Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Le cosmotheoros
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Christiani Hugenii Cosmotheoros,
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Ga naar margenoot+ Cet excellent homme nous propose la fiction suivante: sous la conduite d'un Génie il se suppose promené par les espaces célestes et leurs astres. Il raconte donc comme s'il avait tout vu lui-même ce qu'il emprunte en réalité en partie à des écrits astronomiques, pour une autre partie, pensant que tout-le-monde pourra bien l'approuver, à ses propres méditations sur les terres planétaires. Mais avant d'entreprendre son long voyage il avance et pose comme certaines les deux propositions suivantes, d'abord qu'il ne faut attribuer aucun mouvement à la Terre, en second lieu que Dieu n'a pas voulu qu'il existât sur les globes des Planètes aucune chose douée de vie ou de sens, donc pas même des plantesGa naar voetnoot2). En rejetant le système de Copernic il fait choix, pour le suivre, de celui de Tycho. Mais comme il considère les étoiles fixes comme autant de Soleils et qu'il range autour de chacune d'elles les Planètes qui lui correspondent, il en résulte (j'ignore s'il l'a remarqué) un nombre infini de systèmes Copernicains. C'est avec une grande absurdité qu'il fait tourner tous ces corps, en outre de leurs mouvements propres, avec une immense vitesse en vingt quatre heures autour de notre Terre. Et comme il avoue que la plus grande partie de ces corps sont placés en dehors du champ de vision des hommes, il tombe aussi dans cette étrangeté qu'il faut dire que tant de Soleils luisent en vain et communiquent vainement leur chaleur à tant de globes semblables à la Terre et possédant (car c'est ainsi qu'il le veut) les mêmes éléments et généralement les mêmes choses à l'exception des plantes et des animaux. De ceci il s'égare vers des pensées encore plus absurdes: ne trouvant dans les Planètes de notre système aucune autre utilité, il se tourne vers les inepties depuis longtemps rejetées des Astrologues et soutient que tous ces grands corps ont été créés dans le but de conserver le monde dans un état indemne par leurs différents effluves gouvernés par des lois fixes, effluves qu'il dit exercer aussi leurs influences sur les âmes humaines. Par respect pour l'art Astrologique il raconte qu'en Vénus une apparence des choses agréable et belle se présenta à lui, avec une douce lumière, des ondes légères, de fort bonnes odeurs, des cristaux scintillants de toutes parts. En Jupiter des vents salubres et odoriférants, des eaux fort limpides, des terres d'une splendeur argentée. D'où il pouvait conclure que les effluves de l'un et de l'autre astre n'apportent à notre Terre et aux hommes que des choses heureuses et salutaires, les rendant ou bien beaux et aimables ou bien enclins à la sagesse et à la gravité. En Mercure il trouva je ne sais quoi de serein et d'alerte, capable d'imbiber les enfants naissants d'intelligence et d'industrie. Mais en Mars il dit avoir vu partout des choses désagréables, pernicieuses, fétides, des flammes de poix, des fumées. En Saturne des choses tristes, horribles, sales, ténébreuses. De sorte que de ces Planètes (regardées | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Is igitur Vir optimus, Genio quodam duce, per caeli spatia, stellasque se circumferriGa naar margenoot+ fingens, partim ea quae ex Astronomorum scriptis hauserat, partim quae ipse de Planetarum terris meditatus erat, ac vulgo probari posse putabat, quasi visa enarrat. Antequam verò iter longinquum ingrediatur, haec duo tanquam certo tenenda statuit sancitque; nullum videlicet Telluri motum esse tribuendum; tum nihil in Planetarum globis Deum extare voluisse, quod vita aut sensu praeditum sit, adeoque nec herbas quidemGa naar voetnoot2). Itaque, relicto Copernici systemate, Tychonicum | sibi quod sequatur deligit.Ga naar margenoot+ Sed cum stellas inerrantes pro totidem Solibus habeat, iisque singulis suos Planetas circumponat; hoc ipso (quod an senserit nescio) infinita numero jam exoriuntur ei Copernicea systemata. Quae quidem perabsurdè, praeter sibi proprios motus, universa circum Tellurem nostram, viginti quatuor horis, immani celeritate converti facit. Cumque horum maximam partem fateatur extra hominum conspectum esse remotam, in hoc quoque incidit incommodum, ut frustra tot Soles lucere dicendi sint, frustraque calorem suum impertiri tot globis Telluri similibus, elementaque eadem, (ita enim vult) & caetera omnia habentibus, praeter stirpes & animalia. Atque hinc porro ad alia magis absona delabitur. Nam quia ne Planetarum quidem, qui nostro systemate continentur, alium ullum reperit usum, ad diu explosas Astrologorum ineptias se convertit; & hoc sine tot tantasque corporum moles conditas esse vult, ut influxu eorum vario, certisque legibus temperato, mundi universitas conservetur, incolumisque perduret: utque praeterea in hominum animos iidem influxus vires suas exerceant. Itaque, in Astro|logicae artis gratiam, in Veneris Planeta jucundam pulchramque rerum faciemGa naar margenoot+ sibi oblatam narrat; cum luce blanda, undis dulciter fluctuantibus, odoribus suavissimis, atque undique fulgentibus crystallis. In Jove auras salubres, ac suaveolentes, aquas limpidissimas, terras argentei splendoris. Quò nimirum, ab influxu hujus utriusque sideris, fausta ac salutaria omnia in Terram hominesque deriventur; ut vel pulchros & amabiles, vel ad prudentiam & gravitatem propensos reddat. In Mercurio nescio quid serenum vividumque, unde ingenium ac solertia nascentibus insinuetur. At in Marte omnia tetra, exitialia, faetida, piceas flammas, fumosque se vidisse memorat. In Saturno tristia, horrenda, squallida, caliginosa; ut ex his Planetis, (nescio quare Apo- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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toutes, j'ignore pour quelles raisons, comme ‘apotélesmatiques’) des effluves affreux et malfaisants se répandent sur le monde et les mortels, à moins toutefois qu'il ne leur arrive d'être corrigés et mitigés par les rayons des planètes antérieurement nommés. Ce sont ces choses et autres du même genre qu'il apprend en tant que compagnon de son Génie céleste, lequel il fait aussi répondre sérieusement à la question de savoir si un Juif ou un Païen, transporté en Vénus, pourrait être valablement baptisé dans les eaux qui coulent sur cette PlanèteGa naar voetnoot3). L'enseignement du même Maître lui apprend que le ciel stellifère n'est pas composé d'une matière solide mais qu'il est au contraire entièrement liquide, que les innomblables étoiles ou Soleils y sont distribués en long et en large sans être attachés à rien (jusqu'ici tout va bien) et qu'en l'espace d'un jour ils décrivent, comme je l'ai déjà dit, des orbes immenses. Il ne lui vient pas à l'esprit que si ce mouvement était tel, ces soleils s'enfuiraient chacun de son côté avec une force énorme à cause de leur mouvement circulaire si extrêmement rapide. Toutefois, si je le comprends bien, des Intelligences motrices empêcheront les étoiles de s'envoler, de se retirer dans des parages insiniment lointains. En effet, il fait correspondre à chaque étoile fixe, et aussi à chaque Planète, ses Intelligences ou Anges qui la mettent en mouvement et gouvernent sa courseGa naar voetnoot4). En quoi il se rallie à une certaine école de Docteurs qui ont adopté inconsidérément et irraisonnablement une fantaisie d'Aristote dénuée de toute valeurGa naar voetnoot5). Mais Copernic délivre ces bienheureux Génies d'un si | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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telesmaticis omnibus invisis) influxus maligni infestique mundo ac mortalibus eveniant; nisi tamen benigniorum illorum radiis corrigi ac mitigari eos contingat. Haec nempe & his similia Genio illi caelesti comes adhaerens discit. Quem & serio respondere facit cum interrogatur, anne aquis, quae in Veneris Planeta fluunt, Hebraeus aut Paganus quispiam, eo | delatus, ritè baptizari queatGa naar voetnoot3). Eodem quoque docente Magistro,Ga naar margenoot+ intelligit caelum stelliferum non esse ex materia solida conflatum, sed liquidum prorsus, in quo stellae Solesve innumeri longè latèque spargantur; nusquam alligati, (& hactenus rectè) quique omnes dici spatio vastissimos, ut dixi, circuitus peragant. Quo in motu, si talis foret, non advertit quanta vi illi undique diffugituri sint, ob motum circularem tam immensae celeritatis. Sed ne sic avolent, inque spatia infinita recedant, Intelligentiae motrices, credo, impedient. Etenim unicuique stellae fixae, imo & Planetae, Intelligentias aut Angelos suos adjungit, qui impellant eos, cursumque moderenturGa naar voetnoot4). In quo Doctorum quorundam turbam sequitur, qui vanissimum Aristotelis commentumGa naar voetnoot5) inconsideratè, invitaque ratione, adoptarunt. Istos verò beatos | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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grand labeur par le mouvement donné à la Terre seule, mouvement dont, rien que pour cette raison, tout-le-monde voit la nécessité à moins que d'être volontairement aveugle. J'ai parfois pensé qu'on aurait pu attendre de Kircher de meilleures pensées s'il avait osé exposer ses idées librement. Mais comme il n'a pas eu ce courage, j'ignore pourquoi il n'a pas préféré s'abstenir entièrement de ce sujet. Disons maintenant adieu à ce très célèbre auteur, et puisque nous n'avons pas hésité, nous, à placer des spectateurs sur les Planètes, considérons celles-ci séparément dans ce qui suit, comme nous nous l'étions proposé; voyons quels sont pour ces spectateurs les années et les jours, quelle est en un mot leur Astronomie. Ga naar margenoot+ Pour commencer donc par la planète intérieure qui a la plus courte distance du Soleil, nous savons que celle-ci, Mercure, est environ trois fois plus proche que notre Terre de cet astre immense. D'où résulte que ses habitants le voient aussi trois fois plus grand en diamètre et qu'ils éprouvent de sa part une illumination et une chaleur neuf fois supérieures aux nôtres. C'est à dire une chaleur qui pour nous serait intolérable: elle brûlerait les herbes sèchées, le foin et la paille, comme ils poussent chez nous. Mais rien n'empêche, que les animaux de là-bas ne soient ainsi construits que cette ardeur les porte à la température désirée, et que les plantes y soient telles qu'elles supportent encore bien mieux la force de la chaleur. Et il ne serait pas étrange si ces indigènes de Mercure pensaient que nous sommes en proie à un froid intolérable et que nous recevons bien peu de lumière, étant tant de fois plus distants du Soleil; de la même façon que nous sommes aisément amenés, nous, à juger des habitants de Saturne. Or, comme la vie dépend de la chaleur et que c'est elle qui donne tant au corps qu'à l'esprit sa vigueur et son alacrité, on peut raisonnablement se demander s'il ne faut pas être d'avis qu'à cause du voisinage du Soleil les Mercurieus nous surpassent en intelligence. Ce qui m'empêche de me rendre à ce raisonnement, c'est que ceux à qui sont tombés en partage les pays les plus chauds de notre terre, savoir les peuples de l'Afrique et du Brésil, n'égalent pas, nous le voyons, les habitants des zones tempérés en sagesse et en industrie, comme cela se conclut déjà du fait qu'ils vivent dans l'ignorance de toutes les sciences et de presque tous les arts; ceux même qui habitent la côte n'ont que fort peu d'idée des choses nautiques. D'autre part je ne voudrais pas attribuer aux habitants de Jupiter et de Saturne des esprits peu pénétrants et lourds et une intelligence inférieure à la nôtre pour cette raison qu'ils vivent à une distance du Soleil beaucoup plus grande; l'un et l'autre globe étant d'une grandeur éminente et accompagné de tant de satellites. Il est bien facile, en consultant la figure du système qui se trouve dans le livre premier, de comprendre quelle est l'Astronomie des Mercuriens et qu'ils voient, en des temps déterminés, les autres Planètes en opposition avec le Soleil. C'est surtout aux époques de ces oppositions que Vénus et la Terre y doivent briller avec un grand éclat. En effet, puisque Vénus nous paraît, à nous, si lucide au temps où elle n'a que la figure mince de la Lune naissante, il faut que, vue de Mercure à l'opposé du Soleil, donc lorsqu'elle est pleine et plus proche, elle paraisse six fois ou davantage plus bril- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Genios labore tanto Copernicus liberat, solius Terrae inducto motu; cujus sanè necessitatem, vel ex hoc uno, omnes vident, nisi qui ultrò, ac volentes, caecutiunt. Equidem cogitavi nonnunquam, meliora à Kirchero exspectari potuisse, si, quae sentiebat, liberè exponere ausus fuisset. Sed cum hoc | non auderet, nescio cur non in totumGa naar margenoot+ illo argumento abstinere maluerit. Sed hunc celeberrimum scriptorem jam omittamus: &, quandoquidem nil veriti sumus, conjecturis nostris, spectatores in Planetis ponere, adeamus nunc, uti propositum fuerat, singulos; & quinam sint anni eorum, qui dies, quae denique Astronomia, deinceps consideremus. Itaque, ut ab intimo, & Soli viciniore incipiam, scimus Mercurium triplo propiusGa naar margenoot+ circiter quam Tellurem nostram ad ingens illud sidus accedere. Cui consequens est ut triplo quoque majus id conspiciant ejus incolae, ratione diametri, lumen vero & calorem ejus sentiant noncuplo quam nos majorem. Nobis proinde intolerabilem, quique accensurus sit siccatas herbas, foenum stramenque, qualia apud nos crescunt. At nihil impedit ita comparata esse, quae ibi vivunt animantia, ut optatam temperiem in ardore illo experiantur. Herbas vero esse ea natura, ut multo magis vim caloris perferant. Nec mirum esset istos Mercurii indigenas putare non ferendo frigore nos urgeri, luceque frui exigua, qui tanto longius a Sole absimus. Sicut nos de Saturni colonis facile nobis persuademus. | Non deest verò dubitandi ratio, cum à calore vita pendeat,Ga naar margenoot+ isque corpori mentique vigorem alacritatemque praestet; an non, propter Solis viciniam, Hermopolitae illi nobis ingenio praestare putandi sint? Sed quo minus huic causae tribuam facit, quod calidissimas terrae nostrae regiones sortitos, Africae, Brasiliaeque populos, nec sapientia nec industria aequare videmus temperatiorum tractuum incolas; ut vel ex eo perspicitur, quod in omnium scientiarum ac fere artium ignoratione versentur: cum nec nauticae rei, qui circum littora incolunt, nisi perexiguam notitiam habeant. Nollem quoque Jovicolis, Saturnicolisque hebetes, plumbeasque mentes, intelligentiamve tribuere nostra minorem, propterea quod tanto longius a Sole remoti vivunt; cum uterque globus iste tam praestanti sit magnitudine, tantoque comitatu stipatus feratur. Qualis porro sit Mercurialibus Astronomia, utque caeteros Planetas certis temporibus Soli oppositos spectent, ex figura systematis, priore libro exposita, perfacile est intelligere. Atque his oppositionum temporibus Venerem ac Tellurem praecipuo splendore illic effulgere necesse est. | Nam cum adeo lucida nobisGa naar margenoot+ Venus appareat, quo tempore tenuem nascentis Lunae faciem refert; oportet eam sextuplo aut amplius clariorem cerni, cum Soli opponitur, ex Mercurii Globo pleno | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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lante, que par conséquent elle soit de grand avantage aux habitants pour diminuer, dans l'absence d'une Lune, la ténébrosité nocturne. Quelle peut être chez eux la longueur du jour, et s'ils ont des saisons, c'est une chose inconnue jusqu'ici, puisque nous ne savons pas si Mercure a un axe de rotation oblique par rapport à son parcours autour du Soleil ni en combien de temps cette rotation s'effectue. Il ne faut pas pour cela douter de l'existence de jours et de nuits pour ses habitants attendu que cette vicissitude est connue avec certitude dans les cas de la Terre, de Mars, de Jupiter et de Saturne. Ce qui est établi c'est que la durée de l'année n'est pas même égale en Mercure au quart de la nôtre. Ga naar margenoot+ Pour ceux qui sont placés sur le globe de Vénus il faut que l'apparence du ciel soit environ la même que celle en Mercure dont nous venons de parler, si ce n'est qu'ils ne voient jamais cette dernière planète en opposition avec le Soleil puisqu'elle ne s'en écarte que d'environ 38 degrés. Quant au Soleil, il leur apparaît plus grand qu'à nous, une et demie fois en diamètre, plus de deux fois en surface, d'où résulte qu'il doit aussi donner deux fois plus de chaleur et de lumière. L'état de cette Terrelà se rapproche donc davantage du nôtre. Mais son année correspond à sept et demi de nos mois. La nuit, notre globe, aux endroits opposés au Soleil, doit paraître beaucoup plus lucide à Vénus que jamais celle-ci ne nous paraît; à ces époques ses habitants voient facilement notre compagnon perpétuel, la Lune, supposé qu'ils aient des yeux non moins forts que les nôtres. Ce que j'ai souvent remarqué avec étonnement en Vénus, lorsque je la regardais avec des lunettes longues de 45 ou 60 pieds, proche de la Terre et semblable à la pleine Lune, ou commençant déjà à acquérir des cornes, c'est que sa surface est partout également lumineuse, de sorte que je n'ose guère dire y avoir remarqué quelque chose ressemblant à une tache comme il s'en observe indubitablement en Jupiter et en Mars quoique dans les lunettes ces planètes présentent des disques beaucoup plus petits. Si Vénus a des mers et des terres, les nappes d'eau devraient nous paraître plus foncées, les champs au contraire plus clairs, de même qu'à un observateur regardant d'en haut, p.e. d'un rocher fort élevé, la mer apparaît moins claire que les terres avoisinantes. Je