Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Le magnétisme. | |||
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Avertissement.Le ‘Traité de l'Aimant’, tiré par nous du T. X des Registres datant de 1683, époque à laquelle Huygens avait quitté Paris depuis deux ans, est, d'après le T. IX, une copie de celui que Huygens lut à l'Académie en mai et juin 1680. Du Hamel, dans son ‘Academiae Historia’, ajoute que Huygens fit plusieurs expériences devant la CompagnieGa naar voetnoot1). Nous conservons l'orthographie de la copie, quoique convaincus que, comme partout ailleurs, Huygens ait écrit ‘aimant’ et non pas ‘aiman’. Le T. X n'a ‘aimant’ que dans le titre du Traité. Par contre, la ‘Derniere maniere pour expliquer les Effets de l'Aimant, pour Mr. du Hamel’, ne se trouve que dans la collection-Huygens de la Bibliothèque de l'Université de Leiden. Deux manuscrits différents portent ce titre, écrit, comme les manuscrits eux-memes, de la main de Huygens. Nous publions ici l'un d'eux qui semble complet; sur l'autre on peut consulter la note 1 de la p. 591 qui suit. | |||
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Nous possédons de plus, outre quelques pages des Manuscrits D et E traitant du magnétisme, un assez grand nombre de feuilles séparées sur le même sujet. Les Pièces I-XIII sont empruntées à ces deux sources, mais, vu les nombreuses répétitions, quoiqu'en termes différents, nous avons cru ne devoir reproduire que des extraits, en négligeant ce qui semblait peu important et en tâchant de choisir un ordre historiquement possible. Toutefois l'adage initial et la Pièce I ont été mis en avant sans que nous les jugions antérieurs à tout le reste, et l'Appendice final à la ‘Dernière manière’ n'a été placé en cet endroit que pour exprimer de nouveau en terminant l'idée de ‘la connexion’ hypothétique entre le magnétisme et la pesanteur dont il est aussi question dans la Pièce I. On pourrait dire que nous aurions mieux fait de publier d'abord les Pièces sur la pesanteur qu'on trouve vers la fin du présent Tome, vu que le débat sur la pesanteur eut lieu à l'Académie en 1669Ga naar voetnoot1). Nous conseillons en effet au lecteur soucieux de l'ordre historique en matiere de tourbillons de considérer ces pièces-là avant celles sur le magnétisme et l'électricité. Mais, comme nous l'avons fait entendre aussi à la p. 351, nous nous tenons ici à l'ordre de la subtilité: or, la matière magnétique de Huygens est plus fine que l'éther luminifère, mais celle qui cause la pesanteur la surpasse encore en ténuité.
Ce n'est pas dans un but pratique immédiat que Huygens a considéré le magnétisme. En mai 1691 dans une lettre à LeibnizGa naar voetnoot2) il parle brièvement (c'est le premier endroit que nous connaissions) de l'espoir, qu'il juge vain, ‘de parvenir par ce moien au secret des Longitudes’. A l'Académie, lorsque Huygens y était attaché, personne ne paraît s'être occupé de ce sujet. Il n'y a donc aucune raison pour nous de faire ici des remarques historiques à ce proposGa naar voetnoot3). En mars 1691 il avait écrit, également à LeibnizGa naar voetnoot4): ‘La declinaison de l'Eguille aimantée et encore plus sa variation, me paroissent irreduisibles à quelque regle certaine’. Les Pièces et Traités qui suivent | |||
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mentionnent évidemment la boussole, mais sans entrer dans aucun détail (si ce n'est dans la Pièce II), et ne suggèrent aucune autre application du magnétisme à quelque but utile.
