, par le souffle duquel nous naviguons, qui met les oiseaux en état de voler; que cet air, dis-je, est en même temps fait pour recevoir et propager le son; que le son, lui, est capable de former des discours et à les introduire dans nos oreilles, pourrons-nous croire que dans ces terres lointaines la nature en ait négligé cet insigneGa naar margenoot+ usage? On pourra, ajoutons-nous, difficilement nier l'existence d'un air qui pèse sur ces terres, lorsque nous aurons rappelé qu'en Jupiter il paraît des nuages: de même que ceux-ci sont composés de fort petites gouttes d'eau, ainsi l'air qui entoure la terre de près est formé pour une grande partie de particules d'eau volant séparémentGa naar voetnoot35). Ce qui nous persuade aussi de l'existence d'air auprès des globes Planétaires, c'est que la respiration qui soutient la vie de tous les animaux d'ici, semble être une institution générale de la nature tout aussi bien que la nutrition par les fruits de la terre. Ga naar margenoot+ Je continue en parlant des autres sens des animaux. Il appert que le sens du tact a été donné avec une absolue nécessité à tous ceux d'entre eux qui sont recouverts d'une peau molle et flexible, afin qu'ils puissent se garder par la fuite de ce qui pourrait leur faire du mal; tandis que sans lui ils recevraient des plaies, des coups, des contusions multiples. En quoi la nature a été si prévoyante qu'elle n'a voulu rendre aucune partie de la peau exempte du sentiment de la douleur. Il est donc absolument croyable que cette faculté si nécessaire à la conservation des animaux ait aussi été donnée aux habitants des planètes. Ga naar margenoot+ Quant à l'odorat et au goût, qui ne voit que ceux-ci sont nécessaires aux paissants pour pouvoir distinguer les aliments utiles des herbes nocives ou peu profitables? S'il est vrai que dans ces régions-là les animaux se nourrissent d'herbes, de semences, peut-être aussi de chair, il est croyable qu'ils ne manquent pas non plus de ces sens si nécessaires pour se garder et pour choisir. Je sais que quelques-uns se sont demandés s'il ne peut y avoir dans la nature d'autres sens que les cinq que nous venons d'énumérer: si l'on répond affirmativement à cette question, il faut peut-être avoir égard à la possibilité que les sens des animaux planétaires soient tout autres que les nôtres. Rien en effet ne s'oppose à ce qu'il puisse | |
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videbitur tam utilem sensum, tantumque loquendi artificium, hujus Terrae nostrae, ac nostri tantum causa fuisse inventum. Quomodo enim illis non multum desit ad vitae commoda, & felicitatem nostrae similem, qui tanto beneficio carent: aut quanam alia re pensari hoc possit? Quod si porro consideremus, quam pulchre, quamque industrie natura hoc effecerit, ut idem ille aer, cujus respiratione vivimus, cujus flatu navigamus, qui, ut volare queant, avibus praestat; ut, inquam, idem ille ad exprimendum proferendumque sonum comparatus sit; sonus verò ad formandum, auribusque ingerendum sermonem; vix credemus insignem hunc aeris usum, in terris istis longinquis eam neglexisse? Esse enim illic aerem qui terris incumbat, vix dubitari potest, cumGa naar margenoot+ nubes in Jove apparere dixerimus. Sicut enim hae ex aquae guttulis minimis constant, ita ex parti|culis aquae seorsim volitantibus magna ex parte formatur aer ille qui propiusGa naar margenoot+ terram circundatGa naar voetnoot35). Quem Planetarum globis adesse etiam hoc suadet, quod respirandi ratio, qua vita sustentatur omnium quae hic habemus animantium, videtur omnino ex universalioribus illis naturae institutis esse, velut nutriri ex fructibus terrae. De sensibus autem reliquis animalium ut dicere pergam, eum sanè qui ex tactu oritur,Ga naar margenoot+ necessitate summa datum esse apparet omnibus iis quae molli flexilique pelle teguntur, quò à laedentibus caveant refugiantque; cum absque eo vulnera, plagas, contusionesque crebras acceptura fuerint. In quo tam provida natura fuit, ut, ne minimam quidem pellis particulam, doloris sensu vacare voluerit. Itaque hanc facultatem, tam necessariam ad conservandam animalium incolumitatem, omnino credibile est etiam planetas inhabitantibus inditam esse. Odoratum vero ac gustum quis non videt necessaria esse pascentibus, quo conducibiliaGa naar margenoot+ a noxiis, nihilve profuturis dignoscant. Itaque si herbis, seminibus, aut fortasse carnibus quoque in regionibus istis animalia alantur; | etiam his sensibus, tam ad cavendum,Ga naar margenoot+ appetendumque necessariis, credibile est ea non destitui. Scio à nonnullis fuisse quaesitum, an non alii praeter eos quinque quos diximus, naturâ dari potuerint. Quod quidem si concedatur, forsan dubitandum sit animalium planetariorum sensus longè alios esse ac nostratium. Nec sanè obstare quidquam videtur quo minus alii extare possint percipiendi modi: attamen cum perpendimus adGa naar margenoot+ | |
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exister d'autres moyens de percevoir. Cependant lorsque nous considérons à quels usages vitaux sert chacun de ceux que nous possédons, il ne semble pas qu'un autreGa naar margenoot+ quel qu'il fût, pût y avoir été joint avec quelque nécessité. En effet, la providence a fait en sorte que nous pouvons nous rendre compte par nos yeux tant de la nature des choses proches que de celles plus lointaines. Que l'ouïe nous renseigne sur les choses non vues, soit qu'elles se trouvent derrière nous ou bien dans les ténèbres. Que ce dont la présence n'est signalée ni par les yeux ni par les oreilles, un autre sens localisé dans le nez nous le fait connaître et cela, dans le cas des chiens, avec la merveilleuse subtilité que l'on fait. Elle a ordonné enfin que ce qui échapperait à ces quatre sens serait révélé par l'attouchement afin que ses rencontres avec le corps n'y portassent pas dommage. C'est ainsi qu'elle a pourvu de toutes manières au salut et à la conservation des animaux; rien ne semble pouvoir y être ajouté ou y manquer; par conséquent elle n'aurait pu donner aux planéticoles, outre ces sens-ci, que du superflu. Comme les sens ne sont pas seulement utiles aux hommes, mais que chacun d'eux leur procure aussi du plaisir, le goût dans les mets, l'odorat dans les fleurs et aromes, la vue dans la contemplation de la beauté des formes et des couleurs, l'ouïe dans les sons harmonieux, le sens du tact dans les choses vénériennes (à moins qeu ceci ne doive être appelé un sens particulier) et qu'il en est de même chez les autres animaux au moins pour quelques-uns d'entre ces sens, ne dirons-nous pas que ces dons de la nature ont été accordés à peu près de la même manière aux habitants des autres Planètes?Ga naar margenoot+ La raison semble l'exiger. Soit que nous songions combien en général par ce moyen la vie est rendue plus agréable et plus heureuse, ce qui nous pousse à ne pas revendiquer ces grands biens pour les habitants de notre Terre seulement en les déniant à ceux des autres, comme si notre condition doive être beaucoup supérieure à la leur; soit que nous considérions plus spécialement les plaisirs qui résultent du manger et du boire et de la conjonction des sexes, où nous comprendrons qu'il y a là, pour ainsi dire, des lois imposées par la prévoyante nature laquelle nous oblige sans mot dire à conserver et à propager l'espèce animale, ou peut-être, dans le cas des bêtes, à propager leur espèce uniquement dans le but de les faire jouir des deux plaisirs nommés; nous sommes amenés à admettre qu'il en est de même, à propos des jouissances, dans le cas des autres Planètes. Pour moi du moins, ayant égard au grand prix et à la grande utilité de toutes ces choses, et considérant combien il est merveilleux qu'il existe quelque chose de tel que le plaisir dans la nature, je me sens pleinement convaincu qu'une si importante faculté n'est pas échue à notre Terre seule laquelle n'est qu'une des planètes mineures. Voici ce que j'avais à dire sur les plaisirs qui correspondent aux sens corporels et qui n'affectent point, ou légèrement seulement, notre raison. Pour l'homme il existe, outre celles-ci, d'autres jouissances lesquelles ne se perçoivent qu'en esprit et par le sens nommé de la raison. Certaines d'entre elles sont associées à la gaieté, d'autres sont sérieuses mais ne doivent pas pour cela être estimées moindres: nous parlons du plaisir que procurent les sciences, les inventions, | |
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quos vitae usus unusquisque eorum, quos habemus, comparati sint; non videtur saltem alius quisquam necessarius adjungi potuisse. Nempe effecit providentia ut & propinqua, & longius remota, qualia essent oculis sentiremus. Rursus ut non visa, sive a tergo, sive in tenebris, auditus exciperet. Item ut quae nec oculi nec aures adesse nunciarent, alius tamen sensus qui in naribus est praesentiret, idque in canibus mirabili ut scimus subtilitate. Postremo effecit ut quae quatuor istos sensus effugerent, quò minus in corpus impacta nocere possint, tactu perciperentur. Ita omnibus modis saluti conservationique animalium consuluit, nec quidquam amplius addi aut desiderari posse videtur; ut | proinde planetarum incolis vix aliud nisi superfluum largitura fuerit.Ga naar margenoot+ Cum autem ex singulis sensibus, praeter utilitatem, voluptas aliqua ad homines perveniat; velut ex gustatu in cibis; ex odoratu in floribus & aromatis; ex visu in contemplanda pulchritudine formarum, & colorum; ex auditu harmonicorum sonorum; ex tactu in rebus venereis, (nisi peculiaris quidam sensus hic dicendus est) animalibus verò caeteris ex quibusdam horum; nonne dicemus haec naturae munera fere eodem modo reliquorum Planetarum incolis distributa esse. Certe id quidem ratio postulareGa naar margenoot+ videtur. Sive enim cogitemus, quanto in universum, propter haec, jucundior feliciorque vita reddatur, non debemus maximum ejus bonum nostrae Telluris habitatoribus ascribere, caeteras tenentibus denegare, quasi res nostrae rebus illorum multò praeferendae sint. Sive ad voluptates, quae in cibis capiendis, & in conjunctione utriusque sexus contingunt, attendamus; intelligemus haec esse necessaria quaedam veluti providae naturae jussa, tacitè cogentis ad conservandum, propagandumque animantium genus: vel etiam, in bestiis qui|dem, fortasse genus ipsum propagari, ut utraque illa jucunditateGa naar margenoot+ fruatur, ut proinde, utroque nomine, in caeteris Planetis eadem reperiri consentaneum sit. Equidem cum haec omnia quanti sint, quantamque utilitatem habeant, considero; quamque admirabile sit, tale quid, quale est voluptas, in rerum natura existere; omnino adducor ut credam, non soli Telluri nostrae, quae de minoribus planetis unus est, rem tantam obtigisse. Et haec quidem de voluptatibus iis quae sensus corporeos afficiunt, rationis facultatem aut nihil, aut leviter tantùm. Sunt autem homini, praeter istas, aliae quoque; quae mente tantum, & rationis sensu percipiuntur; aliae cum laetitia conjunctae; aliae seriae, neque ideo minoris faciendae; velut quae ex oblec- | |
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la découverte de la vérité. Nous aurons l'occasion, dans la suite de notre traité, de dire si tout ceci appartient aussi aux habitants des planètes. Reste à parler sur d'autres sujets de ressemblance probable entre ces contrées-là et les nôtres. Nous avons déjà vu combien il est vraisemblable que les Eléments terre, air, eau ne fassent pas défaut aux autres Planètes. Considérons maintenant la question du feu lequel chez nous ne doit pas littéralement être appelé un ElémentGa naar voetnoot36) mais bien plutôt un mouvement fort rapide de particules détachées de certains corpsGa naar voetnoot37). Ga naar margenoot+ Quelle que soit d'ailleurs sa nature, il y a beaucoup de raisons qui prouvent avec vraisemblance qu'il a été accordé aussi aux Planéticoles. D'abord celle que le siège du feu semble ne pas se trouver dans la Terre autant que dans le Soleil; de même qu'ici les plantes et animaux croissent choyés par la chaleur Solaire, on peut admettre que cela se passe dans le cas des autres Planètes. Or, comme une chaleur intense produit du feu, il est croyable que là-bas aussi, et surtout dans les planètes qui sont plus proches du Soleil, il existe de la chaleur à des degrés égaux ou supérieurs et par conséquent du feu. Nous voyons en outre de combien de manières le feu est engendré, soit par la réunion de rayons Solaires dans la réflexion de cymbales ou de miroirs; dans la collision du fer et de la pierre; dans le frottement mutuel de pièces de bois; dans les tas de foin pas bien sec; par la foudre; par les incendies des montagnes et de la terre sulfureuse. Il serait étonnant s'il ne s'allumait du feu, par quelqu'une de ces causes, dans les terres Planétaires. Songeons ensuite combien grande est chez nous l'utilité ou plutôt la nécessité du feu. C'est par lui que nous nous gardons des incommodités du froid dans les régions où la chaleur Solaire est moindre à cause de l'obliquité des rayons; nous obtenons ainsi qu'une grande partie de la Terre ne reste pas inculte et inhabitée; or, ce remède est également nécessaire à tous les globes Planétaires, soit qu'ils éprouvent les vicissitudes de l'été et de l'hiver, soit qu'ils jouissent d'un perpétuel équinoxe, puisqu'il est certain que chez eux aussi les endroits plus voisins du pôle, même en ne considérant que le dernier des deux cas nommés, tirent peu de profit de la chaleur Solaire. Par le feu nous éclairons aussi la nuit et créons pour ainsi dire un deuxième jour ce qui prolonge considérablement la vie. Pour toutes ces raisons il est fort vraisemblable que les habitants de la Terre ne sont pas seuls à jouir d'une chose si importante mais que celle-ci a été accordée à toutes les Planètes. On peut en outre se demander, à propos des animaux tant raisonnables que brutes, et aussi à propos des plantes basses et des arbres si ceux qui naissent là-bas correspondent aux nôtres en grandeur. Dans l'hypothèse que la nature les façonne d'après la | |
