Oeuvres complètes. Tome XIX. Mécanique théorique et physique 1666-1695
(1937)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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X.
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ébullition avec de l'eau de vie purgée est aussi tres grande, quand on les messe dans le vuide.
4. Autre effet produit par le meslange d'eau commune & d'esprit de vin. Il y a de plus une chose bien remarquable, c'est que l'eau commune n'amortit pas l'esprit de vin, comme fait l'eau forte, quoy qu'elles fassent avec luy des ébullitions à peu prés pareilles. L'experience en est facile: car en faisant hors du recipient un meslange d'eau commune & d'eau de vie, ce meslange estant en suitte mis dans le vuide, bout fort bien; quoy que l'eau commune y soit en plus grande quantité que l'eau de vie: au lieu que le meslange d'eau forte & d'eau de vie n'y boüilloit point du tout.
5. Maniere d'éprouver si ces ébullitions sont de l'air. Depuis cela je voulus voir si ces ébullitions font de nouvel air, & pour cet effet je mis une épreuve haute de quatre pouces dedans le recipient, & je remarquay que dans l'instant que les liqueurs se mesloient, l'eau montoit fort promptement jusques au haut de l'épreuve: & en suitte en tirant ce nouvel air qui s'estoit fait, je faisois redescendre l'eau par degrez, de mesme que quand on tire l'air ordinaire; & par ce moyen j'ay veu que toutes ces sortes d'ébullitions sont de l'air qui se dilate comme l'air ordinaire. Il y a pourtant une chose fort remarquable: c'est que l'air que font ces ébullitions n'est pas tout de mesme nature. Car j'ay éprouvé que l'airGa naar voetnoot1) formé par le meslange de l'eau forte & du cuivre demeure toûjours air & soûtient toûjours l'eau dans l'épreuve à la hauteur où il l'a fait monter, & au contraire l'air, qui a esté formé par le meslange de l'huyle de Tartre et de l'huyle de vitriolGa naar voetnoot2), se détruit presque tout de luy mesme en l'espace de 24 heures, en sorte qu'il ne paroist gueres plus d'air dans le recipient 24 heures apres qu'on y a fait l'ébullition, qu'il y en paroissoit avant qu'elle eust esté faite. Je meslay un jour parties égales d'eau forte & d'eau [de] vie, & ayant mis deux quantitez pareilles de ce meslange dans deux petits verres, avec deux morceaux de | |
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fer pareils chacun dans le sien, j'enfermay l'un de ces verres dans le vuide. Alors je remarquay qu'il s'y fit une fort grande ébullition, & que la liqueur devint noire, cependant que le verre que j'avois laissé hors du recipient ne paroissoit presque pas travailler, mais demeuroit toûjours transparent & plûtost blanc que noir. Apres que j'eus laissé 12 heures ces deux verres en cet état, j'ostay celuy qui estoit dans le vuide, & je vis que le fer y estoit presque tout dissout, au lieu que l'autre estoit fort peu diminué. Cette experience reüssit tout au contraire quand on la fait avec de l'eau forte seule & du cuivre: car alors la dissolution est moins grande dans le vuide que hors du vuideGa naar voetnoot1).
8. Effet de l'huyle dans le vuide. J'ay fait d'autres meslanges de diverses liqueurs qui ne boüillent point du tout dans le vuide non plus qu'à l'air: l'huyle d'olive ne fait ébullition ny avec ne le vinaigre ny avec l'esprit de vin dans l'instant qu'on les mesle, & elle n'amortit pas l'esprit de vin. Je remarquay seulement un jour qu'ayant meslé hors du recipient de l'huyle, du vinaigre & de l'esprit de vin, & ayant mis ce meslange dans le vuide, il ne boüillit pas si promptement que quand il n'y avoit point d'huyle; mais aussi les boüillons qu'il fit en suitte en furent bien plus grands, & ils recommencerent de temps en temps en sorte que j'en vis encore un quart d'heure apres que le recipient fut vuide. Il y a apparence que cela vient de ce que l'huyle qui surnage retient les parties les plus volatiles de l'esprit de vin, qui sans cela s'exaleroient d'abord qu'on commence à pomper l'air, & en mesme temps elle empesche que la superficie de la liqueur qui est dessous ne puisse facilement s'élever en boüillons, puis qu'il faut pour cela separer les parties de l'huyle qui sont fort attachées les unes aux autres: quand donc les parties volatiles sont assemblées en assez grande quantité pour surmonter la resistance que l'huyle leur fait, elles échapent avec bien plus de violence que si rien ne les avoit retenuës.