D'après la Pièce I ‘l'aimant a pu donner la premiere pensee des pores invisibles des corps’. C'est une allusion évidente à la doctrine d'Empédocle. D'une part Aristote dans son Traité περὶ γενέσεως ϰαὶ ϕθορᾶς dit, en parlant des pores, οἱ μὲν οὖν ἐπί τινων οὕτω ᾽θεώρισαν ὥσπερ ϰαὶ ἘμπεδοϰλῆςGa naar voetnoot5); d'autre part Alexandre d'Aphrodisias écritGa naar voetnoot6):
Platon dans le dialogue Menon ajoute que suivant Empédocle les effluves (ἀπορροαί) sont parfois trop grossiers pour pouvoir entrer dans certains poresGa naar voetnoot7). C'est ce que Huygens dit aussi (Pièce X, no 10 et Pièce XIII) à propos des pores | |||
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du fer: la plupart de ces pores seraient trop étroits pour laisser entrer les particules de l'éther luminifère, mais d'autres plus larges admettraient même les particules de l'eau. D'ailleurs Huygens finit par dire (Pièce XIII) qu'il n'y a pas de pores proprement dits, mais seulement des interstices entre des particules non cohérentesGa naar voetnoot1). D'après la Pièce VI Descartes, pour expliquer l'attraction du fer ou d'un autre aimant, ‘a recours à la raison qu'en donne Lucrece’. En effet dans le liv. VI de son poème ‘De rerum natura’Ga naar voetnoot2), Lucrèce, imbu des doctrines d'Epicure, parle longuement du magnétisme, et enseigne que les effluves de l'aimant écartent l'air, d'où il suit que le fer s'approche de l'aimant par la pression atmosphérique. vs. 1005 et suiv.[regelnummer]
Principio fluere e lapide hoc permulta necessest
Semina, sive aestum, qui discutit aëra plagis,
Inter qui lapidem ferrumquest cumque locatus.
Hoc ubi inanitus spatium multusque vacefit
In medio locus, extemplo primordia ferri
In vacuum prolapsa cadunt....
vs. 1024 et suiv.[regelnummer]
Quod, simul a frontest anelli rarior aër
Factus, inanitusque locus magis ac vacuatus,
Continuo fit uti qui post est cumque locatus
Aër a tergo quasi provehat atque propellat.
Semper enim circumpositus res verberat aër.
Il mentionne aussi (vs. 1030) les ‘crebra foramina’ et dit que tout objet doit ‘in corpore habere aëra’. Suivant Huygens qui rejetait d'abord entièrement l'idée de l'expulsion, ce n'est pas l'air qui est expulsé par la matière magnétique: c'est une matière plus subtile qu'il identifie après quelques hésitations avec l'éther luminifèreGa naar voetnoot3). Et en même temps il se résout à identifier l'éther luminifère avec l' ‘air subtil’Ga naar voetnoot4). Ce qui fait approcher le fer de l'aimant c'est donc d'après la dernière théorie de Huygens la pression de l'éther, lequel est beaucoup plus dense auprès de la surface du globe terrestre que dans les régions interstellaires; ceci en vertu de sa pesanteur, c.à.d. de l'action exercée sur ses particules par celles des tourbillons de la matière | |||
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subtile gravifique (et dans un moindre degré aussi par le tourbillon terrestre de matière magnétique). N'y a-t-il pas lieu de rappeler ici la théorie quelque peu analogue suivant laquelle les actions chimiques sont dues à la pression de l'airGa naar voetnoot5)? Huygens ajoute que ‘la pesanteur n'agit pas a des grandes distances de la terre’, ce qui montre que la Pièce X est antérieure à 1687: c'est alors seulement qu'il comprit, avec Newton, que la lune, elle aussi, est soumise à la pesanteur. En disant (no 14 de la même Pièce) que ‘les corpuscules les plus solides et moins penetrez par la matiere subtile doivent estre le moins pesants, parce qu'elle n'agit que sur leur surfaces’ Huygens nous semble logique; du moins, ceci correspond à ce qu'il disait en 1668 et 1678 (p. 570) sur l'action analogue des tourbillons magnétiques; mais cette thèse ne s'accorde guère avec l'opinion, tirée des expériences, qu'il avait exprimée ailleursGa naar voetnoot6) sur la proportionalité du poids avec la quantité de matière qui se manifeste dans les collisions.
Nous ne croyons pas devoir nous étendre plus longtemps sur diverses particularités que le lecteur remarquera lui-même dans les Pièces qui suivent. Les hérissons des pores, ou des particules, - s'il existe des hérissons car Huygens dira parfois qu'il est inutile de les adopter - proviennent évidemment de Descartes, parlantGa naar voetnoot7) de ‘tenuissimas quasdam ramulorum extremitates in spiris .. meatuum inflexas versus eam partem, secundum quam progredi solent [particulae striatae], & ita in adversam partem assurgentes, ut ipsarum regressum impediant’. Il nous paraît aujourd'hui assez peu important que Descartes adopte deux courants de sens contraireGa naar voetnoot8), tandis que Huygens n'en admet qu'un, dont il ne prétend d'ailleurs pas connaître le sensGa naar voetnoot9). L'essentiel, c'est qu'il enseigne, lui aussi, une explication mécanique à l'aide de tourbillons matériels.
Les figures du copiste du Traité de l'Aimant peuvent ne pas être absolument conformes à celles de Huygens. On ne voit guère dans les Fig. 240 et 241 les ‘ouales plus estendues’ dont il est question dans le texte. |
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