Oeuvres complètes. Tome XVIII. L'horloge à pendule 1666-1695
(1934)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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La conservation des forces.
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Avertissement.Huygens formule clairement la théorie de la conservation des forces dans la Pièce III (p. 477) datant de février 1693. D'ailleurs il avait déjà dit en 1690 (T. IX, p. 456): ‘la loy est que les corps gardent la force qui fasse monter leur centre commun de gravité à la hauteur d'ou il est descendu’. Dans ce dernier énoncé il est apparemment question de la ‘vis motus’ ou ‘force vive’, sur laquelle on peut consulter les p. 341, 359, 376 et 417 du T. XVI. Dans la Pièce III le sens de l'expression ‘vis’ ou ‘vires’ est un peu plus général: elle désigne la ‘potentia’, quelle qu'elle soit, capable d'élever un poids donné à une hauteur déterminée. Chez Descartes (T. XVI, p. 342) on trouve le mot ‘force’ dans le même sens. Il faut donc une force déterminée pour élever un poids donné à une hauteur déterminée. Comparez le § 7 (datant de 1673, ou 1674) de la p. 493 qui suit. L'élévation du poids est l'‘effectus’ de la force. Huygens ne donne pas le nom de force à l'‘altitudo ducta in gravitatem’, c.à.d. au produit de la hauteur par le poids (T. XVI, p. 358, note 5 et p. 417) lequel mesure la force qui a produit l'élévation. Cependant, on peut dire que chez lui, quoiqu'il n'emploie pas cette expression (T. XVI, p. 341, notes 4 et 5), la force, lorsqu'elle élève le poids, se conserve potentiellement. En effet, le verbe ‘gardent’ (l. 3 qui précède) indique que la force qu'un corps acquerra en descendant peut plus ou moins être considérée comme déjà existante.
Dans sa lettre de juillet 1690 (T. X, p. 439) Huygens n'accorde pas à de l'Hospital que son hypothèse sur le centre de gravité ‘ne soit pas assez simple ni assez evi- | |||||||||||
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dente pour être supposée sans preuveGa naar voetnoot1). Je n'en scay pas (dit-il) de plus certaine en mécanique’. La raison de cette certitude, c'est que, si cette hypothèse était fausse, le mouvement perpétuel serait possibleGa naar voetnoot2).
Ceci conduit naturellement à poser la queston de savoir jusqu'à quel point la non-existence du mouvement perpétuel - on peut aussi parler avec P. DuhemGa naar voetnoot3) de la non-existence des moteurs perpétuels, car il ne s'agit pas ici d'un mouvement périodique qui subsisterait grâce à l'absence absolue de tout frottement, mais bien plutôt d'un mouvement périodique produisant un certain travail - était pour Huygens une certitude. Il paraît possible que, s'il dit, même après la controverse avec Jacques Bernoulli et de l'Hospital (plus précisément: en janvier 1693, dans une lettre à Leibniz) - comparez la note 7 de la p. 243 du T. XVII -, qu'il y a ‘tousjours quelque esperance’ de réaliser le mouvement perpétuel ‘physico-mechanice... comme en emploiant la pierre d'aimant’, c'est qu'il pense qu'on pourrait peut-être se servir utilement des courants de matière magnétiqueGa naar voetnoot4) qui circulent partout. Le système considéré ne serait donc pas un systeme fermé. Mais n'insistons pas trop sur cette idée: on pourrait objecter que dans ce cas il aurait dû envisager également la possibilité d'utiliser dans le même but les courants de matière subtile (cartésienne) qui, selon lui, produisent la pesanteurGa naar voetnoot5). Quoi qu'il en soit, dans le cas de la pesanteur Huygens n'admet aucunement la possibilité d'un moteur perpétuel: comparez ce qu'il dit à la p. 251 qui précède sur les ‘novorum operum machinatores, qui motum perpetuum irrito conatu moliuntur’. Comme nous l'avons dit à la p. 45, en composant l'‘Horologium oscillatorium’, il parlait et sentait apparemment en phénoménologue bien plus qu'en partisan des théories corpusculaires. | |||||||||||
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Notre Pièce II, de 1676, reproduit la célèbre démonstration de 1586 de Stevin qui part de l'hypothèse de la non-existence du mouvement perpétuel pour déterminer la condition de l'équilibre de deux poids liés à une même corde et placés sur deux plans inclinés. Il est remarquable que Huygens dit que cette démonstration est la meilleure qu'on possède quoiqu'il en eût trouvé lui-même en 1659 une autre (T. XVI, p. 380) que nous avons cru pouvoir appeler (T. XVI, p. 333) ‘plus directe’. Il est vrai que la démonstration de Stevin est beaucoup plus simple et que celle de Huygens prouve au fonds la même chose, savoir que par un mouvement compatible avec la liaison le centre de gravité du système reste à la même hauteur. Cette Pièce suffirait à elle seule pour faire voir que, suivant Huygens, partir de la non-existence du mouvement perpétuel - ou, si l'on veut, du principe de la conservation des forces - est parfois, du moins jusqu'à nouvel ordre - remarquez dans la Pièce II les mots ‘nondum’ et ‘hucusque’ -, la meilleure méthode pour faire voir la raison d'être d'un phénomène connu, ou même pour trouver des vérités nouvelles. Nous avons dit (p. 460) que de son vivant l'Hypothèse I de la Pars Quarta est restée la seule qui permît de trouver généralement la place du centre d'oscillation.
Il en fut autrement dans la suite. Suivant la mécanique classique, ce monument merveilleux du dix-huitième siècle, la loi de la conservation des forces est plutôt un corollaire qu'un principeGa naar voetnoot6). C'est en nous plaçant au point de vue de la mécanique classique que nous avons pu dire (T. XVI, p. 21, note 7), que ‘le Principe de la conservation de l'énergie’ a pris à un moment donné ‘sa forme définitive’.
Comme on peut le voir à la p. 477 qui suit, Huygens en février 1693 défigne sa thèse de la conservation des forces par ‘axioma nostrum’. En ce moment il lui donne donc une place éminente, comme il avait songé parfois (voir la note 5 de la p. 221 du T. XVI) à le faire pour la thèse de la conservation de la quantité de mouvement dans une direction donnée, dont il dit en 1669 (T. XVI, p. 181) ne pouvoir donner la démonstration que dans un cas particulier bien que cette loi ‘semble estre generale’. Cette désignation de la thèse de la conservation des forces par le mot ‘axioma’ est peut-être due en partie à l'influence de Leibniz: voyez la note 6 de la p. 359 du T. XVI, et consultez aussi la lettre de décembre 1692 de Leibniz - T. X, p. 382 -, | |||||||||||
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à laquelle celle de Huygens de janvier 1693, citée à la p. 470 qui précède, sert de réponse. Observons qu'en général la philosophie de Leibniz, là où elle prend un caractère métaphysique, est restée sans influence sur Huygens. Nous avons déjà fait (T. XVII, p. 353) une remarque analogue pour la métaphysique de Descartes.
La Pièce I ne consiste que dans une figure de 1667, qui illustre les ‘irritos conatus’ des ‘machinatores’ dont nous venons de parler. Elle nous paraît remarquable puisqu'elle représente un ‘conatum’ du Marquis de WorcesterGa naar voetnoot1), que Huygens ne semble pas avoir connu, mais dont le nom se trouve dans son Journal de Voyage de 1663, comme on peut le voir à la p. 474 qui suit. |
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