9. Extinction de la chaux dans le vuide. Toutes les ébullitions dont j'ay parlé jusques icy sont plus grandes dans le vuide que dans l'air: mais la chaux n'est pas de mesme. Car je pris un jour deux verres égaux avec deux quantitez d'eau égales; & en ayant mis l'un dans le vuide & l'autre à l'air, je fis tomber dans tous les deux en mesme temps deux morceaux de chaux pareils, chacun dans le sien, & je vis que celuy qui estoit dans le vuide jetta bien quelques bulles assez grosses, mais moins que celuy qui étoit à l'air; & une heure apres l'ayant tiré du recipient & remué la chaux, je trouvay qu'elle ne venoit qu'en consistance de | |
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boüe, au lieu que l'autre avoir la consistance de chaux esteinte. Il y a apparence que la raison de cela est que les sels volatils de la chaux s'exalent tandis qu'on vuide le recipientGa naar voetnoot2).
10. J'ay aussi éteint du plastre dans le vuide, & son ébullition y paroist bien plus qu' elle ne fait à l'air. Quand on n'y touche point, les bulles qui sortent y laissent de grands trous & il se prend ainsi fort inégal: mais quand on a soin de le remuer jusques à ce que les bulles en soient sorties & qu'on le presse, quand il commence à prendre, il devient fort plain, & n'a point tant de petits trous comme le plastre ordinaire. | |
Chapitre IV. Des experiences faites sur les plantes, avec la maniere d'oster les recipients vuides de dessus les machines.Voir pour le début du Chap. IV, contenant la ‘maniere d'oster les recipients etc.’, la Pièce IX qui précède.
3. D'un brin de baume qui avoit ses feüilles dans un recipient vuide & ses racines dehors. Quand j'eus ainsi osté mon petit recipient vuide avec la plante qui y estoit enfermé à demy; je mis tremper le tout dans un grand verre plain d'eau en sorte que la racine estoit en bas, & je vis qu'il se formoit de petites gouttes d'eau sur les feuilles qui estoient dans le vuide. Je le laissay dix jours en cet état, & pendant ce temps il entra environ deux cuillerées d'eau dans le recipient, & selon l'apparence cette eau avoit passé au travers de la planteGa naar voetnoot3). Il ne paroissoit pourtant plus de goutes sur les feüilles: mais cela pouvoit venir des ordures qui sont dans l'eau qui avoient bouché les conduits. En suitte, pour sçavoir s'il s'y estoit formé de l'air, je remis le recipient sur la machine, & l'ayant couvert d'un autre plus grand je vis qu'il ne s'estoit formé que tres peu d'air dans le petit, parce que le grand recipient estoit presque tout vuide avant que l'air enfermé dans le petit le peust soûlever. Il le souleva pourtant enfin, & je penchay la machine afin que le petit recipient ne fust pas appliqué contre son couvercle quand je laisserois rentrer l'air, & de cette façon les deux recipients se remplirent en mesme temps. Alors je regarday les feüilles de la plante. Elles n'estoient pas | |
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flestries quoy qu'elles n'eussent point vegeté, les feuilles du millieu avoient seulement un peu changé de couleur, & avoient un peu l'odeur aigre: mais le lendemain la plante estoit toute gastéeGa naar voetnoot1). L'on peut croire que la pression de l'air avoit fait entrer l'eau dans cette plante avec tant de violence qu'elle en avoit meurtri, pour ainsi dire, les parties, & particulierement au milieu où estoient les feuilles les plus tendres; mais cette eau tenoit toûjours les feuilles estendües & ainsi elles ne se fletrissoient pas: mais, quand l'air vint à agir dessus, les parties de la plante qui avoient tant souffert en furent bien tost corrompües: car il y a bien de l'apparence, tant par cette experience que par d'autres qu'on verra dans la suite, que l'air est un dissolvant qui corrompt les corps.