croyais d'abord que la trop grande clarté de Vénus empêchait les diversités de luminosité d'être aperçues. Mais après avoir enduit l'oculaire de suie pour lui faire absorber une partie des rayons, je vis néanmoins toute la surface également éclairée. N'existe-t-il donc là-bas aucune mer, ou bien les eaux y réfléchissent-elles la lumière Solaire plus que chez nous, ou peut-être les terres moins que chez nous? Ou faut-il plutôt admettre (ce qui me semble plus croyable) que l'Atmosphère de Vénus sur laquelle tombent les rayons du Soleil y est plus dense qu'en Jupiter ou en Mars, de sorte que c'est elle qui nous réfléchit à peu près toute la lumière que nous voyons, nous rendant ainsi presqu'impossible de remarquer aucune différence entre les mers et terres sousjacentes? Il est certain que, s'il nous était donné de regarder de loin notre Terre, son atmosphère nuirait aussi beaucoup à sa lumière et empêcherait la différence des clartés de la terre et de la mer d'être aperçue aussi nettement que lorsqu'on la regarde du haut d'un rocher. Ceci de | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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orbe spectatam, & minore quoque intervallo distantem: atque ita tunc non parum dispellere nocturnas tenebras gentibus istis, Lunae auxilio carentibus. Quaenam sint denique apud eos dierum spatia, & an varias anni tempestates experiantur, incompertum est hactenus, quod ignoretur an axem diurnae conversionis ad orbem, quo circa Solem defertur, obliquum habeat, & quanto tempore conversio ea peragatur. Neque enim dubitari debet de diebus noctibusque eorum cum in Tellure, Marte, Jove ac Saturno haec vicissitudo certò cognoscatur. Anni vero spatium vix quartam partem nostri aequare illic constat. In Veneris globo positis, eadem fere in caelo apparere necesse est quae de MercurioGa naar margenoot+ diximus, nisi quod hunc nunquam videt Soli oppositum, cum non nisi 38 circiter gradibus ab eo recedat. Sol vero illis major apparet quam nobis, diametro sescupla, orbe plus quam duplo; quo & bis tantum caloris lucis|que praebere eum oportet. ItaqueGa naar margenoot+ propius ad nostrae temperiem Tellus ista accedit. At annus mensibus nostris septem cum dimidio fere finitur. Noctu verò globus hic noster, in locis Soli oppositis, multo lucidior Veneri apparere debet quàm unquam nobis appareat Venus; ac tunc Lunam quoque, perpetuum comitem nostrum, facile conspiciunt, si modo oculos habent nostris non imbecilliores. Saepe autem in Venere miratus sum, cum tubis longioribus, pedum 45, aut 60, eam inspicerem Terrae propinquam; Lunaeque semiplenae similem, aut jam in cornua curvari incipienti; prorsus aequabili splendore superficiem ejus perfundi: ut vix dicere audeam, aliquid maculae simile, in ea me animadvertisse; cujusmodi in Jove & Marte manifestè notantur, licet orbe multo minore sese offerentibus. Si enim maria ac terras habet Veneris globus, obscuriores nobis maris tractus conspici deberent; terrarum vero clariores; sicuti ex praealtis rupibus inspectum desuper mare, non perinde, ac adjacentes terrae, lucidum apparet. Credebam nimium Veneris fulgorem in causa esse, quo minus diversitas lucis animadverti posset. Sed cum | fumo infecissemGa naar margenoot+ vitrum oculo proximum, ad auferendam partem radiorum, nihilo minus aequalis in tota superficie lux visa est. An igitur nulla ibi maria, an Solis lucem magis quam apud nos aquae, aut minus terrae repercutiunt? an potius, (quod credibilius mihi videtur) densior ibi, quam in Jove aut Marte, Vaporum regio à Sole illustrata, Venerisque globum circundans, omnem fere illam quam videmus lucem ad nos remittit, vixque subjectorum sibi marium terrarumque discrimen percipi sinit? Nam certum est nostram quoque atmosphaeram, si Tellurem procul intueri daretur, plurimum obstituram luce sua, quo minus terrae marisque tam diversa claritas apparere posset, quam quae cernitur ex edito scopulo despicienti. Eadem ratione qua Lunae quoque maculas | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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la même manière que ces vapeurs ne nous permettent pas de voir les taches de la Lune aussi distinctement de jour que de nuit: de jour, mais non pas également durant la nuit, les dites vapeurs atmosphériques, se trouvant entre la Lune et nos yeux, offusquent notre vue, puisque de jour elles sont éclairées par la lumière du Soleil. Ga naar margenoot+ Mais en Mars, comme je viens de le dire, on remarque des parties du disque plus obscures que les autres. C'est par leurs réapparitions qu'il fut d'abord établi que les jours et les nuits y ont à peu près la même période que les nôtresGa naar voetnoot6). Quant à l'hiver et l'été, les habitants n'y perçoivent guère de différence, parce que l'axe de la conversion diurne n'est que faiblement incliné sur le plan de l'orbite de la Planète, comme on a pu le conclure du mouvement des taches. À ceux qui de ce globe regardent notre Terre, elle doit avoir environ la même apparence que Vénus pour nous: contemplée dans le télescope elle doit leur montrer des formes pareilles à celles de la lune, et elle ne peut pas pour eux s'écarter de plus de 48 degrés du Soleil, sur le disque duquel elle peut aussi parfois être aperçue de même que les corpuscules de Vénus et de Mercure. Et ces dernières planètes ne se trouvent jamais ailleurs qu'auprès du Soleil. Vénus doit leur apparaître rarement, comme il en est de Mercure pour nous. Il est vraisemblable qu'en Mars le sol consiste en une matière plus noire qu'en Jupiter ou en notre Lune, et que c'est pour cette raison que Mars nous paraît plus rouge, ne nous réfléchissant pas autant de lumière que ne le comporterait sinon sa distance du Soleil. Son globe est plus petit que celui de Vénus malgré le fait que sa distance au Soleil est plus grande, comme nous l'avons déjà observé plus haut. Mars n'est accompagnée d'aucune Lune; sous ce rapport, tant lui que Vénus et Mercure nous semblent inférieures en dignité à notre Terre. Quant à la lumière et à la chaleur Solaires, elles sont senties deux et parfois trois fois plus faiblement par les Marticoles que par nous; mais sans qu'il en résulte pour eux, croyons-nous, aucun inconvénient. Ga naar margenoot+ S'il faut dire que notre Terre surpasse, à cause de la Lune qui lui est adjointe, les autres Planètes jusqu'ici envisagées - car en grandeur elle ne leur est ni beaucoup inférieure ni beaucoup su- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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interdiu minus aperte quam noctu animadverti sinunt vapores iidem; quoniam tunc quoque inter illam oculosque nostros interpositi, Solisque luce illustres, visui officiunt: noctu non item. At in Marte reliquis disci partibus obscuriores, ut jam dixi, maculae notantur. ExGa naar margenoot+ quarum recursibus pridem fuit observatum dies noctesque illic iisdem fere quibus apud |Ga naar margenoot+ nos intervallis revertiGa naar voetnoot6). Hyemem vero aestatemque exiguo discrimine incolae sentiunt, eo quod axis diurnae conversionis paulum duntaxat ad orbitam Planetae inclinatur, ut ex motu macularum intellectum est. Qui autem ex globo illo Tellurem nostram intuentur, eodem modo fere, ac Venus nobis, apparere iis debet, formasque lunaribus similes ostendere, si telescopio spectetur; nec ultra gradus 48 à Sole evagari; in cujus disco etiam conspici quandoque possit, uti & Veneris Mercuriique corpuscula. Et hoc quidem nunquam aliàs; Venus raro iis apparere debet, uti nobis Mercurius. Terrae vero solum in Marte nigriore materia constare verisimile est, quàm in Jove, aut etiam Luna nostra; eoque fieri ut rubicundior Mars spectetur, nec, pro ratione intervalli quo à Sole abest, lucem remittat. Minor verò est globus ejus quam stellae Veneris, licet à Sole longius distans, ut jam supra animadvertimus. Nec Lunam habet ullam comitem; atque in eo Telluri nostrae, quemadmodum & Venus & Mercurius, dignitate impar videtur. Lux vero Solis, calorque, Marticolis duplo atque interdum tri|plo quamGa naar margenoot+ nobis minor sentitur; nullo tamen, ut credimus, ipsorum incommodo. Quod si Tellus haec, propter adjunctam ei Lunam, praestare caeteris Planetis, quosGa naar margenoot+ huc usque percurri, dicenda est; nam magnitudine nec cedit iis multum, nec superat; | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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périeure -, quelle ne devra pas être à nos yeux l'excellence de Jupiter et de Saturne par rapport à ces trois Planètes ainsi que par rapport à nous-mêmes. Soit que nous considérions en elles le volume de leurs globes surpassant de bien loin les corpuscules des autres; soit encore la multitude de Lunes qui les entourent [Fig. 152 et 153], il est bien probable qu'il faille considérer ces deux comme les premières entre les Terres qui environnent le Soleil, en comparaison desquelles les autres quatre sont quelque chose de fort minime, nullement comparable à elles. Pour mieux faire saisir la grandeur de la différence, il nous a semblé bon de faire voir ici, suivant les vraies proportions, ou du moins suivant des proportions qui ne s'écartent pas beaucoup de la réalité, tant notre Terre entourée de l'orbe de la Lune - où se voit le globule de la Lune elle-même - que les systèmes de Jupiter et de Saturne, le premier orné de quatre, le deuxième de cinq Lunes, placées chacune en son orbe. Il est connu que les satellites de Jupiter sont dus à Galilée; tout-le-monde peut aisément se figurer avec combien de joie il les a observés pour la première foisGa naar voetnoot7). C'est à nos regards que s'est présenté l'un des satellites saturniens, le plus lucide de tous; je parle de l'extrême à un satellite prèsGa naar voetnoot8). Ce fut en 1655 que nous le remarquâmes les premiers avec notre télescope dont la longueur ne surpassait pas douze pieds. Les autres furent découverts par les observations fort diligentes de Domenic Cassini, se servant des lentil- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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quantopere & his tribus, & Telluri ipsi, anteponenda erunt sidera Jovis & Saturni. In quibus sive globorum molem consideremus longissimè omnium istorum corpuscula excedentem; sive Lunarum quibus ambiuntur multitudinem, prorsus verisimile fit has duas primarias habendas esse Tellures, inter eas quae circa Solem sunt: prae quibus reliquae quatuor sint minimum quidpiam, ac nequaquam cum iis comparandae. Quanta enim sit differentia, quò rectius animo concipiatur, subjicere hic placuit, secundum proportiones veras, aut non multum à veris abeuntes, tum Tellurem nostram, cum circumjecta Lunae orbita, ipsoque in ea Lunae globulo; tum Jovis ac Saturni systemata. Illud quaternis, hoc quinis Lunis exornatum; quarum quaeque in sua itidem orbita ponuntur. Joviales Galileo deberi notum | est; quae quanto animi gaudio primum illiGa naar margenoot+ animadversae sint, facile quivis secum reputetGa naar voetnoot7). Saturniarum una nobis obtigit, quae caeteris clarior est, & ab extrema proximaGa naar voetnoot8). Quam Anno 1655 telescopio nostro non ultra duodecim pedes longo, primi deprehendimus. Reliquae diligentissimis Dominici Cassini observationibus patuerunt, vitreis orbibus utenti à Jos. Campano expolitis, primùm 36 pedum; deinde totidem supra centenosGa naar voetnoot9). Tertiam enim quintamque vidi- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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les taillées par Joseph Campani, d'abord une de 36, ensuite une d'environ 136 piedsGa naar voetnoot9). Nous avons vu le troisième et le cinquième en 1672 sous la direction de Cassini; depuis nous les avons souvent observés. Quant aux premier et deuxième, il nous a fait savoir par lettre les avoir trouvés en 1684; ceux-ci sont fort difficilement visibles et je n'ose affirmer certainement les avoir vus jusqu'iciGa naar voetnoot10). Je n'hésite cependant aucunement à avoir foi dans l'observation de cet Eminent Homme et d'attribuer à Saturne aussi ces deux compagnons-là. Il est même permis de soupçonner qu'en dehors de ce nombre il y en ait encore un ou plusieurs jusqu'ici cachés à nos yeux. Il y a une raison pour le croire: puisque la distance entre les deux extrêmes surpasse celle qui serait en rapport avec les autres distances, il pourrait y avoir dans cet intervalle un sixième satellite. Au-delà du cinquième, d'autres encore pourraient circuler, non aperçus à cause de leur obscurité, attendu que ce cinquième lui-même n'est vu que dans la partie occidentale de son orbe, jamais ailleurs, ce dont nous indiquerons plus loin la cause assez facile à deviner. Peut-être réussirons-nous, lorsque Saturne reviendra aux signes Boréaux et s'élèvera beaucoup au-dessus de l'horizon (or, à l'époque où nous écrivons ces livres, elle est fort basse) à observer quelque chose de nouveau là-dessus, si quelqu'un, mon bon Frère, applique alors aux astres vos lentilles taillées pour des Télescopes de 170 et 210 pieds: je pense que jusqu'à présent il n'en existe pas de plus grandes ni de plus parfaitement forméesGa naar voetnoot11). Car quoique nous ne les ayons pas encore employées pour regarder le ciel, tant à cause des difficultés du montage que parce que votre départ a interrompu nos études et efforts sur ce sujet, nous sommes au moins certains qu'elles sont exemptes de tout défaut après les expériences plus aisées que nous avons faites la nuit dans des allées suburbaines, regardant de loin des lettres éclairées par une lumière voisine. Je me souviens avec plaisir de ces expériences et en même temps de notre agréable commun travail, lorsque nous taillions et polissions ensemble ces lentilles, après avoir inventé de nouveaux artifices et de nouvelles machines et constamment perfectionné nos procédés. Mais je reviens aux figures prénommées dont il restait encore quelque chose à dire. Ga naar margenoot+ Dans ces figures j'ai pris le diamètre du globe de Jupiter égal à environ deux tiers de la distance qui nous sépare de la Lune, attendu que le diamètre de Jupiter comprend celui de la Terre plus de vingt fois tandis que la Lune est distante de la Terre de trente diamètres de cette dernière. J'ai fixé à 8½ : 1 le rapport de l'orbite du satellite extrême de Jupiter à celle de notre Lune, puisque cette proportion s'y observe au ciel. Or, chacun de ces satellites ou Lunes semble ne pas être plus petit que notre Terre: cela paraît par leurs ombres souvent observées sur le disque de Jupiter. Quant | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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mus Anno 1672, ipso monstrante Cassino, & postea saepius. Primam, cum secunda, sibi repertas significavit, missis literis, Anno 1684. Hae vero difficillimè cernuntur, certoque affirmare nequeo mihi conspectas hactenusGa naar voetnoot10). Nec propterea quidquam vereor Clarissimo Viro fidem habere, atque has quoque Saturno socias adscribere. Imo praeter harum numerum alias quoque, vel unam vel plures, latere suspicari licet; nec deest ratio. Cum enim, inter extremas duas, spatium amplius pateat quàm pro distantiis caeterarum; posset hoc insidere sextus satelles: vel etiam, ultra quintum, alii circumvagari, qui propter obscuritatem nondum sint visi: | cum ille ipse quintus, tantùmGa naar margenoot+ in orbitae suae parte quae ad occidentem spectat, cernatur, in reliqua nunquam appareat; cujus rei causam satis intellectu facilem postea adferemus. Fortasse autem, ubi ad signa Borea Saturnus revertetur, altéque supra horizontem attolletur, (nam, quo tempore haec scribimus, maximè deprimitur) aliquid circa haec novi observare continget, si quis tuas tunc lentes, Frater optime, ad Telescopia pedum 170. & 210. paratas, sideribus applicet: quibus majores, formaeque perfectioris, nullas hactenus extare arbitrorGa naar voetnoot11). Quanquam enim caelo nondum eas admovimus, vel propter moliendi difficultatem, vel quod discessus tuus studia haec nostra conatusque interrupit: omni tamen vitio eas carere certi sumus, post experimenta illa faciliora, quae in ambulacris suburbanis sub noctem instituebamus; inspectis procul literis, quibus appositum erat lumen. Quorum equidem lubens reminiscor, simulque jucundi laboris nostri, quem, in elaborandis expoliendisque vitreis hujusmodi discis, impendere unà solebamus; excogitatis novis artificiis machinisque, semperque | ulteriora agitantes.Ga naar margenoot+ Sed redeo ad diagrammata ante descripta, de quibus aliqua dicenda supererant. Feci in iis Jovialis globi diametrum duarum circiter tertiarum ejus distantiae quaeGa naar margenoot+ inter nos nostramque Lunam interjacet; quandoquidem plus quàm vicies diametrum Terrae diameter Jovis continet; Luna autem distat à Terra diametris hujus triginta. Orbitam vero comitis Jovis extremi ad nostrae Lunae orbitam posui sicut 8½ ad 1, quoniam ejusmodi inter eas proportio re ipsa reperitur. Et hi quidem comites, sive Lunae singulae, non videntur Tellure nostra minores esse, ut ex umbris earum in Jovis disco saepe observatis, probari potest. Sunt autem (ut hoc quoque addamus) periodo- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Ga naar margenoot+ aux périodes de ces satellites, prises sous l'Ecliptique, elles sont d'après CassiniGa naar voetnoot12)
Leurs distances du centre de Jupiter sont pour le plus proche de 2⅚ diamètres de Jupiter
Pour les satellites de Saturne les temps périodiques sont d'après lui
et les distances du centre de Saturne exprimées en diamètres de l'Anneau:
tout ceci ayant été trouvé avec beaucoup de travail et de veilles. Est-il possible qu'en considérant ces systèmes et en les comparant entre eux on ne soit pas frappé par la grandeur et le riche équipement de ces deux Planètes en comparaison avec notre petite et pauvre Terre? Qui pourrait maintenant présumer que parmi toutes celles qui circulent autour du Soleil, ce soit en cette dernière seule que se trouvent toute parure, tous les animaux, tous ceux qui admirent le ciel, tandis que l'auteur des choses n'aurait rien mis sur les autres et n'aurait créé ces corps immenses pour aucun autre but que de faire apercevoir leur lumière à nous, petits hommes, et de nous permettre de nous enquérir éventuellement de leurs orbites? Ga naar margenoot+ Je crois bien qu'il y aura des gens qui diront que ce que nous avançons ici sur les dimensions des espaces célestes est faux ou incertain. Car je sais avec combien de difficulté quelqu'un qui est habitué à voir non sans étonnement la grandeur des espaces Terrestres, et la quantité de peuples, de villes et de nations qui s'y trouvent, est amené | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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rum tempora sub Ecliptica, apud CassinumGa naar voetnoot12), intimi Jovialium dies 1, horae 18,Ga naar margenoot+ 28′, 36″. Secundi dies 3, horae 13. 13′. 52″. Tertii dies 7. horae 3. 59′. 40″. Quarti dies 16, horae 18. 5′. 6″. Distantiae à centro Jovis, comitis intimi 2⅚. Jovis diametrorum. Secundi 4½. Tertii 7⅙. Quarti 12⅔. In Saturniis periodica tempora, intimi, dies 1, horae 21, 18′, 31″. Secundi dies 2, horae 17, 41′, 27″. Tertii dies 4, horae 13. 47′, | 16″.Ga naar margenoot+ Quarti dies 15, horae 22, 41′, 11″. Quinti dies 79, horae 7, 53′. 57″. Distantiae à centro Saturni, diametris Annuli dimensae, Comitis intimi, 39/40. Secundi 1¼. Tertii 1¾. Quarti 4, quae mihi erat 3½. Quinti 12. omnia magnis laboribus vigiliisque reperta. Ecquis jam systemata haec inspiciens, atque inter se conferens, non stupet ad magnitudinem, ingentemque paratum duorum prae exiguo tenuique Telluris nostrae? aut cui nunc in mentem venire potest in hac una Solem ambientium, omnem ornatum, omnia animalia, omnes qui coelestia mirentur inveniri; in illis vero nihil imposuisse rerum conditorem; nec alio fine tam vastas corporum moles creasse, quam ut lucem eorum nos homunculi intueremur, cursumque forsitan inquireremus?Ga naar margenoot+ Credo equidem futuros qui falsa aut incerta esse dicant, quae de magnitudine coelestium spatiorum nobis hic sumuntur. Scio enim quam difficulter quisquam adducatur, qui orbis Terrarum spatia mirari assueverit, inque eo tot populos, urbes, imperia; ut alibi exstare credat quorum collatione hoc totum tam | sit exiguum quam hae figuraeGa naar margenoot+ | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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à croire qu'il existerait ailleurs des choses en comparaison desquelles ce tout serait aussi exigu quele font voir nos chiffres. Mais nous les avons tirés, ces chiffres, des écrits des premiers Astronomes de ce temps; c'est bien de leurs publications que sont déduits les rapports ici imprimés des Grandeurs des systèmes. En effet, si la Terre est éloignée du Soleil de dix ou onze mille diamètres, comme le concluent Cassini en France et Flamsteed en Angleterre en se servant des observations les plus précises des parallaxes de MarsGa naar voetnoot13), tandis que nous aussi, par une conjecture probable, avons trouvé douze mille diamètresGa naar voetnoot14), il s'ensuit que les grandeurs des orbites considérées seront entre elles à peu près comme nous les avons mises ici. Ga naar margenoot+ Mais continuons à parler de Jupiter, vu de laquelle le Soleil a un diamètre cinq fois plus petit que chez nous, de sorte qu'on n'y peut sentir qu'une vingt-cinquième partie de la lumière et de la chaleur qui nous arrivent de lui. Mais cette lumière ne doit aucunement être estimée faible; c'est ce que montre l'éclat de Jupiter vue de nuit; c'est ce qui résulte d'autre part de ce qui nous arrive dans les Eclipses du Soleil, où parfois moins d'une vingt-cinquième partie de son disque reste visible: comme je me souviens de l'avoir vu, la diminution de l'illumination en ce cas n'est pas fort appréciable. Si l'on veut rechercher par voie expérimentale quelle est l'intensité de la lumière Solaire en Jupiter, qu'on prenne un tube d'une certaine longueur bouché d'une part par une plaque ayant au milieu une ouverture ronde et dont la largeur soit à la longueur du tube comme la corde d'un arc de 6′ est au rayon correspondant, c.à.d. à peu près comme 1 à 570. Qu'on tourne ensuite ce tube vers le Soleil et qu'on reçoive les rayons qui passent par la dite ouverture à l'autre extrémité sur une feuille de carton blanc sur laquelle ne puisse tomber aucune autre lumière. Ces rayons produiront une image ronde du Soleil dont la clarté sera la même que celle aperçue en des jours sereins par les habitants de Jupiter. Mais si, après enlèvement du carton, on place l'oeil au même endroit, celui-ci verra le Soleil en telle grandeur et avec un éclat tel qu'il apparaîtrait à un homme placé sur le globe de Jupiter. Ga naar margenoot+ Que si dans le même tube on fait une ouverture d'un diamètre deux fois plus faible, il tombera sur la feuille de carton, ou sur l'oeil, une lumière telle qu'elle parvient aux Saturnicoles. Laquelle, n'étant qu'une centième partie de celle reçue par nous de la part du Soleil, suffit pourtant pour nous montrer la nuit Saturne assez lucide. Mais en l'une et l'autre Planète, si l'on y a quelquefois des journées nubileuses, il faut que l'illumination soit bien mauvaise jugée d'après nos yeux; pour leurs habitants elle est sans doute telle qu'ils ne se plaignent nullement de sa faiblesse. De même que pour les hibous et chauve-souris la lumière du crépuscule ou même celle qui reste au milieu de | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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demonstrant. Atqui ex summorum hujus aetatis Astronomorum scriptis ea hausimus, ex quibus istae systematum inter se rationes consequantur. Si enim Terra à Sole decem vel undecim mille diametris suis distat, ut Cassinus in Gallia, apud Anglos Flamstedius colligunt, parallaxium in Marte subtilissimis observationibus usiGa naar voetnoot13); cum nos quoque probabili conjectura, duodecim mille diametrosGa naar voetnoot14) invenerimus; erunt & istae orbium magnitudines inter se ferè quales hic descripsimus. Sed de Jove dicere pergamus, ex quo Sol spectatus diametrum quintuplo quam apudGa naar margenoot+ nos minorem habet; ut proinde lucis calorisque illic pars tantum vigesima quinta sentiri possit. Sed ea lux nequaquam debilis putanda est, idque ostendit insignis Jovis per noctem claritas. Tum quod in Solis Eclipsibus quae nobis contingunt, etiamsi nec vigesima quinta pars disci ejus supersit, ut me videre memini, non admodum sentiatur obscuratio. Si vero experimento inquirere libeat quanta sit illa in Jove Solis lux, sumatur tubus certae longitudinis, isque parte altera obturetur, impositâ lamellâ in cujus medio | foramen sit rotundum, ea latitudine quae ad tubi longitudinem se habeat utGa naar margenoot+ subtensa 6 scrupulorum primorum ad radium, hoc est fere ut 1 ad 570. Deinde ad Solem tubus obvertatur, radiique ejus per foramen ingressi excipiantur parte opposita, in chartae candidae folium; nec aliunde eo lux incidere possit. Hi radii imaginem Solis circulo referent, cujus claritas erit eadem quae serenis diebus percipitur à Jovis incolis. Remotâ autem chartâ, si eodem loco oculus ponatur, videbit hic Solem ea magnitudine ac splendore, qui in Jovis globo consistenti appareret. Quod si in eodem tubo foramen duplo angustiori diametro statuatur, incidet inGa naar margenoot+ chartam, aut in oculum, lux ejusmodi qualis ad Saturnicolas pervenit. Quae cum centesima tantum pars sit nostrae quam a Sole accipimus, tamen per tenebras noctis Saturnum satis lucidum nobis ostendit. In utroque vero Planetarum istorum, si nubilos quandoque dies habent, malignam tunc lucem esse oportet, si nostris oculis judicanda sit; at illorum habitatoribus talem haud dubiè, ut nihil de tenuitate ejus querantur. | | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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la nuit est plus utile et plus agréable que celle qui éclaire l'air et la terre durant le jour. Ga naar margenoot+ Il est assez étonnant, eu égard à l'immensité du globe de Jupiter par rapport au nôtre, que les jours - et les nuits de même - n'y valent que cinq de nos heures. On voit par là que la nature n'a pas du tout observé en cette circonstance un rapport comparable à celui des volumes ou des distances au Soleil. Même remarque pour Mars: les jours y sont à peu près égaux aux nôtres. Mais dans le cas de la longueur de l'année, en d'autres termes dans celui de la période de l'orbe décrit autour du Soleil, elle a établi une loi rigoureuse reliant les périodes aux distances: les troisièmes puissances des distances des Planètes au Soleil sont entre elles comme les carrés de leurs périodes, comme Kepler l'a remarqué le premier. L'on a trouvé plus tard que la même loi gouverne les satellites de Jupiter et de SaturneGa naar voetnoot15). Ga naar margenoot+ Les longueurs de l'année et des jours étant donc en Jupiter bien différentes des nôtres, il y a de plus cette autre différence entre les jours qu'ils y sont tous de la même longueur. Car ses habitants jouissent d'un équinoxe perpétuel puisque l'axe du mouvement journalier de Jupiter est à peu près normal au plan de sa course autour du Soleil, non pas oblique comme dans le cas de la Terre, comme cela paraît par les observations télescopiques. Là aussi les endroits voisins des pôles sont plus froids à cause de l'obliquité des rayons du Soleil; ils n'éprouvent cependant pas de longues nuits comme les environs des pôles Terrestres, mais ont partout et toujours, comme je l'ait dit, des ténèbres et des clartés de cinq heures. Une si grande brièveté du jour ne nous plaîrait sans doute pas. Il nous semble qu'un meilleur sort nous est échu à cause de la durée plus que double de nos jours. Sans aucune raison cependant, si ce n'est que nous avons l'habitude d'estimer meilleur ce à quoi nous sommes accoutumés. De Jupiter on ne voit qu'une seule des Planètes, savoir Saturne, puisque les autres sont trop voisines du Soleil et que Mars elle-même ne s'en écarte pas plus que de 8o. Mais nous ne pouvons nier que les habitants de Jupiter tirent beaucoup plus de profit de leurs quatre Lunes que nous de notre Lune unique, ne serait-ce qu'à cause du fait qu'ils ont rarement des nuits sans aucune lune. Que s'ils naviguent aussi sur leurs mers, ce dont nous avons parlé plus haut, ils peuvent fort bien se diriger à l'aide de ces satellites. Pour ne rien dire du charmant spectacle résultant de leurs diverses conjonctions et Eclipses lesquelles ils peuvent observer de jour en jour. Nécessairement les Saturnicoles jouissent des mêmes commodités et des mêmes spectacles ou même encore de plus considérables, tant à cause du nombre cinq de leurs Lunes que par les admirables aspects de l'Anneau visible tant le jour que la nuit. Mais il convient d'exposer toute leur Astronomie de même que nous l'avons fait pour les autres Planètes. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Sicut in noctuis, vespertilionibusque utilior gratiorque est crepusculi lux, aut quae inGa naar margenoot+ ipsa nocte relinquitur, quam quae diei tempore aerem terramque illustrat. In Jove porro dierum spatia, quinque tantum horas nostrates aequare, ac noctes tantundem, admiratione non caret, propter tantam illius globi prae nostro magnitudinem.Ga naar margenoot+ Et ex hoc nimirum intelligitur naturam haudquaquam ea in re servasse rationem quae est secundum globorum molem, aut eorum distantiam à Sole; cum etiam in Marte dies sint fere nostris pares. At in annorum longitudine, hoc est, tempore circuitus circa Solem, certam omnino distantiarum, quibus ab illo Planetae absunt, rationem habuit. Sunt enim ut harum cubi, ita quadrata temporum periodicorum, ut primus advertit Keplerus. Idque in comitibus Jovis & Saturni eodem modo se habere inventumGa naar margenoot+ estGa naar voetnoot15). Cum itaque anni & dierum tempora in Jove à nostris multum diversa sunt, tum dies hoc nomine etiam differunt, quod eadem semper sint longitudine. Perpetuo enim illic fruuntur aequinoctio, quoniam axem motus diurni Jupiter rectum ferme habet ad planum itine|ris sui circa Solem, nec ut Tellus obliquum; ut telescopiorumGa naar margenoot+ observationibus constat. Frigidiores autem & ibi sunt regiones quae polis viciniores propter radiorum Solis obliquitatem; at longas noctes non patiuntur, sicut quae sunt prope polos Terrae; sed tenebras lucesque habent, ut dixi, horarum quinque, ubique & semper. Ac nobis quidem haud sanè placeret tanta dierum brevitas, meliusque nobiscum agi putamus quod plus quam duplo longioribus utimur. Nulla tamen ratione, nisi quoniam potiora ducere solemus ea quibus assuevimus. Planetarum unum Saturnum ex Jove vident; cum caeteri nimium Soli vicini sint; ipseque Mars ab eo non ultra 18 gr. digrediatur. Ex quaternis vero quas habent Lunis, quin multò plus commodi capiant, quàm nos ex unica nostra, negare non possumus, vel eo soloquod perrarò illunes noctes experiantur. Si verò & maria sua navigant, de quo supra dictum fuit, egregiè cursus regere earum auxilio possunt. Ut praeteream spectaculi jucunditatem ex variis earum conjunctionibus, Eclipsibusque, quas quotidie intuentur.| Eadem porro commoda ac spectacula, imò etiam majora, Saturnicolis evenire necesseGa naar margenoot+ est, cum ob quinque Lunarum numerum, tum ob mirabiles Annuli aspectus, nocte dieque iis obversantes. Sed totam eorum Astronomiam, sicut in caeteris fecimus Planetis, exponere oportet. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Ga naar margenoot+ Nous noterons d'abord, ce qui pouvait être dit de toutes les Planètes, mais est ici le plus remarquable, que de Saturne les étoiles fixes apparaissent comme chez nous, formant les mêmes figures et se distinguant par une même diversité de clartés; ceci à cause de leur immense distance dont nous parlerons plus loin. Par rapport à elle l'espace que parcourrait en vingt-cinq ans un boulet de canon doit être estimé fort petit. Les Astronomes y contemplent donc les mêmes signes, Orion, Ours, Lion etc., sans pourtant que ceux-ci tournent autour du même pôle que pour nous: le pôle est différent pour chaque Planète. Ga naar margenoot+ De même qu'aux habitants de Jupiter Saturne seul parmi les Planètes primaires est visible, de même aussi les Saturnicoles n'aperçoivent que Jupiter, laquelle pour eux est la même chose que Vénus pour nous: elle ne s'écarte que d'environ 37o du Soleil. Nous ne sommes pas en état de déterminer avec certitude la longueur de leur jour. Mais à en juger d'après la distance et la période du satellite intérieur et les comparant avec celles du satellite intérieur du groupe qui entoure Jupiter, il devient probable que les jours n'y sont pas plus longs qu'en Jupiter, où nous les avons dits être de dix heures ou d'un peu moins. Mais tandis que ces derniers sont également divisés en clarté et ténèbres, les Saturnicoles éprouvent une inégalité insigne des jours, plus grande même que la nôtre, et une différence encore plus marquée entre l'été et l'hiver; ceci à cause de l'inclinaison de l'axe de leur globe sur le plan de son orbite laquelle est de 31 degrés, tandis que l'axe de notre Terre n'a qu'une obliquité de 23½ degrés. Cette même obliquité oblige les Lunes de Saturne à s'écarter plus longuement de la route du Soleil, de celle bien entendu qui existe pour ses habitants à elle; elle est aussi la cause pour laquelle ils ne voient jamais leurs Lunes pleines si ce n'est aux temps des équinoxes qui y arrivent deux fois en trente de nos années. La même position de l'axe offre aux habitants de cette Planète des phénomènes variés et admirables; pour qu'on puisse les comprendre nous placerons ici de nouveau la figure de Saturne tout entière avec son Anneau, où, comme nous l'avons anciennement déterminé lorsque nous tirions les premiers cette étrange formation des ténèbres, il existe entre les diamètres de l'anneau et du globe le rapport 9:4. L'espace libre entre les deux aura la même largeur que l'anneau. Quant à son épaisseur, les observations font voir qu'elle est petite; cependant, par rapport au diamètre, cette exiguité ne sera pas excessive: l'épaisseur peut même être estimée de plus de six cents milles Germaniques. Soit donc ici, d'après ces données, le globe de Saturne [Fig. 154] ayant les points A et B pour pôles. GN y est le diamètre de l'Anneau vu obliquement de telle manière que sa circonférence est représentée par une Ellipse assez étroite. Il existe donc autour des deux pôles des zones correspondant aux arcs CAD et EBF de 54 degrésGa naar margenoot+ dont les habitants (à moins que peut-être le froid ne rende ces zones inhabitables) ne peuvent jamais porter leurs regards sur l'Anneau. De tout autre point de la surface on le voit continuellement durant quatorze ans et neuf mois, ce qui pour eux est l'espace d'une demi-année. L'autre moitié de leur année il leur est caché. Il faut encore remarquer à ce propos que ceux qui habitent la très large zone située entre le | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Atque hic primum illud annotabimus, quod de omnibus dici poterat, sed hic magisGa naar margenoot+ mirandum est, stellas inerrantes è Saturno iisdem planè figuris, eademque luminis diversitate distinctas, atque apud nos spectari: idque ob immanem earum distantiam, de qua postea dicetur. Ad quam nempe illa, quam viginti quinque annis globus à tormento emissus pervaderet, perexigua censenda sit. Eadem igitur signa Orionis, Ursae, Leonis, & reliqua, Astronomi illic contemplantur; at non circum eosdem polos ac nobis sese convertentia, sed qui unicuique Planetae diversas