Oeuvres complètes. Tome IV. Correspondance 1662-1663
(1891)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 1105.
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truy sans les avoir esprouuez, s'ils ne sont pas veritables. Enfin on s'estudiera à detromper le Monde de toutes les Erreurs Vulgaires qui passent depuis si long temps pour des veritez, faute d'auoir faict une fois les experiences necessaires pour en decouurir la fausseté. On fera en sorte d'apprendre toutes les pratiques des Arts tant de ceux qui sont en usage en france que dans les autres Pays et d'auoir le dessein de toutes les Machines, et de tous les jnstruments qui y seruent, et de scauoir tout ce que les Ouuriers remarquent dans les matieres qu'ils employent, touttes les difficultez qu'ils rencontrent dans leurs Ouurages, tout ce qu'ils rechergent ou mesme ce qu'ils souhaittent pour la perfection de leurs arts et de toutes ces choses on en fera une Liste ou un Tableau, afin que les habiles y songent, et qu'ils taschent par la Mechanique ou par la Chymie ou par la conference de diuers arts d'appliquer par Analogie aux uns ce qui se pratique dans les autres. On taschera aussi d'apprendre toutes les tromperies des Artisans et des Marchands et leurs Sophistiqueries avec les Moyens pour les decouurir, que l'on publiera pour empescher le public d'y estre trompé, et pour obliger les ouuriers a trauailler plus fidelement. On s'appliquera à recercher les moyens de faciliter la nauigation pour augmenter le Commerce et pour auoir les occasions de decouurir les merueilles qui se rencontrent dans les pays inconnus, ou tout est nouueau et different de ce que Nous voyons dans le nostre, dont il reuiendra un tres grand profit a l'Estat par la decouuerte des Mines, des pierres pretieuses desGa naar voetnoot2)....et des Remedes excellens dont ces pays abondent. Et pour cet effect on recerchera tout ce qui concerne la construction des vaisseaux et leur equipage, et tous les moyens de remedier aux jnconveniens que l'on a remarquez dans les voyages de long Cours. Dans toutes les occasions ou des personnes curieuses voyageront ou resideront dans des pays estrangers, on leur donnera des Memoires et on les priera d'examiner les Lieux ou ils iront ce qu'on jugera y estre remarquable tant dans la Nature que dans les arts, et mesmes dans les grandes navigations l'on taschera d'envoyer exprés des personnes jntelligentes pour remarquer tout ce qu'il y aura de curieux dans les Terres nouuelles, tant dans les metaux, les animaux, et les plantes, que dans les Jnventions des arts. Et pour cela l'on portera dans les pays policez les modeles ou les desseins des Machines dont nous nous seruons icy, à fin s'ils ne les ont pas de leur en apprendre l'usage de quelques unes et de troquer les autres, contre celles que Nous n'avons pas, ou contre les secrets de leurs arts que nous ignorons, que l'on auroit peut estre difficilement pour de l'argent, ou par d'autres voyes. L'on envoyera aussi touttes les curiositez de l'optique, Dioptrique etc. de l'aimant etc. | |
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pour s'jntroduire par ce moyen et se faire estimer, puis que l'on scait que c'a esté par de semblables voyes que l'on a eu entrée dans de puissans Royaumes. On s'appliquera particulierement à estudier ce qui concerne l'agriculture, à rendre fertiles les Terres jncultes, à desseicher les Marais etc. comm' estant les choses qui peuvent les plus augmenter le bonheur d'un Esfat, aussi bon et aussi fertile que le Nostre. On recerchera les moyens de faire la communication des Provinces les unes avec les autres, afin que les denrées se puissent debiter et se transporter aux Lieux ou il en manque, en rendant les Riuieres navigables, ou joignant celles qui le sont desià. On chergera aussi toutes les voyes de remedier aux inondations de la Seine qui incommodent Paris, depuis quelques années, Et pour toutes ces choses on trauaillera à faire des Cartes Geographiques tres-exactes, qui est une des choses qui manquent le plus dans cet Estat. Si la Compagnie est consultée sur quelques Jnventions nouuelles, sur quelques Machines ou sur quelques grands desseins publicqs ou particuliers, Elle deputera Ceux de son Corps qui seront les plus versez dans ces matieres pour les examiner, et aller mesme sur les Lieux s'il est necessaire, qui feront leur Rapport à la Compagnie, de ce qu'ils auront