Oeuvres complètes. Tome XXI. Cosmologie
(1944)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Appendice
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§ 2.Qu'il appartient a la grandeur de Dieu d'avoir fait des choses infiniment grandes. qu'il ne faut pas croire que nous puissions concevoir quelque chose de plus grand que ce que Dieu a fait. ou que nos pensees aillent au dela des effects de la providence. ni au dela du temps qu'elle a commencè d'agir. Voyez sur le sens probable du mot ‘commencer’ la note 10 de la p. 514 qui précède. | |
§ 3.Tout ce qui est d'une façon ayant pu estre autrement semble avoir eu une cause qui l'a fait estre tel: donc il a estè fait: donc il n'est pas de toute eternitèGa naar voetnoot3). Quelque chose, quelque mouvement de la matiere, a arrondi la terre, l'a fait de telle grandeur, mouvant en tant de temps au tour du soleil a telle distance. | |
§ 4.Rerum coelestium ordo aut amplitudo prouve bien moins la divinitè que la structure de l'homme, ou seulement celle de la vue et de l'oeil, ou d'une aisie (leçon alternative: du vol) d'oiseauGa naar voetnoot4). Il faut qu'il y ait une infinie varietè dans les creatures. partant il ne faut pas qu'elles soient egalement excellentes ni infiniment parfaites. | |
§ 5.Les choses qui ont estè de toute eternitè sont telles qu'elles ne scauroient estre conçües autres qu'elles ne sont. Comme l'etendue infinie de tous costez. Car l'on ne peut concevoir qu'elle soit bornee. De mesme le temps, l'on ne le peut concevoir qu'infini en avant et en arriere. L'on peut concevoir aneanti tout ce qui mesure le | |
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temps, c'est a dire tous les corps et tout le mouvement, mais nous ne pouvons nous imaginer l'aneantissement du tempsGa naar voetnoot5). | |
§ 6.Beaucoup de philosophes soustienent que Dieu auroit pu creer le monde de toute eternitè. Je conçois qu'ayant estè createur ab aeterno il peut avoir fait des terres et des soleils ou d'autre[s] chose[s] a nous inconnues de toute eternitè, mais non pas que cette terre ou terres et soleils qui sont maintenant aient estè eternellement, par la raison alleguee cy dessus que tout ce qui est et auroit pu estre autrement, a eu une cause qui l'ait fait tel qu'il est, et que par consequent, il y a eu un temps qu'il n'estoit pas tel, et ainsi point ab aeterno. Par quelque revolution de matiere toutes les estoiles ou planetes que nous voions et un grand nombre d'autres par de là peuvent avoir estè produites a la fois. Et qu'est ce là a l'egard de l'estendue infinie. | |
§ 7.Des choses qui ne se peuvent comprendre par la raison humaine. Voions comment quelques unsGa naar voetnoot6) pretendent de prouver l'existence de Dieu. Ils commencent par la connoissance et certitude qu'ils ont de l'existence d'euxmesmes, c'est a dire de ce qui pense en eux. Accordons leur cette existence. Ils disent qu'ils ont dans leur pensee plusieurs idees de choses et entre autres l'idée d'un Estre Eternel tout puissant tout scachant, infiniment intelligent, enfin tout parfait (en marge: summè intelligentis, summè potentis, et summè perfecti). Et parce que dans cette idee l'Estre ou l'existence est comprise ils en concluent que cet Estre existe necessairement. Examinons ce raisonnement. Quand on dit qu'on a l'idee d'un Estre Eternel, c'est la mesme chose que de dire qu'on concoit qu'il y a eu quelque chose de toute eternitè. Nous ne sommes encore guere avancez par la dans la connoissance de quelque chose. L'idee d'un estre eternel quand bien elle feroit conclure qu'il y a un tel estre, ne force pas de conclure que dans cet estre il y ait ces autres attributs, mais seulement qu'il existe. Qu'est ce que d'estre summe perfectum. Vult nempe perfectionis nomine omnia ista contineri, summe intelligens summe potens, aeternus, omnisciens, omnis veritatis ac boni fons, rerum omnium creatorGa naar voetnoot7) (pag. 5 et 9). Nous | |
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n'avions encore rien connu si non que nous estions quelque chose, puisque nous pensions. Maintenant il faut supposer que nous connoissions nostre intelligence et que dans cette intelligence il peut y avoir divers degrez de perfection. Mais immediatement auparavant (p. 5) il avoit dit que nous connoissions que nous n'avions aucune certaine science, devant que d'avoir reconnu l'autheur de nostre estre que nous sommes apres a chercherGa naar voetnoot8). Nous sommes donc encore bien loin d'avoir l'idee de la parsaite intelligence. Voions aussi qu'est ce que nous pouvions entendre par summe potens. C'est de pouvoir faire et effectuer tout ce qu'on veut. Nous reconnoissions en nous un vouloir, et de la nous l'attribuons aussi à Dieu. Ainsi nous imaginons qu'il vient a Dieu la volontè de creer le monde, d'envoyer un deluge, de punir un mechant. ne considerant pas qu'il ne peut convenir a cet Estre eternel et tout parfait de commencer a former des resolutions, differees jusques la, sans cause, ou que des choses contingentes le poussent a vouloir. En fin l'on verra que cette idee de pouvoir ce qu'on veut aussi bien que de scavoir tout ne mettent rien en Dieu qu'a l'imitation de ce que nous sentons en nous. Pour fons omnis veritatis ac bonitatis, c'est une idee fort obscure, et qui demande qu'on scache auparavant ce que c'est que veritè et bontè. Omnium rerum creator. qu'est ce qu'on entendra icy par creer, est-ce d'avoir produit tout ce qu'il y a, depuis 4 ou 5 mille ans, ou d'avoir fait des productions depuis toute eternitè, ce qui paroit une perfection plus grande que l'autre. De plus creer presuppose une volontè et une deliberation. le tout par rapport a ce que nous trouvons en nous. Les paiens et barbares attribuoient a Dieu un corps semblable au corps humain, les philosophes luy attribuent une ame semblable a l'ame humaine et des affections semblables aux nostres, seulement differentes en perfection. Ils luy donnent une maniere de penser, de vouloir, d'entendre, d'aimer. Que pouvoient ils faire autre chose? Avouer qu'il surpasse de bien loin l'homme d'avoir une idée de DieuGa naar voetnoot9). | |