coeli partes obtineant.Ga naar margenoot+ Sicut autem Jovis incolis solus Saturnus è primariis Planetis cernitur, ita Saturnicolis solus spectatur Jupiter; qui idem illis est quod nobis Venus, nec nisi 37 circiter grad. à Sole recedit. Quantam verò habeant die|rum longitudinem, certò cognosciGa naar margenoot+ nequit. Sed, ex comitis intimi distantia ac periodo, exque eorum comparatione cum intimo Jovialium, verisimile fit non longiores esse dies illas quam sint in Jove; quas decem horarum esse diximus, aut paulo minus. Sed, cum hae aequaliter in lucem ac tenebras dividantur, Saturnicolae insignem inaequalitatem atque etiam majorem quam nos perpetiuntur, majusque etiam aestatis & hyemis discrimen; propter inclinationem axis globi Saturnii ad planum orbitae suae, quae est partium 31; cum noster Terrae axis tantum 23 & dimidiae obliquitatem habeat. Haec eadem declinatio in Saturno, Lunas ejus longè evagari facit à Solis via, vel quam pro hac illi habent: atque etiam causa est, cur nunquam Lunas suas pleno orbe lucentes conspiciant, nisi aequinoctiorum tempore; quae triginta annis nostris bis ibi contingunt. Idem denique axis positus phaenomena varia, ac mirabilia, Planetae ejus incolis praebet; quae ut intelligi possint, totius Saturni cum Annulo figuram hic rursus describemus: in qua, sicut jam olim definivimus, cum mirum hunc fornicem è tenebris primùm erueremus, inter diametros | annuli globique ea erit ratio, quae 9 ad 4. Vacuumque spatium inter utrumqueGa naar margenoot+ interjectum, eandem quam annulus latitudinem habebit. Crassitudinem autem hujus exiguam esse, observationes comprobant, quae tamen ratione diametri, non nimia erit, etiamsi sexcenta milliaria Germanica efficere putetur. Sit igitur secundum haec Saturni globus cujus poli A, B. Annuli diameter G N, obliquè inspecti, ita ut Ellipsin angustiorem circunferentia sua referat. Sunt igitur circa polos utrosque portiones superficiei, arcubus CAD, EBF, 54 partium, definitae,Ga naar margenoot+ quas qui incolunt (nisi frigus forsan inhabitabiles reddit) nunquam Annulum conspicere possint. Ex reliqua omni superficie vident eum annis continuis quatuordecim, mensibus novem: quod est ipsis anni spatium dimidium. Altero dimidio absconditur. Quocirca qui habitant in zona amplissima inter circulum polarem CD, & TV, aequa- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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cercle polaire CD et TV, équateur gisant sous l'anneau, en voient au milieu de la nuit - aussi longtemps que le Soleil illumine la face de l'anneau tournée vers eux - la partie KGL ayant la forme d'un arc lucide surgissant du sol de part et d'autre, mais interrompu au milieu par l'ombre du globe de Saturne couvrant la partie GH le plus souvent jusqu'à l'extrême bord. Mais après minuit la même ombre se meut peu à peu vers la droite pour un spectateur vivant dans l'hémisphère boréal, vers la gauche s'il habite l'hémisphère opposé. Et cette ombre s'évanouit le matin, tandis que l'apparence d'un arc se maintient, lequel ils peuvent voir toute la journée, mais plus faiblement lucide que ne nous apparaît la Lune de jour. Du moins s'ils ont leur atmosphère à eux, autrement dit de l'air qui réverbère les rayons du Soleil, ce dont nous avons plus haut fait voir la probabilité. Car s'ils n'avaient rien de tel, ils verraient luire et
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l'anneau et leurs Lunes, et aussi les étoiles fixes, de la même manière pendant le jour que pendant la nuit. Le spectacle de l'anneau doit en outre être plus beau par le fait qu'ils peuvent le voir tourner dans son plan d'après le mouvement de certaines taches ou parties inégalement lumineuses. Ceci en effet ne peut manquer d'être remarqué à si courte distance, vu que déjà de notre Terre il apparaît sur la surface de l'anneau une clarté inégale: elle est plus faible vers le bord extérieur que vers le bord intérieur. Or, en même temps que l'ombre du globe est projetée sur la partie GH de l'Anneau, l'ombre de ce dernier recouvre une partie du globe vers PF qui sinon jouirait de la lumière du Soleil. De sorte qu'il existe toujours une certaine Zone PYEF, tantôt plus large, tantôt plus étroite, dont les habitants sont longtemps privés de la vue du Soleil en même temps que de celle de l'anneau, lequel leur cache aussi en ce temps une partie des étoiles. Ce qui doit nécessairement leur paraître une espèce de miracle lorsque, par l'exclusion du Soleil, ils sont livrés à une profonde obscurité sans voir ce qui en est la cause. En ce temps ils n'ont d'autre lumière solaire que celle qui leur vient de leurs | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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tori annuloque subjacentem, quandiu superficiem annuli ipsis obversam Sol illuminat, vident media nocte portionem ejus KGL, arcus lucidi forma, qui utrimque ab horizonte | exurgit, sed medius interrumpitur umbra globi Saturnii partem GH tegenteGa naar margenoot+ plerumque ad extremum usque marginem. Post mediam verò noctem umbra eadem paulatim in partem dextram movetur, spectatori in hemisphaerio boreo agenti; in sinistram verò, si in opposito versetur. Evanescitque matutino tempore, manente tamen arcus specie, quem tota die cernere possint, sed tenuius lucentem quam nobis Luna nostra interdiu conspicitur. Siquidem sua illis est atmosphaera, sive aer a Sole splendescens, ut probabile esse superius ostendimus. Nam si nihil tale haberent, non aliter interdiu quam noctu & annulum & Lunas suas, stellasque inerrantes lucere viderent. Annuli porro spectaculum, hôc quoque pulchriùs esse oportet, quod eum in sese converti, ex maculis quibusdam, aut inaequali splendore animadvertunt. Neque enim ex tanta propinquitate hoc notari non potest, cum vel è Tellure nostra inaequalis claritas, in superficie annuli, appareat; quae limbo exteriore, quàm interiore, minor est. Simul autem, dum globi umbra in Annuli partem GH projicitur, etiam annuli umbra obscurat globi partem circa PF, quae | alioqui Solis luce frueretur. UtGa naar margenoot+ proinde semper Zona quaedam sit PYEF, nunc latior, nunc angustior, cujus incolae multo tempore conspectu Solis, annulique simul, priventur; qui tunc quoque stellarum partem aliquam illis aufert. Quod certè miraculi instar videri necesse est; intercepto Sole, in profundam noctem incidentibus; nec quid eam efficiat videntibus. Quo tempore Lunarum solo lumine se solantur. Altera anni parte dimidia, cum oppositam | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Lunes. Dans l'autre moitié de l'année, lorsque le Soleil illumine la surface opposée de l'anneau, l'hémisphère TBV jouit de la lumière de la même manière qu'auparavant l'hémisphère TAV, et ce dernier éprouve alors à son tour une longue éclipse. C'est seulement aux temps des équinoxes, alors que le Soleil se trouve précisément dans le prolongement du plan de l'anneau, que celui-ci, dépourvu de toute illumination, peut à peine être visible pour les Saturnicoles, étant également inapercevable par nos lunettes. Ceci arrive lorsque Saturne, vue du Soleil, occupe le degré 21½ de la Vierge ou des Poissons, comme nous l'avons jadis exposé dans le système de Saturne; où nous donnons aussi les raisons des phénomènes décrits plus haut, autrement dit, où nous parlons des levers du Soleil au-dessus du plan de l'Anneau dans le cours de l'année Saturnienne. J'ai marqué dans cette figure, à côté de Saturne, les globes de notre Terre et de la Lune, d'après le véritable rapport de leurs grandeurs, afin qu'on remarque encore une fois combien notre demeure est petite en comparaison de la sphère et de l'anneau de Saturne, ce qu'il convient d'avoir constamment dans la pensée. D'après ce qui a été dit chacun pourra se représenter une nuit de Saturne ornée de ses deux arcs opposés d'anneau lucide, et de ses cinq Lunes. Voilà à peu près tout ce que j'avais à dire sur les Planètes primaires. Reste à examiner ce qui se rapporte aux Lunes jointes à Saturne et à Jupiter, et surtout à la nôtre, tant pour ce qui regarde les phénomènes astronomiques que pour ce qui a trait à la recherche de l'équipement de leurs surfaces; et surtout à nous demander si l'existence de ce qu'on peut appeler un équipement ordonné est probable, question que nous avons évité de poser jusqu'ici. Ga naar margenoot+ Il peut sembler, attendu que le globe de la Lune est si proche de nous et présente beaucoup de détails à ceux qui se servent d'un telescope, que nous puissions faire sur sa nature en général plus de conjectures, et des conjectures plus probables, que sur les autres Planètes tant de fois plus éloignées. Mais le fait est qu'au contraire je ne me trouve guère en état de rien dire sur les choses de la Lune, pour la raison qu'il ne nous a pas été donné de voir de près aucune Planète de ce genre, tandis qu'il en est autrement pour les planètes primaires. En effet, ces dernières, comme il a été suffisamment établi, sont du même genre que notre Terre où nous voyons de près ce qui s'y passe et ce qui y existe, ce qui fournit un moyen de faire par analogie des conjectures sur les autres. Ga naar margenoot+ Ce que nous pouvons affirmer sans aucune hésitation c'est que les Lunes qui accompagnent, nous l'avons dit, Jupiter et Saturne sont d'une même nature que la nôtre, puisqu'elles circulent absolument de la même manière autour de ces Planètes primaires et sont emportées par celles-ci dans leurs courses autour du Soleil, de même que la Lune est entraînée par la Terre. Nous verrons plus loin qu'il existe en outre pour les unes comme pour les autres, une deuxième ressemblance à notre satellite. Il en résulte que si nous réussissons à faire des conjectures sur l'état de la Lune (or, nous ne pouvons conjecturer que peu) il faudra se sigurer que l'état des quatre de Jupiter et celui | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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annuli superficiem Sol illustrat, eodem modo, luce fruitur hemisphaerium TBV, quo prius TAV; & hoc vicissim tunc longas illas eclipses patitur. Sola aequinoctiorum sunt tempora, Sole in ipsum productum annuli planum incidente, cum lumine destitutus vix Saturnicolis apparere potest; quando nec nostris percipitur dioptris. Tenente nimirum Saturno, ex Sole viso, gradum Virginis, aut Piscium, vicesimum primum cum dimidio; quemadmodum in Saturnio systemate olim exposuimus. Ubi ratio quoque redditur eorum, quos diximus, exortuum Solis super Annuli planum, toto Saturnii anni decursu. Apposui in schemate hoc, juxta Satur|num, Terrae nostrae, Lunaeque globos, servataGa naar margenoot+ magnitudinum vera ratione; ut rursus intelligatur, quam exigua sit habitatio nostra, ad Saturni sphaeram annulumque collata; quod continue cogitationi infixum habere expedit. Imaginem vero Saturniae noctis, geminis annuli lucentis arcubus adversis, & quinque Lunis ornatae, sibi quisque formare ex jam dictis poterit. Et de primi quidem ordinis Planetis, haec fere erant quae dicenda habebam. Superest ut de Lunis quoque Saturno ac Jovi additis, ac praecipuè de nostra, quaeramus, tam quae ad phaenomena astronomica attinent, quam quae ad ornatum in earum superficie reperiendum, ac praesertim an aliquem esse probabile sit; quod hactenus facere distulimus. Ac videtur quidem, cum tam propinquus nobis sit Lunae globus; telescopioqueGa naar margenoot+ utentibus multa particulatim conspicienda praebeat; plura quoque ac probabiliora de universa natura ejus, quàm de Planetarum caeterorum conjici posse, tanto quippe remotiorum. Sed contra evenit ut vix quidquam de Lunae rebus dicendum reperiam, nimirum quia | ejus generis Planetam nullum coram intueri contigit; cum in primariisGa naar margenoot+ illis aliter hoc sese habeat. Sunt enim, ut jam satis constat, generis ejusdem ac Tellus nostra, in qua, quid rerum geratur, quidve exstet, propè intuemur, eoque de caeteris similia quaedam conjectandi ratio suppetit. Illud vero sine omni dubitatione statuere possumus, ejusdem naturae, ac Luna nostra,Ga naar margenoot+ esse illas, quae Jovem ac Saturnum comitari dictae sunt, siquidem eodem prorsus modo primarios hosce Planetas circumeunt, simulque cum illis circum Solem feruntur, perinde ac cum Tellure Luna. Sed & aliam utrobique similitudinem intercedere postea videbimus. Quamobrem si quid de Lunae statu conjicere possimus, (possumus autem pauca admodum) idem in quatuor illis circa Jovem, & in quinque Saturniis | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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des cinq de Saturne ne sont pas bien différents. Car il faut constamment maintenir que ces lunes-là ne sont pas inférieures à la nôtre ni moins bien équipées. Ga naar margenoot+ Déjà avec de petites lunettes d'une longueur de trois ou quatre pieds il apparaît en notre Lune que sa surface est traversée par plusieurs chaînes de montagnes et est composée d'autre part de parties basses fort étendues. En effet, on voit les ombres des montagnes du côté opposé à celui du Soleil; et souvent des plaines de dimensions plus modestes bornées de toutes parts par une chaîne de montagnes possédant à peu près la forme d'une circonférence de cercle, y sont aperçues au milieu desquelles s'élèvent une ou plusieurs montagnes moins hautes. De cette forme ronde des dites plaines ou vallées Kepler tirait la conclusion que nous avons affaire à d'immenses travaux d'habitants de la Lune raisonnablement agissantsGa naar voetnoot16). Mais ceci est tout-à fait incroyable tant à cause de la grandeur de ces formations que de la facilité avec laquelle de telles cavités rondes peuvent être produites par des causes naturelles. Quant à des apparences de mers, je n'en trouve aucune dans la Lune, quoique tant Kepler que la grande majorité des autres observateurs soient d'un autre avis. En effet, il y existe,Ga naar margenoot+ il est vrai, d'immenses régions planes beaucoup plus obscures que les parties montagneuses et que je vois être généralement considérées comme des mers et désignées par des noms d'océans; mais en les regardant avec un télescope plus grand je constate que dans ces parties basses aussi il y a de petites cavités rondes où les ombres tombent endedans, ce qui ne s'accorde pas avec l'existence de nappes d'eau marine; d'autre part, en observant avec beaucoup de soin les champs étendus, on voit qu'ils ne présentent pas une surface parfaitement uniforme. Ce ne peuvent donc être des mers; ces champs doivent être composés d'une matière moins blanche que celle des parties plus inégales parmi lesquelles il y en a encore qui se distinguent par une plus grande clarté. IlGa naar margenoot+ semble aussi qu'il n'y ait en la Lune aucun fleuve ou rivière: ils se feraient remarquer dans les images nettes produites par nos télescopes, du moins si, comme la plupart des nôtres, ils coulaient entre des montagnes ou des rives fort élevées. Mais il n'y a aussi aucun nuage d'où pourraient provenir des pluies fournissant de la matière liquide aux fleuves ou rivières: s'il y en avait, nous verrions ces nuages couvrir tantôt ces régionslà de la Lune et les soustraire à notre vue, ce qui n'arrive point; il y règne au contraire une sérénité perpétuelle. Ga naar margenoot+ Il est en outre manifeste que la Lune n'est entourée ni d'air ni d'une atmosphère comparable à celle de la Terre. En effet, s'il y en avait une telle, le bord extérieur de la Lune ne pourrait pas paraître aussi net qu'on le constate à l'occasion de l'obscuration de quelqu'étoile; il se terminerait par une certaine luminosité évanouissante et pour ainsi dire par du duvet, pour ne rien dire de la circonstance que les vapeurs de notre | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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haud multo aliter se habere putandum erit. Illud semper menti infixum tenendo, non esse illas viliores aut minore ornatu excultas. Illud igitur in Luna nostra apparet, etiam minoribus perspicillis trium quatuorveGa naar margenoot+ pedum longitudine, plurimis montium tractibus, rursusque planis vallibus latissimis, superfi|ciem ejus divisam esse. Cernuntur enim montium umbrae ea parte quam a SoleGa naar margenoot+ aversam habent; ac frequenter jugo in circulum fere composito inclusae valles quaedam minores animadvertuntur; quarum medio monticuli, unus pluresve rursum eminent. Ex qua vallium rotunditate argumentum sumebat Keplerus, Lunicolarum, cum ratione operantium, immensas has esse molitionesGa naar voetnoot16). Sed hoc incredibile prorsus, tum ob nimiam earum magnitudinem; tum quod facile naturalibus causis cavitates ejusmodi orbiculares formari possint. Marium vero similitudinem illic nullam, (etsi & ille,Ga naar margenoot+ & alii plerique omnes contra sentiunt) reperio. Nam regiones planae ingentes, quae montosis multo obscuriores sunt; quasque vulgo pro maribus haberi video, & oceanorum nominibus insigniri; in his ipsis, longiori telescopio inspectis, cavitates exiguas inesse comperio rotundas, umbris intus cadentibus; quod maris superficiei convenire nequit: tum ipsi campi illi latiores non prorsus aequabilem superficiem praeferunt, cum diligentiùs eas intuemur. Quocirca maria esse non possunt, sed materia constare debent minus can|dicante, quàm quae est in partibus asperioribus: in quibus rursus quaedamGa naar margenoot+ vividiori lumine caeteris praecellunt. Nulli quoque fluvii in Luna inesse videntur. NonGa naar margenoot+ enim effugerent aciem perspicillorum nostrorum; saltem si inter montes aut ripas praealtas, ut nostri plerique, laberentur. Sed neque nubes ullae sunt unde pluviae generenturGa naar margenoot+ ad suppeditandum fluviis humorem. Si enim essent, videremus eas nunc has nunc illas Lunae regiones obtegere, ac visui nostro subducere, quod nequaquam contingit, sed