Oeuvres complètes. Tome XVI. Percussion
(1929)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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Extrait d'une lettre de M. Hugens
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Avertissement.Nous avons vuGa naar voetnoot1) qu'en 1656 Huygens était en possession de toutes les Propositions qu'on trouve dans son Traité posthume: ‘De Motu Corporum ex Percussione’ et nous avons reconnu la cause qui a retardé la publication de ces résultatsGa naar voetnoot2). Toutefois il n'en garda pas le secret. Outre les communications qu'il avait faites déjà auparavant à van SchootenGa naar voetnoot3), Kinner à LöwenthurnGa naar voetnoot4) et MylonGa naar voetnoot5), il fit connaître dans sa correspondance avec de Sluse les fondements sur lesquels il avait basé sa théorie. Dans le cours de cette correspondanceGa naar voetnoot6) il s'était montré que de Sluse croyait posséder une méthode, différente de celle de Huygens, pour calculer les vitesses après le choc. À ce propos Huygens lui écrivit | |
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le 3 janvier 1658: ‘J'ai de la peine à me contenir de vous exposer ici mes raisonnements et hypothèses concernant les lois du mouvement, parce que je sais que ce serait la seule manière de lever ce scrupule que vous avez émis avec subtilité mais non sans que je m'y fusse attendu. Mais la matière est de grande étendue et peu propre pour une lettre; je l'ai expliquée dans tout un livre que je soumettrai un jour au jugement des lecteurs bienveillants. Quoique van Schooten et tous les autres plus adonnés que de juste à Descartes, me l'aient déconseillé. Mais ce que j'apporte, ils l'ignorent entièrement, sachant seulement que je leur ai dit que c'est contraire aux conceptions de celui-ci. Ne pensez pas que je m'appuie uniquement sur des expériencesGa naar voetnoot1), car je sais qu'elles sont trompeuses’; après quoi Huygens fait connaître les deux hypothèses principales sur lesquelles il se fondeGa naar voetnoot2). Si de Sluse les accepte, il admettra sans doute les autres postulats qui sont encore plus évidentsGa naar voetnoot3). Dans sa répliqueGa naar voetnoot4) de Sluse n'insiste plus sur sa propre théorie, mais il exhorte Huygens à publier bientôt la sienne.
En octobre 1660 Huygens se rendit à Paris et ensuite à Londres. À Paris il s'entretint avec Auzout le 16 décembre ‘des reigles du mouvement des corps qui se rencontrent, dont il [savoir Auzout] en auoit des fausses’Ga naar voetnoot5). Dans le salon de Madame de Bonneveau, où se tenaient des conférences scientifiques et littérairesGa naar voetnoot6), on le pria fort, le 22 janvier 1661, qu'il expliquât ses principes concernant la rencontre des corps.
À Londres le 23 avril (V. St.) 1661Ga naar voetnoot7) s'assemblèrent l'après-diner dans la chambre de Huygens ‘M. Morre [Moray], mil. Brouncker, S.r P. Neal [Neile], D.r Wallis. M. Roock [Rooke], M. Wren. de Godart [Goddard]. parlames de la maniere de former les verres, et je leur dis ma methode. Resolus les cas qu'ils me proposerent touchant les rencontres de deux spheres’. | |
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On trouve encore d'autres renseignements sur cette conférence mémorable dans une lettre d'Oldenburg à SpinozaGa naar voetnoot8). Il y est rapporté qu'un poids d'un livre fut suspendu à la manière d'un pendule simple; ce poids élevé à un angle de 48o et lâché, en frappa un autre d'un demi-livre. À ce propos Huygens, après un petit calcul algébrique, prédit l'effet du choc, qui répondit exactement à cette prédictionGa naar voetnoot9). Puis d'autres expériences semblables auraient été proposées par Brouncker, qui furent calculées avec succès par HuygensGa naar voetnoot10).
