Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendChap. IV. De la refraction de l'air.Ga naar margenoot+ Nous avons montré comment le mouvement, qui fait la lumiere, s'estend par des ondes spheriques dans une matiere homogene. Et il est évident que lorsque la matiere n'est pas homogene, mais de telle constitution que le mouvement s'y communique plus viste vers un costé que vers un autre, ces ondes ne sçauroient estre spheriques, mais qu'elles doivent prendre leur figure suivant les differens espaces que le mouvement successif parcourt en des temps egaux. C'est par là que nous expliquerons premierement les refractions qui se font dans l'air, qui s'estend d'icy aux nuës & au delà; desquelles refractions les effets sont fort remarquables; car c'est par elles que nous voyons souvent des objets que la rondeur de la Terre nous devroit autrement cacher; comme des Isles & des sommets de montagnes lorsqu'on est sur mer. Par elles aussi le Soleil & la Lune paroissent levez auparavant qu'ils le soient en effet, & couchez plus tard; de sorte qu'on a veu souvent la Lune eclipsée que le Soleil paroissoit encore dessus l'horizon. Et ainsi les hauteurs du Soleil & de la Lune, & celles de toutes les étoilles paroissent tousjours un peu plus grandes, par ces mesmes refractions, qu'elles ne sont dans la verité, comme sçavent les Astronomes. Mais il y a une experience qui rend cette refraction fort visible; qui est qu'en fixant une lunette d'approche en quelqu'endroit, en sorte qu'elle regarde un objet éloigné de demie lieuë ou plus, comme un clocher ou une maison, si on yGa naar margenoot+ regarde à des heures differen|tes du jour, la laissant tousjours attachée de mesme, l'on verra que ce ne seront pas les mesmes endroits de l'objet qui se presenteront au milieu de l'ouverture de la lunette, mais que d'ordinaire le matin & le soir, lorsqu'il y a plus de vapeurs prés de la Terre, ces objets semblent monter plus haut, en sorte | |
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que la moitié ou d'avantage n'en sera plus visible; & qu'ils baisseront vers le midy quand ces vapeurs seront dissipées. Ceux qui ne considerent la refraction que dans les surfaces qui distinguent des corps transparens de diverse nature, auroient peine à rendre raison de tout ce que je viens de raporter: mais suivant nostre Theorie la chose est fort aisée. L'on sçait que l'air qui nous environne, outre les particules qui luy sont propres, & qui nagent dans la matiere etherée, comme il a esté expliqué, se remplit encore de particules d'eau, que l'action de la chaleur eleve; & l'on a reconnu d'ailleurs par de tres certaines experiences, que la densité de l'air diminue à mesure qu'on y monte plus haut. Or soit que les particules de l'eau & celles de l'air participent, par le moyen des particules de la matiere etherée, du mouvemeut qui fait la lumiere, mais qu'elles soient d'un ressort moins prompt que celles-cy; ou que la rencontre, & l'embarras que ces parties d'air & d'eau donnent à la propagation du mouvement des particules etherées, en retarde le progrez; il s'ensuit que les unes & les autres, volant parmy les particules etherées, doivent rendre l'air, depuis une grande hauteur jusqu'a la Terre, par degrez, moins facile à l'extension des ondes de la lumiere. D'où la figure des ondes doit devenir telle environ que cette figure la represente. Sçavoir si A est une lumiere, ou une pointe visible d'un clocher, les ondes qui en naissent doi- | vent s'étendre plus amplement vers en haut, & moins vers en bas, maisGa naar margenoot+ vers les autres endroits plus ou moins selon qu'ils approchent de ces deux extremes. Ce qui estant, il s'ensuit necessairement que toute ligne, qui coupe une de ces ondes à angles droits, passe au dessus du point A, si ce n'est la seule qui est perpendiculaire à l'horizon [Fig. 187]. [Fig. 187.]Ga naar voetnoot1)
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Soit BC l'onde qui porte la lumiere au spectateur qui est en B, & que BD soit la droite qui coupe cette onde perpendiculairement. Or parce que le rayon ou la ligne droite, par laquelle nous jugeons l'endroit où l'objet nous paroit, n'est autre chose que la perpendiculaire à l'onde qui arrive à nostre oeil, comme l'on peut entendre par ce qui a esté dit cy dessus, il est manifeste que le point A s'appercevra comme estant dans la droite BD, & ainsi plus haut qu'il n'est en effet. [Fig. 188.]
[Fig. 189.]
