Oeuvres complètes. Tome XVI. Percussion

[p. 209]

Appendice⁷⁾
Au projet inachevé d'une préface pour un traité sur le choc des corps et la force centrifuge.
[1689?]⁸⁾

De motu ex collisione vel occursu corporum.

Mariotte dans sa 3 defin.⁹⁾ distingue la vitesse respective de deux corps d'avec leur vitesses propres¹⁰⁾. Je dis qu'il n'y a point de propre: au lieu de dire, quelles que soient leur vitesses propres, il devait dire, quelles que soient leur vitesses à l'egard de quelqu' autre corps.

Mariotte a tout pris de moy, comme peuvent attester ceux de l'Academie des Sciences¹¹⁾ m^r. du Hamel, m. Gallois, et les registres¹²⁾, la machine¹³⁾, l'experience du ressort des boules de verre. l'experience d'une ou plusieurs boules poussees ensemble contre une rangee de boules pareilles¹⁴⁾ les theoremes que j'avois publiè¹⁵⁾. Il devroit avoir fait mention de moy. Je le luy dis un jour, et il ne sceut que respondre.

7) Cet Appendice occupe les p. 3 et 4 (Portef. L, p. 28) d'une feuille détachée de quatre pages.

8) Comparez le deuxième alinéa de la p. 210.

9) Voir sur le Traité de Mariotte en question la note 10 de la p. 207. On y lit à la p. 2 de l'édition de 1673 (comparez la p. 3 du T. I des ‘OEuvres’): ‘Vitesse respective de deux corps, est celle avec laquelle ils s'approchent, ou s'esloignent l'un de l'autre, quelles que soient leurs vistesses propres’.

10) Huygens écrit en marge: ‘Ita omnes vulgo, et aussi Newton’.

11) Comparez la dernière phrase de la p. 208.

12) Comparez l'annotation 12 de la p. 184, avec la note 11 de la p. 185.

13) Voir la note 6.

14) Voir la note 5.

15) Voir les p. 179-180 du Tome présent. Huygens ajoute en marge ‘Marquez les propositions’.

[p. 210]

Il veut de mesme que Wallis¹⁾ que les corps durs sans ressort suivent les mesmes loix dans la percussion que les corps mols. Puisque (dit il) c'est le seul ressort qui donne le mouvement de reflexion²⁾. C'est la la question. les corps mols sans ressort en se rencontrant retardent peu a peu leur mouvement en passant par tous les degrez de lenteur, jusqu'au repos, et ainsi il est necessaire qu'ils ne reflechissent point parce qu'il n'y a rien qui leur donne un nouveau mouvement. Mais c'est autre chose dans les corps durs, car leur vitesse continue tousjours sans estre interrompue ni diminuée, et partant il n'est pas estrange qu'ils rejalissent. S'il y a des atomes parfaitement durs comme il est croiable, (et mesme la matiere subtile de Descartes semble devoir estre telle) ces particules en se rencontrant demeureroient toutes collees ensemble et ne composeroient pas une matiere liquide comme elles font, a moins que les corps durs ne reflechissent point en se rencontrant. Il est vray que je ne crois pas que nous ayons des corps visibles de pierre ni d'acier ni d'autre chose qui soient sans ressort.

Une marque que je suis bien loin de me vouloir attribuer l'honneur des inventions d'autruy c'est que j'ay laissè passer plus de 18 ou 20 annees sans me vindiquer ce qui m'appartient de ces regles de percussion; en quoy m^r. Oldenburgh ne m'avoit pas rendu justice comme il faloit³⁾, et moins encore m^r. Wallis⁴⁾.

Que cette theorie est de grande consequence dans la physique, principalement a l'egard de la lumiere⁵⁾.

Que des Cartes ne s'est nullement servi de ses regles de percussion, ainsi quoyque fausses elles ne detruisent rien dans le reste de sa physique.

Mariotte parle du Tonnerre⁶⁾ mais ne rend pas raison du grondement qui

1) Comparez la note 17 de la p. 175.

2) Cette phrase se trouve au commencement de l'‘Avertissement’ qui suit la Prop. XIV de la 1^e Partie du Traité de Mariotte (éd. de 1673, p. 88; ‘OEuvres’, T. I, p. 28).

3) Voir les p. 173-178 qui précèdent. Cette polémique avec Oldenburg eut lieu en 1669.

4) Il s'agit de l'ouvrage cité dans la note 17 de la p. 175. Il est vrai que dans le ‘Scholium’ qui suit la Prop. V du ‘Cap. XIII. De Elatere & Resilitione seu Reflexione’ (p. 1026 des ‘Opera’) Wallis reconnaît l'identité de ses règles pour le choc direct des corps élastiques avec celles de Wren et de Huygens, mais il fait suivre: ‘Id utique interest; quod, quae illi vel postulant vel ex observatis nulla habita Elateris ratione supponunt; nos, Elateris ope, ex primis Principijs deducimus: phaenomenis interim quae nos inde ratiocinando colligimus, iisdem provenientibus quae ex factis Experimentis observarunt ipsi. Ut inde minus dubitandum sit, (cum singuli, clam reliquis, à diversis principiis, & diversis methodis ad eadem phaenomena pervenerimus,) quin in veritate phaenomenum consentiamus omnes’.