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tatione scientiarum, inventorum, verique cognitione oriuntur; de quibus omnibus, an ad aliorum quoque planetarum incolas pertineant, in sequentibus dicendi locus erit. Supersunt alia nunc expendenda quae in terris illis similia esse rebus nostris verisimile sit. De Elementis terrae, aeris, & aquae, vidimus jam quàm probabile sit ea in Planetis caeteris non deesse. Videamus & de igne, qui | apud nos quidem non tam ElementumGa naar margenoot+ esse dicendus estGa naar voetnoot36), quam motus quidam concitatissimus particularum à certis corporibus abreptarumGa naar voetnoot37). Hoc verò, quidquid est, etiam Planetarum incolis datum esse, multa sunt quae verisimiliter probent. Primum quòd non tam in Terra hac, quàm inGa naar margenoot+ Sole, ignis sedes collocata videatur; ac sicut, calore Solis, herbae & animantia hic crescunt ac foventur, ita quoque haud dubie in caeteris fiat Planetis. Cum autem intensior calor ignem generet, credibile est illic quoque, ac praesertim in Soli propinquioribus, eosdem aut majoris caloris gradus existere, eorumque vi ignem. Deinde videmus quam multis modis excitetur, velut colligendis Solis radiis, repercussu pelvium aut speculorum; ferri & silicis collisione; lignorum attritu mutuo; herbae non bene siccae congestis acervis; ex fulmine; ex montium terraeque sulphureae incendiis. Quare mirum esset, non aliquo ex istis omnibus, in Planetarum terris, eum accendi. Cogitemus deinde quanta apud nos sit ignis utilitas, quantaque necessitas. Hujus enim beneficio frigoris incommoda depellimus in iis regionibus, ubi calor Solis minus viget propter radio|rumGa naar margenoot+ obliquitatem, atque ita efficimus ne magna Terrarum pars inculta inhabitataque maneat; quod in omnibus Planetarum globis, sive aestatis hyemisque vicissitudines sentiant, sive perpetuo fruantur aequinoctio, aeque necessarium est remedium; quoniam & in his, loca polis viciniora, parum juvari Solis calore certum est. Eodem igne nocti lucem inducimus, diemque velut alterum creamus, quo non parum temporis vitae adjicitur. Itaque ob haec omnia prorsus verisimile est tanta re non solos Telluris incolas frui, sed omnibus Planetis communiter esse concessam. Porro quaeri potest de animalibus, tam ratione utentibus quàm brutis; atque etiam de stirpibus arboribusque; an, quae isthic nascuntur, nostris magnitudine respondeant.Ga naar margenoot+ Nam si haec ipsorum globorum mole natura metiatur, essent in Jove ac Saturno anim- | |
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Ga naar margenoot+ grandeur des globes planétaires, il y aurait en Jupiter et Saturne des animaux d'une stature dix ou quinze fois plus élevée que celle des Eléphants, des baleines surpassant les nôtres en longueur dans la même proportion. De plus les animaux raisonnables y seraient des géants en comparaison avec nous. J'avoue ne rien voir dans ceci d'étonnant ou d'impossible. Nous ne sommes toutefois aucunement forcés de croire qu'il en est vraiment ainsi, attendu que dans beaucoup de rencontres nous constatons que la nature ne s'est pas attachée aux règles des mesures qui à nos yeux paraîtraient plus convenables que celles actuellement existantes. On peut par exemple remarquer que les volumes des corps Planétaires eux-mêmes ne sont nullement proportionnés à leurs distances au Soleil, puisque Mars est manifestement plus petite que Vénus tout en étant plus éloignée; et que la révolution de Jupiter sur son axe a lieu en 10 heures, tandis que la Terre, tant de fois plus petite, y emploie 24 heures. Puisque la Nature néglige la proportionnalité dans ces choses, on pourrait même se demander si les habitants des Planètes ne sont pas peut-être des nains de la taille de nos grenouilles ou de nos souris. Mais je ferai voir plus loin pourquoi cette hypothèse serait déraisonnable. Une autre question douteuse se présente: se trouve-t-il en chaque Planète un seul genre d'animaux raisonnables ou bien plusieurs, éventuellement plus raisonnables les uns que les autres? Nous constatons certes ce phénomène sur notre Terre en un certain degré. Je ne parle pas ici de ceux qui ont la figure humaine quoique à propos de ceux-ci on pourrait également soutenir la dite inégalité sans absurdité; mais lorsque nous considérons le sens et l'intelligence de quelques espèces d'animaux tels que les chiens, les singes, les castors, les éléphants, et même certains oiseaux, ainfi que lesGa naar margenoot+ abeilles, ceux-ci se montrent tels qu'on ne semble pas pouvoir dire que le genre humain lui seul participe de la raison: il en apparaît un semblant dans eux tous, lequel est trouvé exister en eux sans aucune instruction ou expérience. On ne peut cependant mettre en doute la fort grande supériorité de l'intelligence et du génie humains, lesquels sont aptes à d'innombrables choses, capables de prendre des mesures se rapportantGa naar margenoot+ aux temps futurs, pourvus d'une mémoire infiniment détaillée sur les choses passées. Considérant cette immense différence quantitative et qualitative, nous n'estimerons pas sans raison que dans le cas des autres planètes la nature a aussi conféré la primauté à une seule espèce, d'autant plus que s'il y en avait plusieurs douées d'une même sagacité elles pourraient se nuire les unes les autres, se disputer les possessions et l'empire; ce que font d'ailleurs aussi trop souvent, tout en étant d'une espèce unique, ceux qui règnent en ce Monde-ci. Mais de quelque façon que ces choses soient arrangées là-bas, occupons-nous maintenant des êtres les plus raisonnables de tous de ces contrées lointaines, et demandons-nous à quoi ils se servent de leur raison et s'ils ont aussi leurs arts et sciences comme nous en notre planète. C'est-ce qui, en examinant leur nature, mérite surtout d'être considéré. Mais pour pouvoir le faire d'autant mieux, il faut commencer un peu plus haut et considérer avec quelqu'attention la vie et les occupations des hommes. | |
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alia quaedam decies aut quindecies altiora Elephantis, aut tantundem longitudine balaenas nostras superantia. Tum illa quae ratione praedita sunt, gigantum corpora haberent nostris comparata. Qua quidem in re nihil video quod vel mirum sit, vel fieri nequeat. Nulla tamen ratione cogimur ut re ipsa id ita | esse credamus; quandoquidemGa naar margenoot+ in multis rebus apparet non iis mensurae regulis naturam se obstrinxisse quae nostra opinione convenientiores videbantur. Veluti quod ipsorum globorum Planetariorum moles nequaquam pro distantia eorum a Sole constituta sit, cum Mars manifesto minor sit Venere, etsi remotior: cumque conversio Jovis, super axe suo, 10 horis peragatur; Telluris vero, tantò minoris, impendat horas 24. Posset vero dubitari, cum proportionem in his ita negligat Natura, an non fortasse pumiliones quidam sint incolae Planetarum, aut ranis muribusve non majores. Sed ostendam postea cur id nequaquam consentaneum putandum sit. Aliud quoque dubium exoriri posset, utrum genus unum tantum animalium quae rationem sortita sint, an plura in Planetis singulis reperiantur, & num dispari rationis vi. Ac profecto tale quid in Terra hac nostra contigisse cernimus. Non de iis nunc dico quae figuram hominum praeferunt; (etsi de his quoque id non absurde dici possit) sed si quorundam è bestiarum genere, sensum intellectumque spectemus; veluti canum, simiarum, castorum, elephantorum; imo & | avium quarundam, & apicularum, eaGa naar margenoot+ talia sunt, ut nequaquam solum genus hominum rationis particeps dicendum videatur.Ga naar margenoot+ Apparet enim quoddam hujus instar in istis omnibus, quod, absque ulla institutione aut experientia, iis inesse deprehenditur. Attamen dubitari nequit quin longè praecellat hominum intelligentia & ingenium,Ga naar margenoot+ quippe innumeris rebus aptum, consilii ad futura capax, praeteritorum memoria infinita praeditum. Quod ingens praestantiae discrimen si perpendamus, credemus non sine ratione, in caeteris quoque planetis, unum quoddam genus praetulisse naturam; atque eo magis, quod si plura forent eadem ingenii sagacitate, possent nocere sibi invicem, ac de possessionibus & imperio inter se contendere; quod nunc quoque faciunt nimis frequenter, licet unius generis sint, quae in Terra hac dominantur. Verum haec utcunque se habeant, de iis nunc agamus terrarum istarum animalibus, quae maximè caeteris ratione antecellunt; quaeramusque an sciri possit, quibus in rebus ejus usum impendant, & an habeant etiam artes scientiasque suas, velut nos in hoc nostro planeta. Quod quidem, inter ea quae | ad naturam eorum attinent, praecipuè expendi meretur.Ga naar margenoot+ Sed, quo melius id fiat, paulò altius exordiendum est, vitaque & studia hominum attentius inspicienda. | |
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Pour autant que les hommes s'appliquent seulement à subvenir à leurs besoins en se procurant les choses nécessaires, c'est à dire à se pourvoir de logements qui les gardent contre les intempéries de l'air, à s'entourer de murailles pour pouvoir se défendre contre les ennemis, à établir des lois pour vivre avec sécurité et tranquillité, à élever leurs enfants et leur procurer, ainsi qu'à eux-mêmes, de la nourriture, l'usage de la raison ne paraît pas encore, à mon avis, avoir quelque chose de si grand que nous devrions par là nous considérer comme supérieurs aux animaux brutes. Car beaucoup d'entre eux font les mêmes choses plus simplement, et de quelques-unes ils n'ont pas mème besoin. Et quant au sentiment de la vertu et de la justice, par lequel nous disions un peu plus haut que l'esprit humain se distingue, et de même celui de l'amitié, de la reconnaissance, de l'honnêteté, quel autre effet ont-ils que de rendre possible la résistance aux vices des hommes et d'assurer une vie tranquille et inoffensive? Ce qui échoit à certains animaux sans effort et naturellement. Si d'autre part nous portons nos regards sur les multiples peines, les maladies de l'âme, la concupiscence, la crainte de la mort, lesquelles accompagnent toutes notre raison censée si éminente, et que nous comparons ces désavantages avec la vie aisée, tranquille et innocente des bêtes, il pourrait sembler que plusieurs d'entre elles, surtout du genre des oiseaux, vivent plus agréablement et aient obtenu un meilleur sort que les hommes. Car pour les plaisirs corporels, ils en jouissent sans doute autant que nous malgré la contradiction de certains nouveaux philosophes déniant tout sens aux animaux autres que l'homme, de sorte qu'ils veulent les faire passer pour de purs automates ou marionnettes. Il m'est incompréhensible que quelqu'un puisse se rendre à leur sentiment absurde et cruel; surtout en considérant que les bètes elles-mêmes donnent à entendre le contraire tant par leur voix et par leur fuite devant les coups que généralement par toute leur manière de se comporterGa naar voetnoot38). Bien au contraire, je ne mets guère en doute que les oiseaux s'amusent de leur belle et admirable façon de traverser l'air; laquelle ils trouveraient sans doute encore plus délectable s'ils comprenaient combien notre marche lente à fleur de sol est surpassée par leur agilité, par la sublimité de leur vol.Ga naar margenoot+ Qu'y a-t-il donc dans lequel brille surtout l'usage de la raison humaine, nous rendant supérieurs aux autres animaux? Rien à un plus haut degré, me semble-t-il, que la contemplation de la nature et des oeuvres de Dieu jointe à l'application aux sciences qui nous permettent d'en reconnaître dans une certaine mesure l'excellence et la grandeur. Car que serait cette contemplation sans les sciences? Combien grande n'est pas la distance entre ceux qui considèrent oisivement la beauté et l'utilité du Soleil ainsi que le ciel étoilé, et d'autres plus doctes qui examinent la marche de tous les astres, | |
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Ac videtur quidem quatenus providendis procurandisque rebus tantum necessariis homines intenti sunt, ut nempe ab aëris injuriis tuti habitent; ut moenibus inclusi ab inimicis sibi caveant, ut leges condant ad secure ac tranquille vivendum; ut liberos educent; victum illis, sibique parent; in his omnibus inquam nihil magnum admodum habere videtur rationis nostrae usus, cujus causa nos brutis animantibus anteferamus. Namque haec pleraque istorum facilius simpliciusque efficiunt; aliquibus nihil opus habent. Quin imo & virtutis, justitiaeque sensus, propter quem paulo ante excellere mentem humanam dicebamus; itemque amicitiae, gratitudinis, honesti; quid aliud efficiunt, nisi ut vel vitiis hominum obsistatur, vel vita tranquilla & mutuarum injuriarum expers praestetur; quod bestiis sponte ac naturae ductu contigit. Jam si curas multiplices, animi aegritudines, concupiscentiam, mortis metum, quae omnia rationem illam nostram comitantur, ante | oculos ponamus; eaque cum vita parabili, quieta &Ga naar margenoot+ innocua bestiarum comparemus; videri possint harum plurimae, ac praesertim ex avium genere, jucundius agere, & meliore quam homines sorte frui. Nam quod ad voluptates corporis attinet, haud dubie iis aeque ac nos afficiuntur, quicquid contradicant novi quidam philosophi; qui sensum omnem ita auferunt reliquis praeter hominem animantibus, ut pro meris automatis aut neurospastis ea haberi velint; quorum absurdae, crudelique sententiae, miror quenquam accedere posse; praesertim cum & voce & verberibus fugiendis, & re omni contrarium bestiae ipsae significentGa naar voetnoot38). Imo vix dubito, quin miro pulchroque illo per aëra lapsu aves sese delectari sentiant; magis etiam sensurae si intelligerent quantopere lentus ac humilis noster incessus ipsarum pernicitate,Ga naar margenoot+ sublimique volatu superetur. Quid igitur est in quo potissimum eminet humanae rationis usus, facitque ut antecellamus caeteris animantibus? Nihil aequè puto ac contemplatio naturae, Deique operum; tum cultura scientiarum, quibus consequimur ut eorum praestantiam, magnitudinemque aliqua ex parte cognoscamus. | Absque enimGa naar margenoot+ disciplinis quid esset contemplatio? quamque multum interest inter eos qui Solis pulchritudinem, utilitatemque, & caelum sideribus ornatum otiose intuentur, aliosque doctiores qui cursus istorum omnium scrutantur: quomodo affixae, quae dicuntur, | |