Ga naar margenoot+ De mesme si la Terre est AB [Fig. 188], & l'extremité de l'Atmosphere | CD; qui vraisemblablement n'est pas une surface spherique bien terminéeGa naar voetnoot1), puisque nous sçavons que l'air se raresie à mesure qu'on y monte plus haut, parce qu'il en a d'autant moins au dessus de luy qui le presse; les ondes de la lumiere du soleil venant, par exemple, en sorte que, tant qu'elles n'ont pas atteint l'Atmosphere CD, la droite AE les coupe perpendiculairement: ces mesmes ondes, entrant dans l'Atmosphere, doivent avancer plus vite aux endroits elevez que dans ceux qui sont plus prés de la Terre. De sorte qui si CA est l'onde qui porte la lumiere au spectateur en A, son endroit C sera le plus avancé; & la droite AF, qui coupe cette onde à angles droits, & qui determine le lieu apparent du Soleil, passera au dessus du Soleil veritable, qui seroit vû par la ligne AE. Et ainsi il peut arriver que ne devant point estre visible sans vapeurs, parce que la ligne AE rencontre la rondeur de la Terre, il s'apercevra par la refraction dans la | |
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ligne AF. Mais cet angle EAF n'est jamais guere plus grand que d'un demi degré, parce que la tenuité des vapeurs n'altere que bien peu les ondes de la lumiere. De plus ces refractions ne sont pas tout à fait constantes en tout temps, | sur tout dans les petitesGa naar margenoot+ hauteurs de 2 ou 3 degrez; ce qui vient de la differente quantité de vapeurs aqueuses qui s'elevent de la Terre. Et cecy mesme est cause qu'en de certains temps un objet eloigné sera caché derriere un autre moins eloigné, & qu'il pourra estre vû dans un autre temps, quoique l'endroit d'où l'on regarde soit tousjours le mesme. Mais la raison de cet effet sera encore plus evidente par ce que nous allons remarquer touchant la courbure des rayons. Il paroit par les choses expliquées cy dessus que le progrez, ou la propagation, d'une particule d'une onde de lumiere, est proprement ce qu'on appele un rayon. Or ces rayons au lieu qu'ils sont droits dans des diaphanes homogenes, doivent estre courbes dans un air d'inegale penetrabilité. Car ils suivent necessairement la ligne qui, depuis l'objet jusqu'a l'oeil, coupe toutes les progressions des ondes à angles droits, ainsi que dans la premiere figure fait la ligne AEB, comme il sera montré cy aprés; & c'est cette ligne qui determine quels corps interposez nous doivent empescher de voir l'objet ou non. Car bien que la pointe du clocher A paroisse élevée en D, pourtant elle ne paroitroit pas à l'oeil B si la tour H estoit entre deux, parce qu'elle traverse la courbe AEB. Mais la tour E, qui est au dessous de cette courbe, n'empesche point la pointe A d'estre veüe. Or selon que l'air proche de la Terre excede en densité celuy qui est plus elevé, la courbure du rayon AEB devient plus grande; de sorte qu'en certains temps il passe au dessus du sommet E, ce qui fait apercevoir la pointe A à l'oeil en B; & en d'autres temps il est interrompu par la mesme tour E, ce qui cache A & ce mesme oeil. Mais pour demonstrer cette courbure des rayons conformement à toute nostre precedente Theorie, imaginons nous que AB soit une parcelle d'onde de lumiere venant du costé C, la quelle nous pouvons considerer comme une ligne droite. Posons| aussi qu'elle soit perpendiculaire à l'Horizon; l'endroit B estant plus proche de laGa naar margenoot+ Terre que l'endroit A [Fig. 189]; & qu' à cause des vapeurs moins embarassantes en A qu'en B, l'onde particuliere qui procede du point A s'estende par un certain espace AD, pendant que l'onde particuliere qui procede du point B s'estend par un espace moindre BE; estant AD, BE paralleles à l'Horizon. De plus, supposant des droites FG, HI &c. tirées d'une infinité de points dans la droite AB, & terminées par la droite (ou qui peut estre considerée comme telle) DE, soient par toutes ces lignes representées les diverses penetrabilitez dans les differentes hauteurs de l'air entre A & B; de sorte que l'onde particuliere, née du point F, s'elargira de l'espace FG, & celle du point H de l'espace HI, pendant que celle du point A s'etend par l'espace AD. Or si des centres A, B l'on décrit les cercles DK, EL, qui representent l'estenduedes ondes qui naissent de ces deux points, & que l'on mene la droite KL qui touche ces deux cercles, il est aisé de voir que cette mesme ligne sera la tangente commune de tous les autres cercles qui ont esté decrits des centres F, H, &c. & que tous les points | |
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de contact tomberont dans la partie de cette ligne qui est comprise entre les perpendiculairesGa naar margenoot+ AK, BL. Donc ce sera la droite KL qui terminera le mouvement | des ondes particulieres nées des points de l'onde AB, & ce mouvement sera plus fort entre les points KL que par tout ailleurs dans le mesme instant, puis qu'une infinité de circonferences concourent à former cette droite. Et partant KL sera la propagation de la partie d'onde AB, suivant ce qui a esté dit en expliquant la reflexion & la refraction ordinaire. Or il paroit que AK, BL baissent vers le costé ou l'air est moins aisé à penetrer: car AK estant plus longue que BL, & luy estant parallele, il s'ensuit que les lignes AB, KL, estant prolongées, concourent du costé L. Mais l'angle K est droit, donc KAB est necessairement aigu, & partant moindre que DAB. Que si l'on cherche de mesme maniere le progrez de la partie d'onde KL, on la trouvera dans un autre temps parvenue en MN, en sorte que les perpendiculaires KM, LN baissent encore plus que AK, BL. Et cecy fait assez voir que le rayon se continue suivant la ligne courbe qui coupe toutes les ondes à angles droits, comme il a esté dit. |
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