Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Cosmotheoros | |||||||||||||||||||||||||
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Avertissement.La Pièce de 1690Ga naar voetnoot1) que nous avons intitulée ‘Réflexions sur la probabilité de nos conclusions et discussion de la question de l'existence d'êtres vivants sur les autres planètes’ porte à croire qu'en ce temps, alors qu'il était âgé de 60 ou 61 ans, Huygens avait l'intention de publier sur ces questions un ouvrage dont la majeure partie - à moins que d'autres sujets encore n'y fussent traités - serait vouée à celle des planéticoles. En 1686, nous l'avons dit aussi à la p. 129 qui précède, il songeait peut-être à un livre sur l'astronomie en général destiné en premier lieu aux hommes de science comme la grande majorité de ses publications antérieures, livre où, comme le sont voir les ‘Pensees meslees’ - consultez-en les §§ 16, 38, 52-54 et 59 - la question de l'existence d'organismes planétaires aurait probablement été discutée sans prolixité. Trois ou quatre ans plus tard cette question lui sembla digne d'un traitement plus ample et en même temps plus populaire. Il n'en entreprit pas encore la publication, sans doute puisqu'alors déjà il lui parut après tout préférable d'y joindre un aperçu général de la constitution de notre système planétaire ainsi que des remarques sur le monde des étoiles, en premier lieu sur les distances de ces dernièresGa naar voetnoot2). De cette façon l'ensemble serait plus instructif et moins exclusivement oeuvre de fantaisie. | |||||||||||||||||||||||||
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En 1694 il exécuta ce projet, en vouant un premier livre à la question des planéticoles et un deuxième au dit aperçu. Le choix de la langue latine montre que, tout en se faisant populaire, il n'écrivait pas en premier lieu pour le grand public mais bien plutôt pour les gens du monde non dépourvus d'instruction classique. Voyez ce qu'il dit sur ses lecteurs à la p. 685. Le mot Kosmotheoros a apparemment été forgé par Huygens; mais J. Fernel au seizième siècle avait déjà publié une ‘Cosmotheoria’. C'était aussi pour les ‘honnêtes gens’ (pour parler avec Voltaire) que de Fontenelle avait fait voir le jour en 1686 à ses ‘Entretiens sur la pluralité des mondes’Ga naar voetnoot3). Quoi d'étonnant si Huygens a cru devoir, après lui, traiter le même sujet d'une façon moins superficielle?Ga naar voetnoot4). Nous ne disons pas: pour le même public, puisque, si nous voyons bien, Huygens ne songe guère, comme de Fontenelle, aux dames. Dès juillet 1692 il parle vaguement, dans une lettre à LeibnizGa naar voetnoot5), de la publication d'un écrit sur un sujet non mathématique. Mais ce n'est qu'en mars 1694 qu'il est sérieusement question, dans une lettre du frère ConstantijnGa naar voetnoot6), de l'apparition prochaine d'un ‘livre des Planetes’ qu'en Angleterre on est, dit-il, impatient de voir sortir. Constantijn apprit encore le même mois que le traité était achevé ‘moitiè Latin moitiè Français, de sorte qu'il y reste une grande partie a traduire’, et qu'il lui serait dédié sauf objection de sa part. Le 7 janvier 1695 Huygens put écrire à son frère que l'ouvrage était achevé et que le libraire Moetjes (ou Moetjens) de la Haye l'avait acceptéGa naar voetnoot7). Le 4 mars suivant, nous l'apprenons par la dernière lettre connue de HuygensGa naar voetnoot8), la première feuille était imprimée; il ajoutait qu'il continuait toujours à corriger et amplifier son écrit. | |||||||||||||||||||||||||
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Nous ignorons combien de feuilles ont pu être imprimées avant la dernière maladie et le décès de l'auteur. Dans la note 6 de la p. 581 du T. X nous avons déjà dit que l'impression traîna en longueur et que lorsqu'en 1698 elle fut achevée, Constantijn lui aussi avait cessé de vivre. C'est ce qu'on lit aussi dans la préface anonyme de l'édition de 1698 que nous reproduisons ici. | |||||||||||||||||||||||||
Benevolo lectori salutem.LIbellus hicce jam ad umbilicum deductus, & praelo destinatus erat, cum maximo rei literariae damno Illustrem ejus Auctorem primum morbus, dein mors occupavit. Qui tamen ut in lucem prodiret, cavit, ultima voluntate fratrem, ad quem scriptus est, rogitans, hujus ut edendi curam suscipere vellet. Cui rei Nobilissimo Viro innumeris occupationibus & peregrinationibus, utpote qui Magnae Britanniae Regi ad res Batavas à secretis esset, distracto vacare non licuit, nisi anno ferme post Auctoris obitum. Qua re, intercedente deinde etiam Typothetarum mora, factum est, ut cum editioni jam omnia pararentur, & hic Vir fato cesserit, adeoque & Parente & eo, qui post parentis obitum ejus vicem gerebat, & ad quem destinatus erat, destitutus fuerit hic Libellus. Eadem tamen, qua ab Auctore consciptus erat, ratione, eademque ad fratrem, licet jam defunctum, inscriptione, (Religio enim fuit quidquam immutare) prodit in publicum, non dubia spe, fore, ut eruditi, sicut reliqua omnia Auctoris, sic & ultimum hunc ejus foetum benigne accipiant. Demonstrationes equidem Mathematicas non invenient ubique, neque enim res patitur, sed, quo in his rebus nihil ultra desiderari jure posse videtur, verisimiles & ingeniosas cenjecturas. Quae ex coelorum notitia depromi potuerunt, ea hic videbunt ratione demonstrata; quae ex iis non patent, ex coelestium corporum cum tellure nostra affinitate solerter conjecta. Verum hujus quid sit, ex ipso Auctore commodius perspicies. Vale.