perpetua apparet serenitas. Porrò nec aëre aut atmosphaera Lunam cingi, qualis circum Tellurem hanc ambit,Ga naar margenoot+ manifestum est. Quia si qua talis existeret, non posset extrema Lunae ora tam praecise circumscripta spectari, quam subeunte stella aliqua saepe animadversa est; sed evanida quadam luce, ac velut lanugine finiretur, ut omittam vapores atmosphaerae nostrae maximam partem ex aquae particulis constare; ac proinde, ubi nulla sunt maria aut | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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atmosphère consistent pour la plus grande partie en des particules d'eau et que là où il n'y a ni mers ni fleuves il n'existe pas de réservoirs d'où de telles particules pourraient s'élever en l'air. L'insigne différence qui existe donc sous ce rapport entre la Lune et notre Terre nous rend presqu'impossible de faire des conjectures. Si nous y avions observé des mers et des fleuves ce serait là un argument pour admettre que le reste de la parure de la Terre y existe aussi et que l'opinion de Xénophane est donc conforme à la vérité, lui qui disait que la Lune est habitée et qu'elle est une Terre à beaucoup de villes et de montagnesGa naar voetnoot17). Maintenant il semble au contraire que ni des plantes ni des animaux ne peuvent exister sur ce sol aride, dépourvu de toute eau, puisque c'est de la matière à l'état liquide qui devrait fournir à eux tous tant la substance dont ils se composeraient que celle de leurs aliments. Ga naar margenoot+ Faut-il donc croire qu'un globe de cette grandeur a été créé uniquement pour nous éclairer pendant la nuit d'une douce lumière ou causer les flux et reflux de la mer? N'y aura-t-il personne là-bas qui jouisse du fort beau spectacle de la révolution de notre Terre, montrant tantôt l'Europe et l'Afrique, tantôt l'Asie, tantôt l'Amérique; luisant tantôt en entier, tantôt pour la moitié? Toutes les Lunes qui entourent Jupiter et Saturne circuleront-elles avec une égale inutilité et seront-elles également dénudées? Je ne sais que répondre à cette question, puisqu'aucune conjecture ne se présente qui serait basée sur une chose pareille. Il semble toutefois plus probable, à cause de l'excellence de ces corps, qu'il se trouve quelque chose sur leur surface, qu'il y croît et y vit quelque chose, de quelque nature que ce soit et quelque grande que soit sa différence avec ce qui nous est connu. Il serait possible qu'une matière différant de notre eau y soutînt la vie des plantes et des animaux. Une légère humidité sur un sol ne l'absorbant pas aussi facilement que le nôtre pourrait suffire aux rayons du Soleil pour en faire sortir de la rosée capable de nourrir des plantes basses et des arbres. Ce que je constate être aussi venu à l'esprit de Plutarque dans son dialogue de la Face dans l'orbe LunaireGa naar voetnoot18). Car chez nous aussi il ne faudrait que l'extrême surface de la mer, qu'une mince pellicule pour ainsi dire, pour fournir l'humidité nécessaire aux champs et à leurs plantes, humidité que le Soleil pourrait en tirer et qui se condenserait non pas en nuages mais | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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fluvii, non esse unde eorum copia sursum educatur. Haec igitur insignis differentia quae Lunam inter Terramque nostram reperitur, omnem | fere aditum conjecturis obstruit.Ga naar margenoot+ Nam si maria amnesque inesse cernerentur, haud leve argumentum esset caeterum quoque Terrae ornatum ei convenire, veramque adeo esse Xenophanis opinionem, qui habitari in Luna dicebat, eamque Terram esse multarum urbium & montiumGa naar voetnoot17). Nunc vero in solo arido, & omnis aquae experte, non videntur neque herbae, neque animantia exstare posse, cum omnibus istis humor materiam & alimenta praestare debeat. Anne igitur credendum, tantae magnitudinis globum in hoc conditum esse ut noctuGa naar margenoot+ nobis lucem tenuem largiatur, aut aestus maris cieat? Nemo erit qui pulcherrimo inde spectaculo fruatur Telluris nostrae in se revolutae, & nunc cum Europa Africam, nunc Asiam, nunc Americam ostentantis; nunc plene, nunc dimidio orbe lucentis? Omnes item quae Jovem ac Saturnum circunstant Lunae, aequè inutiles vacuaeque ferentur? Non habeo equidem quod dicam, cum nulla ab re simili conjectura suppetat. Magis tamen probabile videtur ob corporum praestantiam, aliquid in superficie eorum geri, aliquid crescere ac vivere, qualecunque tandem id sit, | & quantumlibet à rebus nostrisGa naar margenoot+ diversum. Posset forsan stirpium animaliumque ibi vitam aliud quid, aquae nostrae dissimile, sustentare. Posset exiguus humor in terra, non aeque ac nostra, aquam combibente, sufficere radiis Solis, unde rorem educerent, alendis herbis arboribusque idoneum. Quod idem Plutarcho in mentem venisse video in eo qui de Facie in orbe Lunae est dialogoGa naar voetnoot18). Nam neque apud nos, nisi summa maris superficie, ac tenui veluti pellicula opus esset, ad humorem terris, satisque suppeditandum, quem Solis vis elicuisset, quique in rorem tantum, non vero in nubes condensaretur. Sed hae admodum leves sunt conjecturae aut suspiciones potius, nec aliud habemus ex quo de Lunae | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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seulement en rosée. Mais ceci ne sont que des conjectures ou plutôt des soupçons de fort peu de poids: nous n'avons rien d'où nous pourrions conclure par analogie à la nature de la Lune ou des autres satellites. Il faut en effet se figurer, comme nousGa naar margenoot+ l'avons dit, que la nature de toutes les lunes est la même; outre par la raison alléguée ci-dessus ceci est confirmé par la suivante: de même que notre Lune nous regarde toujours d'une même face, ainsi en est-il des satellites de Jupiter et de Saturne par rapport à leurs Planètes primaires. Ceci pourrait sembler une étonnante découverte; mais il n'était pas difficile de le conjecturer après qu'il avait été observé, comme je l'ai dit un peu plus haut, que la lune extrême de celles qui entourent Saturne n'est visible que lorsqu'elle se trouve du côté occidental de la Planète. qu'à l'orient elle est donc toujours cachée. En effet, on comprend aisément que cela provient du fait que cette Lune a une surface en grande partie obscure et que lorsque cette partie plus obscure que le reste est tournée vers nous, elle ne peut être aperçue à cause de la faiblesse de sa lumière; or, comme elle est toujours trouvée obscurcie lorsqu'elle se trouve dans la partie orientale de sa course, et jamais dans l'autre, c'est là un indice certain du fait que la même face de ce globule est toujours tournée vers Saturne, parce que de cette orientation résulte ce qui a été dit. Qui mettra en doute, étant acquis que tant dans le cas de ce satellite extrême que dans celui de notre Lune la même face est toujours vue de la Planète primaire correspondante, que la nature a arrangé les choses de même dans le cas des autres satellites de Jupiter et de Saturne? Quant à la cause efficiente, elle ne peut guère être que celle-ci: chez toutes les Lunes la matière est plus dense et plus lourde du côté le plus éloigné de la Planète. En effet, de cette façon cette partie tendra avec plus de force à s'écarter du centre de rotation, tandis que, si tel n'était pas le cas, une même face devrait suivant les lois du mouvement être toujours dirigée non pas vers la Planète mais vers les étoiles fixes. De cette position des Lunes par rapport aux Planètes correspondantes résulteront des spectacles étranges pour leurs habitants dont, il est vrai, il est extrêmement incertain s'ils existent, mais qui sont ici placés sur elles à titre de fiction. Il suffira de parler des indigènes de notre Lune. Pour eux son globe est divisé en deux hémisphères de telle manière que les habitants de l'un jouissent toujours de la vue de notre Terre,Ga naar margenoot+ tandis que ceux de l'autre ne l'aperçoivent jamais. Excepté que quelques-uns d'entr' eux, vivant vers les bords des deux hémisphères, perdent et recouvrent sa vue alternativement. Or, les Géoscopes mentionnés voient la Terre suspendue dans l'éther beaucoup plus grande que la Lune ne nous apparaìt; plus précisément, elle leur présente un diamètre presque quadruple. Mais ce qui est remarquable, c'est qu'ils la voient nuit et jour suspendue au même endroit du ciel, comme si elle était perpétuellement immobile, les uns en leur zénith, les autres à une certaine hauteur au-dessus de l'horizon, quelques-uns dans l'horizon même; or, elle leur apparaît en rotation autour de son axe, leur montrant ses continents l'un après l'autre en vingt-quatre heures, leur faisant voir de plus (ce que je voudrais bien voir aussi) les contrées avoisinantes aux pôles encore inconnues à nous, ses habitants. Ils la voient en outre dans le décor d'une | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nostrae, atque etiam reliquarum natura aliquid colligamus. Omnium enim, uti diximus,Ga naar margenoot+ eadem putanda est; idque praeter adductam superius rationem, etiam hac alia confirmatur, quod sicuti Luna nostra eandem perpetuò faciem ad nos obversam habet, ita & illae Joviales ac Saturniae ad suos Planetas primarios. Mirum videatur hoc sciri potuisse; at non erat difficilis conjectura, postquam, ut paulo ante dixi, animadversum |Ga naar margenoot+ fuit extremam Saturniarum tunc solum conspici, cum Planetae huic ad occidentem posita est; ab oriente vero semper eam latere. Facile enim perspicitur id inde evenire, quod magna sui parte obscuriorem superficiem habeat haec Luna; quae pars obscurior cum ad nos conversa est, tunc cerni nequeat prae luminis tenuitate. Cumque semper in orbitae suae latere quod orientem spectat obscurata reperiatur, in altero nunquam, manifestum indicium est eandem globuli regionem semper Saturnum respicere, quoniam ex eo illud contingere necesse est. Quis vero jam dubitet, cum & illius omnium remotissimae & nostrae Lunae facies semper eadem ex primario Planeta suo spectetur, quin idem in caeteris, quae circa Jovem ac Saturnum volvuntur, natura effecerit? Causa vero quare id fiat vix aliunde peti potest, quam quod densior ponderosiorque materia sit Lunarum omnium parte ea, quâ semper à Planetis suis aversae sunt. Sic enim ea ipsa pars majore vi à centro circuitus recedere contendet: cum alioqui, ex motus legibus, eadem semper facies non ad Planetam, sed ad fixas stellas easdem, continue obverti debuerit.| Porro ex hoc positu Lunarum ad Planetas suos mira quaedam spectacula evenireGa naar margenoot+ necesse est eas habitantibus, qui an sint aliqui, ut jam apparuit, multo incertissimum est; sed quasi essent ponantur. Satis erit autem de nostrae Lunae indigenis dixisse. HisGa naar margenoot+ igitur sic in duo hemisphaeria globus ejus dividitur, ut qui alterum incolunt, semper Telluris nostrae conspectu fruantur, qui reliquum, semper eo careant. Nisi quod quidam, circa confinia utriusque agentes, amittant eum per vices ac recuperent. Cernunt autem Gaeoscopi illi Tellurem in aethere pendentem multo majorem quam quanta nobis Luna apparet, quippe ferè quadruplo ampliore diametro. Sed illud mirabile, quod nocte dieque eodem coeli loco velut immobilem perpetuo haerere vident; alii recta supra caput desixam, alii certa altitudine ab horizonte distantem, quidam & in ipso horizonte sitam: atque interea convertentem se circum axem suum, regionesque quas continet universas deinceps ostendentem horarum viginti quatuor spatio, atque eas quoque proinde (quod utinam videre liceret) quae ad utrumque polum nobis incolis adhuc incognitae manent. Praeterea & lu|mine crescentem eam vident & immi-Ga naar margenoot+ | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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illumination croissante et décroissante dans la période d'un mois, donc alternativement pleine, coupée en deux, mince et avec des cornes, en un mot avec la variété de formes que nous présente le globe de la Lune. Mais ils reçoivent de la Terre quinze fois plus de lumière que nous n'en recevons d'elle. De sorte que, dans le meilleur des deux hémisphères, celui qui est tourné vers nous, les habitants ont des nuits fort claires. Il ne peut toutefois avec cette clarté leur arriver aucune chaleur, quoique Kepler ait été d'un autre avis. Quant au Soleil, il se lève pour eux une seule fois et se couche également une seule fois, en chacun de nos mois; ils ont donc des jours et des nuits quinze fois plus longs que les nôtres lesquels sont parfaitement égaux entre eux par un équinoxe perpétuel. À cause de cette longueur du jour ils seraient nécessairement, puisque le Soleil n'est pas plus éloigné d'eux que de nous, exposés à une chaleur fort incommode, si leurs corps y étaient aussi sensibles que les nôtres. C'est pour ceux qui habitent près des bords des dits hémisphères que le Soleil monte le plus haut, mais pour ceux qui en sont fort éloignés et vivent aux endroits gisant sous les pôles de la Lune, ils n'auront pas plus chaud par l'effet de ces longs jours que ceux qui en été font la chasse aux baleines dans les environs de l'Islande ou de la Nouvelle Zemble; lesquels, justement au temps du solstice, et durant des jours de trois mois, éprouvent fort souvent des froids excessifs. Les pôles nommés de la Lune, autour desquels les étoiles fixes sont vues par ses habitants décrire des circonférences de cercle, ne sont aucunement les mêmes que pour nous, et ne coïncident pas non plus avec les pôles de l'Ecliptique, mais tournent autour de ces derniers en en restant toujours éloignés de cinq degrés, ce qui se fait en une période de dix-neuf ans. Quant à la longueur de l'année, elle y est la même que pour nous; ils la mesurent par le mouvement des étoiles fixes et leurs retours au Soleil. Ce qui pour eux est une chose bien facile puisqu'ils voient les étoiles le jour non moins que la nuit, sans que la clarté du Soleil les gêne, puisque, comme cela a été démontré plus haut, ils n'ont pas d'atmosphère, sans laquelle nous verrions, nous aussi, le ciel étoilé en plein jour. De plus aucun nuage n'empêche jamais leurs observations, de sorte qu'ils peuvent déterminer les routes des Planètes mieux que nous; il est vrai qu'ils auront eu (ou auront) plus de peine à trouver le vrai système, attendu qu'alors que, par hypothèse, ils commencèrent à le chercher, la Terre a dû leur sembler immobile, erreur hypothétique plus grossièreGa naar margenoot+ que la nôtre. Tout ceci peut être appliqué aussi aux Lunes de Jupiter et de Saturne pour lesquelles leurs Planètes primaires sont la même chose que la Terre pour nous. L'espace d'un jour et d'une nuit est mesuré par la période de la Lune considérée; nous avons donné plus haut une liste de ces périodes. Il en résulte que pour les habitants du cinquième satellite de Saturne, dont la période était de 80 de nos jours, tant les jours que les nuits seront égaux à quarante des nôtres. Pour ces mêmes habitants les étés et les hivers seront, à cause de la révolution en trente ans de Saturne, chacun égal à quinze de nos années. Il est manifeste, tant à cause des longs froids qu'à cause des sommeils et veilles si prolongés, que même s'il n'y avait aucune autre différence, la vie y serait tout autre que chez nous. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nutam menstrua periodo, atque ita per vices plenam, dimidiatam, inque cornua tenuatam, eâdem formarum varietate quam Lunae globus nobis exhibet. Sed lucem à Tellure nostra accipiunt quindecuplo majorem quam nos ab illa. Adeo ut, in hemisphaerio meliore, ad nos obverso noctes insigniter claras habeant; nec tamen cum claritate illa ullus ad eos calor manare potest, etsi hoc aliter Keplero visum est. Sol verò semel illis oritur singulis mensibus nostris, semelque occidit, atque ita dies noctesque, quindecuplo quam nos longiores habent, at inter se aequales perpetuo aequinoctio. Qua dierum longitudine, quandoquidem non amplius ab illis quam à nobis Sol abest, necesse esset eos, quibus altè supra horizontem ascendit, aestu incommodo torreri, si corpora eorum perinde ac nostra afficiantur. Ascendit autem maximè iis qui circa confinia hemisphaeriorum, quae diximus, incolunt, qui vero inde procul distant, ac circa regiones habitant polis Lunae suppositas, non magis ob longos istos dies calebunt, quam qui circa Islandiam aut novam Zemblam aestivo tempore cetos pi|scantur;Ga naar margenoot+ qui persaepe frigora ingentia, ipsius solstitii tempore, ac trium licet mensium diebus, experiuntur. Sunt autem poli Lunae, quos circum stellae sixae converti cernuntur in ea habitantibus, nequaquam iidem qui nobis, neque etiam cum Eclipticae polis conveniunt, sed his circunferuntur, quinque gradibus semper distantes, idque periodo annorum novendecim. Anni autem spatium idem illic quod nobis; quod motu fixarum metiuntur ac reversione earum ad Solem. Idque iis perfacile est, cum diei tempore, non minus quam noctu, stellas conspiciunt, nihil impediente Solis claritate; quoniam, ut supra ostensum est, nullam vaporum sphaeram habent; sine qua & nos interdiu coelum sideribus plenum aspiceremus. Nec vero nubes quoque ullae unquam obstant observantibus, adeo ut cursus Planetarum melius quàm nos investigare possint; sed tamen difficilius multò verum systema reperire. Quoniam incipientibus stare Terra sua videri debuit, in quo eos longius quàm nos error abduxit. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Nous avons expliqué jusqu'ici ce qui se rapporte aux Planètes primaires et secondaires qui entourent le Soleil. Avant que de continuer, c'est-à-dire avant que de considérer le Soleil et les étoiles fixes lesquels constituent la troisième espèce de corps célestes, il vaut la peine, nous semble-t-il, d'exprimer méthodiquement et avec plus
[Fig. 149].