5) Comparez l'annotation 17 de la p. 184 qui précède.

6) Dans l'édition de 1673 du Traité de Mariotte on trouve à commencer par la p. 215, un ‘Avertissement’ qui débute ainsi: ‘On peut se servir des regles de la Percussion, expliquées dans les propositions precedentes, pour rendre raison de plusieurs effets naturels. Nous prendrons pour exemple les effets du Tonnerre’. Or, la discussion de ces derniers effets s'étend jusqu'à la p. 226 de l'édition de 1673 et on la retrouve aux p. 69-72 du T. I des ‘OEuvres’.

[p. 211]

dure souvent assez longtemps. Je dis qu'il vient de ce que la matiere s'allume tout a la fois dans une grande estendue d'espace, et parce que le son emploie du temps, il en met plus a venir des endroits eloignez ou il a estè produit que des proches, et ainsi on l'entend successivement pendant quelque temps.

Sa demonstration pag. 175⁷⁾ de plusieurs boules qui choquent une rangee, ne vaut rien, par la raison que j'ay marquée a la marge⁸⁾. Si on pouvait considerer ces boules contigues comme un peu distantes la demonstration seroit aisée, mais cela ne se doit point, et on peut sans cela trouver la demonstration par la consideration du ressort.

Dans le commencement que A commence d'enfoncer B, A avance plus viste que le costè opposè de B, car autrement B ne seroit pas

[Fig 1.]

enfoncè par A, si son costè opposè avancoit autant que le costè frappè. de mesme le costè opposè c'est a dire le costè gauche de C avance moins viste que le costè gauche de B. Et de mesme le costè gauche de D moins viste que le costè gauche de C. Et partant le costè gauche de D avance beaucoup moins viste que

7) C'est la démonstration (éd. de 1673, p. 174-178; ‘OEuvres, T. I, p. 56-57) de la Prop. XXVIII de la 1^e Partie du Traité. Mariotte commence par supposer qu'il y ait entre les boules en rangée ‘une petite distance comme d'un quart de ligne’; auquel cas il lui est facile d'expliquer les effets observés. Or, dit-il, le même doit arriver quand les boules se touchent ‘car par la consequence de la [Proposition] precedente’ la boule qui vient d'être frappée commencera par retirer en arrière sa partie opposée à celle qui reçoit le choc et se separera un instant de la boule suivante, encore en repos.
C'est contre ce dernier raisonnement que Huygens s'oppose, comme on le verra dans la note suivante.

8) Voici ce qu'on lit en marge: ‘Il veut qu'elles plient comme un anneau et que le costè opposè se retire un peu d'abord. Il faudroit donc que par les costez elles s'etendissent ou s'èlargissent, ce que feroit qu'en mettant des boules a costè de celle qu'on frappe elles seroient chassees, ce qui n'arrive point.’
Afin d'expliquer cette remarque, il suffira d'emprunter à la ‘Consequence’ mentionnée dans la note précédente le passage suivant (éd. de 1673, p. 171-172; ‘OEuvres’, T. I, p. 55): ‘Il s'ensuit que si une boule creuse à ressort est chocquée par une autre, directement; la partie opposée à celle qui est frappée, retourne un peu en arriere avant que de s'avancer; car l'effet doit estre semblable à celui d'un anneau à ressort: & mesme quand la boule chocquée seroit solide, il se doit faire un mouvement de fremissement ou tremblement en toutes ses parties, qui les fait approcher & esloigner de leur centre par une espece de vibration; & par consequent les boules dures à ressort comme celles de jaspe, de verre, & d'yvoire, doivent suivre la mesme Loy à peu près qu'un anneau de fer à ressort, lorsqu'elles sont chocquées directement par une autre; c'est à sçavoir que la partie opposée à celle qui est chocquée doit reculer un peu en arriere avant que de s'avancer’.

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le costè gauche de A dans la premiere impression qu'il fait sur B. mais pourtant ce costè gauche de D commence d'avancer aussi tost que A commence a faire plier B, mais il se passe du temps devant que D ait acquis toute la vitesse de A, et ce temps doit estre d'autant plus long qu'il y a plus de boules contigues.

Car comme le costè droit de B s'aplatit devant son costè gauche, il s'ensuit que le premier se restitue aussi devant le dernier. Par la mesme raison le costè droit de C se restitue devant son costè gauche et ensemble le costè droit de D. Mais par cette restitution la boule D acquiert son mouvement egal a celuy qu'avoit A. donc il paroit que ce mouvement de D vient d'autant plus tard apres le coup d'A sur B, qu'il y a plus de boules.