4. J'ay fait depuis cela l'experience de l'autre sens, c'est à dire les feuilles à l'air & les racines dans une bouteille d'eau qui estoit dans le vuide, & je vis incontinent des bulles d'air qui sortoient par le bout de la queüe dans le vuide. Je mis en suitte de l'eau sur les feuilles pour voir si cet air venoit par là, & en effet je vis bien tost apres que ces bulles commençoient à cesser; & ayant osté l'eau dans quoy trempoient les feuilles, je vis que les bulles recommençoient à sortir par la quëue comme auparavant: & je les vis encore sortir 24 heures apres, mais en petite quantité, & enfin elles cesserent tout à faitGa naar voetnoot2). Pendant ces 24 heures, les racines allongerent d'environ 4 lignes, qui est un peu moins qu'elles ne font d'ordinaire à l'air. Je conservay la plante en cet état pendant 4 jours sur la machine, & j'avois le soin de tirer de temps en temps l'air qui y entroit par les feuilles, & alors elle commença à se flestrir & les racines ne profiterent plus.
5. Deux brins de baume l'un dans le vuide & l'autre dehors. Une autre fois je mis deux brins de baume chacun dans une phiole pleine d'eau, & au bout de 5 jours que je vis manifestement qu'ils poussoient tous deux des racines, j'enfermay dans le vuide celuy qui avoit les plus longues sans l'oster de sa phiole. Au bout de trois jours voyant qu'il estoit flétri dans le vuide, je l'en ostay, & je changeay les deux brins de phiole, pour voir si celuy qui estoit demeuré à l'air & qui profitoit fort bien dans l'eau ordinaire, profiteroit aussi dans l'eau purgée: & si celuy qui s'étoit flestri dans le vuide, pourrait reverdir dans l'eau ordinaire & à l'air, Quatre jours apres je trouvay le brin, qui avoit esté dans le vuide, tout à fait gasté, & l'autre toûjours verd, mais qui ne profitoit point, & j'observay qu'il ne commença à pousser dans l'eau purgée que 10 iours apres y avoir esté mis.
6. Deux brins de baume, l'un dans l'eau ordinaire, & l'autre dans l'eau purgée. | |
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Cette experience en attira une autre pour sçavoir si l'eau purgée estoit moins propre que l'eau ordinaire pour faire vegeter les plantes. Je pris pour cet effet deux phioles pleines, l'une d'eau purgée & l'autre d'eau commune, & ayant mis un brin de baume dans chacune, je les laissay toutes deux à l'air. Je trouvay que le brin dans l'eau commune poussa au bout de 6 jours, & le brin dans l'eau purgée ne poussa encore cette fois que 10 jours apres y avoir esté mis. Je reïtéray encore une autre fois cette experience, & je fus bien surpris de voir que le brin dans l'eau purgée commença cette fois à pousser dés le troisiéme jour, & que l'autre brin ne poussa encore que le sixième. Mais il y eut cecy de remarquable; c'est que le brin dans l'eau purgée ne poussa qu'une seule racine qui s'allongea extremement, & le 9 jour seulement il commença un peu à en pousser une autre qui ne s'allongea que d'une ligne en 2 jours, au lieu que le brin dans l'eau commune avoit alors 9 ou 10 racines qui estoient toutes fort longues, ayant toûjours allongé de 5 lignes par jour, au plus. Quoy que cette experience eust d'abord paru contraire aux precedentes, elle ne laissa pourtant pas de confirmer la premiere pensée, sçavoir, que l'air qui est meslé dans l'eau ordinaire sert à la vegetation, veu le peu de racines que poussa le brin dans l'eau purgée. Mais je ne croy pas qu'on puisse si tost sçavoir la raison particuliere qui fit pousser la premiere racine si promptementGa naar voetnoot3).
7. Differents effets de l'eau qui passe au travers du bois ou au travers du buffle. J'ay depuis cela fait des experiences sur des plantes plus dures. Je mis un jour un morceau de bois vert de saulx partie à l'air & partie dans le vuide, de la maniere que j'ay décritte. Ie mis dans l'eau la partie de dehors: l'eau incontinent commença à monter par dedans le bois & forma incessamment des bulles dans le recipient. Ces bulles continuerent ainsi l'espace de 24 heures, & asseurement c'estoit l'eau qui en passant au travers du bois se changeoit en partie en airGa naar voetnoot4): Car je fis la mesme experience avec un morceau de buffle, & l'eau montoit bien aussi au travers, mais elle ne formoit point de bulles. Aur reste s'il y a des valvules dans le bois, il faut qu'elles ne puissent resister à la pression de l'air: car j'ay remarqué dans le bois de saulx aussi bien que dans le bois d'ormeau, que l'eau passe au travers avec une égale facilité, quelque bout que ce soit qu'on mette dans le vuide. | |
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8. Une branche d'ormeau ayant le haut dans le recipient vuide, & le bas dehors. Ie mis aussi un jour une petite branche d'ormeau le haut dans le vuide & le bas à l'air: je fis tremper ce bas dans de l'eau comme j'avois fait les racines du baume dans la premiere experience: mais il fallut une heure de temps avant qu'il parust aucune goutte d'eau sur les feuilles d'ormeau dans le vuide, au lieu que sur les feuilles du baume les gouttes avoient paru tout d'abordGa naar voetnoot1). On peut attribuer la cause de cette difference à la dureté de l'ormeau. Mais je ne sçay pas pourquoy l'eau en passant au travers du bois, forme des bulles; & qu'en passant au travers des feuilles elle ne forme que des gouttesGa naar voetnoot2).