Quand on vieillit, les souvenirs du temps où l'on était jeune, se présentent souvent avec une intensité supérieure à ceux de plus tard. Élevés et instruits ensemble, tant à la Haye que comme étudiants à Leiden, habitués à construire ensemble des instruments optiques à la maison paternelle durant un grand nombre d'années, les deux frères vivaient toujours dans une certaine communauté d'idéesGa naar voetnoot9). Durant le séjour | |||||||||||||||||||||||||
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de Christiaan à Paris ils durent se contenter - nous l'avons rappelé plus hautGa naar voetnoot10) - d'échanger des lettres sur les lunettes et la taille des lentilles; mais en 1681 et dans les années suivantes ils travaillèrent de nouveau ensemble. Or, en observant la lune et les planètes, Constantijn et Christiaan - comment eût-il pu en avoir été autrement? - avaient souvent discouru, sans doute surtout lorsqu'ils étaient jeunes, sur la question de savoir comment les corps célestes se présenteraient à nous s'il nous était donné d'en approcher de bien près, mieux encore de les visiter. Lorsqu'il eut atteint l'âge de 60 ans cette question était apparemment devenue de plus en plus importante aux yeux de Christiaan: elle était, nous semble-t-il, étroitement associée dans son esprit avec le sentiment de l'amitié qui le liait à Constantijn. À la p. 779 qui suit Huygens mentionne les objectifs taillés par Constantijn qui n'avaient encore été mis à l'épreuve que dans des allées suburbaines. Puisque leurs distances focales étaient de 170 et 210 pieds ils sont certainement identiques avec ceux mentionnés plus haut dans la note 3 de la p. 303 comme ayant été offerts à la Royal Society après le décès des HuygensGa naar voetnoot11). L'un au moins de ces deux objectifs a servi à quelques observations astronomiquesGa naar voetnoot12) comme il en fut pour un grand nombre d'observations de celui de 122 ou 123 pieds également taillé par ConstantijnGa naar voetnoot13) Nous ignorons si Huygens suppose à bon droit ces deux objectifs équivalents aux meilleurs objectifs fabriqués ailleurs, c.à.d. à ceux de Campani. Ce qui paraît au moins fort probable, ou presque certain, c'est qu'avec l'un et l'autre les frères auraient pu observer les cinq satellites alors connus de Saturne, puisque, d'après Pound, l'objectif de 122 pieds permettait déjà de les voirGa naar voetnoot13). Ils auraient donc aussi pu apercevoir un peu mieux les bandes et taches de Jupiter, ainsi que les détails de la surface de Mars (et les sacules du soleil, dont Huygens n'admet pas l'existence, p. 807). Mais pour aller plus loin, pour se faire une idée de la nature des corps célestes de notre système solaire et de leurs habitants, supposé qu'il y en eût, il fallait nécessairement s'aventurer sur le terrain des conjectures. | |||||||||||||||||||||||||
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L'Appendice V qui suit fait voir que Huygens avait d'abord l'intention de faire en premier lieu des conjectures sur la lune; mais pour la raison qu'il développe à la p. 791 il préféra après tout commencer par la considération des planètes primaires. Nous observons que, sauf erreur, Huygens est le premier astronome qui ait remarqué que la lune n'a pas (ou presque pas) d'atmosphère; voyez aussi le § 54 de la p. 368 qui précèdeGa naar voetnoot14). Ayant déjà parlé de la question des planéticoles dans l'Avertissement des p. 180 et suiv., il nous semble inutile de faire ici des observations sur les conjectures de Huygens. Bornons-nous à remarquer 1. qu'il est plus difficile aujourd'hui qu'au dix-septième siècle de supposer à la surface des planètes des eaux liquides à des températures beaucoup plus basses que les nôtres, 2. qu'il est au contraire plus facile qu'il ne l'était pour Huygens de supposer l'existence d'autres organes pour voir que nos yeux, vu que nous connaissons aujourd'hui des ondes électro-magnétiques de fréquences fort diversesGa naar voetnoot15). On causait déjà au dix-septième siècle de visiter, un jour, la luneGa naar voetnoot16). Huygens se | |||||||||||||||||||||||||
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contente de constater l'impossibilité actuelle de pareils voyagesGa naar voetnoot17). Aujourd'hui on commence à songer sérieusement à construire des navires éthériens - pour employer ce mot - capables de sortir de l'atmosphère terrestreGa naar voetnoot18). Il faudra certes ‘encore bien de la science et de l'invention pour venir a bout d'une telle entreprise’Ga naar voetnoot19); même si l'on y réussit, on pourra déjà s'estimer heureux dans les premiers temps, nous semblet-il, si l'on parvient à s'élever jusqu'à la lune et à en revenir sains et saufs. Visiter les planètes, ou du moins s'en approcher suffisamment pour les photographier, serait cependant l'unique moyen, pensons-nous, pour voir s'il s'y trouve des animaux, peutêtre en partie raisonnables et comparables à nous-mêmes. Nous serions ainsi un peu mieux renseignés que nous ne le sommes actuellement sur le phénomène de la vie dans l'univers, partant aussi sur la place de l'homme dans l'échelle des êtres; quoiqu'alors aussi (on se plaît aujourd'hui à soutenir - nous songeons à J. JeansGa naar voetnoot20) - que la majorité des étoiles sont dépourvues de planètes, ce qui serait encore invérifiable) le problème qui, après Bruno et d'autres, préoccupait Huygens, n'eût encore été résolu que bien partiellement. Nous ne disons rien de ce qui pourrait se trouver au-delà des étoiles en supposant que leur nombre ne soit pas infiniGa naar voetnoot21). | |||||||||||||||||||||||||