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qui comprennent en quoi les étoiles dites fixes diffèrent des astres errants, et quelle est la cause des saisons, qui mesurent même par des méthodes subtiles la grandeur du Soleil et des Planètes et déterminent en même temps leur distance; combien grande aussi la différence entre ceux qui admirent les mouvements variés et l'agilité des animaux et ceux qui considèrent en eux l'agencement de tous les membres, leur fort savante composition ou architecture. Que si les autres Planètes ne le cèdent pas en dignité à notre Terre, comme nous l'avons posé plus haut en guise de principe et de fondement, il faut qu'il y existe des animaux qui non seulement contemplent et admirent les oeuvres de la nature, mais dont la raison s'occupe à les examiner et à les entendre; il faut aussi que ceux-ci soient parvenus à des résultats également importants.Ga naar margenoot+ Ils ne regardent donc pas seulement les astres mais cultivent aussi la science Astronomique; rien ne s'oppose à ce que nous considérions ceci comme vraisemblable si ce n'est la surestimation de nos capacités que nous dicte notre orgueil et dont nous ne nous affranchissons que difficilement. Je n'ignore pourtant pas que d'aucuns diront pour une autre raison que nous attribuons avec trop d'audacité cette science aux Planéticoles: savoir que nous sommes parvenus à ce résultat par une accumulation de considérations vraisemblables, et que si une seule de nos conclusions est fausse, tout ce que nous avons bâti dessus s'écroule comme dans le cas d'une construction matérielle vicieuse. Mais je voudrais qu'ils entendent que ce que nous avons dit sur l'étude de l'Astronomie peut être confirmé en omettant presque tout ce qui a été allégué jusqu'ici, et qu'on peut prendre notre opinion sur ce sujet comme point de départ. En effet, après qu'il avait été posé que cette Terre doit être considérée comme appartenant à la famille des Planètes et comme n'étant pas supérieure aux autres en dignité ou en équipement, qui oserait dire qu'en elle seule se trouvent des êtres qui jouissent du spectacle si magnifique de la Nature? Ou du moins que parmi ceux qui en jouissent nous sommes les seuls par qui les mystères du ciel ont été plus ou moins dévoilés et compris? Voilà comment nous avons pu plus brièvement prouver l'existence dans les Planètes d'une science Astronomique d'où s'ensuit celle d'un animal planétaire raisonnable ainsi que beaucoup d'autres choses précédemment conclues. De sorte que cette nouvelle argumentation sert aussi à confirmer nos conclusions antérieures. Et pour qu'il devienne encore plus probable que du moins dans le cas des Planètes supérieures, Jupiter et Saturne, la connaissance de l'Astronomie n'y fait pas défaut, il faut considérér que si les hommes ont été amenés à l'observation des astres, comme on peut l'admettre, par l'étonnementGa naar voetnoot39) et la crainte que leur inspiraient les éclipses du Soleil et de la Lune, il doit en avoir été ainsi à plus forte raison dans le cas de ces deux Planètes à cause des éclipses de Lunes presque journalières et des éclipses de Soleil | |
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stellae à vagis differant, quaeque causa sit diversarum anni tempestatum intelligunt: qui denique subtili ratiocinio magnitudinem Solis ac Planetarum, simulque distantiam eorum metiuntur; quantumque item inter eos qui animalium varios motus agilitatemque mirantur, & hos qui fabricam omnium membrorum, artificiosissimamque compagem, architecturamque in iis speculantur? Quod si igitur Planetae reliqui dignitate non cedunt Telluri nostrae, ut in superioribus principii fundamentique loco posuimus; (oportet ibi animalia existere, quae non solum naturae opera spectent & admirentur, sed quorum ratio in examinandis, intelligendisque iis occupetur, nec minora quam nosGa naar margenoot+ consecuta sit. Itaque non tantum sidera intuentur, sed & Astronomiae scientiam excolunt; neque aliud obstat quo minus hoc verisimile credamus, quam superba illa nostrarum rerum aestimatio, quae | difficulter sane deponitur. Scio tamen futuros, quiGa naar margenoot+ dicant nimis audacter nos ista Planetarum incolis tribuere: multorum quippe verisimilium accumulatione huc esse perventum; quorum si unum quodpiam contra se habeat, quam positum sit, cadat, velut in vitiosa aedificatione, omne quod superstruximus. Sed scire eos velim, hoc quod de Astronomiae studio diximus, omissis fere omnibus hactenus adductis confirmari potuisse, atque inde initium fieri. Postquam enim positum fuit Terram hanc inter Planetas esse habendam, neque iis dignitate aut ornatu praeferendam; quis dicere audeat in ea sola reperiri, qui spectaculo Naturae, quod unum pulcherrimum ac magnificentissimum est, fruantur? aut inter eos quibus hoc contigit, nos unos esse quibus caeli arcana penitius perfectiusque perspecta sint? Ecce igitur & hac breviore via comprobata in Planetis Astronomiae cognitio, ex qua & animal rationis compos, & pleraque alia quae praecessere, illis inesse consequebatur. Adeo ut, ad priora confirmanda, haec quoque novissima argumentatio conducat. Quò vero magis probabile fiat, saltem in superioribus Planetis, Jove ac Sa|turno, Astronomiae notitiamGa naar margenoot+ non deesse, considerandum est, quod si homines ad sidera observanda impulit, ut credi par est, admiratioGa naar voetnoot39) & pavor in defectibus Solis & Lunae; multo magis, in utroque hoc Planeta, ea ratio valere debuit, propter cotidianas fere Lunarum, crebrasque | |
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fort nombreuses qui y arrivent. Un être fictif, ignorant également ce qui se passe dans toutes les Planètes, dirait donc qu'il est beaucoup plus vraisemblable que l'Astronomie se cultive en ces deux grandes que chez nous. Or, la connaissance et l'usage de cette science étant admis chez les Planéticoles, combien de nouvelles conclusions n'en peut-on pas tirer conjecturalement sur leur vie et leur état? Ga naar margenoot+ D'abord aucune observation d'astres où l'on se propose d'examiner leurs mouvements ne peut être faite sans appareils, que ceux-ci soient composés de métal ou bien de bois ou d'une autre matière solide. Pour qu'ils en possèdent, ils doivent aussi ne pas être dépourvus des instruments de nos ouvriers, tels que la scie, la pioche, le rabot, le marteau, la lime; et ceux-ci ne se peuvent avoir sans l'usage du fer ou d'un autre métal également dur. Or, dans la construction de ces instruments entre nécessairementGa naar margenoot+ la division d'arcs de cercle en parties égales ou de lignes droites en parties inégales: il y faut donc le secours de la Géométrie et de la science des nombres. Mais il est avant tout nécessaire que la mémoire des observations soit transmise à la postérité, que lesGa naar margenoot+ temps et Epoques soient notés, ce qui ne semble pas pouvoir être expliqué sans écrits. Il faut donc qu'ils aient aussi leur manière d'écrire, peut-être fort différente de la nôtre telle qu'elle est en usage chez presque tous les peuples, mais qui ne peut guère être plus ingénieuse ou plus aisée à apprendre. Car qui ne voit que notre méthode est de beaucoup préférable aux innombrables caractères des ChinoisGa naar voetnoot40) et bien plus encore aux noeuds de cordes ou images peintes qui étaient en usage chez les barbares de la Mexique et du Pérou. Nous voyons du moins que les hommes de toutes les Régions ont cherché un art d'écrire ou de faire des notes; il résulte de la généralité de ce phénomène qu'il ne sera pas étonnant si les habitants des Planètes, sous l'empire de la nécessité, ont également inventé un tel art et l'ont appliqué à l'Astronomie ainsi qu'à l'étude des autres sciences. La nécessité de l'écriture dans les choses Astronomiques appert aussi par la considération suivante: les mouvements der astres doivent pour ainsi dire être devinésGa naar voetnoot41) d'après différentes hypothèses, et celles-ci doivent être corrigées ultérieurement par d'autres suppositions, au fur et à mesure que les défauts des premières sont prouvés par l'observation et les raisonnements Géométriques: or, rien de tout ceci ne peut être transmis à la postérité sans avoir été consigné dans des écrits et exposé par des figures. | |
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Solis, quae illic contingunt, eclipses. Ut si quis aequè ignorare ponatur quid rerum in Planetis omnibus geratur, multo verisimilius dicturus sit Astronomiam in majoribus illis duobus, quàm in hoc nostro, vigere. Posita autem apud Planeticolas hujus scientiae cognitione & usu, quam multa hinc praeterea consequuntur quae de vita statuque eorum reliquo, praeter jam dicta, novas conjecturas afferant? Primùm enim nulla observatio siderum, ad motus eorum investigandos, absqueGa naar margenoot+ organis institui potest; sive ea è metallo, sive è ligno aliave solida materia fabricata sint. Quod ut fiat, nec fabrorum instrumento, serra, ascia, dolabra, malleo, lima, carereGa naar margenoot+ possunt; neque haec habere absque usu ferri aut aeque duri cujuspiam metalli. Sed & circuli arcus in partes aequales divisi, aut lineae | rectae in inaequales, in istis organisGa naar margenoot+ requiruntur. Atque hic jam Geometriae & numerorum ratio arcessenda est. Sed ante omnia quoque necesse est ut observationum memoria ad posteros transmittatur; ut tempora & Epochae annotentur; quae sine scripto non videntur explicari posse. OportetGa naar voetnoot+ igitur ut & suam scribendi artem habeant, multum fortasse dissimilem nostrae, qua fere omnes populi utuntur, sed quae vix ingeniosior, aut ad discendum facilior esse queat. Quis enim non videt longe eam praeferendam esse Sinarum innumeris characteribusGa naar voetnoot40), multoque magis funiculorum nodis, aut pictis imaginibus, quae apud barbaros Mexicanos Peruvianosque in usu erant. Omnium quidem Regionum homines aliquam scribendi, aut quoquo modo annotandi, artem quaesivisse videmus: quò minus mirum sit, si & Planetarum incolae, necessitate coacti, eam repererint, ac deinde ad Astronomiae aliarumque disciplinarum studia adhibuerint. Necessitas vero scripurae in rebus Astronomicis etiam ea re cognoscitur, quod cum hypothesibus variis, siderum motus, quasi divinandi sintGa naar voetnoot41); eaeque hypotheses priores in sequentibus corrigendae | proutGa naar margenoot+ observatis & Geometriae ratiociniis vitia earum coarguuntur; nihil horum posteris tradi potest, nisi literis consignatum, figurisque expositum. | |
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Mais après que nous leur avons attribué toutes ces connaissances-là, notre astronomie sera pourtant encore beaucoup plus éminente et plus parfaite, tant par la connaissance de la véritable forme du système universel que par l'emploi des télescopes à l'aide desquels nous contemplons les corps Planétaires et leurs grandeurs et diverses formes, apercevant aussi les montagnes lunaires et leurs ombres, ainsi que l'immenseGa naar margenoot+ multitude des étoiles, et autres choses invisibles sans ces instruments. De sorte qu'il est presque nécessaire, à moins que nous ne voulions de nouveau nous flatter d'être plus heureux en cette matière, d'accorder aussi aux Planéticoles cette perfection de la connaissance des choses célestes, donc aussi une acuité visuelle qui ou bien surpasse de beaucoup la nôtre ou bien est secourue comme la nôtre par des appareils à lentilles de verre ou à miroirs. Ce que j'hésite cependant à affirmer pour qu'aucun lecteur, à cause de cette seule affirmation audacieuse, ne pense devoir juger tout le reste de la même farine et pareillement ridicule. Ce n'est certes pas sans raison, semble-t-il, que quelqu'un pourrait faire l'objection que nos êtres Planétaires peuvent être exempts de toute science plus subtile de même qu'il en était pour les peuples de l'Amérique avant que les Européens y pénétrèrent. Ayant égard à eux ainsi qu'aux multiples peuples également barbares de l'Afrique etGa naar margenoot+ de l'Asie, il pourra sembler que le seul but de l'architecte souverain ait été que les hommes jouiraient de la vie en se contentant des biens et plaisirs naturels et en révérant avec reconnaissance le donateur de toutes choses; tandis que la curiosité scientifique se serait emparée d'un petit nombre contrairement à la nature. Mais nous ne manquons pas d'arguments pour répondre à ceux qui soutiennent cette thèse. Dieu a certainement prévu que les intelligences humaines se développeraient au point d'examiner les choses célestes, de trouver des arts utiles à la vie, de parcourir les mers, de tirer des métaux du sol. L'une ou l'autre de ces choses aurait-elle pu arriver contrairement aux vues de cette intelligence infinie? S'il les a prévues elles sont aussi destinées au genre humain, et l'on ne pourra pas juger contraire à la nature l'application à des arts et des doctrines qui ont précisément trait à son investigation. Surtout puisqu'on ne peut raisonnablement être d'avis qu'un si grand désir et amour de science auraient été vainement plantés dans les esprits humains. Mais ils insisteront de nouveau, en parlant surtout de l'astronomie: s'il est vrai que les hommes sont nés aussi pour cette science-là, comment se fait-il que si peu s'en occupent? En effet, nous constatons en premier lieu que des quatre continents c'est presqu'uniquement l'Europe qui est le siège des études Astronomiques; car quant à l'Astrologie prétendant pouvoir prédire l'avenir, qui n'est pas une science mais une misérable folie souvent nocive, j'estime qu'elle ne doit pas même être mentionnée. Or, même dans le cas des Nations Européennes il n'y a pas une personne parmi cent mille qui embrasse ces études ou désire en apprendre quelque chose. D'autre part, en ayant égard au temps, ils diront que bien des siècles se sont écoulés avant que firent leur apparition les premiers rudiments soit de l'Astronomie soit de la Géométrie sans laquelle l'Astronomie ne pouvait être apprise, puisqu'on sait quand ces sciences naquirent en Egypte et en Grèce. | |