9. La mesme experience faite de l'autre sens. Ie fis aussi l'experience de l'autre sens, c'est à dire, les feuilles dans l'eau hors du recipient, & le bas de la branche dans le vuide, & je vis que rien n'y passa pendant deux heures de temps; si bien que je coupay un peu du haut de la brancheGa naar voetnoot3) qui estoit fort tendre, & alors je vis paroistre un peu d'humidité au bout qui estoit dans le vuide, mais pas assez pour former une goutte; & il n'y parut aucune bulle d'air. Ie coupay la branche encore un peu plus avant, & il se forma une goutte d'eau au bout qui estoit dans le vuide, mais elle ne tomba pas: Et ayant coupé la branche encore plus avant, la goutte d'eau tomba dans le vuide. Cela fait veoir que ce n'estoient pas les valvules de la plante qui empeschoient l'eau de passer tandis que la branche estoit entiere: mais plustost que c'estoit que les feuilles estant fort tendres se laissoient comprimer par la pression de l'air, & qu'ainsi l'eau ne pouvoit s'insinuer entre leurs partiesGa naar voetnoot4). | |
Chapitre V. Des experiences faites sur la conservation des corps.Les Nos 1. et 2. traitent de la conservation d'une pomme et de precoces (abricots).
3. Roses dans le vuide. Le 7 Iuin [1673, d'après le No 1] j'enfermay dans un recipient vuide 2 bouquets de roses, l'un suspendu au haut, & l'autre ayant sa queüe dans un petit vaisseau plein | |
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d'eau. Ie mis aussi une épreuve longue de 4 pouces dans le mesme recipient, pour sçavoir s'il s'y feroir de l'air. Ie trouvay 2 jours apres mes roses un peu flestries, & l'eau qui estoit déjà montée à 8 ou 10 lignes pres du haut de mon épreuve, & depuis cela les changemens de ces fleurs ont toûjours diminué, en sorte qu'a present elles ne sont guere plus flestries, & l'eau de l'épreuve est à 3 ou 4 lignes prés du haut. Les roses qui trempent dans l'eau se sont flestries de mesme que les autres, & aussi promptement. Ie les conserveray en cet état le plus long-temps que je pourray. D'autres roses que j'avois enfermées en mesme temps, mais avec de l'air, se moisirent en moins de 8 jours. I'enfermay une autre fois un seul bouton de roses dans un fort petit verre pour scavoir s'il conserveroit son odeur. Au bout de 15 jours il estoit un peu moins vermeil, mais il ne paroissoit point flestri, & l'ayant osté, je trouvay qu'il avoit encore son odeur, mais en suitte il perdit tout ce qu'il avoit de couleur & d'odeur en moins de 2 heures. Ie crois aussi devoir dire que ses feuilles ne paroissoient pas humides dans le vuide; mais elles parurent toutes moüillées si tost qu'elles furent à l'air. Ce qui fait voir que les parties des feuilles avoient fait reffort comme des éponges, & que le poids de l'air venant à les presser, en exprima l'humidité qui s'estoit insinuée entre les parties ainsi dilatées. I'ay aussi enfermé des oeillets, qui n'ont que fort peu changé, sinon qu'il semble qu'on les ait trempez dans l'eau.
Les Nos. 5-15 traitent de l'influence du vide sur la conservation des fraises, des cerises, des groseilles, des framboises, des poires, des pêches, du pain, de la viande crue ou cuite et du beurreGa naar voetnoot5).