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Ce qui formait en premier lieu un lien entre Christiaan et Constantijn outre la musique et la peinture, ce n'est pas seulement leur commun travail manuel ainsi que leur commune application aux mathématiques et à l'astronomie, c'est a'ussi leur commune instruction classique - dont d'ailleurs leur étude des mathématiques et de l'astronomie est inséparable -, laquelle était pour une petite partie, mais non la moins importante aux yeux de la famille, une instruction religieuse. Nous n'avons trouvé le nom d'aucun pasteur protestant chargé de cette instruction, ce qui nous amène à supposer que c'était surtout le père Constantijn - pour ne rien dire des nombreux sermons entendus à l'église - qui s'était chargé de cette partie de l'éducation. Il est connu que le père Constantijn possédait un grand nombre de livres de théologieGa naar voetnoot22) et que tant son pèreGa naar voetnoot23) que lui-même étaient des protestants zélés, non le moins dans tout ce qui concernait les affaires de l'état; les Huygens appartenaient au parti orthodoxe et l'opposition contre l'église catholique est un trait marquant chez Constantijn pèreGa naar voetnoot24). D'autre part celui-ci s'intéressait vivement au développement des sciences, et nous ne voyons pas qu'il ait jamais craint que la science pût un jour se montrer plus ou moins opposée, non seulement à la scolastique, ce qu'il approuvait, mais aussi aux vues religieuses basées sur l'Ecriture sainte. Dans la ‘norma studiorum et vitae reliquae etc.’ de 1645Ga naar voetnoot25) il recommandait à Constantijn et Christiaan de toujours commencer leur journée par la lecture, en grec, d'un chapitre du Nouveau Testament. Quant à Christiaan adulte, d'après le Journal de Voyage de 1660-1661, il assistait régulièrement à Paris au culte protestant, soit à l'ambassade soit ailleurs. Le fait qu'il connaissait fort bien, après son retour en Hollande (1681), l'organiste van Blankenburg - voyez sur lui notre T. XX - nous amène à supposer qu'en ce temps il fréquentait l'église wallonne à la Haye. En 1660 il répondait à Tacquet, désireux de le convertir au catholicisme, qu'il ne voyait pas de raison pour ‘recedere a pristina religione’ et ajoutait s'estimer heureux ‘quod quae a prima juventute pro veris habui eadem nunc quoque talia existimare liceat’. Ce qui mérite surtout d'être remarqué c'est qu'en ce temps, en comparaison avec les questions religieuses (‘gravioribus hisce’), il dit con- | |||||||||||||||||||||||||
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sidérer les questions géométriques - cependant bien importantes pour lui - comme des ‘res exigui momenti’Ga naar voetnoot26). Descartes, lui, se montra toute sa vie attaché à l'église catholiqueGa naar voetnoot27). Dans ses ‘Cogitationes privatae’ - qui, il est vrai, datent de 1619 - nous lisons: ‘Tria mirabilia fecit Dominus: res ex nihilo, liberum arbitrium, & Hominem Deum’Ga naar voetnoot28). Il y a, au sujet de la question du libre arbitre, une opposition de vues entre Descartes et Huygens qui s'explique fort bien par leur éducation, l'une protestante, l'autre catholique. Déjà en 1524 Érasme avait publié son ‘De libero arbitrio’Ga naar voetnoot29), auquel Luther, visé par le célèbre humaniste rotterodamois, avait répliqué l'année suivante - et Calvin se montrerait bientôt du même avis - par son ‘De servo arbitrio’Ga naar voetnoot30). Huygens lui aussi considère nos actions et nos pensées comme entièrement déterminées, de sorte que le libre arbitre n'est qu'une illusionGa naar voetnoot31). Généralement tous les ‘rerum eventus’ sont ‘necessitate astricti’Ga naar voetnoot32). Il en résulte que chez Huygens - autrement que chez Descartes - il n'y a aucune différence sous ce rapport entre les hommes et les (autres) animaux. Ce qu'il désapprouve chez Descartes (p. 731 qui suit) ce n'est donc pas de considérer les animaux comme des automates, mais seulement de les considérer comme des automates inconscients ou fort peu conscients, insensibles tant à la joie qu'à la douleur, ce qui - nous parlons surtout de l'insensibilité - est en effet, osons-nous dire, une opinion bien contraire au bon sens. Quant aux deux autres points nommés par Descartes, nous observons 1. que Huygens ne parle nulle part d'une création ‘ex nihilo’, 2. que nous n'avons trouvé chez lui aucune réponse, directe ou indirecte, à la fameuse question: ‘Que vous semble- | |||||||||||||||||||||||||
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t-il du Christ?’Ga naar voetnoot33). Ce qu'il proclame volontiers (p.e. à la p. 715 qui suit) c'est qu'il y a dans l'esprit humain quelque chose de divinGa naar voetnoot34); ce quelque chose il l'indique par le mot ‘raison’, la raison ne nous servant pas seulement pour opiner avec à-propos, mais aussi pour bien vivreGa naar voetnoot35). Rappelons-nous qu'en ce même dix-septième siècle un Pascal - tout en établissant au-dessus de ‘la grandeur des gens d'esprit’ un ‘ordre de sainteté’ et des ‘mouvements de charité’Ga naar voetnoot36) - n'hésitait pas à écrire: ‘Toute notre dignité consiste ... en la pensée ... Travaillons donc à bien penser; voilà le principe de la morale’Ga naar voetnoot37).
