Oeuvres complètes. Tome IX. Correspondance 1685-1690

N^o 2416.
Constantyn Huygens, frère, à Christiaan Huygens.
21 mars 1686.

La lettre et la copie se trouvent à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse au No. 2415.

Dieren ce 21. Mars 1686.

J'ay appris avec le deplaisir que vous pouvez croire l'incommodité qui vous est venue depuis nostre depart, et ne puis comprendre comment le travail que vous dites la peut' avoir causée apres que nous l'avons fait si longtemps sans nous en sentir mais il est vray qu'en un temps nos corps sont plus disposez a ces sortes de choses qu'en un autre. Pour le travail du poly je ne scaurois comprendre qu'il soit assez violent pour estre cause d'une rupture et il faudroit qu'en transportant les formes cela vous soit arrivé. On m'a dit souvent qu'elles viennent quelquefois sans que l'on fasse aucun effort considerable. J'espere que cela passera comme vostre Chirurgien nous le fait esperer. Au pis aller un brayer peut vous garantir de toute incommodité ou du moins danger ulterieur. Brienne valet de chambre a une rupture que luy est venue a ce qu'il dit en tombant une fois ou deux en une mesme nuit avec un cheval. Il me dit comme je le mis hier sur ce discours qu'il a essayé divers remedes et s'est servy de trois ou quatre differents medecins mais

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qu'il n'a jamais pû estre si bien guery qu'il ait osé hazarder d'estre longtemps sans brayer, craignant que cette tumeur qui est rentrée ne vienne a resortir, de quoy il dit que de petites douleurs qui luy viennent alors, sur tout par un temps humide, ou autrement mauvais, semblent de le menacer. Il dit que ses brayers sont faits de chamois, et qu'ils ne l'incommodent point: que quand il en a un il n'apprehende aucun travail, et oseroit faire toute sorte d'effort comme encor en venant icy il a fait douze ou 15 lieues de chemin a cheval, et au grand trot. Vous ne devez pas craindre que je luy aye dit la moindre chose qui pourroit luy avoir fait juger que je luy parlois a vôtre occasion. Il me dit encore que celuy qui luy fait ces brayers est Van der Burgh le frere du nôtre au Wagestraet, que ceux de chamois sont incomparablement meilleurs et plus commodes que les autres que d'ordinaire ils font de fûtaine.

J'espere que vous aurez pû essayer nos verres depuis vostre lettre ecrite, ou que vous le ferez aujourdhuy par le beau temps qu'il fait. On croid tousjours que S[on] A[ltesse] fera un tour a la Haye mais on doute s'il partira dimanche, lundy ou mardy prochain.

Je suis fort aise que ces Poiriers ont fait place, et comme ces arbres nains ont esté plantés dans la saison que leurs semblables estoyent sur le point de fleurir il y a grande apparence que les branches qu'ils feront cette année ne vous incommoderont gueres.

Parmy les devises del S.^r Padre je ne trouve pas tout a fait mon conte. Il n'y en a que trois qui ayent un corps, comme il nous en faut un de necessité pour le cachet; de ces trois emblemes la premiere est une balle attachée a une corde, mais le moyen d'exprimer cette corde sur un petit cachet? La seconde est un Lion avec Fortior prudentia, paroles dont je n'entends pas l'application. La 3^e une Fortune avec Superanda ferendo est. mais cela appliqué a Mr. le Prince le representeroit comme se plaignant de ses adversités. Il me semble que mon Rocher battu des vents et des vagues avec le motto IMMOTVM FERIVNT est encore meilleur que tout cela, mais il y faut aviser plus meurement. La contrainte qu'il y a en cecy c'est qu'il faut choisir une chose que le Graveur puisse representer sur un petit cachet¹⁾.

1) Sur la dernière page de la lettre on trouve, esquissées par Chr. Huygens au crayon, quelques figures avec des devises, savoir:
Un vaisseau louvoyant contre le vent, avec les devises: IMUS ET ADVERSIS, IMUS ET HIS ISTIS; SCIENTIBUS UTILIS, et PROSUNT HI QUOQUE; un autel d'où monte la fumée, emportée par le vent, avec SCANDIT TAMEN et SURGIT TAMEN; une figure représentant le vent avec la devise: QUO FERAR IGNOTUM, et les variantes: QUIS SCIT QUO, QUO NEMO NOVIT, QUO SCIT NEMO, IGNOTUM QUO.