Voilà à peu prés toutes les experiences que j'ay faites sur la conservation des corps dans le vuide. Messieurs de l'Academie Royale des Sciences qui en virent la pluspart au mois de Juillet dernier [1673], les estimerent dignes d'estre mises sur leurs Registres, jugeans qu'outre les consequences qu'elles fournissent pour la Physique, on peut esperer d'en tirer encore d'autres utilitez. Car puis que les corps s'y conservent mieux les uns que les autres, on en trouvera peut-estre quelques-uns qui s'y conserveront tout à fait bien, & d'autres qui s'y conserveront assez pour estre transportez dans des lieux où on ne pourroît les avoir sans cela. | |
Chapitre VI. Experiences faites sur les animaux.Papin fait mourir dans le vide un hanneton et un papillon. Il ajoute:
J'ay aussi fait mourir dans le vuide plusieurs animaux qui respirent, comme des | |
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oyseaux, des souris, des rats, des chats, des lapins; & j'en ay quelquefois fait revenir en leur rendant l'air fort promptement, avant que la machine fust tout à fait vuide; mais je n'en ay jamais veu vivre aucun de ceux qui avoient esté dans un vuide parfait.
4. Le poulmon des animaux morts dans le vide va au fond de l'eau. Monsieur Guide a mesme fait plusieurs fois des dissections d'animaux que nous avions fait mourir de cette maniere, & il a remarqué entr'autres choses, que leur poulmon tombe au fond de l'eau. Il en a fait imprimer un petit livre fort curieuxGa naar voetnoot1), où il dit son sentiment sur cette experience. Mais comme il ne cherche que la vérité, je suis persuadé qu'il ne trouvera pas mauvais que j'en dise aussi ma pensée, parce que je la crois plus vray semble que la sienne.
5. Sentiment de M. Guide sur cette experience. Il dit que la solidité du poulmon des animaux morts dans le vuide, vient de ce que le sang qui est poussé dans le poulmon par la veine arterieuse presse si fort les bronches, qu'il en exprime l'air, & colle leurs parois l'une contre l'autre. Mais pour moy je ne crois point que le sang de la veine arterieuse puisse ainsi comprimer les bronches; parce qu'il est enfermé dans ses vaiffeaux qui le retiennent & l'empêchent d'en comprimer d'autres. Je sçay bien pourtant que les choses qui sont renfermées dans l'Esophage ne laissent pas de comprimer la trachée artere, & qu'aussi la trachée artere en s'emplissant comprime l'Esophage, à cause de la situation de ces deux conduits. Mais je ne vois point d'apparence que les moindres rameaux des bronches & de la veine arterieuse soient situez de la mesme maniere: car les bronches estant plus dures que la veine arterieuse, la comprimeroient plus facilement qu'elles n'en seroient comprimées; & ainsi quand on les enfleroit avec un soufflet, elles colleroient les parois de la veine l'une contre l'autre, & empécheroient la circulation. Ce qui est directement contraire à l'experience, comme M. Guide le remarque lui-mesme.
6. Autre explication de la mesme experience. Il y a donc bien plus d'apparence, que si le poulmon est comprimé, ce doit estre par la plevre, qui peut s'enfler au dedans de la poitrine, comme le cuir, s'enfle au dehors. Mais il n'est point besoin que le poulmon soit comprimé dans le vuide, pour qu'en suite il tombe au fond de l'eau: Car j'ay mis diverses fois des morceaux de poulmon & des poulmons entiers dans le vuide, & ils y demeuroient extremement enflez; mais si tost qu'on laissoit rentrer l'air, ils s'applatissoient fort plats, estoient rouges, & alloient au fond de l'eau. | |
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Cela fait voir qu'il suffit de faire sortir l'air du poulmon pour le rendre solide & rouge; & je n'ay pû faire cet effet que par le moyen de la machine du vuide. Car j'ay laissé du poulmon une nuit entiere entre deux plaques avec un gros poids dessus, pour tascher d'en exprimer l'air: mais cela ne m'a pas reüssi, & ce poulmon alloit toujours sur l'eauGa naar voetnoot2).