d'évidence que jusqu'ici, la grandeur et la magnificence de tout le système Solaire. Ce que nous ne pouvons nullement faire par une figure tracée sur les présentes feuilles à cause de la petitesse des corps Planétaires en comparaison avec leurs fort grandes orbites. Mais nous suppléerons par nos paroles à ce qui ne peut être représenté par une figure. Reprenant donc la figure du début du livre précédent [Fig. 149], représentons-nous une deuxième figure semblable et avec les mêmes rapports des distances | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Haec omnia vero ad Jovis & Saturni Lunas referuntur, quibus idem quod nobis Tellus | est, sui sunt primarii Planetae. Singula autem diei noctisque spatia simul sumpta,Ga naar margenoot+ cujusque Lunae periodus metitur, quas supra annotavimus. Quo fit ut Saturni quintamGa naar margenoot+ incolentibus, cujus periodus dierum nostrorum erat 80, eveniant sui dies noctesque nostris quadraginta aequales. Iisdem vero, propter Saturni revolutionem tricennalem, fiunt aestates hyemesque singulae annorum nostrorum quindecim. Itaque tum propter tam longa frigora, tamque longos somnos vigiliasque; etiamsi nil aliud esset, plane aliam quam apud nos vitam illic fore manifestum est. Explicuimus igitur hactenus, quae ad Planetas primarios secundariosque Solem cir- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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mais tracée dans un plan fort ample et fort poli dont le contour extérieur, représentantGa naar margenoot+ l'orbite de Saturne, ait un rayon de trois cents soixante pieds. Plaçons ensuite sur cette circonférence le globe de Saturne avec son Anneau en grandeur telle qu'on le voit dans la deuxième figure [Fig. 151] où sont représentés les corps du Soleil et des Planètes. Plaçons de même les autres globes chacun en son orbite et au milieu d'eux tous le Soleil de la grandeur qu'il a dans la même figure, savoir avec un diamètre de quatre pouces. L'orbite de la Terre, que les Astronomes appellent le grana orbe, acquerra ainsi un rayon de trente-six pieds, dans laquelle il faut se figurer circuler une Terre pas plus grande qu'un grain de mil et son compagnon la Lune, à peine
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cundantes spectant. Hinc vero priusquam ad Solem ipsum & stellas fixas, tertium nempe genus coelestium corporum, pergamus, operae pretium videtur, ut magnitudinem, ac magnificentiam totius Solaris mundi, aliqua ratione, atque evidentius quam hactenus factum sit, exprimamus. Quod quidem schemate in foliis hisce descripto haudquaquam possumus, propter parvitatem corporum Planetariorum ad vastissimas orbitas suas col|latorum. Sed verbis supplebitur quod descriptione perfici nequit. ItaqueGa naar margenoot+ repetitâ figurâ quam superioris libri initio posuimus, cogitetur ei similis ac proportioneGa naar margenoot+ respondens, sed quae descripta sit in amplissima politissimaque areae cujusdam planitie, | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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supérieure à un point visible et se mouvant suivant une circonférence large d'un peu plus de deux pouces, comme dans la figure ci-jointe [Fig. 155]. La ligne AB y représente une partie de la circonférence qui constitue la dite orbite de la Terre et dont le rayon est de trente-six pieds. Le petit cercle C y est la Terre et DE la route de la Lune qui l'encercle, où le corpuscule de la Lune est tel qu'on le voit en D. Quant à la Lune extérieure de Saturne, elle fera sa révolution en une circonférence à rayon de 29 pouces; et le satellite extérieur de Jupiter en une circonférence un peu plus petite, savoir à rayon de 19 1/4 pouces. [Fig. 155]
C'est seulement de cette façon qu'on obtiendra une image vraie, où sont observées les véritables proportions du Palais ou Royaume Solaire dans lequel la Terre sera distante du Soleil de douze mille de ses diamètres. Si l'on veut avoir cette distance exprimée en milles, elle en comprendra plus de dix-sept millions, savoir de milles Germaniques. Mais nous saisirons peut-être mieux son amplitude en la mesurant par la vitesse d'un mouvement, à l'exemple du Poète Hésiode qui, dans le but de définir la hauteur du ciel et la profondeur du Tartare, qu'il estime égales l'une à l'autre, a écrit qu'une enclume de fer qu'on laisserait choir du ciel, après être tombée durant neuf jours et neuf nuits atteindrait la terre le dixième jour; et que dans le même espace de temps elle parviendrait de la surface de la Terre au TartareGa naar voetnoot19). Quant à nous, nous ne ferons pas usage de la chute d'une enclume mais plutôt de la vitesse constante d'un boulet de canon qu'on a trouvé par expérience parcourir environ cent | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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cujus extremus circulus, Saturni orbem referens, trecentos sexaginta pedes semidiametro contineat. In cujus deinde circunferentia globus Saturni cum suo ponatur Annulo, quantus in figura altera cernitur, ubi Solis & Planetarum sunt corpora. Caeterique similiter globi in sua quisque orbita collocentur; inque medio omnium Sol qua magnitudine ibi designatur, quatuor nempe pollicum diametro. Ita Telluris circuitus, quem magnum orbem vocant Astronomi, semidiametrum sortietur pedum triginta & sex. In quo Tellus ipsa milii grano non major circunferri cogitanda est; eique comes Luna, vix punctum visibile superans, in circello paulo plus quam duos pollices lato; velut in adscripto hic diagrammate. In quo linea A B circunferentiae partem refert ejus, quam diximus, Telluris orbitae, cujus triginta & sex pedes continet semidiameter. In ea Tellus est circellus C: Lunae vero cir|cum eam via, circulus D E; in quo LunaeGa naar margenoot+ corpusculum quale ad D expressum est. Saturniarum vero Lunarum exterior in circulo feretur cujus semidiameter pollicum 29. Jovialium item exterior in minore aliquanto, cujus semid. poll. 19¼. Sic demum habebitur germanus & omni proportione perfectus solaris Regiae typus, in quo jam Tellus duodecim mille diametris suis à Sole aberit. Cujus spatii amplitudo si milliarium numero designanda sit, plus quam septemdecim milliones, ut vocant, milliarium Germanicorum comprehendet. Sed melius fortasse hanc vastitatem animo concipiemus, si motus cujusdam celeritate eam metiamur, Hesiodi Poetae exemplo; qui altitudinem coeli, & Tartari profunditatem aequis spatiis definiens, novem dierum noctiumque lapsu, ferream incudem è coelo dimissam, ad terram decimâ pervenire scripsit; ac tanto quoque tempore è Terrae superficie cadentem ad Tartara ferriGa naar voetnoot19). Nos vero non incudis lapsum sed continuam potius celeritatem globi ex majore tormento emissi huc adhibebimus; quem singulis horae secundis scrupulis, sive arteriae | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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toises de six pieds en chaque seconde ou battement de pouls, comme Mersenne nous l'apprend dans sa Balistique; tandis que le son dans le même temps parcourt cent quatre-vingts pieds. Ga naar margenoot+ Je dis donc que si un boulet se meut continuellement avec cette grande vitesse de la Terre jusqu'au Soleil, il lui faudra presque 25 ans pour parcourir la dite distance. D'où résulte qu'il lui en faudra 125 pour parvenir au Soleil de Jupiter, et 250 pour y parvenir de Saturne. Ce calcul est basé sur la grandeur du diamètre de la Terre qui d'après les meilleures mesures françaises est de 6538594 toises Parisiennes, attendu qu'un degré d'un grand cercle en mesure 57060. On comprend par là quelles sont les dimensions de ces orbites et combien petit est par rapport à elles le globule de la Terre où nous exécutons tant de travaux, où nous naviguons tant et où nous faisons tant de guerres. Puissent nos Rois et Monarques apprendre cela et en tenir compte; afin qu'ils sachent de combien peu d'importance est ce qu'ils se proposent lorsqu'ils s'évertuent de toutes leurs forces, au grand mal de beaucoup d'hommes, à s'emparer de quelque coin de la terre. Mais revenons à nos spéculations et portons nos regards sur le Soleil, dont notre ample description a fait voir la grandeur tant par rapport aux Planètes qu'à leurs orbites. Ga naar margenoot+ Il n'a pas semblé impossible à quelques auteurs que sur le Soleil lui-même puissent vivre des animaux. Mais comme ici toute conjecture raisonnable fait défaut, plus encore que pour la Lune, j'ignore pour quelles raisons ils ont été de cet avis. En effet, il n'a pas encore été déterminé avec certitude si la matière de ce vaste globe est solide ou liquide; quoiqu'à cause de la nature de la lumière que j'ai expliquée ailleurs, la liquidité soit plus probable, laquelle est aussi suggérée par la parfaite rotondité du Soleil et l'égalité de la diffusion de la lumière sur toute sa surface. Car une faible inégalité paraissant à la circonférence du disque, laquelle on aperçoit, mais non pas toujours, à l'aide des télescopes, ce dont quelques personnes prennent occasion pour se figurer des ondulations et des éruptions de flammes, n'est autre chose qu'un tremblement de l'atmosphère de notre Terre, tremblement qui fait aussi scintiller les étoiles pendant la nuit. Je n'ai jamais, moi, pu voir ces facules que presque tous les auteurs commémorentGa naar margenoot+ en même temps quel es taches, quoique j'aie souvent vu ces dernières; je doute fort si sur le Soleil il apparaît quelque chose de plus lucide que lui. En consultant des observations faites avec soin, je trouve que c'est seulement dans les ténébrosités qui entourent le plus souvent ces taches et parfois aussi se montrent seules, que des points plus brillants sont quelquefois aperçus, points dont il ne serait pas étrange si, à cause de l'obscurité avoisinante, ils paraissaient plus resplendissants qu'ils ne le sont en effet. On peut admettre avec certitude qu'il y a dans le Soleil une fort grande chaleur etGa naar margenoot+ ferveur, où rien de semblable à nos corps ne pourrait vivre ou même subsister un instant. Il faudrait donc se figurer un autre genre d'êtres vivants, fort différent de la nature de tous ceux que nous avons jamais vus ou pu nous imaginer. Ce qui équivaut presqu'à dire que nous ne pouvons ici nous approcher de la vérité en faisant des conjectures. Certes, un corps si éminent et si volumineux a sans doute été créé avec beaucoup d'à- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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pulsibus, centum cir|citer hexapedas conficere experimentis compertum est, quae inGa naar margenoot+ Balisticis Mersennus commemorat; cum sonus eo tempore ad centenas octogenas extendatur. Aio igitur, si ex Terra ad Solem tanta illa celeritate globus continuè feratur, fereGa naar margenoot+ annos 25 esse insumpturum antequam iter hoc peragat. Ut proinde à Jove ad Solem 125 annis opus habeat, à Saturno 250. Et hic quidem calculus ex mensura Terrae diametri pendet, qui ex probatioribus Gallorum observationibus est hexapedarum Parisiensium 6538594. cum gradus unus circuli maximi efficiat hexapedas 57060. Quanta itaque sint istorum orbium spatia, quamque exilis, eorum respectu, Telluris globulus, in quo tam multa homines molimur, tantum navigamus, tot bella gerimus, ex his intelligitur. Quod utinam discant cogitentque Reges & Monarchae nostri; ut sciant quantilla in re laborent cum de angulo aliquo terrae occupando totis viribus, magno multorum malo, contendunt. Sed ad nostra revertamur, ac de Sole videamus, cujus jam simul ad Planetas & eorum orbitas magnitudinem ampla illa descriptio, quam exposuimus, demonstrat.| In hoc igitur ipso Sole non improbabile quibusdam visum est animalia vivere posse.Ga naar margenoot+ Sed cum multo magis etiam, quam in Lunis, conjectura omnis hic deficiat, nescio quaGa naar margenoot+ ratione id ita esse opinati sint. Non enim adhuc planè compertum est, utrum dura an liquida sit vasti illius globi materies; etsi propter lucis naturam, quam aliàs explicui, magis verisimile sit liquidam esse; quod etiam perfecta rotunditas ejus, lumenque per totam superficiem aequaliter diffusum suadere videtur. Nam exigua quaedam in disci circunferentia apparens inaequalitas, quae telescopiis, nec tamen semper, cernitur, & ex qua miros undarum fluctus, flammarumque eructationes, nonnulli sibi fingunt, nihil aliud est quàm vaporum prope Terram nostram tremula agitatio, quae & stellas noctu scintillare facit. Neque ego faculas illas, quas unà cum maculis fere omnes celebrant,Ga naar margenoot+ unquam videre potui, etsi has saepius spectaverim; ac valde dubito an aliquid in Sole, ipso Sole lucidius appareat. Invenio enim, fideliores observationes consulens, non nisi in nubeculis illis subfuscis, quae maculas plerumque circundant, aliquando solae feruntur, pun|cta quaedam clariora interdum notari, quae non mirum esset, propterGa naar margenoot+ obscuritatis illius viciniam, splendidiora quam sint videri. Summum quidem in SoleGa naar margenoot+ calorem, fervoremque esse, certo credendum est, in quo nihil omnino nostrorum corporum simile vivere possit, aut momento superesse. Itaque aliud genus viventium animo concipiendum esset, longeque ab omni natura eorum quae unquam vidimus, aut cogitavimus, diversum. Quod fere idem est ac si dicamus nihil hic conjectando nos consequi posse. Est quidem tam praestans, tantaeque molis corpus haud dubiè ma- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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propos et pour un insigne but. Mais son utilité ne paraît-elle pas déjà abondamment dans cet admirable rayonnement de lumière et de chaleur sur tout le groupe des Planètes qui l'entourent, rayonnement qui non seulement rend possible la vie de tout le genre animal mais contribue aussi à la rendre agréable? Et ceci non seulement dans le cas des petites Planètes comme notre Terre, mais aussi dans celui des globes tant de fois plus grands de Jupiter et de Saturne dont les dimensions, comparées à celle du Soleil, ne sont pas méprisables. Ces choses sont si importantes qu'il ne serait pas étonnant si le Soleil avait été créé pour ce but. Je ne puis me rendre - pour les raisons que je développerai plus loin - à l'opinion de Kepler d'après lequel un autre office aussi lui incomberait, savoir celui de maintenir le mouvement de toutes les Planètes environnantes dans leurs orbites par sa conversion sur son axe, ce que dans son Epitome du système Copernicain Kepler tache d'étayer par beaucoup d'arguments. Ga naar margenoot+ Avant l'invention du Télescope la thèse que le Soleil est une des étoiles sixes semblait être en désaccord avec le sentiment de Copernic pour la raison suivante. Comme les étoiles dites de première grandeur étaient censées avoir des diamètres de trois secondes et qu'elles sont d'autre part suivant Copernic si éloignées que le grand Orbe parcouru par la Terre n'est pour ainsi dire qu'un point en comparaison de la sphère des fixes, attendu que, quoique la Terre change continuellement de position durant toute l'année, les distances des étoiles ne changent pas visiblement; il s'ensuivait que celles qui paraissent plus brillantes que le reste sont plus grandes que des sphères de même rayon que le grand Orbe; ce qui était absurde. C'était là la principale objection de Tycho Brahé contre la doctrine de Copernic. Mais lorsque les Télescopes faisaient disparaître les rayons astraux qui apparaissent à l'oeil nu (ce qu'ils font le mieux lorsque la lentille oculaire est légèrement enduite de suie) et ne représentaient donc plus les étoiles que comme des points brillants, cette difficulté a été entièrement levée. Rien n'empêche donc désormais de considérer ces étoiles comme autant de Soleils. Et cette thèse est rendue encore plus probable par le fait qu'elles luisent de leur propre lumière; en effet, leur distance est si grande qu'elles ne peuvent aucunement l'emprunter au Soleil. Rien ne nous défend de croire qu'en général elles ne sont pas plus petites que le Soleil, puisqu'elles nous envoient une si vive lumière de si loin.Ga naar margenoot+ C'est bien là à cette heure l'opinion commune des adhérents du système de Copernic; lesquels admettent aussi à bon droit que ces étoiles ne se trouvent pas toutes en une même surface sphérique, d'abord puisqu'aucune raison ne milite en faveur de cette thèse, en second lieu puisque le Soleil qui est l'une d'elles ne peut être dit s'y trouver: qu'il est donc plus véritable qu'elles soient disséminées par de vastes espaces célestes et qu'autant de distance il y a de la Terre ou du Soleil aux plus proches, autant il y en ait aussi en moyenne de celles-ci aux suivantes, et de ces suivantes à d'autres en uneGa naar margenoot+ cotinuelle progression. Je sais que Kepler, dans l'Epitome déjà nommée, est d'un autre avis. En effet, quoique suivant lui les étoiles soient disséminées par toute la profondeur du ciel, il veut pourtant que notre Soleil ait autour de lui un beaucoup plus grand espace, pour | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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xima ratione, ac propter insignem usum aliquem creatum. Sed an non apparet jam abunde utilitas ejus in mirabili illa lucis calorisque in totum Planetarum circumstantium chorum effusione; ex qua universo animantium generi non vita solum constat, sed & jucunda ut sit efficitur? Idque non in exiguis solum, qualis Tellus nostra, sed & in tanto majoribus Jovis & Saturni globis, quorum non est contemptibilis ad Solem collata magnitudo. Haec quidem tanta sunt ut nihil mirum sit eorum gratia duntaxat Solem esse conditum. Nam quod Ke|plerus opinabatur, aliud quoque illi delegatumGa naar margenoot+ esse munus, ut nempe omnium circum ambientium Planetarum motus in suis orbibus incitaret, propria sua circa axem conversione, quod in Epitome systematis Copernicei multis comprobare conatur, non possum assentiri, propter ea quae in sequentibus dicentur. Solem ex stellis inerrantibus unam esse, ante Telescopii inventionem, adversariGa naar margenoot+ videbatur Copernici sententiae; quia cum stellae, quae dicuntur primae magnitudinis, censerentur trium scrupulorum diametro, essentquesecundum Copernicum tam procul remotae, ut totus ille Orbis magnus, quo Terra defertur, velut puncti instar esset ad sphaeram affixarum comparatus; quandoquidem toto anni tempore, etsi locum Terra mutaret, nihil mutari cernerentur stellarum distantiae; sequebatur singulas earum, quae caeteris clariores apparent, majores esse toto illo magni orbis ambitu: quod absurdum erat. Atque hoc, ut palmarium contra Copernici doctrinam argumentum, Tycho Braheus objectabat. Sed postquam radios stellarum nudo visu apparentes, Telescopia sustulerunt; | (quod ita optimè faciunt, si lens oculo proxima flammae afflatuGa naar margenoot+ obscuretur) atque ita haud aliter eas ac puncta lucentia spectandas praebuerunt; prorsus sublata quoque est ea difficultas, nec quidquam jam impedit quo minus stellae istae pro totidem Solibus