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Postquam vero omnia haec jam iis concesserimus, longe etiamnum praestantior perfectiorque apud nos erit siderum scientia; vel propter agnitam systematis universi verissimam formam, vel propter usum telescopiorum, quibus Planetarum corpora, magnitudinesque & varias formas intuemur; superficiei lunaris montes, montiumqueGa naar margenoot+ umbras; stellarum ingentem multitudinem, aliaque plura non alias videnda, percipimus. Ut fere necesse sit, nisi rursus nobis tanquam hac parte felicioribus blandiri volumus, etiam illam cognitionis rerum caelestium consummationem Planeticolis tribuere, itemque videndi aciem, quae vel nostram longe exuperet, vel lentium vitrearum, aut speculorum adminiculo sicut nostra, adjuvetur. Quod tamen dicere vereor, ne quis, ex hoc uno audacius asserto, caetera omnia aestimanda putet, ac risu digna clamitet. At non sine ratione, ut videtur, objiciet quispiam, Planetarios nostros fortasse omni |Ga naar margenoot+ subtiliore scientia destitui, quemadmodum Americanae gentes, priusquam ad illas Europei penetrassent. Quas si respicimus, itemque in Africa, Asiaque permultas aequeGa naar margenoot+ barbaras, videbitur hoc tantum summo opifici propositum fuisse, ut vita fruantur homines, naturaeque bonis & voluptatibus contenti sint, grato animo omnium datorem colentes; scientiarum vero inquisitionem praeter naturam paucos aliquos affectasse. Talia vero dicentibus non deest quod responderi possit. Praevidit enim certe Deus hominum ingenia eo esse processura, ut res caelestes scrutarentur; ut artes vitae utiles reperirent; maria quoque navigarent, metalla effoderent. Possetne enim horum quidquam praeter mentem infinitae illius intelligentiae contingere? Quod si praevidit, etiam hominum generi ea destinata sunt, nec poterunt artium & doctrinarum studia, quasi praeter naturam essent, existimari, quae in ipsa natura indaganda occupantur. Praesertim cum tanta illa cupiditas amorque sciendi non possint censeri frustra hominum animis infixa esse. Instabunt vero rursus dicentque, de siderali scientia potissimum, si ad hanc quoque homines nati sunt, cur tam | pauci ad eam attendunt? Primum enim ex quatuorGa naar margenoot+ Orbis partibus, sola fere est Europa, in qua Astronomiae studia excolantur. Nam Astrologiam divinatricem futurorum, quae non scientia, sed miserum quoddam ac saepe noxium delirium est, ne nominandam quidem hic arbitror. At in Europae Nationibus non unus è centum millibus haec studia amplectitur aut addiscere curat. Tum ad tempus quod attinet, multa saecula effluxisse dicent, antequam aut Astronomiae, aut Geometriae, sine qua illa disci non potest, ulla rudimenta innotescerent. Sciri enim quo tempore in AEgypto & Graecia primum exortae fuerint. Ac recte quoque adjicient | |
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Et ils ajouteront aussi à bon droit qu'il n'y a pas encore quatre-vingts ansGa naar voetnoot42) qu'on a découvert le véritable et simple mouvement des Planètes, les épicycles fictifs ayant été rejetés alors seulement; ce n'est donc qu'à partir de ce temps que l'Astronomie est devenue une avec la connaissance de la nature. Pour répondre à cet argument j'ajoute ce qui suit à ma réponse précédente tirée de la considération de la providence divine: on ne peut mettre en doute que les hommes sont nés dans un état tel qu'ils ont dû découvrir graduellement et en un temps fort long les différents arts et sciences, aucun de ceux-ci ne leur étant inné ni ayant été subitement révélé par Dieu; que de plus les sciences dont nous traitons pour le moment sont de toutes les plus difficiles et les plus abstruses; de sorte qu'il faut plutôt s'étonner de ce qu'elles ont jamais pu naître que de ce qu'on y a vu clair si tardivement. J'avoue qu'en chaque âge peu de gens s'occupent de ces sciences ou les considèrent comme ayant quelque rapport à eux; mais si l'on prend une durée de plusieurs siècles, leur Nombre ne sera pas trouvé fort petit; et qui niera que leur bonheur est plus grand que celui des autres, comme il le leur semble aussi à eux-mêmes? Il suffisait, peut-on dire, que dans ces choses s'exerçait l'industrie d'une petite minorité, attendu que dans ces conditions l'utilité des choses trouvées s'étendait néanmoins à des nations entières, aux peuples en général. Or, vu qu'aux habitants de cette Terre, ne soit-ce qu'à un petit nombre d'entre eux, est échu le génie et l'aptitude pour sonder ces choses; et qu'ils ne doivent aucunement être estimés plus excellents et plus heureux que ceux d'autres planètes, la vraisemblance que nous a vions trouvée reste entière: chez les habitants de ces planètes aussi il se trouvera des personnes auxquelles la science Astronomique n'est pas étrangère. Poursuivons maintenant notre investigation et voyons ce qui résulte encore avec nécessité de notre dernière conclusion. Nous avons fait voir qu'avec la science astronomique il faut concéder aux Planéticoles non seulement la Géométrie et l'Arithmétique mais aussi les arts Mécaniques et les instruments. Ici se pose naturellement la question de savoir comment ils peuvent se servir de ces instruments et Machines et de leurs appareils pour observer les astres et comment ils peuvent tracer des lettres, ce que nous accomplissons, nous, à l'aide de nos mains; ils auront nécessairement aussi des mains ou un autre membre qui puisseGa naar margenoot+ les remplacer. Un Philosophe ancienGa naar voetnoot43) était d'avis que dans les mains le genre humain possède un prérogatif tel qu'il faut les considérer comme la cause de toute leur sagesse. Il voulait évidemment dire que sans le secours des mains les hommes ne seraient pas parvenus à la culture de leur esprit et à la connaissance des choses. En | |
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non adhuc octoginta annos praeteriisseGa naar voetnoot42), ex quo verus ac simplex Planetarum motus, rejectis Epicyclorum sigmentis, repertus sit; atque ita demum Astronomia cum naturae cognitione conjuncta. Hisce ut occurratur, addam ad superius responsum, quod à divina providentia petebatur, dubitari non posse, quin ea conditione homines nati sint, ut multo temporis decursu paulatim artes disciplinasque eruant; nullam enim harum iis ingenitam esse, aut subito à Deo infusam, & has de qui|bus nunc agimus, omniumGa naar margenoot+ esse difficillimas remotissimasque: ut magis mirum sit unquam incipere eas potuisse, quam tam tarde fuisse inspectas. Pauci fateor singulis aetatibus has curant, aut ad se pertinere existimant: sed si multorum faeculorum tempora cogitentur, non exiguus fiet illorum Numerus; quos, quemadmodum sibi videntur, reliquis beatiores esse quis negaverit? Denique paucorum industria in his rebus exerceri satis erat, cum inventorum utilitas ad nationes totas gentesque longe porrigatur. Cum igitur hujus Terrae incolis, etsi paucis tantum, ad ea percipienda ingenium & aptitudo contigerit; nihiloque putandi sint caeterorum planetarum habitatoribus praestantiores felicioresve: manet profecto, quam inveneramus, verisimilitudo, ut etiam apud illos reperiantur qui cognitione Astronomiae non careant. Nunc ad alia pergamus quae inde consequi, necesse est. Ostendimus quomodo unà cum hac scientia, non solum Geomettria & Arithmetice, sed & Mechanicae artes, instrumenta que incolis Planetarum concedenda sint. Hic verà jam sponte obvenit ut quaeramus, quo pacto instrumentis illis, Machinisque, & ad sidera | observanda organis uti possint, aut quomodo literas ducere; quae omnia nos manuumGa naar margenoot+ opera exequimur. Itaque necessario & manus habebunt, vel aliud quodpiam, quod vicem earum fungi possit, membrum. In quibus hominum generi tantum esseGa naar margenoot+ praesidii existimabat è veteribus Philosophis quidamGa naar voetnoot43), ut in iis causam reponeret omnis eorum sapientiae. Qui, ut puto, hoc sensit, absque manuum opera homines ad cultum animi, rerumque cognitionem non fuisse perventuros. Et vere quidem ille. Finge enim pro manibus datas fuisse ungulas, ut equis & bubus; nunquam nec oppida | |
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quoi il avait raison. Supposons en effet qu'au lieu de mains des sabots eussent été donnés aux hommes comme aux chevaux et aux boeufs, jamais ils n'auraient pu, tout en étant des créatures raisonnables, bâtir des villes ou même des maisons. Ils n'auraient eu aucun sujet de conversation en dehors de ce qui se rapporte à la pâture, à la copulation des sexes ou à la question de la sécurité. Ils auraient été dénués de toute science et de toute recordation des événements. En un mot, ils se seraient fort peu élevés au dessus du plan des bêtes brutes. Et quel instrument pourrait être aussi bien adapté que la main à nos innombrables besoins? Les éléphants se servent, il est vrai, avec une merveilleuse dextérité de leur trompe, avec laquelle ils savent enlacer et projeter tous les objets et aussi les soulever s'ils ne sont pas trop grands, faculté qui a même valu à cet organe le nom de main, quoiqu'en réalité il s'agisse d'un nez prolongé. D'autre part la plupart des oiseaux construisent leurs nids en se servant de leur bec qui les met aussi à même de se procurer des aliments. Mais en ceci il n'y a rien qui ne le cède de beaucoup à l'agencement des mains. Leur construction mécanique, ainsi que celle des bras, est admirable: elle permet de les étendre, de les contracter, de les mouvoir en tout sens. C'est avec une merveilleuse industrie qu'ont été faites les articulations des doigts et du pouce, de telle manière que par la traction des nerfs ils peuvent saisir tous les objets et les tenir fermement. Pour ne rien dire du sens du tact, extrêmement subtil, dans les extrémités des doigts, à l'aide duquel nous distinguons un grand nombre d'objets même dans les ténèbres. Il est donc clair qu'aux peuples Planétaires ont aussi été donnés des mains et des bras ou d'autres organes équivalents qui ne pourraient d'ailleurs guère avoir été inventés avec plus d'adresse; ceci pour que la nature ne doive pas être censée avoir accordé plus qu'à eux non seulement à nous, mais aussi à l'espèce des singes et à celle des écureuils. Ga naar margenoot+ On doutera encore moins de leurs pieds si nous répétons ce que nous avons disserté plus haut sur les diverses façons dont se meuvent les animaux. Outre celles que nous avons énumérées il ne nous semble pas qu'on s'en puisse figurer aucune autre. Or, aucune d'elles ne convient aussi bien à des Planéticoles doués de raison que celle dont nous nous servons ici. À moins qu'en quelques-uns de ces Globes les habitants n'aient été aussi munis de la faculté de voler; ce qui est pourtant peu probable à cause de la nécessité de vivre en société dont nous parlerons plus loin. Ga naar margenoot+ Il n'est pas invraisemblable que des yeux élevés et un visage propre à contempler les astres leur soient tombés en partage, puisqu'on constate que par la providence divine ceci a été ainsi fait dans le cas du corps humain, ce que les Philosophes célèbrent à bon droitGa naar voetnoot44). Quant à la position des autres membres, si nous jugeons digne de louanges la sagesse de l'architecte qui a placé les yeux dans la partie supérieure du | |
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nec domos, licet ratione instructi, aedificassent. Nihil de quo loquerentur habuissent, nisi de iis quae ad pabulum, aut ad conjugium, aut sui tutelam attinent. Omni scientia, omnique rerum memoria caruissent: Denique à bestiis parum abfuissent. Quodnam porro instrumentum aeque accommodatum ac manus esse possit ad innumera illa ad quae nobis usui sunt, obeunda? Elephanti proboscide mirabiliter utuntur, qua & amplecti quidvis & projicere, minutioraque quaevis è solo tollere norunt: unde & manus eorum pars illa dicta est, cum reipsa sit in longum productus nasus. | Rostro quoqueGa naar margenoot+ aves pleraeque nidos exstruunt, alimentaque congerunt. Sed harum nihil est quod non manuum oportunitati longè concedat. Et est sane, tam illarum quam brachiorum, mirabilis quaedam machinatio; ut protendi, reduci, inque omnem partem moveri possint. Tum mirâ industriâ instituti digitorum ac pollicis articuli, ut nervorum attractu quaelibet prehendant, firmiterque contineant. Ut omittam sensum illum, in extremis digitis, exquisitissimae subtilitatis; quo vel in tenebris pleraque corpora internoscimus. Patet itaque aut manus brachiaque, aut aliud quid eorum loco, quod vix aeque aptum excogitari potest, Planetarum populis datum esse, ne non solum nobis, sed & simiarum & sciurorum generi, plus indulsisse hac in re natura existimetur. De pedibus vero minus etiam dubitabitur, si repetamus ea quae supra disseruimusGa naar margenoot+ de vario animalium incessu, qui non videtur aliis modis, quam quos ibi recensuimus, cogitari posse. Inter eos vero non est, qui tam bene Planeticolis ratione praeditis conveniat, quam quo & nos utamur. Nisi forte & volandi facultatem in aliquibus Globorum istorum ac|ceperunt. Quod minus probabile tamen propter vitam in societateGa naar margenoot+ degendam, de qua postea dicemus. Non caret autem verisimilitudine, erectos oculos, vultumque ad sidera contemplandaGa naar margenoot+ iis contigisse, quandoquidem hoc in hominum corpore providentiâ divinâ sic institutum videtur, & a Philosophis merito celebrari soletGa naar voetnoot44). De reliquorum vero membrorum positu, si sapientiam artificis laude dignam censemus, quod oculos in suprema | |
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corps et les membres moins nobles loin d'eux de manière à les soustraire plus ou moins aux regards, ne devons-nous pas penser qu'il a agi à peu près de même en formant les corps des habitants de ces contrées lointaines? Nous ne disons pas pour cela qu'il leur a donné une figure semblable à la nôtre. En effet, il existe une variété pour ainsi direGa naar margenoot+ infinie de formes possibles que nous pouvons nous imaginer en supposant tant des différences entre les diverses parties de ces corps et les parties correspondantes des nôtres qu'une autre économie extérieure et intérieure de l'ensemble. Nous voyons avec combien d'art et de commodité quelques-uns de nos animaux sont revêtus de laine ou de poils, d'autres plus élégamment encore de plumes et de pennes. Pourquoi les Planétaires raisonnables ici considérés ne seraient-ils pas recouverts d'une façon semblable? Chez nous les bêtes sont apparemment à cet égard dans une meilleure condition que les hommes. A moins que ceci n'ait été ainsi établi dans ce but que la nudité même forcerait les hommes à inventer et fabriquer divers genres de couvertures, de sorte que ceci serait un moyen de développer leur intelligence. Il est au moins évident que de cette nécessité résulte une importante activité commerciale et industrielle. Mais la nature a peut-être créé les hommes nus aussi dans le dessein de leur laisser le choix de se vêtir plus légèrement ou plus abondamment de manière à se pouvoir accommoder au séjour dans tous les lieux de la terre. Une autre différence plus grande que celle-ci entre les corps des Planétaires et les nôtres pourrait être supposée: nous constatons que quelques animaux ont été formés par la nature de manière à avoir pour ainsi dire leurs os au dehors et leurs chairs en dedans, enfermés dans les os, comme il en est des écrevisses, des langoustes et aussi, à un certain degré, des tortues. Cependant elle n'a choisi cette structure des membres que dans quelques animaux assez vils. Une autre raison pour laquelle j'hésite à attribuer cette structure aux Planéticoles, c'est qu'ainsi formés, ils seraient dépourvus de l'usage subtil et varié des doigts, duquel nous avons montré qu'ils ont bien besoin. Quant à la laideur de leur figure, ce serait là un argument qui à lui seul ne ferait pas grande impression sur moi. Ga naar margenoot+ Il faut certes se garder du préjugé vulgaire suivant lequel un esprit capable de raison ne pourrait habiter qu'un corps semblable au nôtre. C'est d'après cette opinion erronée que presque tous les peuples, et aussi quelques Philosophes, ont attribué à leurs dieux la forme humaine; il existe même une secte Chrétienne qui a reçu son nom de cette convictionGa naar voetnoot45). Or, qui ne voit que ceci est basé uniquement sur l'imbécillité et l'opinion préconçue de ces hommes? Et qu'il en est de même de la prétendue beauté sans pareille du corps humain? Car c'est ce qui dépend entièrement de l'opinion et de l'habitude et de cette tendance providentiellement inculquée par la nature à tous les animaux, de saire le plus d'état de leurs semblables. Celles-ci ont en vérité un si grand pouvoir sur nous qu'à mon avis on ne regarderait pas sans une certaine horreur un animal fort dissemblable à un homme qui se trouverait faire usage de raison et posséder la faculté de parler. Car si nous imaginons seulement ou dessinons un être qui, tout en étant semblable à un homme sous tous les autres rapports, a un cou quatre fois plus long, ou bien des yeux ronds et deux fois plus distants l'un de l'autre, il en résulte | |