On a vu plus hautGa naar voetnoot38) que suivant Huygens la ‘sapientia’ et la ‘animi magnitudo’ peuvent être considérées comme des dons de Dieu.
Le protestantisme de Huygens, coïncidant ici avec ce qu'on a voulu appeler la libre pensée, l'amène à déplorer le manque de liberté, en matière de cosmologie, tant de Riccioli (p. 695, note) que d'Athanase Kircher (p. 771).
Mais Huygens se sent-il tout-à-fait libre lui-même? Nous voulons dire: libre d'exprimer ses opinions. Au début du Cosmotheoros nous le voyons soucieux de démontrer qu'admettre l'existence d'êtres raisonnables sur les autres planètes n'est pas contraire à l'Ecriture sainteGa naar voetnoot39). Il y parle du livre de la Genèse comme d'une autorité infaillible qu'il s'agit seulement de bien interpréter. Il est impossible, suivant ses pa- | |||||||||||||||||||||||||
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roles, que ce livre enseigne, quoique le texte semble le dire, que toutes choses auraient été créées pour l'homme ‘quia id absurde diceretur’Ga naar voetnoot40). Il est bien évident, nous semble-t-il, que Huygens ne veut pas dire ouvertement que toutes choses, à son avis, n'ont pas été créées pour l'homme - comparez le § 8 de la p. 351 qui précède - quoique le livre de la Genèse le dise clairement: en juillet 1693 il écrit à Constantijn au sujet de l'‘Archaeologia’ de Thomas Burnet: ‘j'y ay trouvè, qu'il soutient bien ouvertement que Moïse a donnè l'histoire de la creation du monde non pas selon la veritè, mais selon la capacitè des Juifs de son tempsGa naar voetnoot41) ... je m'estonne de la hardiesse de Burnet ...Ga naar voetnoot42). Il faut toujours se rappeler, en lisant certaines parties du ‘Cosmotheoros’ - mais voyez cependant le § 5 de la p. 556 qui précède - qu'il s'agit ici d'un écrit populaire quoiqu'assurément Huygens exprime une conviction bien sincère en insistant - voyez p.e. l'Appendice IV qui suit - sur l'impossibilité de la genèse d'êtres organiques par l'effet du hasard. Puisqu'il croyait savoir - ou du moins qu'il jugeait fort probable, attendu qu'en physique nous n'atteignons jamais la certitudeGa naar voetnoot43) - que tout phénomène (voyez p.e. le deuxième alinéa de la p. 461 qui précède) est dû à des collisions | |||||||||||||||||||||||||
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de fort petites particules infiniment duresGa naar voetnoot44), il était donc aussi sincèrement persuadé qu'au commencement il doit y avoir eu, pour la terre p.e., une véritable créationGa naar voetnoot45) d'êtres vivants (qu'il faut appeler miraculeuse, si tout ce qui n'est pas dû aux dites collisions est qualifié miracle). Dans le Cosmotheoros - voyez la fin du Livre II - Huygens s'abstient de conjectures sur la cosmogonie; il n'est donc pas étonnant qu'on n'y trouve pas le mot ‘progressus’ de la p. 558 qui précède sur lequel nous avons attiré l'attention à la p. 535. On serait d'ailleurs sans doute bien téméraire en concluant de ce seul mot qu'il croyait fermement à une (ancienne) ‘évolution créatrice’, pour employer l'expression qui constitue le titre de l'ouvrage bien connu de 1907 (fort souvent réimprimé) de H.L. Bergson.
Il est évident qu'il n'aurait pas écrit son traité s'il n'avait pas été d'avis - tout aussi bien que Cicéron p.e. - que la constitution du monde suggère l'existence d'une puissance intelligente. Cette puissance il la désigne tantôt par le mot Dieu tantôt par le mot Nature, ou aussi - comme Aristote qu'il ne mentionne point mais dont l'influ- | |||||||||||||||||||||||||
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ence sur Cicéron est bien connueGa naar voetnoot46) - par l'expression Dieu et la NatureGa naar voetnoot47). Ovide, au début des MétamorphosesGa naar voetnoot48), disait en parlant de la création (non pas du néant mais du chaos) ‘deus et melior natura’.