§ 8Ga naar voetnoot10).C'est une imperfection, dit des Cartes, d'estre divisible; pour prouver que Dieu n'est point estendu. C'est une pauvre raison, car pourquoy est ce là une imperfection? | |
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Il est, dit il, de la nature de l'infini de ne pouvoir estre compris par nous qui sommes finis. Ce ne sont que des paroles. Qu'est ce a dire que nous sommes finis? car il ne parle encore que de nostre ame ou pensée. Cela ne peut rien signifier sinon que nostre ame ne comprend point l'infini, et que pour cela elle ne le comprend point. Cherchons a prouver qu'il y a un autheur summe intelligens, mais d'une intelligence tout a fait autre que la nostre non pas par ces idees, mais par la consideration des choses crees, ou il paroit tant de art et de prudence, sur tout en ce qui regarde les animaux. | |
§ 9.Des Cartes, p. 10Ga naar voetnoot11). Ayant dit que la grandeur de l'etendue est indefinie, parce que nous ne la pouvons imaginer si grande qu'elle ne le puisse estre encore d'avantage, il adjoute que nous devons supposer de mesme le nombre des estoiles estre indefini. Ce sont des choses bien differentes et il n'y a point de consequence. car l'extension (leçon alternative: l'estendue) se concoit clairement et necessairement estre infinie, et ainsi indefini en cela est de la mesme signification qu'infini. Mais il n'en est pas de mesme de la multitude des estoiles que l'on peut fort bien concevoir estre comprise dans certain nombre. Et partant elle peut estre finie, et son nombre indefini ne peut signifier icy que inconnu, si ce n'est qu'il veuille qu'en effect leur nombre soit infiniment grandGa naar voetnoot12). Il est vray que rien ne repugne que je scache que leur multitude ne soit infinie, par ce qu'on n'en scauroit poser un si grand nombre qu'on n'en puisse encore recevoir d'avantage dans l'estendue infinie, mais cecy ne prouve pas cette infinie multitude d'estoiles.
Le doute fait peine a l'esprit. c'est pourquoy tout le monde se range volontiers a l'opinion de ceux qui pretendent avoir trouvè la certitude. jusques la qu'ils aiment mieux les suivre en se laissant abuser. Il ne faut pas croire sans qu'on ait raison de croire; autrement que ne croit on les fables et les comptes des vieilles, et pourquoy les Turcs n'ont ils point raison de croire à l'Alcoran?Ga naar voetnoot13) | |
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§ 10.C'est une estrange chose que l'idee du plaisir, et du sentiment que nous en avons tant de celuy de l'esprit que de celuy du corps, qui revient aussi a l'esprit. La divinitè qui a fait ce don aux hommes et aux animaux, doit estre en possession d'un plaisir infiniment plus grand et a nous inconcevable. Il est vray que personne ne s'est encore avisè de mettre cela parmy les attributs de la divinitè, si ce n'est peut estre les Epicuriens, mais ils n'en parloient pas serieusementGa naar voetnoot14). | |
§ 11.Sans la memoire, il n'y a point de raisonnement mais du sentiment corporel fort bien. Supposè un oubli entier de tout le passè, et qui soit pour jamais, je ne vois pas que l'ame continue a exister. ni que ce qui luy arriveroit apres cela, me concerne moy qui suis a presentGa naar voetnoot15). C'est autre chose quand le souvenir doit revenir comme apres une defaillance ou un profond sommeil. C'est donc la mesme chose de s'imaginer que nous ne serons rien apres la mort, ou de se promettre des plaisirs eternels mais sans le souvenir de ce que nous aurions estè et de ce qui nous seroit arrivè dans cette vie. Donc sans ce souvenir il n'y peut avoir de beatitude pour nous, parce qu'alors ce n'est plus nous. Ni aussi par consequent de misereGa naar voetnoot15).
Si j'estois donc assurè que je serois rouè mais que je perdrois auparavant la memoire est ce que la douleur de ce supplice ne seroit rien a mon egard ni a compter pour un mal? Je croy que non, et que ce seroit la mesme chose comme si une autre ame devoit alors habiter mon corps. Opinion discutable. Le subconscient - terme dont on ne se servait pas encore aux jours de Huygens - ne fait-il pas partie intégrante de notre personnalité, de sorte que celle-ci peut subsister même dans le cas où la mémoire vient à faire entièrement défaut? Comparez sur ce sujet la citation du traité ‘De anima’ d'Aristote à la p. 563 qui suit. | |
§ 12.Nous n'avons pas la libertè de penser et de vouloir comme nous nous imaginons, mais toutes nos pensees sont enchainees et vont necessairement de l'une a l'autre quoy qu'il nous semble que nous en disposons absolument. Elles vont leur train sinon que des objects nouveaux les detournent et font prendre d'autres routesGa naar voetnoot16). |
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