habeantur. Idque eo probabilius redditur, quod constet propria luce sua eas lucere: tanta enim est distantia, ut à Sole illam mutuari nequaquam possint. Singulas vero Sole minores non esse nihil credi vetat, cum ex tam inmenso intervallo tam vividum lumen fundant. Hanc itaque sententiam nunc passim tenent qui Copernici systema amplectuntur. Qui recte quoque hoc statuunt, non in una eademqueGa naar margenoot+ superficie haerere stellas istas; tum quod nulla ratio hoc suadeat, tum quod in eandem sphaeram Sol, qui earum una est, referri nequeat. Itaque veriùs esse spargi eas per vasta coeli spatia, quantumque à Terra aut Sole ad proximas interjacet, tantum circiter ab his esse ad sequentes, atque inde rursus ad alias, continuo progressu. Scio etiam hic aliud sentire Keplerum, in ea, quam diximus, Epitome. Quamquam enim existimet tota caeli profunditate stellas | disseminatas esse, vult tamen Solem huncGa naar margenoot+ nostrum multo amplius spatium circa se habere, quasi sphaeram vacuam, supra quamGa naar margenoot+ | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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ainsi dire une sphère vide, au-dessus de laquelle commence un ciel plus abondamment parsemé d'étoiles. Il pensait que s'il en était autrement, le chiffre des étoiles qui nous apparaissent serait peu élevé et que celles-ci présenteraient des différences de grandeur fort marquées: car comme les plus grandes de toutes paraissent si petites que leurs dimensions peuvent à peine être notées ou mesurées avec des instruments, et que celles qui sont deux ou trois fois plus distantes paraissent nécessairement deux ou trois fois plus petites, en supposant les véritables grandeurs égales, et qu'on vient ainsi bientôt à des étoiles inapercevables, il en résulte que nous ne pourrons voir que fort peu d'étoiles et que celles-ci seront de grandeurs fort diversesGa naar voetnoot20); tandis qu'au contraire nous en observons plus de mille, et que leurs grandeurs ne sont point fort diverses. Mais de ceci ne résulte nullement la conclusion qu'il en tire; il s'est surtout trompé en ne pas remarquant que la nature des feux et de la flamme est telle qu'ils peuvent être aperçus de fort grandes distances, des distances auxquelles d'autres corps, vus sous des angles également petits, sont absolument invisibles. Ce que démontrent déjà les lanternes allumées de nuit dans les rues de nos villes. Quoique les réverbères qui se suivent soient distants entre eux d'une centaine de pieds, on peut cependant en compter vingt et davantage en une séric continue, bien que la flamme de la vingtième lanterne soit vue sous un angle d'à peine 6 secondes. C'est ce qui doit arriver bien plus dans le cas de la brillante lumière des étoiles, de sorte qu'il n'y a rien d'étonnant à ce qu'on puisse en apercevoir à l'oeil nu mille ou deux mille, et qu'en se servant de Télescopes ou en voie vingt fois davantage. Mais sous cette argumentation se cachait une autre raison pour laquelle Kepler désirait pouvoir considérer le Soleil comme un objet éminent au-deffus des autres étoiles, comme seul dans la Nature pourvu d'un système de Planètes, et comme situé au milieu du monde. En effet, il avait besoin de ceci pour confirmer son mystère Cosmographique par lequel il voulait faire correspondre les distances des Planètes au Soleil, suivant de certaines proportions, aux diamètres des sphères inscrites et circonscrites aux polyèdres d'Euclide. Ce qui ne pouvait sembler vraisemblable que s'il n'existait au monde qu'un seul groupe d'astres errants et que par conséquent le Soleil était le seul représentant de son espèce. Mais tout ce mystère, bien considéré, ne paraît être qu'un songe né de la philosophie de Pythagore ou de Platon. Les proportions aussi n'y sont pas tout-à-fait conformes à la réalité, comme l'auteur lui-même l'avoue; pour expliquer cette divergence, il invente d'autres causes entièrement frivoles. C'est par des arguments de moins de poids encore qu'il prouve la sphéricité de la surface extérieure du monde laquelle est dite contenir toutes les étoiles; et qu'il établit que le nombre de ces dernières est nécessairement sini en se basant sur le fait que ceci est vrai pour la grandeur de cha- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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confertius stellis coelum incipiat. Putabat enim alioqui futurum ut paucae tantum stellae numerarentur nobis, eaeque summa magnitudinis diversitate: nam cum omnium maximae tam appareant parvae, ut vix instrumentis possint notari aut mensurari, consequens esse ut quae duplo aut triplo &c. distarent longius, duplo & triplo appareant minores, positis aequalibus ipsis veris magnitudinibus; citoque veniatur ad eas quae penitus fiant insensibiles: atque ita paucissimas visum iri stellas, easque in maxima differentiaGa naar voetnoot20); cum contra amplius quam mille observentur, nec magnitudine ita multum diversae. Sed ex his nequaquam id quod ille intendit evincitur; ac praecipue in eo deceptus fuit, quod non advertit ignium, & flammae eam esse naturam, ut ex maximis intervallis cerni possint, iisque unde alia corpora, aeque exiguis angulis comprehensa, prorsus evanescant. Quod vel lucernae comprobant, quae per urbium nostrarum vicos noctu incenduntur. Quae cum ad centenos pedes inter se distent, tamen earum viginti & plures, in continua serie magis magisque remotas, numerare licet, etsi vicesimae | flammula vix 6 secundorum scrupulorum angulo conspiciatur. IdemGa naar margenoot+ vero multo magis sieri necesse est in eximia illa stellarum luce; adeo ut nihil mirum sit, ad mille aut duo millia earum, oculis notari posse; Telescopiis vero adhibitis, etiam vigecuplo plures deprehendi. Sed suberat ratio, cur Keplerus Solem prae reliquis stellis praecipuum quid habere cuperet; circumque eum esse unicum, in Natura, Planetarum systema, idque mundi medio situm. Hisce nimirum opus habebat ad confirmandum mysterium Cosmographicum suum, quo certis quibusdam proportionibus respondere volebat Planetarum à Sole distantias diametris sphaerarum, quae corporibus polyedris Euclideis inscribuntur & circunscribuntur singulis. Quod tum demum verisimile videri poterat, si in mundo universo unus tantum esset circa Solem aberrantium siderum chorus, adeoque & Sol ipse solus sui generis. Sed mysterium illud totum, si bene perpendatur, somnium quoddam ex Pythagorae aut Platonis Philosophia enatum esse apparet. Nec proportiones satis quadrant, ut ipse quoque auctor agnoscit; sed, cur hoc ita sit, | alias causas plane frivolas comminiscitur.Ga naar margenoot+ Idem levioribus etiam argumentis probat extremam mundi superficiem, stellas omnes continentem, sphaericae esse figurae; ac numerum praeterea earum necessariò esse finitum, ex eo quod singularum finita sit magnitudo. Illud vero vanissimum, quod à Sole, ad superficiem cavam sphaerae sixarum, definit spatium sexies centena millia | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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cune d'elles. Sa conclusion la plus extravagante c'est que la distance du Soleil à la surface concave de la sphère des fixes serait de six cent mille diamètres de la Terre: pour cette raison que le diamètre de l'Orbite de Saturne serait à celui de la surface intérieure de la sphère stellifère comme le diamètre du Soleil est à celui de la dite Orbite (c.à.d. suivant lui comme 1 est à 2000), ce qui ne s'appuie sur rien. Il est étonnant que de telles idées soient provenues de cet Homme si génial, qui fut le grand instaurateur de l'Astronomie. N'hésitons pas, nous, à admettre avec les principaux Philosophes de notre temps que la nature des étoiles et celle du Soleil est la même.Ga naar margenoot+ D'où résulte une conception du monde beaucoup plus grandiose que celle qui correspond aux vues antérieures plus ou moins traditionnelles. Car qu'est-ce qui empêche maintenant de penser que chacune de ces étoiles ou Soleils a des Planètes autour de lui tout comme le nôtre, et que ces Planètes à leur tour sont pourvues de Lunes? Voici une raison péremptoire pour croire qu'il en est ainsi: en nous plaçant en esprit dans les régions célestes à une distance non moins grande du Soleil que des étoiles fixes, nous n'apercevrions aucune différence entre ces dernières et lui. Car il est absolument impossible que nous pourrions voir les corps des Planètes circulant autour du Soleil, tant à cause de leur bien faible lucidité que par le fait que toutes leurs orbites sembleraient se confondre avec le Soleil en un même et unique point brillant. Placés au lieu indiqué nous estimerions à bon droit que la façon d'être et la nature de toutes les étoiles est la même, et nous n'hésiterions pas de conclure d'une seule regardée de plus près à toutes les autres. Mais maintenant nous sommes, par la grâce de Dieu, dans le voisinage d'une d'elles, savoir de notre Soleil; et la distance est si courte qu'autour de lui nous voyons tourner six globes plus petits et autour de quelques-uns d'entr'eux d'autres globes secondaires. Pourquoi ne ferions-nous pas usage, en cette circonstance, du jugement porté plus haut et n'estimerions-nous pas fort vraisemblable que cette étoile n'est pas seule accompagnée d'une pareille famille ni en général plus excellente que les autres? Que par exemple elle ne tourne pas seule autour de son axe, mais qu'il en est de même d'elles toutes? Poursuivant ce raisonnement il faudra admettre qu'aux innombrables Planètes appartenant à tant de milliers de Soleils revient aussi tout ce que nous avons dit, à l'image de notre Terre, se trouver généralement sur les Planètes circulant autour du nôtre. Là aussi il y aura des plantes et des animaux, parmi lesquels des êtres raisonnables observant avec curiosité et admiration l'étendue céleste et ses astres et comprenant quels sont leurs mouvements, possédant donc aussi toutes les choses sans lesquelles nous avons fait voir plus haut qu'ils ne pourraient être astronomes. Combien admirable et étonnante est donc l'amplitude et la magnificence du monde tel que nous devons le concevoir. Tant de Soleils, tant de Terres, et chacune d'elles parée de tant d'arbustes, d'arbres, d'animaux, ornée de tant de mers et de tant de montagnes. Notre admiration sera plus grande encore si nous nous souvenons de ce qui aux dites considérations a été ajouté plus haut sur la distance des fixes et sur leur multitude. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Terrae diametrorum. Quoniam scilicet, sicut Solis diameter ad diametrum Orbitae Saturni; quos inter se esse statuit ut 1 ad 2000; ita sit hic diameter ad illum sphaerae fixarum interioris; quod nulla ratione nititur. Atque haec quidem Viro summi ingenii, magnoque Astronomiae instauratori excidisse mirum est. Nos vero unà cum praecipuisGa naar margenoot+ nostrae aetatis Philosophis, ne dubitemus eandem stellarum earum & Solis naturam existimare. Ex quo jam mundi idea multo major nascitur, quam quae ex hactenus traditis percipiebatur. Quid enim nunc prohibet, quin unamquamque ex stellis hisce, sive Solibus, haud aliter ac Sol noster, circum se Planetas habere putemus, quae rursus suis Lunis stipatae sint? Imo hoc ita se habere, manifesta ecce ratio suadet. | EtenimGa naar margenoot+ si cogitatione in coeli regionibus nos ponamus, non minus à Sole, quàm fixis stellis, remotos; nihil quicquam discriminis hasce inter atque illum tunc essemus animadversuri. Longè enim abest ut corpora Planetarum, Solem ambientium, conspecturi simus, vel ob tenuissimam eorum lucem, vel quod universae, quibus feruntur, orbitae in unum idemque lucidum punctum cum Sole confunderentur. Hic igitur positi, meritò eandem omnium stellarum rationem naturamque esse existimaremus; & ex una, propius inspecta, de caeteris quoque judicari posse nihil ambigeremus. At nunc Dei benignitate, ad unam ex ipsis, Solem videlicet nostrum, admoti sumus, ac tam prope accessimus, ut circum eam sex minores globos converti cernamus; & circa horum quosdam, alios obire secundarios. Cur itaque non eo judicio nunc utamur; ac prorsus verisimile putemus non solam hanc stellam tali comitatu cingi, aut aliqua in re caeteris praeminere? Neque etiam solam circum axem suum converti; sed potius caeteras omnes eadem haec similia habere? Ergo hac ratione etiam cuncta illa quae in Planetis circumsolaribus inesse, | ad Terrae nostrae similitudinem disseruimus, consentaneum erit, ut ad innumerosGa naar margenoot+ Planetas alios, tot mille Solibus additos, aequè pertinere credamus. Eruntque & illic stirpes & animalia, atque etiam ratione instructa, quae coeli convexa mirentur, & sidera observent, motusque eorum intelligant; arque omnia denique habeant, sine quibus neque haec haberi posse supra ostendimus. Quam mirabilis igitur quamque stupenda mundi amplitudo & magnificentia jam mente concipienda est. Tot Soles, tot Terrae, atque harum unaquaeque tot herbis, arboribus, animalibus, tot maribus, montibusque exornata. Et erit etiam unde augeatur admiratio, si quis ea, quae de fixarum stellarum distantia & multitudine hisce addimus, perpenderit. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Telle est en effet cette distance qu'en comparaison avec elle celle qui sépare le Soleil de la Terre, laquelle contient douze mille diamètres terrestres, doit être estimée fort petite. C'est ce qui appert par plus d'une raison. Entre autres par la suivante. Lorsqu'on détermine le lieu de deux étoiles fort voisines l'une de l'autre et différant beaucoup en clarté, par exemple de celles situées au milieu de la double queue du grand Ourse, aucun changement de leur intervalle apparent ne peut être remarqué à quelqu'époque de l'année qu'on les observe, quoiqu'un tel changement résulte nécessairement du changement du point de vue du spectateur parcourant l'Orbe annuel: celui-ci doit produire une certaine parallaxe si, comme on doit bien le croire, l'étoile la plus lumineuse est plus proche que l'autre. Mais ceux qui, avant nous, ont taché de mesurer ainsi cette immense distance n'ont pu conclure rien de certain à cause de la trop grande subtilité, dépassant toute diligence possible, des mesures nécessaires. Il m'a donc semblé, à moi, qu'il ne restait qu'une seule voie pour arriver du moins à un résultat vraisemblable dans une matière si ardue. Voici l'explication de ma méthode. Attendu que les étoiles, comme nous l'avons déjà dit, sont autant de Soleils, si nous considérons quelqu'une d'entre elles comme égale au nôtre, sa distance à notre Soleil sera d'autant plus grande que son diamètre apparent sera inférieur au sien. Mais les étoiles paraissent si petites, même celles de laGa naar margenoot+ première grandeur, et même vues par le Télescope, qu'elles ne se présentent que comme des points brillants sans largeur visible. D'où résulte que par de pareilles observations aucune mesure de leurs distances ne peut être obtenue. Vu que cette méthode ne pouvait avoir du succès, j'ai cherché un moyen de diminuer le diamètre du Soleil de telle manière qu'il n'envoyât à l'oeil pas plus de lumière que Sirius ou quelqu'autre des étoiles les plus lumineuses. À cet effet j'ai fermé de nouveau, comme plus haut, l'une des deux ouvertures d'un tuyau vide long de douze pieds par une mince plaque au milieu de laquelle j'ai fait un trou si petit que son diamètre ne surpassait pas la douzième partie d'une Ligne, autrement dit la cent quarante quatrième partie d'un pouce. J'ai tourné ce côté-là du tuyau vers le Soleil en approchant l'oeil de l'autre; j'apercevais ainsi une particule du Soleil dont le diamètre était au sien comme 1 est à 182. Mais je trouvai cette particule beaucoup plus brillante que Sirius tel que cet astre nous apparaît la nuit. Ayant donc constaté que le diamètre du Soleil doit être diminué beaucoup davantage, j'obtins cette diminution en introduisant dans un trou de la plaque un très petit globule de verre du même diamètre qu'avait auparavant le premier trou, globule dont je m'étais ci-devant servi pour mes microscopes. Lorsque je regardai ainsi le Soleil, la tête enveloppée de toutes parts pour que la lumière du jour ne troublât pas l'observation, sa clarté ne me parut pas inférieure à celle de Sirius. Or, faisant un calcul d'après les lois de la Dioptrique, je trouvai que le diamètre du Soleil était devenu 1/152 de cette particule 1/182 que j'avais vue la première fois par mon petit trou. Le produit de 1/152 et 1/182 est 1/27664. Lors donc que le diamètre du Soleil est réduit à ce point, ou bien qu'il est éloigné à une si grande distance, que ce diamètre n'est plus que le 1/27664 de celui que nous apercevons au firmament (car | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Tantam igitur esse distantiam hanc, ut quae Solem Terramque interjacet, Terraeque diametrorum duodecim millia continet, ei comparata, exilis plane habenda sit, non una ratione constat: atque hac inter caeteras, quod si proximae quaedam inter se stellae notentur, quae claritate plurimum differunt; velut in media caudae, (quae duplex est) Ur|sae majoris; nulla apparentis intervalli earum mutatio animadvertitur,Ga naar margenoot+ quocunque anni tempore spectatarum; quod tamen fieri necesse esset, propter diversas visus positiones per annui Orbis ambitum, orireturque parallaxis aliqua si, ut consentaneum est, propior sit stella quae lucidior apparet. Qui autem ante nos definiendi tam vasti spatii rationem inierunt, nihil certi comprehendere potuerunt, propter nimiani observationum necessariarum subtilitatem, quaeque omnem diligentiam superet. Itaque mihi unica haec via superesse visa est, quam nunc insistam, qua saltem verisimile quid in re tam exploratu ardua consequamur. Cum ergo stellae ut jam diximus, totidem sint Soles; si earum aliquam Soli aequalem esse sumamus, erit illius tanto major quam Solis distantia, quanto apparens diameter diametro Solis minor erit. Sed tam exiguaeGa naar margenoot+ apparent stellae, etiam quae primae sunt magnitudinis, atque etiam Telescopio spectatae, ut veluti puncta lucentia sine visibili latitudine refulgeant. Quo fit ut ejusmodi observationibus nulla earum mensura deprehendi possit. Cum itaque hac non succederet, tentavi qua ratione Solis diame|trum ita imminuere possem ut non majorem lucemGa naar margenoot+ quam Sirius, aut aliud è clarioribus sideribus, ad oculum mitteret. Ergo occlusi rursus, ut supra, tubi duodecimpedalis vacui aperturam alteram lamella tenuissima, cujus medio tam exiguum effeci foramen, ut Lineae partem duodecimam non superaret, sive pollicis centesimam quadragesimam quartam. Hunc tubum ea parte ad Solem obverti; altera oculo admovi; qui tunc particulam Solis cernebat, cujus diameter, ad totius diametrum, erat ut 1 ad 182. Sed eam particulam multo clariorem comperiebam, quàm noctu Sirius apparet. Itaque cum longè magis arctandum Solis diametrum viderem, id ita effeci, ut, in perforata ejusmodi lamina, vitreum globulum objicerem minutissimum, pari circiter diametro ac prius illud foramen habebat; quo globulo ad microscopia antehac usus