Outre ceux qui voudraient opposer à ce qu'on peut appeler le monde de Bruno l'autorité de certains textes de l'Écriture, Huygens combat aussi ceux qui voudraient entraver le développement de l'astronomie en disant que, puisque rien de tel n'a été révélé, on fait preuve de trop de curiosité en s'adonnant à des recherches de ce genre: déjà dans l'Appendice II, sans doute antérieur à la composition de son ouvrage, il nous apprend qu'à son avis ‘il ne faut pas craindre qu'en attrapant les raisons on cesse d'admirer les choses’.
S'il est vray que la question des planéticoles occupe la majeure partie du premier livre du ‘Cosmotheoros’, il nous semble (cela ressort d'ailleurs déjà de ce que nous avons observé jusqu'ici) que ce n'est pourtant pas uniquement pour apprendre à connaître les vues de Huygens sur cette matière qu'il faut le lire; ce qui n'est pas moins intéressant, ce sont ses remarques sur le monde terrestre. Avant de disparaître de la scène - comparez la note 9 de la p. 520 qui précède - il a apparemment voulu faire entendre que, s'il n'avait écrit que sur un nombre restreint de sujets, il s'était cependant intéressé, ne fût-ce que comme spectateur - et ceci n'est-il pas applicable à chacun de nous? - à beaucoup d'autres choses. Voyez p.e. ses énumérations de divers genres d'animaux et de plantes, ses aperçus sur le commerce et l'industrie, son éloge de l'anatomie, de la peinture contemporaine etc. | |||||||||||||||||||||||||
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En parlant de la musique hypothétique des planéticoles, il s'écarte même délibérément de son sujet en intercalant deux paragraphes sur des questions musicales spéciales. Sur plusieurs points nous le voyons combattre Descartes. D'abord dans la question des tourbillons sur laquelle nous nous sommes suffisamment étendu dans quelques Avertissements précédents; ensuite dans celle de l'existence ou non-existence de la conscience et du sentiment chez les animaux, étroitement liée, nous l'avons dit, au problème du libre arbitre; dans la ‘théorie de l'origine des comètes, et aussi de celle des planètes, et du monde’ (p. 820); dans le fait que Descartes dans son ‘Monde’ ne dit pas que la création d'organismes suppose une ‘singuliere action’ de Dieu; enfin (p. 753) dans la question de savoir pourquoi dans la musique la succession de deux octaves ou de deux quintes est fautive. Huygens a cru devoir omettre ici son opinion que l'existence de Dieu ne peut être prouvée, comme le veut Descartes, par des raisonnements sur le fini et l'infiniGa naar voetnoot49), mais il fait clairement entendre que pour lui-même - comme pour Leeuwenhoek et Swammerdam - le grand argument en faveur de l'existence de Dieu, c'est le livre de la nature. Notons que pour Huygens il n'existe apparemment pas - comme pour Luther et Calvin - un puissant antagoniste de Dieu, un prince du mal. Il entreprend (p. 715) la justification du mal comme une chose nécessaire au progrès. C'est une théodicée, peut-on dire, quoique plus brève que celle de Leibniz. Ceci le conduit aussi, tout en se montrant pacifiste en d'autres endroitsGa naar voetnoot50), à vanter l'utilité des guerres et calamités, ainsi que celle de beaucoup d'autres malheurs, puisque seule la nécessité la plus stringente a pu conduire à l'invention de bien des choses utiles. Il n'y a chez lui aucune trace de la sentimentalité qui ne veut pas voir la lutte universelle pour l'existence et les progrès qui résultent précisément de cette lutte. D'autre part il vante la vie pacisique en société et tous les avantages et plaisirs qui en découlent parmi lesquels, pour lui, l'application aux sciences contemplatives est un des principaux. À la p. 729 nous le voyons aussi mentionner fort brièvement l'inégalité des races: on peut - comme | |||||||||||||||||||||||||
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pour différents genres d'animaux - dire ‘non absurde’ de ceux qui chez nous ont la ‘figuram hominum’ qu'ils sont ‘dispari rationis vi’. Là où il se montre adversaire de la guerre, Huygens parle apparemment surtout de guerres dues - ou supposées dues - uniquement à l'irraisonnable ambition, au caprice peut-on dire, de souverains désireux d'étendre leurs empiresGa naar voetnoot50). Notons aussi que Huygens tient apparemment compte de notre goût pour les aventures, de l'ennui qui résulterait d'une prospérité permanente, puisqu'il ditGa naar voetnoot51) que, si peut-être sur une autre planète - ce qui lui paraît d'ailleurs invraisemblable - le mal, dont il a montré l'utilité pour l'avancement des arts, n'était pas mêlé au bien, seul existant: ‘et même s'il n'y en avait point [c.à.d. point d'utilité], nous n'aurions cependant pas de cause pour préférer leur condition à la nôtre’Ga naar voetnoot52).
Dans la partie purement astronomique de son ouvrage, Huygens exprime d'une part son admiration pour Kepler - et Newton - appelant p.e. Kepler le grand instaurateur de l'astronomieGa naar voetnoot53); mais ni le mysterium cosmographicum ‘songe né de la philosophie de Pythagore et de Platon’Ga naar voetnoot53) ni d'autres rêves ou hypothèses de Kepler ne trouvent grâce à ses yeux: comparez les p. 350 (§ 5) et 361 (§ 34) qui précèdent, ainsi que le § 13 de la p. 188.
