Oeuvres complètes. Tome X. Correspondance 1691-1695

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N^o 2753.
Constantyn Huygens, frère, à Christiaan Huygens.
2 juin 1692.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.

Au Camp proche de Louvain ce 2.de Juin 1692.

Je n'ay pas encore repondu à vostre derniere du 22^e de May¹⁾ quoy que le contenu m'ait fort resjoui. Voyant que vous temoignez quelque dessein d'essayer la maniere de Newton laquelle reussissant seroit une des belles choses dont on a ouy parler jusques a present. Je suis bien fasché de ne pouvoir pas vous assister et prester la main. Ce seroit un grand dommage qu'ayant trouvé la Theorie de cette methode vous n'en viendriez pas a en faire l'essay et la mettre en pratique²⁾.

J'attends avec impatience que vous me mandiez encore quelque chose de la maniere de Hartsoecker³⁾ et du grand verre bruslant d'Amsterdam. Mais a propos de manieres je n'espere pas que vous voudriez penser a rendre publique nostre ou plustost vostre methode de faire les grands verres et de rendre commune une si belle chose qui pourroit donner a manger a qui n'auroit autre chose au monde. Peu de gens vous en scauront du gré et il viendra de la canaille qui diront qu'ils ont eu l'invention devant vous ainsy qu'il vous est arrivé a l'egard de celle des Pendules.

Je suis fort en peine de trouver un homme capable pour le mettre en qualité de Precepteur avec mon Fils⁴⁾ au lieu de Keyser qui est un flasque, maladif et mal propre pour cet employ; outre qu'il est bien difficile qu'un homme seul puisse servir à deux garçons dont l'un à bon besoin d'en avoir un luy seul. J'escris donc

1) Cette lettre nous est inconnue. Selon le Journal de Constantijn, elle avait éte reçue le 1^er juin.

2) D'après les Livres G et H des Adversaria, Huygens a repris en mai 1692 des recherches qui avaient pour but de remplacer, dans le télescope catoptrique de Newton, le miroir concave métallique par un miroir en verre, et de déterminer à cet effet la relation qui doit exister entre les rayons de courbure a et d des deux surfaces réfléchissantes pour que les deux rayons réfléchis rencontrent l'axe au même point. En 1691, ayant trouvé d=a+13/9b, où b est l'épaisseur du verre, la remarque que les deux images présenteraient des grandeurs différentes lui a fait abandonner ce sujet. Mais, le 5 mai 1692. Huygens s'est aperçu que les images, malgré cela, pourraient encore se couvrir sur la rétine. Il a donc repris ses calculs, au sujet desquels nous devons renvoyer aux ouvrages inédits, qui suivront la correspondance.

3) Voir la Lettre N^o. 2748, à la page 278. Selon deux notes de Huygens, que nous trouvons dans le livre H des Adversaria, Hartsoeker avait promis d'envoyer de France les verres suivants: 4 de 10 p. d'une épaisseur de 10 lignes, 6 de 8 p. épaisseur 8 l., 6 de 6, 8 de 5 et de 4 p., tous de 6 lignes d'épaisseur, et 2 de 10 p. en quarré et d'une épaisseur de 4 lignes.

4) Constantyn, le fils unique de Constantyn frère, avait alors 18 ans.

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à Mr. Carré⁵⁾ nostre vieille connoissance [pour] scavoir s'il ne connoist pas quelque Refugié ou autre propre pour cette affaire. Ma femme vous montrera ma lettre, et je vous prie de luy en parler.

Ce matin a 5 heures est venue icy la bonne nouvelle de la defaite de la Flotte de France que vous aurez eue ou plustost ou le mesme temps⁶⁾. Il nous tarde bien d'en apprendre les suittes, car le maistre des Postes d'Ostende mande au Roy que quelque temps apres le combat, auquel un brouillard survenu mit fin, on avoit encor ouy tirer de nouveau et tres fort. Nos gens ont eu le grand bonheur que comme ils fussent attaqués par les enemys peu de temps apres le vent changea et devint favorable pour nous.

Mijn Heer

Mijn Heer Huygens

Heere van Zeelhem

Haghe.

5) Probablement Jean Carré, venu de France, depuis 1646 pasteur à la Haye. Le 28 janvier 1696 il célébra son ministère de cinquante ans. Il mourut le 12 mai 1697 dans l'âge de 77 à 78 ans.

6) La bataille navale du 29 mai 1692, près la Hogue. Louis XIV avait fait réunir à Toulon 35 et à Brest 44 vaisseaux de ligne, destinés à accompagner 300 bateaux, transportant une armée de débarquement rassemblée en Normandie pour tenter une descente en Angleterre, afin de rétablir James II sur le trône. La flotte de Toulon n'ayant pu, par suite d'une tempête essuyée près de Gibraltar, se réunir avec celle de Brest, commandée par de Tourville, le Roi, dans l'espoir que la flotte néerlandaise sous van Almonde, et la flotte anglaise, sous Russel, n'avaient pu se réunir non plus, et que les Anglais, parmi lesquels se trouvaient plusieurs partisans de James II, n'agiraient que mollement ou pas du tout, ordonna à de Tourville de sortir de Brest et d'attaquer. Cette attente fut trompée. De Tourville eut à lutter contre des forces presque doubles des siennes. Il fut complètement battu, sa flotte poursuivie et brûlée près de Cherbourg et dans la baie de la Hogue.