7. Effet de l'air qu'on souffle dans un poulmon. J'ay aussi essayé à faire rentrer l'air dans le poulmon apres l'avoir rendu solide dans la machine, & cela est fort facile: en le tirant du fond de l'eau, je soufflois dans la trachée artere, & le poulmon se renfloit, & reprenoit sa couleur ordinaire, & flotoit sur l'eau. C'est ce qui arrive au poulmon des enfans qui naissent. | |
Chapitre VII. Diverses Experiences.1. Force du ressort de la peau d'anguille qui se seiche. Au commencement que j'ay conservé des recipients vuides de la maniere que j'ay décrite dans le chap. 4 [voir la p. 220 qui précède] je me suis servy de peau d'anguille pour garnir le couvercle: mais j'ay éprouvé qu'elle n'est pas propre pour les choses qu'on veut conserver long-temps, parce qu'en se seichant elle fait ressort, & ce ressort est capable de soûlever toute la colomne d'air qui presse le recipient contre son couvercle; & ainsi l'air s'insinuë entre deux & remplit le vuide. Ie me servis ensuite de peau de mouton, mais elle tient encore moins que la peau d'anguille: car sitost que l'air exterieur vient à presser dessus, il fait entrer dans le recipient vuide toute l'eau qui humecte la peau qui déborde au dehors, & on voit de petites gouttes d'eau qui sortent par les pores de la peau qui est sous le recipient: & apres que l'eau y est toute entrée, l'air s'insinüe bien viste par le mesme chemin.
2. Difference entre la peau de mouton & la peau d'agneau. Ie me servis ensuite de peau d'agneau, & par son moyen j'ay conservé 8 jours de temps des recipients vuides, & je n'ay jamais remarqué qu'elle ait fàit de faute. Neantmoins, pour plus grande seureté, j'ay mis de la therebentine autour des recipients que j'ay dessein de garder long-temps. Cependant cette difference entre la peau de mouton & la peau d'agneau est assez remarquable, & confirme fort bien ce que les Medecins disent de la differente constitution des corps dans la jeunesse & dans la vieillesse. I'ay depuis cela éprouvé que le papier moüillé sert aussi bien que la peau d'agneau; mais il faut mettre de la therebentine autour avant qu'il soit sec. | |
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3. Effet de l'eau qu'on chauffe dans le vuide. Ie couvris un jour un recipient dont la quatriéme partie estoit pleine d'eau & le reste tout vuide: je le mis au dessus de la flamme d'une chandelle, & je vis que l'eau boüillit fort promptement, sans que le verre s'échauffast beaucoup, en sorte que l'eau bouïllit prés d'un quart d'heure à gros bouïllons sans que le verre fust plus que tiede. Je l'ostay ensuite de dessus la flamme, & je vis que l'eau continua fort longtemps à bouïllir & qu'elle recommençoit de temps en temps. Ie crus que les vapeurs qui s'estoient élevées en air se recondensoient par le froid, & que cela faisoit bouïllir l'eau chaude comme elle bout d'ordinaire quand on la met dans la machine, & qu'on leur oste l'air qui la presse. Cependant j'ay depuis cela fait la mesme experience avec une épreuve, & je ne remarquay point que tous les bouïllons qui sortoient de l'eau fissent monter sensiblement le mercure dans l'épreuve.
4. Effet de cette eau en se gelant. Ie laissay en suite mon recipient exposé à la gelée, & je trouvay que la glace qui s'y fit n'estoit pas encore tout a fait exempte de bulles, quoy que l'eau en eust boüilli dans le vuide, ce qui devoit, ce semble, en avoir fait sortir tout l'air: les bulles y estoient pourtant bien plus rares que dans de la glace faite d'eau ordinaire. Je ne remarquay pas que le mercure fust gueres monté dans l'épreuve. Ensuite je fis fondre cette glace, & je remis l'eau à geler, toûjours sans l'oster du vuide, & je trouvay que cette seconde fois la glace fut bien plus nette de bulles. Le verre ne se cassa point, mais parce qu'il estoit un peu conique, on ne peut pas sçavoir s'il fut conservé entier a cause de sa figure, ou a cause que l'eau qui se gela dedans estoit purgée: & je ne peus pas faire l'experience avec des verres d'autre figure, parce que la gelée cessaGa naar voetnoot1).