Dans le § 27 des ‘Pensees meslees’ Huygens rappelait que dans le ‘Systema Saturnium’ de 1659 il avait pris ‘la distance du soleil de mille diametres [terrestres] plus grande qu'aucun ne l'eust posée.’ Voyez aussi sur ce sujet la p. 308 qui précède, où nous avons observé que sa valeur de cette distance (12543 diamètres terrestres) laquelle correspond à une parallaxe horizontale du soleil de 8″, 2, est à peu près exacte quoique basée sur une hypothèse hardie. Huygens comprenait fort bien qu'une confirmation par la mesure de la parallaxe soit du soleil soit d'une planète était désirable. Ce ne fut que plus de dix ans après 1659 que Cassini (voyez le § 27 nommé, ainsi que le § 44 de la p. 365) parvint à mesurer celle de Mars. Par conséquent (comparez la | |||||||||||||||||||||||||
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note 5 de la p. 46 qui précède) Huygens adopta en ce temps (note 4 de la p. 410) la valeur 10″ 18‴ pour la parallaxe du soleil. Peu de temps après Flamsteed (voyez la p. 331 qui précède et l'Appendice VIII qui suit) trouva, d'après ses mesures à lui de la parallaxe de Mars, que celle du soleil ne peut être supérieure à 10″, d'où résulte que la distance du soleil ne peut être inférieure à 10250 diamètres terrestres. C'est pourquoi Huygens écrit à la p. 693 du Lib. I du Cosmotheoros ‘decem vel duodecim millia Terrae diametrorum’. Dans le Lib. II (p. 783) il écrit ‘decem vel undecim ...’ d'après Cassini et Flamsteed, rappelant en même temps avoir trouvé lui-même ‘duodecim mille ... probabili conjectura’. Comparez le § 5 de la p. 411 qui précède. Il ne pouvait savoir qu'après tout sa parallaxe à lui, donc aussi la distance correspondante, était la meilleure des trois. Toutefois à la p. 805 qui suit il écrit simplement ‘duodecim millia’. En 1691Ga naar voetnoot54) il écrivait ‘qu'il s'en faut beaucoup que ces conclusions [celles de Cassini et Picard] pour les distances de Mars ne soient aussi certaines ni si determinées que celles qui mettent la Lune à 30 diametres de la Terre’. Tycho Brahé avait cru que la parallaxe du soleil est d'environ 3′Ga naar voetnoot55). Kepler, après lui, écrivaitGa naar voetnoot55): ‘Non est Sol vicinior 230 semidiametris terrae ... At inter 700 et 2000 semidiametros ... nondum videtur certus aliquis numerus demonstratus’, comme le rappelle Riccioli dans le Cap. VII (‘De Solis à Terra Distantia’) du Lib. III de son ‘Almagestum novum’ de 1651. Malgré Huygens, Cassini et Flamsteed, Newton en 1687 - voyez le § 2 de la p. 409 qui précède - écrit 20″ pour la parallaxe du soleilGa naar voetnoot56), d'où résulte (l. 9 d'en bas de la p. 477) une distance du soleil de 5000 diamètres terrestres seulement. Il est évident que Huygens n'a pu tenir aucun compte de cette valeur. Plus tard Newton prendra 10″ avec FlamsteedGa naar voetnoot57). Dans le Cosmotheoros, comme dans la Descriptio automati planetarii, Huygens donne aux diamètres apparents des planètes les valeurs qu'il avait déterminées dans | |||||||||||||||||||||||||
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sa jeunesse et publiées dans le Systema Saturnium. Seule la planète Mercure n'avait pas été mesurée. Nous avons dit plus hautGa naar voetnoot58) - et auparavant dans le T. XV - que ces valeurs, et celles qui en résultent pour les dimensions des planètes comparées à celle du soleil, sont loin d'être exactes. Nous ne pouvons donc nous déclarer d'accord avec lui là où il avanceGa naar voetnoot59) - nous avons déjà cité cette assertion à la p. 19 qui précêde - que les ‘lamellae’ employées par lui ne sont pas moins bonnes pour ces mesures que les micromètres ultérieurement construits. Dans son ‘De mundi systemate’ de 1728 Newton dit à bon droitGa naar voetnoot60) ‘quod Hugenius latitudine obstaculi quod lucem omnem interciperet, majores exhibuit Planetarum diametros quam ab aliis Micrometro definitum est: nam lux erratica tecto Planetâ latius cernitur, radiis fortioribus non amplius obscurata.’ Les rapports des diamètres des planètes (autres que la terre) à celui du soleil sont d'après le Cosmotheoros pour
Comparez sur Saturne les deux premiers alinéas de la p. 32 qui précède. Seul, le diamètre de Mercure est à fort peu près correct. Voyez sur lui les p. 622 et 624 qui précèdent ainsi que l'Appendice XI qui suit. Le rapport 1:290 a été calculé par Huygens d'après une observation d'Hevelius qui avait trouvé pour la planète considérée une grandeur apparente de 11″48‴ à une distance de 55699 diamètres terrestres, 101007 diamètres terrestres étant la distance de la terre au soleil. Hevelius lui-même s'était trompé dans son calcul.