En octobre 1666 on commença en Angleterre à s'occuper de nouvean du choc des corpsGa naar voetnoot11). Le 16 janvier 1667 (V. St.) ce sujet revint un instant à l'ordre du jour dans la ‘Royal Society’Ga naar voetnoot12). Puis dans la séance du 22 octobre 1668Ga naar voetnoot13), lorsque Hooke proposa de continuer les expériences sur la nature et les | |
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lois du mouvement, le président Brouncker remarqua qu'il n'était peut-être pas nécessaire de faire cette sorte d'expériences, puisque Huygens et Wren s'étaient déjà donné beaucoup de peine pour examiner cette matière et qu'on croyait qu'ils avaient trouvé aussi une théorie pour expliquer tous les phénomènes du mouvement. Sur l'avis du président il fut donc convenu que le secrétaire, mr. Oldenburg, s'adresserait à ces deux personnes pour leur demander, dans le cas où ils ne voudraient pas encore publier leurs considérations et expériences sur ce sujet, de les communiquer à la ‘Royal Society’, qui les ferait enregistrerGa naar voetnoot1). Or, la lettre à HuygensGa naar voetnoot2) fut envoyée le 26 octobre 1668, celle à Wren le 29 (V. St). Dans sa réponse du 13 novembreGa naar voetnoot3) Huygens demanda des éclaircissements pour savoir ‘de quelle partieGa naar voetnoot4) du mouvement’ ils voulaient qu'il traiterait en premier lieuGa naar voetnoot5); il se déclara prêt à communiquer les règles et théorèmes qu'il avait trouvés et ajouta qu'il serait fort aise de voir ce qu'ils avaient trouvé de leur côté et s'ils s'étaient parfois rencontrés avec lui dans le même cheminGa naar voetnoot6). Cette réponse fut lue dans la séance du 12 novembre 1668 (V. St.)Ga naar voetnoot7). Dans la même séance on expérimentaGa naar voetnoot8) et discuta sur le choc des corps et l'on | |
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résolut de charger le secrétaire Oldenburg de faire à Wallis la même demande qu'à Huygens et à Wren.
Des trois savants invités à faire connaître leurs résultats concernant le choc des corps, ce fut Wallis qui fut prêt le premier. Son manuscrit, portant la date du 15 novembre 1668 (V. St.), fut mentionné comme reçu dans la séance du 26 novembreGa naar voetnoot9); celui de Wren fut lu le 17 décembreGa naar voetnoot10); celui de Huygens le 7 janvier 1669Ga naar voetnoot11). Après la lecture de ce dernier il fut ordonné que des copies en seraient faites et distribuées aux membres qui s'étaient occupés de cette matièreGa naar voetnoot12). Le manuscrit de HuygensGa naar voetnoot13) est beaucoup plus complet que les autres. Il ne donne pas seulement la solution du cas le plus général du choc centralGa naar voetnoot14), comme les autres le font aussi, mais de plus les hypothèses et les démonstrations qui y appartiennent et sur lesquelles Huygens désirait fort connaître l'opinion de la ‘Royal Society’Ga naar voetnoot15). L'envoi de WallisGa naar voetnoot16) contient la théorie moderne du choc des corps mousGa naar voetnoot17). Ses résultats ne ressemblent donc guère à ceux de Huygens. | |
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Quant à l'envoi de WrenGa naar voetnoot1), ses règles pour le choc sont identiques à celles de HuygensGa naar voetnoot2). Aucune démonstration ne les accompagneGa naar voetnoot3). Wren affirmaGa naar voetnoot4) dans la séance de la ‘Royal Society’ du 17 décembre 1668 (V. St.) qu'il était déjà en possession de ces règles lorsqu'on commença à former la ‘Royal Society’Ga naar voetnoot5) et cette assertion fut confirmée par Neile, Ball et Hill.