5. Effet de l'esprit de vin qu'on chauffe dans le vuide. I'ay depuis cela fait bouïllir de l'esprit de vin dans le vuide de la mesme maniere que l'eau dont je viens de parler, & je vis qu'il bouïllit bien plus promptement. Il fit monter le mercure d'environ un pouce dans l'épreuve. Ensuite je l'ostay de sur le feu, & je vis qu'il continua à bouïllir; & mesme en enfonçant le recipient dans l'eau froide, il en bouïlloit bien plus fort. On croiroit d'abord que cela viendroit de l'antiperistaseGa naar voetnoot2); | |
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mais il y a bien plus de lieu de dire que c'est parce que la vapeur de l'esprit se condensoit, & ainsi rendoit le recipient plus vuide; ce qui fuffit pour faire bouïllir l'esprit de vin, quand mesme il ne seroit pas chaud. Le mercure redescendit en 2 heures aussi bas qu'il avoit esté, à demie ligne prés. Ie remis ensuite le recipient sur la flamme, & je fis monter le mercure à plus de deux pouces: mais alors le recipient se fendit.
6. Plastre qui transmet la lumiere. Je pris un jour un tuyau de plastre ouvert par un bout & fermé par l'autre: j'appliquay le bout ouvert sur le ciment en guise de recipient, & je vis qu'il n'y avoit pas moyen de le vuider; parce que l'air passoit fort facilement au travers du plastre. Ie mis donc un tuyau de fer blanc sur la machine, en sorte que l'ayant emply d'eau le tuyau de plastre en fut tout couvert; & alors ayant fait jouër la pompe, je trouvay que l'eau passa aussi fort facilement au travers du plastre. Ie le couvris donc de therebentine de VeniseGa naar voetnoot3) au lieu d'eau; & alors je vis qu'il se vuida fort bien & que rien ne passa au travers en l'espace de 2 heures. Ie pris ensuite de l'huile fort chaude, & je la versai sur la therebentine, qui se fondit par cette chaleur & passa au travers du plastre. Alors j'ostay ce tuyau ainsi penetré de therebentine, & je vis que cela l'avait rendu transparent. Cet effet est à peu prés semblable, & se doit expliquer de mesme que celui de la petite pierre appellée Oculus mundiGa naar voetnoot4). On peut ainsi s'aider du poids de l'air pour faire penetrer diverses sortes de colles au travers du plastre, de la terre cuitte, du bois, &c. & peut-estre que ceux qui y feront bien des essais y trouveront de quoy payer leurs peines, en donnant à ces matieres des proprietez qu'elles n'ont point encore euës.
7. Oeufs dans le vuide. I'ay aussi mis des oeufs dans le vuide, & j'en vis un jour rompre un que j'avois mis | |
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dans un petit recipient. Il se creva dés la premiere suction; mais depuis cela je n'en ay pu faire rompre aucun, quoy que j'aye vuidé autant qu'il m'a esté possible des recipiens où j'en avois mis. Il faut donc commencer un peu à les casser avant de les mettre dans le vuide; & alors ils s'achevent de rompre fort facilement, & le dedans de l'oeuf s'éleve tout en écume fort grosse. I'en ay aussi mis sur le feu où ils bouïlloient fort aisement, n'étant point pressez par l'air; mais ils y bouïlloient fort longtemps avant qu'il commençast à paroistre qu'ils se cuisoient.
Toutes les petites bulles qui paroissent dans la moutarde s'enflent & se crevent dans le vuide, & en suite la moutarde paroist sans bulles.
8. Un ruban noir dans le vuide. J'enfermay un jour un ruban noir dans le vuide, & je le bruslay en suitte avec un miroir ardent: il en sortit beaucoup de fumées, qui tomberent peu à peu & laisserent voir clairement le ruban. Il ne parut point du tout changé; mais quand je luy eus rendu l'air & que je voulus y. toucher, je trouvay qu'il estoit tout en cendres.