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corporis parte collocaverit; sordidiora vero membra procul inde, atque a conspectuGa naar margenoot+ quodammodo removerit; nonne putandum est eadem fere observasse illum in formandis istorum procul habitantium corporibus? Nec enim propterea dicimus figuram nostrae similem iis tribuisse. Est enim infinita quaedam animo concipienda formarum possibilium varietas, qua & singulae quaeque partes istorum corporum à nostris differre queant, & totorum exterior interiorque oeconomia. Cernimus quam aptè & commodè animalium nostrorum quaedam lana aut pilis vestiantur; alia elegantius etiam plumis pennisque. Quidni isti in Planetis, quos rationis participes diximus, aliqua simili ratione | tecti sint? propter quod meliori quidem conditione bestiae, quam homines, apudGa naar margenoot+ nos esse videntur. Nisi hoc eo fine sic constitutum fuit, ut ipsa nuditas necessitatem hominibus imponeret quaerendi ac fabricandi varia operimentorum genera, atque hinc etiam ingenii exercendi materia existeret. Et apparet sane, ex hac necessitate, non minimam commerciorum, artificiorumque mechanicorum occasionem nasci. Sed & propterea forsan nudos homines natura produxit, ut pro arbitrio suo tenuius densiusve amicti incedere possint; atque ita ad quasvis terrarum oras inhabitandas sese componere. Alia vero major hac, quam diximus, differentia intelligi posset inter corpora Planetariorum ac nostra; cum animalia quaedam ita à natura formata reperiantur, ut veluti ossa extrinsecus habeant, carnes introrsum, atque ossibus inclusas, qualia sunt cancri, astacique, & fere etiam testudines. Attamen hanc membrorum compagem, & in paucis vilioribus tantum illa secuta est, & Planetarum incolis, quo minus eam tribuam, facit, quod subtili varioque digitorum usu carituri essent, quo tam valde eos opus habere ostensum fuit: nam absurda specie non multum alioqui moverer.|Ga naar margenoot+ Etenim omnino cavendum est ab errore vulgi, cum animum rationis capacem nonGa naar margenoot+ alio in corpore, quam nostris simili habitare posse sibi persuadet. Ex quo factum est, ut populi penè omnes, atque etiam Philosophi quidam, humanam formam diis adscripserint; Imo ut, à simili persuasione, cuidam Christianorum sectae nomen inditum fueritGa naar voetnoot45). Hoc vero non nisi ab hominum imbecillitate & praejudicata opinione proficisci quis non videt? uti illud quoque, quod eximia quaedam pulchritudo humani corporis esse putatur: cum tamen ab opinione & assuetudine id totum quoque pendeat, affectuque eo, quem cunctis animalibus natura provida ingeneravit; ut sui similibus maxime caperentur. Illo verò tantum possunt, ut non sine horrore aliquo animal homini multum dissimile conspectum iri credam, in quo rationis & sermonis usus reperiretur. Nam si tale solummodo fingamus aut pingamus, quod, caetera homini simile, collum quadruplo longius habeat, vel oculos rotundos duploque amplius distantes; | |
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tout-de-suite une figure qu'il nous est impossible de regarder sans aversion quoique sans pouvoir l'accuser raisonnablement de difformité. Ga naar margenoot+ J'ai dit plus haut, en parlant de la grandeur de ceux qui habitent les Planètes qu'il semble probable que leur taille n'est pas beaucoup inférieure à la nôtre. Ma première raison c'est que, de même que les corps humains ont à la grandeur de la Terre une proportion telle qu'ils peuvent la parcourir en entier et apprendre à connaître sa forme et son volume, il est probable que dans le cas des autres Planètes et de leurs habitants raisonnables la chose a été ordonnée de même, à moins que nous ne voulions encore une fois nous juger supérieurs à eux sous ce rapport assez important. D'autre part, comme nous avons fait voir que l'astronomie et l'art d'observer y sont cultivés, il s'ensuit qu'ils ont été pourvus de corps capables de manipuler le bois et les métaux et de les utiliser pour la construction d'instruments et de machines; lesquels donnent d'autant plus de résultats qu'ils sont plus grands. Si nous nous figurons des nains de la taille de souris, ceux-ci ne pourraient pas faire de bonnes observations astronomiques; ils ne sauraient ni construire des instruments à cet effet ni même s'en servir. J'estime donc qu'il faut certainement les supposer égaux ou supérieurs à nous-mêmes, ceci surtout en Jupiter et Saturne dont les Globes surpassent tant de fois notre Terre en grandeur. Ga naar margenoot+ Ensuite, puisque, comme nous l'avons dit, l'étude de l'astronomie ne peut être poursuivie sans la notation des choses observées, et puisque d'autre part l'art d'écrire n'appartient qu'à ceux qui vivent en société et n'a pu être inventé que sous l'empire des nécessités urgentes de la vie, tandis qu'il en est de même e.a. pour l'art des charpentiers et celui des fondeurs de métaux, il s'ensuit (ce que j'admettais déjà plus haut) que les sociétés sont en honneur chez les habitants des Planètes et qu'ils se prêtent mutuellement des services, qu'il existe donc là-bas sous ce rapport une grande ressemblance aux choses de chez nous. C'est pourquoi il faut dire de plus que les habitations stables leur conviennent mieux que la vie ambulante. Quoi donc? auront-ils aussi les autres institutions propres à la vie sociale? des lois, des Magistrats, des maisons closes, des villes, des marchandises et du commerce? Il est établi que chez les barbares de l'Amérique ainsi que chez les peuples insulaires ces institutions existaient à peu près comme chez nous déjà au temps où l'on pénétra dans leurs domaines pour la première fois. Je ne voudrais cependant pas nier que ces choses peuvent être différentes des nôtres dans les autres Planètes, puisque parmi les institutions nommées quelques-unes pourraient faire défaut à une société d'êtres raisonnables, n'ayant été inventées que pour que nous ne fassions pas de notre raison un usage mauvais, nuisible à autrui, et qu'ainsi la société risquât de se dissoudre. Car il est possible que sur ces autres globes on vit dans une telle abondance qu'on ne désire rien qui appartient à autrui et qu'on ne vole pas. On peut y être si équitable et bien équilibré qu'on y observe perpétuellement la paix, qu'on ne se dresse pas d'embûches les uns aux autres, qu'on ne s'entretue point; mieux encore qu'on ne se hait point et qu'on n'entre point en colère. S'il en était ainsi ces personnes-là de vraient | |
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continuo eae figurae nascuntur, quas non possimus intuentes non aversari, quamvis ratio deformitatis nulla reddi queat. | Dixi in superioribus cum de magnitudine agerem incolarum qui in Planetis sunt,Ga naar margenoot+ verisimile videri non esse eos valde exiguos nobiscum comparatos. Suadet enim hocGa naar margenoot+ primò, quod probabile sit, sicut corpora hominum se habent ad Telluris magnitudinem, ut peragrare universam possint, atque ita formam molemque ejus cognoscere; eodem modo & in caeteris Planetis incolisque eorum rationalibus ordinatum esse; nisi hac in re, quae sane magna est, nos ipsis rursus praeferre velimus. Deinde cum siderum scientiam & observationes apud eos exerceri ostenderimus, sequitur ut & corpora nacti sint lignis metallisve tractandis, inque instrumenta machinasque adaptandis, idonea. Quae & eo praestabiliora sunt quo ampliora. Ac sane si homunciones quosdam, muribus non majores, cogitemus, non possent ij siderum animadversiones, quales requiruntur, instituere; nec instrumenta ad eas parare, aut disponere. Itaque omnino vel aequales nobis ponendos esse existimo, vel majores, ac praesertim in Jove, Saturnoque, quorum Globi tanto Tellurem nostram superant. Porro quia, ut diximus, astronomiae studium sine annotatione observatorum non po|test procedere, ars vero scribendi non nisi in societate ratione utentium, & cogentibusGa naar margenoot+ vitae necessitatibus, inveniri potuit; neque magis ars fabrorum aut fusoria; sequiturGa naar margenoot+ ex eo (quod supra dicebam) & societates coli apud Planetarum indigenas, ac mutuas operas eos inter se praestare; adeoque hac parte similitudinem magnam ibi esse nostratium rerum. Quamobrem & certas stabilesque sedes potius quam ambulatoriam vitam iis convenire dicendum est. Quid igitur? an & caetera sociali vitae propria habebunt? leges, Magistratus, tecta, urbes, mercaturas aut rerum permutationes? Certe equidem apud barbaros Americae & insularum populos, cum primum ad eos perventum est, eadem haec fere jam in usu erant. At non propterea negaverim aliter ista in Planetis caeteris se habere posse quam apud nos; cum ex iis quaedam sint quae abesse queant à societate animalium ratione praeditorum; eoque tantum excogitata, ne ratione male utamur & cum aliorum injuria, itaque societas solvatur. Possunt enim in aliis istis globis in ea rerum abundantia versari, ut nihil alieni appetant, rapiantve. Possunt ea esse aequitate, ut pacem perpetuo colant, nec sibi | invicem insidientur, aut mortemGa naar margenoot+ inferant; imò ut neque oderint nec irascantur; quod si esset, multo quàm nos feliciores | |
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être estimées bien plus heureuses que nous. Mais il est plus vraisemblable que, tout comme chez nous, là-bas aussi le mal est mêlé au bien, la sottise à la sagesse, la paix à la guerre, et que l'indigence, maîtresse des arts, n'y fait pas défaut. En effet, nous avons montré auparavant que ceci aussi a son utilité; et même s'il n'y en avait point, nous n'aurions cependant pas de cause pour préférer leur condition à la nôtre. Ga naar margenoot+ Ce que je dirai maintenant, semblera assez osé, je le sais, sans cependant être improbable. Si les peuples Planétaires vivent en société (ce que nous avons conclu tout-à-l'heure) je soutiens qu'outre les commodités qui en résultent ils en éprouvent un plaisir semblable à celui que nous recueillons de nos réunions et conversations amicales, de nos amours, de nos farces, de nos spectacles. Ceci, dis-je, est probable, parce que, si nous ne concédions rien de tel aux Planéticoles, mais que nous les considérions comme vivant toujours sérieusement, sans aucune gaîté ni aucun divertissement, nous leur dénierions un excellent condiment de la vie dont celle-ci pourrait difficilement se passer, et que nous supposerions ainsi notre vie à nous plus heureuse, contrairement aux postulats de la raison. Pour faire un examen ultérieur de leurs occupations et passe-temps, voyons lesquelles de leurs affaires, outre celles dont nous avons déjà parlé, ont probablement quelque ressemblance aux nôtres. Qu'ils se construisent des maisons, c'est ce qu'on peut inférer avec une grande vraisemblance du fait que, comme nous l'avons fait voir, dans ces terres-là aussi il tombe des pluies. Ceci en effet suivait du fait qu'en Jupiter nous apercevons certaines bandes variables de nuages contenant sans doute des vapeurs et de l'eau, laquelle nous argumentions aussi pour d'autres raisons n'y faire pas défaut. Il y aura donc des ondées et des vents parce qu'il est nécessaire que l'humidité attirée par le Soleil retombe sur la terre et que les vapeurs engendrées par la chaleur par la dissolution de l'humidité sont cause de vents; le souffle de ces derniers se reconnaît à la dite figure variable des nuages de Jupiter. C'est donc contre ceci que probablement, pourGa naar margenoot+ pouvoir passer les nuits en sécurité et en paix (en effet, ils ont, comme nous, des nuits, partant aussi du sommeil), ils se munissent en bâtissant des maisons et des chaumières ou en creusant des cavernes. Et cela d'autant plus que chez nous toute espèce animale à l'exception des poissonsGa naar voetnoot46), fait des constructions de ce genre pour sa sécurité. Mais pour quelle raison penserions-nous que des maisonnettes et des chaumières seulement sont construites par les habitants des Planètes et non pas des maisons amples et magnifiques, si ce n'est celle que nous ne pouvons pas nous imaginer que nos choses à nous ne seraient pas belles et parfaites au-dessus de toutes les autres? Or, que sommes nous? Nous sommes ceux qui habitent ce petit globe qui n'est pas même une dix-millième partie des globes de Saturne ou de Jupiter, lorsqu'on fait la comparaison de leurs volumes. Aucune raison ne peut donc être alléguée pour laquelle on ne con- | |
