No 2419.
Christiaan Huygens à Constantyn Huygens, frère.
6 avril 1686.
La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse au No. 2418.
Const. Huygens y répondit par le No. 2420.
A la Haye ce 6 Avr. 1686.
Quoyque 3 ou 4 jours apres celuy de vostre depart aijent estè beaux et clairs, ils ne m'ont pas permis pourtant d'observer la Lune ni Saturne a cause du grand vent. Il n'y a eu que le soir du Samedy que vous partistes que j'ay pu essaier mes deux verres l'un de 122 et l'autre de 85 pieds, que je trouvay fort bons. J'envoyay chez vous pour avoir le vostre, mais Mad.me de Zeelhem n'estant pas au logis je ne pus pas. et quand mesme je l'aurois eu il n'eust servi de rien, parce que le vent se renforça soudain et fut si fort, que l'agitation du mast empeschoit absolument l'observation, et que la fraise de papier fust emportee, et si loin que je n'ay pas sçeu ce qu'elle est devenue. du depuis le vent a tousjours estè encore beaucoup plus grand et l'est encore. Lundy je fis monter un petit garçon que le charpentier m'envoia pour remettre la corde dans la poulie d'ou elle estoit sortie, mais ce ne fust pas sans apprehender pour luy a cause du balancement du mast. Ce qui m'a fait songer a un moyen de les faire monter dorenavant sans danger, en leur mettant une corde autour du corps, qui en suite embrasse aussi le mast, et qui ne pourra glisser vers en bas a cause des marches. Ce vent continuel a fait pancher notablement nostre mast, et il faudra, quand ce mauvais temps sera passè, l'affermir d'avantage; en quoy les 3 cordes feroient le meilleur effect, parce qu'elles en empescheroient l'agitation a la quelle il est suject a un vent fort mediocre, en sorte qu'on ne peut pas s'en servir. J'en parleray avec van de Werve.
Le verre de Bolduc n'est pas encore arrivè; il faut qu'il leur soit arrivè un second inconvenient. Je vous diray comment je le trouve quand il sera venu. Je vous feray faire le grand oculaire que vous souhaitez de vostre matiere claire. Je ne serois point d'avis de confier vos formes au Sr. Joubelot. Je le verray pourtant pour scavoir s'il n'a point de formes a luy qui puissent composer les distances de foier qu'il nous faut.
Le mal de dents m'a repris depuis ce mauvais temps, mal qui ne s'accommode nullement avec les observations comme vous scavez, quand d'ailleurs le ciel y seroit disposè. Outre cela voila que le temps est proche que mes horologes doivent partir pour les Indes. Et comme ce sera cette fois tout de bon, cela me donne assez d'occupation à regler et preparer tout ce qui les concerne. Ainsi ne me reprochez point de refroidissement en ce qui est de notre art, quand mesme j'y serois peu appliquè pour quelque temps.