Le même jour (le 7 janvier 1669 V. St.) où l'envoi de Huygens fut reçu et lu par la ‘Royal Society’Ga naar voetnoot6), on décida, sur la proposition de Neile, que le manuscrit de Wren serait imprimé dans les ‘Philosophical Transactions’ du mois. En attendant, avant l'ouverture de l'envoi de Huygens, Oldenburg avait déjà envoyé à celui-ci le 4 janvier (V. St.) une copie de ce manuscritGa naar voetnoot7). Huygens l'en remercia dans sa lettre du 6 févrierGa naar voetnoot8) en faisant remarquer que les règles de Wren étaient tout à fait conformes aux siennes et ‘assurement les veritables’; mais quel ne fut pas l'étonnement de Huygens lorsqu'il reçut les ‘Transactions’ du mois de janvier qui contenaient les envois de Wallis et de WrenGa naar voetnoot9) sans qu'il y fût fait la moindre mention du sien. La seule explication qu'il en trouvât dans la lettre d'Oldenburg du 4 févrierGa naar voetnoot10) qui accompagnait ce numéro des ‘Transactions’, était que lui, Huygens, n'avait pas donné la permission d'imprimer et n'avait pas envoyé un sommaire de ce qu'il avait médité. Si cela eût été le cas, lui, Oldenburg, en aurait ‘enrichi les mesmes Transactions de grand coeur’. Mais, comme Huygens le remarqua dans sa réponseGa naar voetnoot11), | |
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Oldenburg aurait pu dire dans les mêmes Transactions, sans attendre sa permission, que les règles communiquées par Huygens à la ‘Royal Society’ étaient en substance les mêmes que celles de Wren. Ce fut sous l'influence du tort qui lui avait été fait et afin de prévenir l'impression qu'il aurait formé sa Théorie sur celle de Wren, que Huygens écrivit l'article qui suitGa naar voetnoot12). Lorsqu'il sut que cet article avait paru dans le Journal des Sçavans du 18 mars et qu'il crut qu'on en aurait pris connaissance en Angleterre, il écrivit, le 30 mars, trois lettres. Dans l'une, adressée à OldenburgGa naar voetnoot13), il se plaint en des termes très modérés de la manière d'agir de celui-ci, dans celle à MorayGa naar voetnoot14) il s'exprime un peu plus fortement, enfin dans celle à DuhamelGa naar voetnoot15) qui résidait alors en AngleterreGa naar voetnoot16), il prie celui-ci de vouloir être son patron en ce pays-là, puisqu'il en avait grand besoin. Oldenburg se défendit dans sa réponse du 29 mars (V. St.)Ga naar voetnoot17) contre l'accusation d'‘injustice’. Ayant achevé sa lettre, mais avant de la cacheter, il reçut l'article de Huygens du Journal des Sçavans. Il y remarqua quelques omissionsGa naar voetnoot18) auxquelles il jugea devoir nécessairement suppléer dans les ‘Transactions’ prochaines d'avril, et, en effet, ces ‘Transactions’Ga naar voetnoot19) contiennent, avec la traduction de l'article de HuygensGa naar voetnoot20), un récit détaillé, du point de vue d'Oldenburg, | |
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de ce qui c'était passé. Duhamel, dans ses lettres du 8 avril et du 15 avrilGa naar voetnoot1), rend compte de ses entretiens avec Oldenburg. Moray répondit par une lettre très obligeanteGa naar voetnoot2), où il dit que ceux qui avaient été ‘temoins de ce que vous decouuristes des reigles que vous auiez toutes prestes lors que sur le champ dans vostre chambre au Comun Jardin vous declarastes la resulte de quelques experiencesGa naar voetnoot3) qu'on vous representa auec une exactitude bien surprennante’ ne manquèrent en toutes occasions de lui en attribuer l'honneur qui lui était dû; mais - ajouta Moray - ‘des personnes diferentes se rencontrent quelques fois dans une mesme inuention et produisent les mesmes choses par des methodes et moyens differents. Et en tel cas il me semble que lhonneur de linuention se peut attribuer a tous les deux sans faire tort a l'un ou à lautre’. Après avoir lu ces lettres et l'article des ‘Transactions’ Huygens se déclara satisfait’Ga naar voetnoot4).
Ainsi se termina un incident qui menaça un instant troubler la bonne entente entre Huygens et les savants anglais, mais dont l'heureux effet a été de forcer Huygens à publier ses lois du choc, qui, sans cela, n'auraient paru peut-être que parmi ses oeuvres posthumes, comme il en a été du traité ‘De Motu Corporum ex Percussione’ qui précèdeGa naar voetnoot5). |
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