9. Poudre à canon dans le vuideGa naar voetnoot1). Je fis aussi un jour brusler de la poudre à canon de la mesme maniere; & je fus bien surpris de voir qu'elle brusloit grain à grain sans que le grain qui s'allumoit enflamast ceux qui le touchoient. Une autre fois que le soleil avoit moins de force, je ne peus du tout allumer la poudre, mais je la fis simplement boüillir & jetter quantité de fumées. I'avois enfermé une épreuve dans le mesme recipient, par le moyen de laquelle je remarquay que toutes ces fumées ne faisoient point d'air, parce que le mercure ne monta point dans le tuyau. Ie remarquay aussi que ces fumées tombant sur le carton où j'avois mis la poudre y paroissoient jaunes couleur de souphre. I'ostay en suitte la poudre qui estoit restée comme une masse noir[e], & l'ayant mise sur des charbons ardens, je vis qu'elle brusla comme fait le salpêtre, & ainsi il parut que le souphre estoit presque tout exalé. J'ay depuis cela voulu reïterer cette experience, & j'ay veu que la poudre, apres avoir boüilly, fumé, & s'estre allumée grain à grain, comme dans la premiere Experience, s'éclatte enfin tout à la fois quand on a la patience d'y tenir le feu avec le verre brûlant. Et quand les fumées sont éclaircies, on voit des aiguilles de salpestre attachées aux parois du recipient. Une autre fois, je mis le poids de 12 ou 15 grains de poudre dans une vantouse qui | |
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peut tenir 14 onces d'eau; & ayant mis le feu, je fis fumer & boüillir la poudre comme à l'ordinaire. En suitte, voyant que les grains commençoient à peter fort prés à prés'j'ostay le miroir crainte que tout ne s'allumast: mais il estoit déja trop tard; car les grains continuerent à peter plus d'une seconde de temps, & enfin tout s'alluma quoy qu'il ný eust plus rien pour les échauffer que le feu qu'ils avoient conservé en eux mesines. Le recipient fut soûlevé à plus d'un pied de haut sans le casser. Une autre fois je mis le poids de 18 grains de poudre avec une épreuve dans un recipient qui peut tenir 7 livres d'eau; & je vis que la poudre eut beaucoup plus de peine à s'allumer que dans les petits recipients. Enfin pourtant elle s'alluma toute, & elle fit monter le mercure à la hauteur d'un pouce & demy dans l'épreuve; & je suis fort asseuré que tout cet air n'estoit point venu du dehors: car la partie du recipient sur laquelle le covercle s'applique, avoit toûjours esté enfoncée sous l'eau.
Calcul de la quantité d'air est dans la poudre à canon Par ce que je viens de dire, on peut conclure qu'il y a la 5 partie d'air dans la poudre à canon; en supposant, comme d'autres experiences le font voir, que l áir est environ 1000 fois plus leger que l'eau Ga naar voetnoot2). Car dans cette experience, le mercure est monté à la 18 partie de la hauteur où l'air le soûtient d'ordinaire; & par conséquent 18 grains de poudre ont donné assez d'air pour remplir la 18 partie d'un recipient qui contient 7 livres d'eau. Or cette 18 partie contient 49 dragmes d'eau: dont l'air qui occupe un pareil espace estant 1000 fois plus leger pese 1/1000 de 49 dragmes, qui sont plus de 3 grains & demy. Il s'ensuit donc que les 18 grains de podure que j'ay employez à mon experience, contenoient plus de 3 grains & demy d'air, qui sont environ la 5 partie de 18 grains.
Calcul de la condensation que l áir souffre dans la poudre. On peut aussi calculer combien de fois cet air esté comprimé: mais ce calcul est plus incertain que l'autre; parce qu'on ne scait pas si cet air occupait plus ou moins que la 5 partie de l'espace qu'occupoit la poudre. Mais il est pourtant certain, que quand mesme il auroit occupé les trois quarts de tout le lieu de la poudre, & que les 14 grains^& demy de l'autre matiere n'auroient occupé que l'autre quart, toûjours cet air auroit esté comprimé environ 300 fois. Pour faire 72 livres de poudre à canon, qui contiennent plus de 14 livres d'air, par le calcul precedent, laquelle quantité d'air se trouve donc renfermée dans les trois quarts d'un pied cube. Or cet espace ne contient d'ordinaire qu'environ 6 dragmes d'air: Donc, pour y en faire tenir 14 livres qui | |
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sont prés de 300 fois 6 dragmes il faut que cet air soit comprimé prés de 300 fois. Il y a lieu de croire que cette compression est beaucoup plus grande; parce qu'un pied cube peut contenir bien plus de 72 livres de poudre, & par ce aussi que la 5 partie du poids ne doit pas, selon l'apparence, occuper seule les trois quarts, & tout le reste n'occuper qu'un quart de l'espace qu'occupe toute la poudre. Ie n'aurois donc pas de peine à croire que tout l'effet de la poudre à canon ne vient que de l'air qui y est comprimé, & particulierement dans le salpêtre: car je n'ay pas remarqué que le souphre donne de l'airGa naar voetnoot1). Peut-estre aussi qu'on trouvera avec le temps que toutes les autres fulminations, ébullitions & fermentations qui font des mouvemens si surprenans, ne sont rien autre chose que de l'air comprimé qui se dilate. |
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