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putandi sint. Sed verisimilius est, ut quemadmodum apud nos, sic ibi quoque bonis mala, sapientiae stultitia, paci bellum misceatur, nec desit egestas artium magistra. Quia & ex his utilitatem aliquam proficisci antea ostendimus; &, si nulla esset, tamen nec praeferendi res illorum rebus nostris causam habemus. Quod autem nunc dicam, audacius, scio, videbitur; nec tamen probabilitate caret.Ga naar margenoot+ Nempe, si in societate (quod jam penè obtinuimus) vivant gentes Planetarum; etiam, praeter commoda inde provenientia, voluptate aliqua tali eas affici, quali nos, ex congressibus colloquiisque amicorum, amoribus, jocis, spectaculis. Hoc, inquam probabile est, quia si nihil horum Planeticolis concedamus, sed semper eos seriò, ac sine omni hilaritate, aut animi remissione agere putemus; ingens vitae condimentum, quoque vix illa carere possit, iis adempturi simus, atque ita nostram hanc beatiorem facturi; contra quam ratio postulat. De reliquis vero occupationibus & studiis | illorum ut porrò inquiramus; videndumGa naar margenoot+ est quaenam istorum, praeter ea quae jam diximus, cum nostris aliquam similitudinem habere probabile sit. Domos sibi eos construere, ideo vel maxime credere libet, quòd & pluvias in terris illis cadere ostendimus. Sequebatur enim hoc ex eo, quod in Jovis Planeta nubium quidam mutabiles tractus cernuntur; vapores, aquamque haud dubie continentes: quam aliunde quoque illic non deesse argumentis adstruebamus. Erunt ergo & imbres & venti, quia attractum à sole humorem recidere in terram necesse est; & calore soluti vapores ventorum causa sunt; quorum flatus ex illa nubium Jovialium mutabili facie cognoscitur. Adversus hoc ergo, ut noctes tuto & quiete transigantGa naar margenoot+ (habent enim & noctes & somnum proinde, uti nos) munire se eos, casasque ac tuguria aedificare, aut specus effodere, verisimile est. Atque eo magis quod omne genus animalium, apud nos, exceptis piscibusGa naar voetnoot46), ad sui tutelam haec molitur. Cur vero casas & tuguria, & non domos amplas & magnificas Planetarum habitatoribus exstrui credamus, nisi quod non possumus res nostras non prae omnibus pulchras perfectasque putare. | Qui autem nos? Nempe in globulo illo vitam agentes, qui non decies millesimamGa naar margenoot+ partem globorum Saturni aut Jovis aequet, si corporum moles inter se conferantur. Nulla equidem ratio adferri potest cur non Architecturae elegantiam, symmetriamque, aeque cognitam habeant in istis caeterisque Planetis, ac nos in nostro: nec cur non palatia, turres, pyramidesque alicubi nostris multo altiores sumptuosioresque, | |
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naîtrait pas en ces autres Planètes aussi bien que chez nous l'élégance et la symétrie de l'Architecture, ou pourquoi on n'y bâtirait pas quelque part des palais, des tours et des pyramides beaucoup plus élevés et plus somptueux, et tout aussi harmonieux, que les nôtres. Et comme dans ces choses s'exerce une industrie fort variée des hommes, telle que celle qui s'occupe de la taille des pierres, de la cuisson de la chaux et des briques, de l'usage du fer, du plomb, du verre et aussi de l'or pour les ornements, il est vraisemblable que là-bas se trouvent des industries nullement inférieures à toutes celle d'ici. Que si la surface de chacun de leurs Globes est divisée d'une manière semblable à celle de chez nous, c.à.d. qu'une partie est occupée par de la terre ferme et une autre par des mers comme on peut le conclure des observations susmentionnées de Jupiter, puisque des nuages ne peuvent guère provenir que de vastes nappes d'eau, il y a une très forte raison pour les juger aussi navigateurs. Même sans pouvoir alléguer ces raisons nous ne saurions sans arrogance revendiquer pour notre Globe Terrestre seul une chose si importante et si utile. C'est surtout sur les mers de Jupiter et de Saturne que la navigation doit être commode à cause de l'abondance des Lunes, par le moyen desquelles ce qu'on appelle la mesure des longitudes, qui ne nous est pas possible de cette manière, y doit être facilement obtenue. Que s'ils font usage de navires, combien d'autres choses n'auront-ils pas qui s'y rapportent: des voiles, des ancres, des cordes, des poulies, des gouvernails, et, comme nous, l'usage particulier de tous ces attirails, de sorte qu'ils pourront naviguer avec un vent presque contraire, et vers deux côtés opposés avec le même vent. Il ne leur manquera peut-être pas non plusGa naar margenoot+ l'invention de la boussole si le mouvement de la matière magnétique qui traverse continuellement notre globe est une chose à laquelle correspond un mouvement analogue dans le cas des autres planètes. La science Mécanique et l'Astronomie sont absolument nécessaires dans la navigation, donc aussi la maîtresse de l'une et de l'autre, savoir la Géométrie, dont nous avons déjà parlé plus haut. J'estime d'ailleurs, même en n'ayant pas égard à ces arts ou à quelques autres dans lesquels ou bien la nécessité ou bien l'occasion a dit naître une Géométrie primitive, que les raisons ne manquent pas pour lesquelles il est vraisemblable que la connaissance de cette science est échue aux Planéticoles. Car soit qu'on considère le prix etGa naar margenoot+ la dignité de cette science en elle-même, dans laquelle il est fait un insigne usage de notre intelligence et se trouve une compréhension certaine et indubitable de la vérité, comme elle n'existe en nulle autre chose et en nulle autre science; soit qu'on tient compte du fait que sa nature est telle et que tels sont aussi ses axiomes et ses énoncés qu'elle doit être partout absolument la même en quelqu' endroit et à quelque temps ou en quelque monde qu'elle se présente; il semble bien qu'une chose de si grande valeur n'ait pas été instituée pour nous seuls, rendue accessible aux habitants de notre Terre seulement. N'est-il pas vrai que la nature même nous présente de beaucoup de manières des figures Géométriques, par exemple des circonférences de cercles, des triangles, des polygones, des sphères, et nous invite pour ainsi dire à en chercher les | |
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nec minori concinnitate exaedisicent. Cumque multiplex sit hominum in his rebus industria; ut in caedendis lapidibus, coquenda calce & lateribus; cum ferro, plumbo, vitro utantur, atque ad ornatum auro quoque; his omnibus nihilo inferiora illic haberi virisimile est. Si vero divisa est illis, sicuti nobis, Globi sui superficies, ut pars terram, pars maria contineat; uti ex supra memoratis Jovis observationibus colligi potest, quia nubes vix aliter quam ex maris amplis tractibus enascerentur; permagna ratio est ut & navigare eos putemus. Cum alioqui etiam rem tantam, tamque utilem, nostrae Telluris Globo soli non absque arrogantia ascripturi simus. Praesertim verò in Jovis Saturnique maribus commoda esset | navigatio propter Lunarum plurium utrobique copiam; quarumGa naar margenoot+ ductu longitudinum mensuram, quam vocant, quae nobis non contigit, facile consequi possint. Quod si navium usum habent, quam multa praeterea habebunt quae ad eas pertinent; Vela, anchoras, funes, trochleas, gubernacula; & horum usum peculiarem quemadmodum nos; ut vento pené contrario navigetur, in contrarias vero partes eodem vento facillime. Nec fortasse nauticae pyxidis invento carebunt; siquidem motusGa naar margenoot+ materiae magneticae, quae terrae globum continue pervadit, est ejusmodi quid, ut caeteris quoque planetis convenire censeri possit. Mechanicae quidem scientia, & Astronomiae, in re navali necessario requiritur, atque adeo utriusque harum magistra Geometria, de qua jam ante aliquid attigimus. Existimo autem, etiamsi nec ad istas artes nec ad alias quasdam respiciamus, in quibus vel necessitas vel occasio Geometriae inveniendae initium fecerit, non deesse rationes, quibus verisimile fiat ejus notitiam Planetarum incolis obtigisse. Sive enim cognitionis ipsius pretium ac dignitas spectetur, in qua singularis quidam intelligentiae est usus, ac certa | indubitataque veri comprehensio, quanta in nullis rebus disciplinisveGa naar margenoot+ aliis reperitur: sive quod est ejusmodi natura sua, ac talia ejus axiomata & effata, utGa naar margenoot+ quocunque loco & tempore, aut quibuscunque in mundis extet, prorsus eadem ubique esse debeat; videtur omnino non solis Telluris nostrae incolis res talis parata aut oblata esse. Quid quod figuras Geometricas, velut circulos, triangula, polygona, sphaeras, multis modis natura ipsa oculis objicit, ad variasque eorum proprietates indagandas quasi invitat; in quarum contemplatione, etiam extra utilitatem omnem, summa est | |
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diverses propriétés, dans la contemplation desquelles, même en dehors de toute utilité, il y a un fort grand plaisir? Qui n'est pas saisi d'admiration lorsqu'il apprend ce qui est enseigné sur la circonférence de cercle dans les Éléments d'Euclide et dans les lieux Plans d'Apollonius, ou ce qu'Archimède a publié sur la surface de la sphère et la quadrature de la Parabole, ou qu'il considère les découvertes si subtiles des auteurs modernes? Or, la vérité de toutes ces choses et les voies qui y conduisent sont les mêmes en Saturne et Jupiter que chez nous; tout y dépend des mêmes principes fort simples, ce qui doit nous porter à croire bien facilement qu'en ces autres planètes il y a des individus qui prennent part à cette fort belle et fort agréable étude; quoique le plus grand argument pour cette thèse se tire de l'utilité de la dite science pour toute la vie. Que si je disais que les habitants des Planètes ont pénétré assez loin dans le domaine de la Géométrie pour avoir inventé les Tables des Sinus et les Logarithmes et le calcul Analytique, il pourrait sembler que j'avançais des choses étranges et presque ridicules. Il n'y a cependant aucune raison pour ne pas admettre qu'ils peuvent avoir trouvé une partie de ces choses ou qu'ils les trouveront plus tard; et même peut-être des théories plus remarquables que celles que nous possédons. Car nous ne devons pas, comme je l'ai déjà souvent dit, préférer nos conditions, en nous préférant nousmêmes, à celles des Planéticoles. Il est de plus certain que ce que nous remarquons d'unique et d'éternel dans la science Géométrique se trouve également dans celle de l'Harmonie, puisque toutes les consonances consistent dans une mesure et proportion constantes, et que tout l'ordre des tons, ainsi que tout le charme du chant même univocal, sont fondés sur lesGa naar margenoot+ consonances. D'où s'ensuit que chez tous les peuples on chante les mêmes intervalles, soit que la voix progresse par des degrés continus soit que ce soit par des sauts. Des auteurs dignes de foi rapportent même qu'en Amérique vit un certain animal qui fait entendre six tons musicaux successifsGa naar voetnoot*); d'où ressort que la nature même en prescrit les invariables rapports. Comme ce qui se rapporte à ce sujet est donc constitué d'une façon certaine, unique et nécessaire, il est vraisemblable que, non moins que la Géométrie, le plaisir de la Musique appartient à plus d'individus qu'à nous. Car, l'existence d'autres terres et d'autres animaux raisonnables et doués du sens acoustique ayant été une fois admise, pourquoi ce plaisir uniquement réalisable par le son ne serait-il tombé en partage qu'à nous? J'ignore de quel poids sera pour autrui l'argument tiré ici par nous de l'unité et de l'immuable nature de ces arts; pour moi il n'est ni faible ni méprisable; il me semble n'être guère inférieur en force à celui dont je me suis servi plus haut en établissant que la faculté de voir convient aux animaux Planétaires. Or, s'ils prennent plaisir aux tons harmonieux et au chant, il est aussi presqu'impossible qu'ils n'aient pas trouvé quelques instruments musicaux, puisqu'il doit leur être arrivé de tomber même par hasard sur des inventions de ce genre, grâce par exemple à des cordes fort tendues, à des sons aériens, au bruit du souffle dans des tiges de roseaux ou de cigues. De même que nous sommes parvenus de pareils commencements aux lyres, aux guitares, aux flûtes, aux instruments à un grand nombre | |
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oblectatio. Quis enim non admiratur, cum discit ea quae de circulo in Elementis Euclideis, & Apollonii locis Planis docentur? aut quae de sphaerae superficie & quadratura Parabolae Archimedes prodidit, aut recentiorum subtilissima inventa? Quorum omnium eadem, & ad discendum aeque exposita, est veritas in Saturno, ac Jove, atque apud nos, & ex iisdem simplicissimis principiis pendens, quo facilius credi potest pulcherrimi jucundissimique studii in illis ac caeteris planetis aliquos participes esse: Etsi praecipue hoc suadet utilitas quae ex eo in omnem vitam emanat. | Quod si jam eo usqueGa naar margenoot+ rei Geometricae peritos qui in Planetis sunt dicerem, ut & Tabulas Sinuum, & Logarithmos, & calculum Analyticum invenerint; absona ac pene ridicula proferre viderer. Nec tamen quidquam obstat quin horum aliquid reperisse potuerint, aut aliquando reperturi sint; atque etiam his nostris fortasse majora. Non debemus enim, ut jam saepe diximus, praeferre nos ipsos ac res nostras rebus Planeticolarum. Caeterum illud quod uniusmodi & aeternum in Geometrica scientia inesse animadvertimus, similiter quoque in Harmonicis inveniri certum est; cum consonantiae omnes constanti mensura ac proportione constituantur, omnis vero phtongorum ordo, omnisque cantus delectatio, etiam vocis singulae, in consonantiis fundata sit. Quo fit utGa naar margenoot+ apud omnes gentes eadem tonorum intervalla canantur, sive per gradus continuos, sive saltu vox progrediatur. Imo animal quoddam in terris Americae reperiri fide digni auctores narrant, quod sex musicos tonos deinceps voce exprimatGa naar voetnoot*): Ut appareat ipsam naturam immutabili ratione eos praescribere. Quandoquidem igitur quae huc spectant, certa quoque & | unica, & necessaria ratione sese habent, verisimile est, non minusGa naar margenoot+ quam Geometriae, etiam Musicae oblectationem ad plures quam ad nos pertinere. Positis enim aliis terris atque animalibus ratione & auditu pollentibus, cur tantum his nostris contigisset ea voluptas, quae sola ex sono percipi potest? Nescio equidem quantum apud alios valiturum sit argumentum, quod hic ab unitate, & immutabili natura istarum artium petiimus; mihi non leve aut contemnendum videtur, nec multum ei cedere, quo in superioribus usus sum, cum videndi facultatem Planetariis animalibus convenire docui. Porro si tonis harmonicis & cantu delectentur, vix quoque fieri potest quin & instrumenta quaedam musica repererint; quoniam & casu in hujusmodi inventa incidere contingit: velut chordis valide contentis, aeris sono, cannarum aut cicutarum sibilo. A quibus initiis, sicuti ad testudines, citharas, tibias, & organa polyplectra nos perve- | |