fueram. Ita per tubum in Solem intuenti, contecto undique capite, ne quid diei lux turbaret, non minor ejus claritas quam Sirii videbatur. Atqui, ex Dioptrices legibus instituto calculo, fiebat jam Solis diameter 1/152 ejus particulae centesimae octogesimae secundae, quam, per foramen exiguum, prius | conspexeram.Ga naar margenoot+ Ductis autem in se 1/152 & 1/182, fit 1/27664. Ergo eousque contracto Sole, vel eousque remoto, (erit enim effectus idem) ut diameter ejus sit 1/27664 ejus, quem in coelo in- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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l'effet sera identiquement le même), il lui reste une lumière non inférieure à celle de Sirius. Le rapport de la distance du Soleil ainsi éloigné en esprit à celle qu'il a maintenant sera nécessairement de 27664 à 1, et son diamètre surpassera 4′″ de bien peu. Par conséquent, si nous supposons Sirius son égal, il s'ensuit que le diamètre de Sirius est du même nombre de tierces et que le rapport de sa distance à celle qui nous sépare actuellement du Soleil est encore une fois de 27664 à 1. Combien cette distance est incroyablement grande, c'est ce qui nous apparaîtra en faisant usage de la représentation qui nous a déjà servi dans le cas de celle de notre Terre au Soleil: tandis que, pour parcourir cette dernière, un boulet avait besoin de 25 ans, en se mouvant continuellement avec sa vitesse initiale, il faudra maintenant multiplier par 27664 ce nombre 25 ce qui donne 691600, de sorte qu'il faudra près de sept cent mille ans au boulet, pourtant si rapide, pour atteindre les étoiles fixes les plus rapprochées. Or, lorsque par une nuit sereine nous tournons les yeux vers les étoiles et que nous nous en tenons à ce que ces organes nous dictent, nous nous figurons qu'elles ne sont que de quelques milles au-dessus de notre tête. Ce n'est encore que sur les plus proches que j'ai institué cet examen. Et même si nous admettons, conformément à ce qui a été dit, que d'autres, situées dans les parties ultérieures du ciel, sont si éloignées que leurs distances des plus proches sont égales à celles de ces dernières au Soleil, combien grande sera encore l'immensité du reste! À l'oeil nu on voit plus de mille étoiles, avec les télescopes dix ou vingt fois davantage; mais comment pourra-t-on connaître ou définir la multitude des étoiles ultérieures qu'on ne peut pas atteindre même en se servant du dit auxiliaire? Et quel nombre doit être appelé trop grand, eu égard à la puissance de Dieu? Songeant souvent à ce sujet, il m'a semblé que nos calculs ne s'occupent encore que des premiers commencements des nombres, vu que dans leur série infinie il s'en trouve qui, dans notre système décimal, ne s'écrivent pas seulement par vingt ou trente, ni même par cent ou mille chiffres, mais qui consistent en autant d'eux que serait le nombre de grains de sable que peut contenir tout le volume de la Terre. Qui oserait dire que la multitude des étoiles inerrantes n'est pas supérieure à un tel nombre? En vérité, on est allé beaucoup plus loin en disant que ce nombre est infiniment grand, comme l'ont fait quelques Anciens, et aussi Giordano Bruno qui pense avoir établi cette infinité par plusieurs arguments, lesquels, à mon avis, sont cependant peu solides. Je suis pourtant d'avis que le contraire ne peut pas non plus être démontré par des raisons évidentes. Ce qui est certain, c'est que l'espace de la nature universelle est de tous les côtés infiniment étendu. Mais rien n'empêche de se figurer qu'en dehors d'une région déterminée parsemée d'étoiles Dieu ait créé d'innombrables choses d'une nature différente, également éloignées de nos pensées et du lieu de nos demeures. Que s'il n'a pas créé un nombre infini d'étoiles mais a laissé en-dehors d'elles un espace vide infini, de sorte que ce tout dont il a voulu l'existence ne soit pour ainsi dire rien en comparaison de ce que son omnipotence eût pu produire? Je n'ai garde de poursuivre cette inquisition et l'étude si difficile de l'infini, pour qu'un nouveau | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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tuemur, superest illi lux quae Sirii luci non cedat. Solis vero eousque remoti distantia erit necessario, ad eam quam nunc habet, ut 27664 ad 1: & diameter paulum excedet 4 scr. tertia. Itaque cum aequalis ei Sirius ponatur, sequitur Sirii quoque diametrum totidem esse ejusmodi scrupulorum; distantiamque itidem, ad eam qua à Sole absumus, ut 27664 ad 1. Quod quàm incredibile sit intervallum, apparebit eadem ratione, quam in aestimanda Solis distantia adhibuimus. Nam si 25. annis opus habebat tormenti bellici globus, continua velocitate, quanta exploditur, incedens, ut à Terra ad Solem perveniret; jam numerus 27664 vicies quinquies ducendus est, atque ita fiunt 691600, adeo ut penè septingenta annorum millia insumpturus sit globus, in tanta celeritate sua, priusquam ad proximas stellarum inerrantium perveniat. Atque ad has stellas serena nocte oculos circumferentes, quantum horum judicio comprehendere possumus, vix aliquot milliaribus supra verticem | eas exstare putamus. Quaesivi vero de proximisGa naar margenoot+ tantum. Caeterae enim cum, ut jam diximus, iis spatiis in ulteriora coeli recedant, ut non minora sint deinceps à propioribus ad sequentes, quàm à Sole ad istas, quanta immensitas superest! Si enim plures quàm mille, nudo visu notantur; telescopiis verò decuplo aut vigecuplo amplius; quomodo sciri potest aut definiri, quanta sit multitudo ulteriorum, quas neque hoc auxilio attingere licet: aut quis numerus nimis magnus dicendus est, si ad Dei potentiam spectemus? Etenim, saepe haec cogitanti mihi, in mentem venit, tantùm in primis numerorum exordiis calculos omnes nostros versari. Esse enim in serie eorum infinita, qui non tantùm viginti aut triginta, aut centum, aut mille notis scribantur in progressione nostra denaria; sed qui tot characteribus constent, quot arenae grana in tota Telluris mole continerentur. Quis verò dicere audeat tali numero non majorem esse multitudinem stellarum inerrantium? Nam longè ulterius progressi sunt, qui infinitam esse dixerunt; ut Veterum aliqui, atque etiam Jordanus Brunus; qui pluribus argumentis hoc se evicisse putat, sed, ut mihi videtur, pa|rum firmis. Nec tamen contrarium quoque perspicuis rationibus probari posse existimo.Ga naar margenoot+ Illud constat, spatium naturae universae infinitè undique protendi; at nihil obstat, quin, ultra definitam stellarum regionem, res alias innumeras Deus effecerit, à cogitationibus nostris, aeque, ac sedibus, remotas. Quid si verò nec innumeras quidem condidit, sed ultra eas vacuum reliquit infinitum; ut totum illud, quod exstare voluit, veluti nihil sit prae iis quae producere ejus omnipotentia potuisset? Sed ulteriorem horum inquisitionem, totamque illam de infinito difficillimam disputationem persequi omitto, ne ad tot maximarum rerum com- | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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labeur ne vienne s'ajouter à celui qui nous a conduits à la compréhension de tant de choses fort importantes. Je n'ajouterai encore que ce qui suit pour qu'on voie quelle est notre opinion sur l'espace total du monde, pour autant qu'il est parsemé de Soleils ou étoiles fixes, autour de chacun desquels nous avons fait voir plus haut que sont probablement groupés des systèmes planétaires. Ga naar margenoot+ J'estime donc que chaque Soleil est entouré d'un certain tourbillon de matière en mouvement rapide, mais que ces tourbillons sont beaucoup différents des tourbillons cartésiens, tant par rapport à l'espace qu'ils occupent que par le mode du mouvement de leur matière. En effet, chez Descartes l'amplitude des tourbillons est si grande que chacun d'eux touche les autres tourbillons avoisinants, rencontrant chacun d'eux suivant une surface plane, comme il en est lorsque les enfants soufflent des grappes de bulles d'eau de savon. Il veut en outre que toute la matière de chaque tourbillon se meuve, en tournant, en un seul sens. Il faudrait pourtant admettre que ce mouvement n'est pas médiocrement gêné par la surface anguleuse des tourbillons. En second lieu, comme ce mouvement est tel que toute la matière circule pour ainsi dire autour de l'axe d'un cylindre, il se présente après coup pour lui une bien grande difficulté lorsqu'il essaie d'en déduire la forme du Soleil; vain essai, basé sur des raisons qui peuvent paraître à ceux qui lisent avec inadvertance avoir quelque solidité tandis qu'en réalité elles n'expliquent rien. Il veut en outre que les Planètes nagent dans cette matière éthérée et soient emportées par elle de manière à circuler autour du Soleil, de telle façon qu'elles soient retenues dans leurs orbites par le fait qu'elles n'ont pas plus de tendance à s'éloigner du centre du mouvement que la matière du tourbillon. Mais il y a ici plusieurs objections Astronomiques à faire dont nous en avons touchées quelques-unes dans notre discours des causes de la pesanteur; dans lequel nous avons aussi exposé un autre moyen capable de retenir les Planètes dans les limites de leurs orbes. C'est la gravité ou pesanteur vers le Soleil; dont nous avons fait voir l'origine et à propos de laquelle je m'étonne d'autant plus que Descartes n'y ait pas pensé que ce fut lui le premier qui avait commencé à donner une meilleure théorie que les auteurs précédents de la pesanteur qui porte les corps vers la Terre. Dans son livre déjà mentionné plus haut sur la Face dans l'orbe de la Lune Plutarque rapporte qu'anciennement il y eut déjà quelqu'un qui pensait que la Lune demeure dans son Orbite pour la raison que sa force à s'éloigner de la Terre provenant du mouvement circulaire est compensée par une égale force de la pesanteur par laquelle elle tend à s'en approcher. C'est la même chose que de notre temps a soutenu Alphonse Borelli, non pas seulement à propos de la Lune mais aussi des autres Planètes; disant que pourles Primaires la pesanteur est dirigée vers le Soleil, mais pour les Lunes vers la Terre ou vers Jupiter ou Saturne qu'elles accompagnent. Récemment Isaac Newton a expliqué la même chose avec beaucoup plus de diligence et de finesse, faisant voir aussi comment des causes nommées proviennent les orbites Elliptiques des Planètes que Kepler avait conçues en plaçant le Soleil dans un de leurs foyers. Or, il faut, suivant notre sentiment sur la nature de la gravité par laquelle les Planètes tendent vers le Soleil par | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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prehensionem, qua jam defuncti sumus, novus labor accedat. Ea tantùm hic subjungam, ex quibus, quaenam sit nostra de toto mundi spatio opinio, cognoscatur; quatenusGa naar margenoot+ nempe Solibus seu stellis inerrantibus patet, quibus sua circumponi planetaria systemata, probabile esse antea ostendimus. Existimo itaque unumquemque Solem circumdari vortice quodam materiae celeriter motae, sed qui multum dissimiles sint Cartesianis illis, tum spatii ratione, tum motus ge|nere, quo in illis materia agitetur. Ea enim apud Cartesium est vorticum amplitudo,Ga naar margenoot+ ut quisque eorum alios se circumsistentes contingat, occurrens singulis plana superficie, veluti cum in aqua sapone imbuta bullarum cumulos pueri inflant: moveri vero universam cujusque materiam statuit, in partem eandem rotando. At hunc motum non parum impediri oporteret, propter angulosam vorticum superficiem. Deinde cum sit ejusmodi, ut, velut circa axem cylindri, materia tota feratur, exoritur ei postea non exigua difficultas, cum globosam Solis formam ex hoc motu deducere conatur: frustra prorsus, atque iis rationibus, quae incautis aliquid esse videantur, cum reipsa nihil explicent. Vult praeterea innatare, ac circunferri cum hac materia aetherea, Planetas; atque ea ratione videlicet in suis orbibus eas retineri, quòd non majore vi, quàm ipsamet, à centro motus recedere conentur. Sed hic ex Astronomicis complura objiciuntur, de quibus aliqua attigimus in diatriba de caussis gravitatis. Ubi & aliam rationem exposuimus, quae Planetas intra orbium suorum limites contineret. Ea est gravitas eorum Solem versus; quae unde exoria|tur ostendimus, quamque eo magisGa naar margenoot+ miror Cartesium praeteriisse, quod de gravitate, qua corpora in Terram feruntur, primus solito meliora adferre coepisset. Refert Plutarchus in libro supra memorato de Facie in orbe Lunae, fuisse jam olim qui putaret ideo manere Lunam in Orbe suo, quod vis recedendi à Terra, ob motum circularem, inhiberetur pari vi gravitatis, qua ad Terram accedere conaretur. Idemque aevo nostro, non de Luna tantum, sed & Planetis caeteris statuit Alphonsus Borellus; ut nempe Primariis eorum gravitas esset Solem versus; Lunis vero ad Terram, Jovem, ac Saturnum, quos comitantur. Multoque diligentius subtiliusque idem nuper explicuit Isacus Neutonus, & quomodo ex his causis nascantur Planetarum orbes Elliptici, quos Keplerus excogita verat; in quorum foco | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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leur propre poids, que le tourbillon de la matière céleste ne tourne pas autour de lui en entier en un seul sens, mais de telle façon qu'il se meuve de divers mouvements, fort rapides, dans tous les sens de rotation possibles à ses diverses parties, sans pourtant pouvoir se dissoudre à cause de l'éther environnant non agité par un mouvement de telle sorte ou de pareille rapidité. C'est par un tourbillon de ce genre que nous avons essayé dans le discours nommé d'expliquer la pesanteur des corps vers la Terre et tous ses effets. Or, la nature de la pesanteur des Planètes vers le Soleil est à mon avis la même. Et de ceci suit aussi la sphéricité tant de notre Terre que des autres Planètes ainsi que celle du Soleil, laquelle dans le système de Descartes présente une si grande difficulté. Comme je l'ai dit, je fais les espaces occupés par ces tourbillons beaucoup plus restreints que lui. Dans la vaste profondeur du ciel je les suppose disséminés comme le sont de petits tourbillons dans l'eau, apparaissant ça et là dans un lac ou marais étendu, nés par exemple de l'agitation d'un bâton dans l'eau et fort éloignés les uns des autres. De même que les mouvements de ces petits tourbillons n'ont aucune influence les uns sur les autres et ne se gênent donc pas, ainsi aussi en est-il, pensé-je, des mouvements tourbillonnaires célestes qui existent autour des astres ou Soleils. Ces tourbillons ne peuvent donc pas se détruire ou s'absorber les uns les autres, suivant la fiction de Descartes, lorsqu'il voulait montrer comment quelqu'étoile ou Soleil est changé en Planète. Il est évident qu'en écrivant ainsi il ne tenait pas compte de l'immense distance des étoiles les unes des autres; cela ressort déjà de ce seul fait qu'il veut qu'une Comète devienne visible pour nous aussitôt qu'elle est descendue dans notre tourbillon dont le Soleil occupe le centre, ce qui est fort absurde. Car comment un astre de ce genre qui ne fait que réfléchir la lumière du Soleil, comme il l'affirme avec la plupart des Philosophes, pourrait-il être aperçu à une si grande distance qui comprend au moins dix mille fois celle de la Terre au Soleil? Il ne pouvait en effet ignorer qu'à l'entour du Soleil s'étend un espace fort vaste, puisqu'il savait que dans le système de Copernic le grand orbe, c.à.d. l'orbite de la Terre, est comme un point en comparaison de cet espace-là. Mais toute cette théorie de l'origine des Comètes, et aussi de celle des Planètes, et du monde, est bâtie sur des fondements si peu solides que je me suis souvent demandé avec étonnement comment il a pu se donner tant de peine pour composer des fictions de cette espèce. Il me semble à moi que nous serons fort avancés lorsque nous aurons compris comment sont les choses qui existent dans la nature; de quoi nous sommes aujourd'hui encore bien éloignés. Mais comment elles ont été faites et ont commencé à être ce qu'elles sont maintenant, c'est ce qu'à mon avis l'esprit humain ne saurait deviner ni atteindre par des conjectures quelconques.
FIN. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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altero Sol ponitur. Oportet autem, secundum nostram de natura gravium sententiam, quò Planetae ad Solem suo pondere inclinent, vorticem turbinemve materia coelestis circa eum converti non totum in easdem partes, sed ita ut variis motibus, iisque celerrimis in omne latus secundum diversas sui portiones rapiatur, nec tamen dilabi | possit,Ga naar margenoot+ propter circunstantem aetherem, qui non tali nec tam celeri motu agitetur. Hujusmodi vortice gravitatem corporum in Terram, ejusque effectus omnes explicare conati sumus, in ea, cujus memini, diatriba. Eademque, ut puto, est ratio gravitatis Planetarum Solem versus; & ex his quoque tam Terrae nostrae, quàm caeterarum, atque etiam Solis, rotunditas consequitur; quae in Cartesiana hypothesi tantum habet incommodi. Porro & spatia horum vorticum, ut dixi, multo quam ille contractiora pono. Sic enim fere eos statuo in vasta coeli profunditate dispersos, quemadmodum turbines aquae exiguos, hinc inde in spatioso lacu stagnove, baculi agitatione, excitatos, ac magnis intervallis totisque stadiis distantes. Et sicuti horum motus nequaquam ab unis ad alios perveniunt, nec proinde sese mutuo impediunt; ita quoque coelestium vorticum motus, circum astra aut Soles, se habere existimo. Itaque neque alii alios destruere possunt aut absorbere, quemadmodum finxit Cartesius, cum ostendere vellet quomodo stella aut Sol aliquis vertatur in Planetam. ApparetGa naar margenoot+ autem, cum haec scriberet, non attendisse eum ad immensam stellarum inter se distantiam; idque vel ex hoc uno, quod, cum primum Cometes aliquis intra vorticem nostrum, cujus centrum Sol occupat, descendit; vult eum nobis visibilem fieri, quod est absurdissimum. Quomodo enim, sidus ejusmodi, quod ex Solis lumine repercusso tantummodo splendet; ut cum plerisque Philosophis ipse statuit; quomodo, inquam, posset conspici à tanto intervallo, quod saltem decies millies contineret illud quod à Terra ad Solem est. Non enim ignorare poterat vastissimum, circa Solem undique extensum, spatium; cum sciret in Copernici systemate orbem magnum, hoc est, orbitam Terrae, velut punctum esse cum illo comparatum. Sed tota haec de Cometarum, atque etiam de Planetarum, & mundi origine, commentatio apud Cartesium tam levibus rationibus contexta est, ut saepe mirer tantum operae in talibus concinnandis figmentis eum impendere potuisse. Mihi magnum quid consecuti videbimur, si quemadmodum sese habeant res, quae | in natura exstant, intellexerimus; à quo longissime etiam nuncGa naar margenoot+ absumus. Quomodo autem quaeque effectae fuerint, quodque sunt, esse coeperint, id nequaquam humano ingenio excogitari, aut conjecturis attingi posse, existimo.
FINIS. |
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