Les distances des satellites de Jupiter et de Saturne à ces planètes, et leurs périodes (p. 781) ont été empruntées par Huygens à Cassini comme il le dit et comme le fait voir aussi l'Appendice X. Il nous semble inutile d'énumérer ici les satellites (ou les planètes primaires) découverts plus tard. À propos de Mars, Huygens écrit simple- | |||||||||||||||||||||||||
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ment que cette planète n'a pas de lunes; mais dans le cas de Saturne il prévoit qu'on en trouvera encore d'autresGa naar voetnoot61).
Nous avons dit, à la p. 178 du T. XX, qu'on ne trouve rien sur la question des marées ni dans le Discours de la Cause de la Pesanteur ni dans le Cosmotheoros. Ceci est vrai pour le Discours; et aussi, si l'on veut, pour le Cosmotheoros, puisque Huygens n'exprime aucune opinion personnelle sur leur cause. Il se borne à dire, tant à la p. 795 que dans l'Appendice V, qu'il est difficile d'admettre que la lune servirait uniquement, ou presqu'uniquement, à ‘ciere’ le flux et reflux de la mer. Comparez ce que nous avons dit à la p. 495 qui précède sur l'impossibilité, pour lui, d'approuver expressis verbis le calcul de Newton sur le mouvement périodique de l'axe de la terre qui donne lieu à la précession des équinoxes. Toutefois, comme Newton n'avait pas affirmé que les forces inversement proportionelles aux carrés des distances ne peuvent être expliquées mécaniquement, Huygens s'abstient dans le Cosmotheoros de toute critique de la pensée de son illustre rival, tandis que dans le Discours il avait encore cru devoir mentionner qu'il voyait une difficulté dans l'hypothèse générale de forces de ce genre exercées par toutes les particules matérielles les unes sur les autres. Il nons paraît cependant bien certain qu'en 1694 et 1695 aussi il n'accepte pas cette hypothèse. En disant (p. 819) que ce qui retient les planètes dans leurs orbites c'est la ‘gravitas eorum Solem versus’, il eût pu ajouter - comme il l'avait fait dans le Discours - qu'il tenait cette idée de Newton, lequel il mentionne d'ailleurs un peu plus loin après avoir rappelé que tant Plutarque que Borelli - il eût aussi pu nommer Hooke - avaient été de cet avisGa naar voetnoot62).
Ce qu'il y a de nouveau dans le Cosmotheoros, c'est la détermination (p. 35) de la distance des étoiles les plus proches dont, il est vrai, il avait déjà été question dans les ‘Pensees meslees’ de 1686 (§§ 15, 30, 47 et 56). | |||||||||||||||||||||||||
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Supposant Sirius égale à notre soleil Huygens arrive à la conclusion, par le procédé plus amplement décrit dans l'Appendice IX de 1694, que Sirius est 27664 fois plus distante que le soleil. Or, nous savons maintenant que la clarté absolue de Sirius surpasse environ 30 fois celle de notre soleil, et que sa distance est de plus de 8½ annéeslumière. Si elle se trouvait à la dite distance 27664, c.à.d.à 0,46 année-lumière, elle serait plus de 18 fois plus proche de nous qu'elle ne l'est en réalité. Mais si elle était égale au soleil, elle devrait être seulement environ √30, c.à.d. 5,5 fois plus proche de nous. Le résultat de Huygens est donc loin d'être exact. Au § 15 des ‘Pensees meslees’ Huygens avait obtenu un meilleur résultat par la comparaison du soleil avec la lune, et de la lune avec Sirius (ou avec Jupiter, supposée également brillante). Il trouvait que le soleil nous éclaire 20736.106 fois plus fortement que Sirius, ce qui donne 103√20736 ou 144000 pour le rapport de la distance de la terre à Sirius à la distance de la terre au soleil. Ceci correspond à 2,28 annéeslumière pour la distance de Sirius, de sorte que celle-ci, supposée égale au soleil, serait 3,9 fois plus proche de nous qu'elle ne l'est en réalité. Le nombre 3,9 est beaucoup plus proche de 5,5 que le nombre 18 de l'alinéa précédent. Au § 47 des ‘Pensees meslees’ Huygens prenait 100000, au lieu de 144000, pour le rapport de la distance ‘des fixes egales au soleil ... les plus proches’ à notre distance du soleil, ce qui correspond à 1,58 années-lumière pour la distance des dites étoiles fixes; Sirius (car pour Huygens elle est sans doute une des ‘plus proches’), supposée égale au soleil, serait donc 5,6 fois plus près de nous qu'elle ne l'est en effet. On voit que, par hasard, cette évaluation-là était de beaucoup la plus exacte des trois. D'ailleurs Huygens ne se propose évidemment que de calculer l'ordre de grandeur de la distance qui nous sépare des étoiles fixes les plus proches; en quoi l'on peut dire que, pour un premier essai, il n'a pas trop mal réussi.