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de cordes, de même auront-ils pu inventer, eux, des instruments non moins élégants.Ga naar margenoot+ Mais tandis que les tons et les intervalles des chants sont bien déterminés, nous voyons cependant auprès d'un nombre de divers peuples autant de différents modes et normes de chant: il en était ainsi dans l'antiquité pour les peuples Dorique, Phrygique et Lydique; dans le présent siècle pour les Français, les Italiens et les Persans. Il est donc possible que l'Harmonie des Planétaires s'écarte assez loin de toutes celles que nous venons de mentionner, en étant pour leurs oreilles fort agréable. Mais il n'y a pas de raison pour la juger plus primitive que la nôtre: pourquoi ne feraient-ils pas usage, eux aussi, de sons chromatiques et de quelques sons Enharmoniques? puisque la nature sournit aussi les semitons et les définit par des proportions fixes. Pour qu'ils ne soient pas allés moins loin que nous dans ces matières, il faudra peut-être aussi leur accorder la polyphonie des voix ou des cordes, la mixture artificielle tant des tons dissonants que du triton et de la quinte diminuée. Je sais que ceci aura bien peu de vraisemblance pour beaucoup de gens, moins encore si nous proclamons les habitants de Jupiter ou de Vénus aussi doctes que ceux qui excellent le plus dans cet art en France ou en Italie. Et cependant il peut être vrai qu'ils les surpassent même; ils peuvent nommément dans la partie Théorique de cet art avoir été à même de comprendre ce qui jusqu'ici est resté plus ou moins inintelligible aux hommes de cette terre-ci. En effet, si vous demandez à nos Musicologues pourquoi la succession de deux quintes est fautiveGa naar voetnoot47), d'aucuns diront que la trop grande douceur doit être évitée qui proviendrait de la répétition d'une consonance si agréable; d'autres que dans l'harmonie il faut rechercher la variété. Voilà ce que répondent nos principaux auteurs sur cet art, et parmi eux DescartesGa naar voetnoot48). Mais un habitant de Jupiter ou de Vénus démontreraGa naar margenoot+ peut-être que la cause plus véritable c'est la suivante: en passant immédiatement d'une Quinte à une autre, il se produit quelque chofe d'analogue au passage subit à un autre mode, puisque la Quinte, jointe au son qui la partage en tierce (lequel, s'il fait défaut, est mentalement ajouté) définit le mode: or, un tel changement de mode est à bon droit jugé par les oreilles désagréable et mal fondé, comme aussi généralement nous | |
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nimus, ita illi quoque non minus elegantia excogitare potuerint. Sed quemadmodum certi definitique licet sint toni, cantusque intervalla, tamen apud diversos populos alium | atque alium esse canendi morem ac normam videmus; ut olim apud Dores,Ga naar margenoot+ Phrygas, Lydos; nostra aetate apud Gallos, Italos, Persas: ita fieri potest ut ab omnibusGa naar margenoot+ his longius abeat Planetariorum Harmonice, quamvis illorum auribus gratissima. Cur vero nostra rudiorem opinemur nulla ratio est; neque etiam cur non & chromaticis sonis, & quibusdam Enarmoniis utantur? cum hemitonia quoque natura suppeditet, certisque proportionibus definiat. Imo ne minus assecuti sint hisce in rebus quam nos, etiam plurium vocum aut chordarum concentus, artificiosaque permistio, & dissonantium tonorum, & tritoni, & diapente diminutae usus iis fortasse concedendus sit. Scio vix aliquam verisimilitudinem apud multos haec habitura, ac minorem etiam, si aeque doctos dicamus in Jove aut Venere incolentes, ac sunt ii qui in Gallia, Italiave plurimum hac arte excellunt. Et tamen fieri potest ut vel illis peritiores sint, ac praecipue in parte Theoretica hujus artis ea perspexerint, quae apud nostrates hosce parum hactenus intellecta sunt. Si enim ex nostris Musicis quaeras, cur consonantia diapente post aliam similem vitiose ponaturGa naar voetnoot47), dicent | alii nimiam dulcedinem devitari, quae ex gratissimaeGa naar margenoot+ consonantiae iteratione nascatur: alii varietatem in harmonicis sequendam esse. Haec enim praecipui artis auctores, cumque iis CartesiusGa naar voetnoot48), adferunt. At Jovis autGa naar margenoot+ Veneris incola forsan veriorem hanc causam demonstrabit, quod à Diapente ad aliam deinceps pergendo, tale quid siat, ac si repente toni statum immutemus; cum Diapente, unà cum interjecto ditoni sono, (qui si desit, mente suppletur) toni speciem certo constituat: hujusmodi vero subita commutatio auribus merito injucunda incondi- | |
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frappe comme plutôt dure (si ce n'est en passant) la succession de trois sons consonants à l'harmonie de trois autres, aucun des trois premiers n'étant conservé. Ce même habitant saura peut-être ce qu'aucun de nos hommes n'a encore remarqué, savoir pourquoi dans aucun chant monophone ou polyphone, le ton ne peut être maintenu à la même hauteur si ce n'est par cette cause que la plupart des intervalles consonants sont spontanément et inconsciemment tempérés de manière à s'écarter quelque peu des intervalles parfaitement justes. Et pourquoi dans un système de cordes ce tempérament est le meilleur lorsque de la Quinte un quart de comma est partout retranché. Ce que nous avons récemment montré pouvoir être effectué sans différence sensible par la division des octaves en 31 parties égales, d'où résulte un certain cycle Harmonique ferméGa naar voetnoot49). Or, si les habitants des Planètes ont conçu ces vues théoriques, il est nécessaire que les nombres Logarithmiques leur soient aussi connus. Ga naar margenoot+ Ce que j'ai dit de la nécessité de tempérer le Ton de la voix, demande une démonstration qui n'est pas difficile; nous l'ajoutons ici attendu que nous avons déjà commencé à débiter autre chose que nos rêves. Je dis donc que si quelqu'un chante successivement les sons que les Musiciens désignent par les Lettres C, F, D, G, C par des intervalles consonants absolument parfaits, en élevant et baissant alternativement la voix, ce dernier ton C sera inférieur de tout un Comma (comme on dit) au premier C d'où partait son chant. C'est ce qu'on peut conclure du fait que des rapports justes correspondant à ces intervalles, lesquels sont 4 à 3, 5 à 6, 4 à 3, 2 à 3 se compose le rapport 160 à 162 au 80 à 81 qui est celui du Comma. De sorte que, si ce chant est répété neus fois, il faut que la voix ait baissé à peu près d'un ton majeur, correspondant au rapport 8:9. Mais le sens de l'ouïe ne souffre aucunement cette descente; il se souvient au contraire du ton initial et y retourne. Nous sommes donc obligés de faire usage d'un certain tempérament occulte et de chanter ces intervalles imparsaitement, ce dont résulte une offense de l'oreille beaucoup moindre. Et c'est presque partout que le chant a besoin d'une pareille correction, comme cela appert facilement par une composition des rapports telle que celle ci-dessus. Voilà ce que nous avons voulu exposer à l'avantage de ceux qui étudient cet art et ne sont pas dénués de toute connaissance de la Géométrie. Nous retournons maintenant au point d'où nous étions partis. Nous avons parlé de certains arts et de certaines inventions que les Planéticoles ont vraisemblablement en commun avec nous. Outre ceux-ci il faut qu'il en existe là-bas d'autres encore, ayant trait soit à l'usage et la commodité de la vie soit aux divertissements. Combien ces arts sont nombreux et importants, c'est ce que nous nous figurerons le mieux en énumérant et plaçant devant nos yeux ceux qui se trouvent chez nous. | |
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taque judicetur; cum etiam in universum ea plerumque durior accidat, (praeterquam in transitu) quae fit à tribus sonis consonis, ad trium aliorum harmoniam, nullo priorum manente. Sciet etiam ille idem fortasse, quod nemo adhuc animadvertit nostrorum hominum, cur in nullo vocis unius, pluriumve cantu, tonus servari possit in eadem altitudine ac tenore, nisi consonantia intervalla pleraque ultro, ac nemine advertente, ita temperentur, ut à perfectione summa nonnihil desciscant. Et cur optimum sit hoc temperamentum in chordarum systemate, cum ex Diapente quarta pars | commatisGa naar margenoot+ ubique deciditur. Quod idem absque sensibili discrimine effici ex divisione Diapason in partes aequales 31, indeque Cyclum quendam Harmonicum in se redeuntem existere, non ita pridem ostendimusGa naar voetnoot49). Quod tamen Planetarum incolae si perspexerunt, etiam Logarithmorum numeri iis noti esse debebunt. At de Tono vocis temperando quod dixi, probationem habet non difficilem; quamGa naar margenoot+ hic adjungimus, quandoquidem jam aliquid praeter somnia nostra venditare coepimus. Ajo itaque, si quis canat deinceps sonos, quos Musici notant Literis C, F, D, G, C, per intervalla consona, omninò perfecta, alternis voce ascendens descendensque; jam posteriorem hunc sonum C, toto Commate, quod vocant, inferiorem fore C priore, unde cani coepit. Quia nempe ex rationibus intervallorum istorum perfectis, quae sunt 4 ad 3, 5 ad 6, 4 ad 3, 2 ad 3, componitur ratio 160 ad 162, hoc est 80 ad 81, quae est Commatis. Ut proinde, si novies idem hic cantus repetatur, jam propemodum tono majore, cujus ratio 8 ad 9. descendisse vocem, tonoque excidisse oporteat. Hoc verò nequaquam patitur aurium | sensus, sed toni ab initio sumpti meminit, eodemqueGa naar margenoot+ revertitur. Itaque cogimur, occulto quodam temperamento uti, intervallaque ista canere imperfecta; ex quo multo minor oritur offensio. Atque hujusmodi moderatione fere ubique cantus indiget; uti colligendis rationibus, quemadmodum hic fecimus, facile cognoscitur. Et haec quidem in gratiam artis illius studiosorum nec Geometriae rudium exponere placuit. Nunc eo unde discessimus revertimur. Diximus de artibus inventisque quibusdam quae nobiscum communia habere Planeticolas verisimile sit; praeter quae etiam alia exstare illic necesse est, sive ad usus & commoda vitae facientia sive ad delectationem. Haec vero quam multa sint, quantique facienda, ita optime rationem inibimus, si plurima illa, quae apud nos reperiuntur, recensere & ob oculos ponere libuerit. | |
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J'ai donné plus haut une liste des espèces d'animaux et de plantes terrestres qui diffèrent le plus les uns des autres, outre lesquels il s'en trouve une foule de moins dissemblables; et j'ai dit qu'il faut croire que dans les terres des Planètes il n'en existe pas moins de l'un comme de l'autre règne, quoique de tout autres formes qu'ici. Considérons maintenant l'utilité et les commodités que nous offrent tant le règne animal que le règne végétal, et soyons persuadés que les habitants des planètes ne profitent pas moins des animaux et des plantes qui se trouvent chez eux. Ga naar margenoot+ Il mérite d'être constaté ici combien nombreuses et grandes sont nos richesses. En effet, outre que les fruits des arbres et les plantes basses nous fournissent des aliments, les arbres par leurs fruits e.a. par les noix, les plantes basses par leurs semences, feuilles et racines, et qu'il est fait usage d'un grand nombre de végétaux dans la médecine, nous tirons des arbres la matière avec laquelle nous bâtissons nos maisons et nos vaisseaux. Nous fabriquons nos habits de lin, ayant inventé l'art de filer et celui de tisser. Nous tournons des fils et des cordelettes de chanvre ou de genêt; des sils nous faisons des voiles et des filets, des cordelettes des cordes et des câbles pour les ancres. Nous jouissons des odeurs et des couleurs des fleurs, et quoiqu'il y en ait aussi qui offensent les narines et qu'il se trouve des plantes nocives, il s'y cache cependant souvent quelque chose de bon: ou peut-être la nature s'est-elle proposé que par la comparaison avec ce qui est mauvais ce qui est bon serait mis en relief; ce qui lui est, pouvons-nous dire, un procédé familier. Et combien grands sont les avantages que nous tirons des animaux! Les brebis fournissent de la laine pour nos habits, les vaches du lait, les unes et les autres de la viande. Nous nous servons des ânes, des chameaux, des chevaux pour leur faire porter nos faix, et encore pour nous faire porter nous-mêmes sur leur dos ou nous faire tirer par eux en voiture. Où nous rencontrons l'excellente invention des roues que je voudrais attribuer aussi aux habitants des Planètes, ayant déjà plus ou moins démontré qu'ils vivent en société et qu'ils bâtissent des maisons. S'ils mangent, comme nous, les animaux ou bien qu'ils s'en tiennent au sentiment qui était chez nous celui de Pythagore, c'est ce que je ne saurais décider. Il appert sans doute qu'à l'homme a été donnée la liberté de se nourrir de tout ce qui naît sur la terre ou dans l'eau et contient quelque chose de mangeable, comme des plantes basses, des fruits d'arbres, du lait, des oeufs, du miel, des poissons, de la chair de la plupart des oiseaux et des quadrupèdes. En quoi il peut sembler étrange que cet animal raisonnable est ainsi fait qu'il doit vivre par la destruction et l'occision de beaucoup d'autres êtres. Ceci ne doit pourtant pas être estimé contraire aux décrets de la nature, puisque nous voyons que les lions, les loups et autres bêtes de proie ont pour nourriture le bétail et toute autre sorte d'animaux plus faibles; que les aigles donnent la chasse aux colombes et aux lièvres; que généralement les poissons dévorent d'autres poissons plus petits qu'euxmêmes. Quant à nous, la nature nous a même fait don de diverses sortes de chiens de chasse pour que nous puissions nous emparer par leur vitesse et la finesse de leur odorat de ce que nous ne saurions poursuivre en nous servant de nos propres pieds. Mais | |
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Exposui supra animantium fruticumque apud nos genera quae plurimum inter se figuris differrent: praeter quae, minus dissimilium, ingens copia reperiatur: dixique nihilo pauciora utriusque generis, ut longe diversa, in Planetarum terris exstare putandum. Nunc | etiam illud videamus, quae utilitas quaeve commoda, tum ex animalibus,Ga naar margenoot+ tum ex herbis arboribusque ad nos perveniant, ac prorsus verisimile existimemus non minora ex iis, quae illic terrarum inveniuntur, ad incolas ipsarum redundare. Hic vero operaepretium est ut quae sint divitiae nostrae inspiciamus, quae multae magnaeque sunt. Nam, praeterquam quod alimenta nobis arborum fructus herbaeque suppeditent;Ga naar margenoot+ illae pomis, nucibus; hae seminibus, foliis, radicibus; quodque plurimorum ex his in medicina usus est; petitur ex arboribus materia qua domos navesque fabricamus. Et lino vestes paramus, excogitatis nendi & texendi artificiis. Ex cannabe, spartove, fila ac funiculos torquemus; ex filis vela ac retia conficimus, ex funiculis rudentes & funes anchorarios. Florum porro odoribus coloribusque oblectamur; & quamvis sint etiam qui nares offendant, & noxiae quaedam herbae inveniantur, tamen in iis saepe boni quid delitescit; vel fortasse hoc egit natura ut comparatione mali bona magis eminerent: quod multis in rebus secuta videtur. Quanta vero ex animalibus est utilitas? Oves lanam ad | vestitum praebent, vaccae lac; utraeque carnes ad vescendum. Asinis,Ga naar margenoot+ camelis, equis, ad portandas sarcinas utimur. His etiam ut nos vel inscensi vehant, vel curribus juncti pertrahant. Ubi egregium illud rotarum inventum occurrit, quod libenter Planetarum quoque habitatoribus adscriberem, cum jam in societate eos vivere & domos aedisicare pene evicerim. Utrum vero etiam animalibus pro cibo utantur, an Pythagorae simile dogma sequantur, non habeo quod affirmem. Apparet quidem hoc homini datum esse, ut omnibus iis alatur quae vel in terra vel in aquis nascuntur, si quid nutrimenti contineant; ut herbis, pomis, lacte, ovis, melle, piscibus, volucrum quadrupedumque plurimorum carnibus. In quo mirum sane videri potest, animal illud rationis compos ita esse comparatum, ut cum multorum aliorum pernicie caedeque vivat. Nec tamen naturae praescripto contrarium hoc esse putandum est, cum placuisse | |
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outre tous ces avantages que nous procurent les animaux et les plantes basses, l'auteur des choses a voulu que nous en tirions aussi la satisfaction de pouvoir étudier leurs diverses formes, leurs manières de vivre et de se multiplier, où il se trouve une variété presqu'infinie et beaucoup de choses admirables que font connaître les écrits des naturalistes. Et dans le monde des insectes même, qui n'admire les cellules hexagonales des abeilles, les toiles des araignées, les chrysalides des vers de soie dont nous fabriquons par une incroyable industrie une étoffe fort délicate et cela en si grande quantité que des navires entiers en sont chargés. Qu'il suffise d'avoir rappelé sommairement ces quelques faits au sujet des règnes végétal et animal en tant que profitables à l'homme. Ga naar margenoot+ Considérons ensuite combien grande est son industrie dans la recherche des métaux ainsi que dans l'art de les extraire du sol et d'en examiner les qualités; de même dans celui de les fondre, de les purger, d'en faire des alliages; d'amincir les plaques d'or ou de les dissoudre dans du mercure pour qu'à peu de frais tous les objets voulus reçoivent la splendeur et la couleur de l'or. Songeons combien grande et variée est l'utilité du fer: toutes les nations qui l'ont ignorée ont vécu à peu près exemptes des arts mécaniques et n'ont eu pour armes que des arcs, des massues et des piques. Nous avons de plus, nous, la poudre (mixture de soufre et de nitre) et ses divers usages. On peut d'ailleurs mettre en doute s'il est plus utile que nuisible. Il semblait que par sa force singulière, jointe à un grand art de fortifier les villes, une sécurité plus grande que celle d'auparavant avait été trouvée contre les attaques des ennemis; mais nous voyons qu'en même temps la violence de ces derniers s'est également accrue; d'autre part dans les combats il y a bien moins lieu aujourd'hui que jadis au courage et à la force individuelle. Il est rapporté qu'anciennement un Empereur Grec a dit que le courage périt lorsque furent faites les inventions des Catapultes et des BalistesGa naar voetnoot50); c'est une complainte que nous pouvons pousser aujourd'hui avec plus de raison encore, surtout depuis l'invention de ce qu'on appelle les Bombes, contre lesquelles les villes et bourgs ne peuvent se défendre par leur situation: quelle que soit leur force ils sont détruits et égalisés avec le sol. C'est pourquoi, en ne considérant que cette seule raison, il faut dire qu'il aurait été plus profitable aux hommes d'être privés de cette invention. Il ne fallait pourtant pas nous en taire dans l'énumération sommaire des inventions de notre Terre, puisqu'il est vraisemblable que sur les autres Planètes aussi quelques arts nocifs ont vu le jour en outre des bons. Ga naar margenoot+ Moins dubieuse est chez nous l'utilité de l'eau et de l'air. C'est à eux que nous devons la possibilité de naviguer et de mettre à notre service des forces par lesquelles nous faisons tourner sans aucun labeur de notre part des meules et des machines. Or, combien nombreuses sont ces dernières et à quelle variété de choses peuvent elles | |
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ei videamus ut leones, lupi, aliaque rapacia, pecudes & infirmiora quaelibet pabuli loco habeant: aquilae columbas leporesque praedentur: Piscium permulti pisciculos se minores devorent. Quin & canum | varia genera ad venandum nobis largita est, ut quaeGa naar margenoot+ pedibus nostris persequi nequiremus, illorum celeritate ac sagacitate consequeremur. Praeter omnem vero istam ex viventibus herbisque utilitatem, hanc quoque delectationem ex iis nos capere voluit rerum conditor, ut varias eorum formas naturasque & generandi vias contemplaremur; in quibus infinita quaedam varietas ac mirabilia multa insunt, quae apud naturae scriptores celebrantur. Imo in ipsis insectis quis non miratur apium cellulas hexagonas, aranearum telas; tum bombycum involucra, ex quibus incredibili industria delicatissimam vestem conficimus, eaque copiâ ut naves totae ea onerentur. Atque haec quidem de herbarum animantiumque genere, quatenus homini prosunt, summatim retulisse sufficiat. Cogitetur jam porro quanta sit ejus solertia in reperiendis, effodiendis, explorandisGa naar margenoot+ metallis; itemque in fundendis, repurgandis, miscendis. Quanta in tenuandis auri laminis, aut hydrargyro resolvendis, ut parvo impendio, quaecunque voluerimus, auri splendorem coloremque induant. Quam | mira ac multiplex sit ferri utilitas; quam quaeGa naar margenoot+ ignorarunt nationes, eae omnium ferè mechanicarum artium rudes vixerunt, proque armis, tantum arcus, clavas, sudesque habuerunt. Nos vero & pulverem ex sulphure & nitro mistum habemus, variosque ejus usus, qui an plus juvet an noceat merito dubitari potest. Videbatur enim mira ejus vi, simulque artificiosa muniendorum oppidorum arte, certius praesidium inventum esse, quam priscis temporibus fuerit, adversus hostiles impetus: sed & horum ex eo simul violentiam crevisse videmus, & fortitudini viribusque in praeliis multo minus nunc locum esse quam tunc fuerit. Quod enim olim Imperator Graecus dixisse ferturGa naar voetnoot50), Periisse Virtutem cum Catapultarum, ac Balistarum inventa exorirentur, idem nunc majori jure queri possumus; ac maxime Bombis, quos vocant, repertis; quos non moenibus, nec situ oppida arcesve repellere possunt, sed quamvis validae disjiciuntur, ac solo aequantur. Ut, vel ob hoc unum, melius homines ejus pulveris invento carituros fuisse dicendum sit. Nec tamen propterea praetereundum fuit in commemorandis nostrae | Telluris repertis, cum verisimile sit, etiamGa naar margenoot+ in caeteris Planetis, noxia artificia quaedam cum bonis emersisse. Auspicatior est aquae & aëris apud nos usus: quo & navigandi ratio constat, & viresGa naar margenoot+ comparantur, quibus, nullo labore nostro, molas machinasque versemus. At hae quam multiplices, quamque ad varias res adhibentur? Nam & frumenta iis comminuimus, | |
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servir! À l'aide de ces machines nous broyons les grains, nous pressons les huiles, nous scions le bois, nous foulons les draps, nous préparons la pulpe du papier, fort belle invention par laquelle est obtenue de chiffons une abondance de feuilles blanches. Ajoutons-y l'admirable invention de l'imprimerie par laquelle tous les autres arts ne sont pas seulement conservés mais aussi comparés entre eux bien plus facilement qu' auparavant. De même l'art de sculpter et de peindre, parvenu à cette hauteur à partir d'une origine faible et primitive, tel maintenant que rien de plus élégant ne semble avoir été produit par le génie de l'homme. Considérons en outre l'art de cuire le verre et l'aisance avec laquelle on lui fait prendre tant de formes; le polissage des miroirs de verre et l'art d'y fixer le mercure; surtout aussi l'admirable usage du verre pour scruter la nature par les inventions du télescope et du microscope. Mentionnons encore la construction d'horloges automatiques, dont quelques-unes sont si petites qu'elles ne gênent aucunement ceux qui les portent, tandis que d'autres mesurent le temps avec une égalité si parfaite qu'on ne pourrait désirer rien davantage, deux formes d'horloges beaucoup perfectionnées par nos inventionsGa naar voetnoot51). Ga naar margenoot+ Je pourrais beaucoup ajouter sur la multiple doctrine et connaissance des choses que nous avons acquises outre les sciences de la Géométrie et de l'Astronomie, et cela surtout en notre siècle; comme la connaissance du poids de l'air et celle de la force élastique. Je pourrais parler des remarquables expériences des Chimistes parmi lesquelles celles de liqueurs inflammables, dernièrement aussi de liqueurs spontanément lumineuses et aisément amenées à brûler. De la circulation du sang par les artères et les veines, déjà auparavant comprise, mais qui n'est devenue observable à nos yeux que dans les derniers temps par l'application du microscope aux extrémités des queues de certains poissonsGa naar voetnoot52). De même de la génération des animaux; qu'il a été trouvé qu'aucun d'eux ne naît autrement que de semence provenant de ses semblables; et que ceci est également vrai pour les herbes. Que dans la semence des mâles se trouvent des myriades d'animalcules fort alertes dont il est probable qu'ils constituent eux-mêmes les germes des animauxGa naar voetnoot53); chose étonnante, inconnue à tous les siècles antérieurs. Ga naar margenoot+ Après avoir fait cette énumération des inventions et découvertes des habitants de la Terre, nous pouvons émettre l'opinion qu'il est possible que quelques-unes d'entre elles soient aussi tombées en partage aux Planétaires, mais qu'il est plutôt croyable que la grande majorité de ces choses leur sont inconnues. Toutefois pour compenser celles qui leur manquent il faut qu'un nombre égal de choses belles, utiles et dignes | |
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& olea exprimimus, & ligna secamus, & pannos tundendo densamus; & chartis materiam conterimus; quarum aliàs quoque pulcherrimum est inventum, cum ex vilissimis linteorum scrutis, tam pulchra foliorum candidissimorum copia paretur. His addatur jam praeclarum illud typographiae inventum, cujus opera artes omnes reliquae, non servantur tantum, sed & comparantur multo quam ante facilius. Item sculpendi pingendique peritia, a parvis rudibusque initiis eo progressa, ut nihil elegantius ab hominum ingenio profectum esse videatur. Ponatur & vitri excoquendi scientia, atque in tot formas ducendi facilitas. Tum speculorum vitreorum politura, hydrargyrique super ea inductio. Ac praeci|pue quoque vitri usus mirabilis, in pervidenda rerum natura,Ga naar margenoot+ post telescopii microscopiique inventa. Recenseantur etiam horologiorum automatôn fabricae; aliorum tam exilium, ut gestanti nihil incommodent; aliorum tam exquisita aequalitate tempus metientium, ut nihil supra optari possit, quibus utrisque inventa nostra plurimum profuereGa naar voetnoot51). Multa addere possem de multiplici doctrina & rerum naturae cognitione quam praeterGa naar margenoot+ Geometriae Astronomiaeque scientias consecuti sumus, atque ea pleraque nostra aetate: velut de gravitate aeris ac vi qua compressus resilit. De singularibus Chymicorum experimentis; è quibus liquores inflammabiles, nuperque ultro lucentes, ac levi tractatione ardentes, prodierunt. De sanguinis circuitu per arterias venasque, qui antea intelligebatur, nuper vero & oculis usurpari coepit, adhibito microscopio, in piscium quorundam caudis extremisGa naar voetnoot52). Item de generatione animalium, quod inventum est nulla nisi ex similium semine nasci; idque de herbis quoque verum esse. Quodque in semine marium reperiun|tur animalculorum myriades vivacissimorum, quae ipsamGa naar margenoot+ animantium sobolem esse verisimillimum sitGa naar voetnoot53): res mirabilis, atque ab omni aevo incognita. Jam vero postquam haec omnia accumulavimus Telluris incolarum inventa, putemusGa naar margenoot+ fieri quidem posse, ut quaedam eorum etiam apud Planetarios extent; credibile tamen esse maximam partem eorum illis ignorari. At iis quae non habent rependendis aeque multa, pulchraque & utilia, & admiratione digna iis tributa esse oportet. Quanquam igitur ibi terrarum aliquos ratione praditos, & Geometras, & Musicos reperiri | |
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d'admiration leur soient échues. Par conséquent, quoique nous ayons fait voir par des arguments probables qu'il se trouve là-bas certains êtres raisonnables, et parmi eux des Géomètres et des Musiciens, que ces êtres vivent en société et en communauté, qu'ils sont pourvus de mains et de pieds et munis de toits et de murs, il ne faut pourtant pas mettre en doute, si Mercure ou un puissant Génie nous conduisait chez eux, qu'à la vue de leur forme et du spectacle de leurs affaires nous serions frappés de stupeur plus que nous ne pourrions l'exprimer en paroles. Mais comme tout espoir de faire un tel voyage nous fait défaut, nous devrons nous contenter d'examiner ici la seule chose qui se prête à notre investigation, savoir quel est l'aspect du ciel pour ceux qui habitent un quelconque de ces globes; ceci aussi fait partie de leur vie. Nous rapporterons en même temps quelques autres choses mémorables, savoir ce qui a trait à l'état particulier de chaque globe en tant que possédant une certaine grandeur et une famille de satellites. Enfin nous parlerons de la mesure par une nouvelle méthode de l'incroyable distance des étoiles fixes. En attendant nous prendrons quelque repos après notre méditation longue et détaillée, et nous terminerons ici le présent Livre. | |
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probabilibus argumentis ostenderimus, & in societate communitateque viventes, & manibus pedibusque instructos, tectisque & moenibus munitos: non tamen dubitandum est, quin & formae, & rerum quas agunt novitate, mirabile supra quam dici possit futurum sit spectaculum, si quis Mercurius, aut potens Genius eò nos deducat. Sed cum ejus itineris conficiendi spes omnis adempta sit, id unum tamen, quod possumus investigare non pigebit; qualis nempe caelestium rerum facies sese | offerat, in unoquoqueGa naar margenoot+ istorum globorum vitam agentibus, cum ad eam hoc quoque pertineat. Simul vero & de praestantia cujusque, tum ob magnitudinem, tum ob adjunctum comitum lunarum numerum, quaedam scitu digna referemus, ac stellarum denique inerrantium incredibilem distantiam nova ratione indagabimus. Sed à longa attentaque meditatione requiescemus hic paulum, finemque huic Libro imponemus. |
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