Voyez aussi l'Appendice VII qui suit, lequel contient une autre évaluation grossière de la distance à laquelle notre soleil devrait se trouver pour paraître au firmament aussi brillant que Jupiter ou une étoile de première grandeur. Huygens a sans doute raisonné comme suit. Soit r la distance de Jupiter au soleil et ρ le rayon du disque de Jupiter sur la sphère à rayon r entourant le soleil. Jupiter reçoit donc une fraction 4π r2/πρ2 ou ρ2/4r2 de sa lumière. On peut supposer que l'hémisphère de la planète tourné vers nous la réflète toute. L'émission totale serait le double de cette quantité si l'autre hémisphère rayonnait de même. Or, en admettant qu'une étoile de première grandeur | |||||||||||||||||||||||||
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paraît aussi brillante que Jupiter, et que la lumière totale émise par elle est égale à celle du soleil, elle nous enverra donc non pas 4r2/ρ2 mais 2r2/ρ2 fois autant de lumière que Jupiter; ce qui sera le cas lorsqu'elle est r√2/ρ fois plus distante. Huygens calcule πr/2ρ (le diamètre apparent de Jupiter étant, peut-on dire, le même vu de la terre que vu du soleil). Il trouve pour cette fraction la valeur 10800. Approximativement la fraction r√2/ρ aura donc aussi cette même valeur. Plus précisément: l'étoile de première grandeur pourra être censée se trouver à une distance 10000Ga naar voetnoot63) fois plus grande que celle qui nous sépare de Jupiter. On aura remarqué que ce raisonnement n'exige aucune observation autre que celle du diamètre apparent de Jupiter. Ce ne fut qu'en 1728 que Newton donna dans le ‘De mundi systemate’ une évaluation du même genre. Supposant que Saturne réflète un quart de la lumière solaire qui tombe sur lui, il trouva ‘distantiam quâ sol luceret ut Fixa majorem esse quàm distantia Saturni quasi vicibus 100000’.
Considérant la structure du monde des étoiles, Huygens doit se borner à émettre l'hypothèse que les plus proches et celles qui leur succèdent ont toutes des distances du même ordre de grandeur les unes des autres: ‘ut non minora sint [spatia] deinceps a propioribus ad sequentes, quàm a sole ad istas.’ Aujourd'hui, nul ne l'ignore, nous sommes énormément plus avancés.
Dans l'Appendice XII de 1695 Huygens traite d'un passage fictif de Vénus sur le disque du soleil. Halley, qui avait observé le passage de Mercure en 1677Ga naar voetnoot64), et qui est mentionné par Huygens tant dans l'Appendice X que dans l'Appendice XI, avait en 1691 exhorté les astronomes futurs à observer le passage de Vénus de 1769, pou- | |||||||||||||||||||||||||
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vant conduire à une mesure exaCte de la parallaxe de cette planète et du soleilGa naar voetnoot65). Huygens tâche d'évaluer la grandeur de l'erreur résultant du fait qu'on ne peut déterminer avec une exactitude absolue les moments d'entrée et de sortie. Dans la Pièce de 1691, dont Huygens citait auparavant une partieGa naar voetnoot66), Wurzelbaur avait - comme Halley dans l'article de 1691Ga naar voetnoot67) le fit après lui - en parlant de son observation de la transition de Mercure de 1690, attiré l'attention sur cette difficultéGa naar voetnoot68).
Dans notre note de la p. 582 du T. X nous avons mentionné diverses éditions et traductions du Cosmotheoros; à savoir la réimpression (Francfort et Leipzig) de 1704, la traduction néerlandaise de 1699, rééditée en 1717 (l'une et l'autre Rotterdam); la traduction française de 1702 (Paris); les deux anglaises de 1718 (Londres) et 1757 (Glascow); l'allemande de 1767 (Zürich). Nous devons ajouter que la traduction anglaise de 1718 avait paru pour la première fois, sous le même titre (‘The Celestial Worlds discovered’ etc.) en 1698, donc presque simultanément avec l'édition latine originale; et qu'une réimpression de cette dernière parut à la Haye déjà en 1699 (‘editio altera’) également chez A. Moetjens. À la p. 572 qui précède nous avons mentionné la traduction allemande de 1703 de Wurzelbaur, réimprimée en 1743. Nous connaissons en outre une traduction française qui parut en 1718 à Amsterdam sous le titre ‘Nouveau traité de la pluralité des mondes, où l'on prouve par des raisons philosophiques que toutes les planètes sont habitées & cultivées comme notre Terre. Ouvrage composé par feu Monsr. Hughens, ci-devant de l'Academie Royale des Sciences. Traduit du Latin en François par M.D. [d'après une note au crayon dans l'exemplaire de la bibliothèque de l'Université de Leiden le nom semble être Dufour]. A Amsterdam, aux depens d'Etienne Roger, libraire chez qui l'on trouve | |||||||||||||||||||||||||
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un assortiment général de musique. MDCCXVIII’. Cette dernière traduction parut de nouveau en 1724 sous le titre ‘De la pluralité des mondesGa naar voetnoot69), ouvrage dans le gout de celui de Mr. de Fontenelle sur le même sujet, mais où l'on établit, par des raisons philosophiques, & par des conjectures tout-à-fait vraisemblables, ce qu'il n'a proposé que comme un simple jeu d'esprit: traduit du latin de feu Mr. Chretien Huygens, de l'Académie Royale des Sciences, à la Haye, chez Jean Neaulme, MDCCXXIV’. - Dans notre traduction du présent Tome nous n'avons tenu aucun compte des traductions françaises antérieures. |
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