trouué, Laquelle l'examinera tres-exactement pour juger de la possibilité ou de l'utilité du dessein, et en dire son sentiment, qui procedant de personnes jntelligentes et desjnteressées manquera rarement d'estre veritable, afin que faute d'un tel examen le Prince ou les Particuliers ne s'engagent pas, en des depenses inutiles, et en des entreprises peu honorables, comme l'on voit que cela n'arriue que trop souuent. Par ce moyen le Roy aura dans ses grands desseins et dans toutes les propositions nouvelles qu'on luy fera un Conseil capable de luy donner des aduis sinceres et veritables s'il luy fait l'honneur de le consulter. La Compagnie entretiendra commerce avec toutes les autres Academies, et auec tout les scauants de tout les Pays. pour s'jnstruire reciproquement de ce qu'il y a de particulier dans la Nature et dans les arts, et de ce qui se fera de nouueau touchant les Liures et les sciences, Et pour obseruer par ce moyen en tous les Lieux, les Saisons, les vents, le plus grand chaud, le plus grand froid, la declinaison de l'Aimant, les flux et reflux des Mers, les Eclipses, les Cometes, les meteores, et les autres fenomenes du Ciel et de la Terre par le moyen des Thermometres du vif argent, des pendules, et de tous les autres jnstruments necessaires pour pouuoir en suitte faire une histoire de la Nature la plus universelle qui soit possible, sur la quelle comme sur de solides fondemens on puisse trauailler à bastir une Physicque, et pour faire pareillement une histoire des arts, et des jnventions des hommes qui sont en usage, et dans les Lieux ou il y a des choses curieuses: Et où il ne se rencontrera personne capable de les examiner, comme aux bains et aux fontaines au dessus des hautes Montagnes, au fond des Mines &c. on envoyera | |
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expres des personnes jntelligentes avec de bons. Memoires pour faire toutes les remarques, et les experiences necessaires. L'on priera ceux, qui se sont particulierement appliquez à quelque science ou a quelque art, ou qui ont la curiosité de s'y appliquer de trauailler par toutes sortes de voyes pour les perfectionner et de donner communication à la Compagnie de tout ce qu'ils en scauent. Et ainsy tout le monde jouira des trauaux les uns des autres. Et on s'excitera mutuellement à contribuer de toutes sortes de matieres au bonheur de la vie. à quoy il est à souhaitter que tout le monde s'applique à l'avenir plus serieusement que l'onGa naar voetnoot3) pas faict par le passé. L'on fera aussi une Liste ou un Tableau de toutes les Jnventions qui se sont perdues pour tâcher de les retrouuer. Et un autre de tous les souhaits que les hommes ont jamais eus ou peuuent auoir sur quelque matiere qui ce soit, et de toutes les choses que l'on recerche depuis si long temps sans les auoir encores trouuées afin d'examiner si elles sont possibles ou impossibles, et d'exciter les habiles à les rechercher. On ne parlera jamais dans les Assemblées des misteres de la Religion ny des affaires de l'Estat: Et si l'on parle quelque fois de Metaphisique, de Morale, d'Histoire ou de Grammaire etc. Ce ne sera qu'en passant, et autant que cela aura du rapport à la Physique, ou au commerce des hommes. La Compagnie sera composée des plus scauants dans toutes les veritables Sciences que l'on pourra trouuer, Comme en Geometrie, en Mechanique, Optique, Astronomie, Geographie &c. en Physique, Medecine, Chymie, Anatomie, &c. ou dans la pratique des Arts, Comme l'Architecture, les fortifications, la Sculpture, la peinture, et le dessein, la Conduite, et l'eleuation des Eaux, la Metallique, l'Agriculture, la navigation &c. Ou de ceux qui auront faict part à la Compagnie de quelque secret, ou de quelque Jnvention considerable qu'ils auront trouuée, pour exciter tout le monde à inventer quelque chose de quelque nature que ce soit, puis qu'il n'y a rien de nouueau dont avec le temps on ne puisse tirer quelque utilité considerable: Ou de ceux qui auront beaucoup voyagé; Et de quelques uns qui entendent les Langues vulgaires pour traduire tous les bons liures qui traitent des sciences, et des Arts, que nous n'auons point en nostre langue, afin de les faire imprimer, si la Compagnie juge qu'ils soyent utiles au public, et pour lire tous ceux qui s'imprimeront en ces Langues, afin qu'elle soit avertie de tout ce qui s'escrit et se trouue de nouueau: Et de quelques autres qui escriuent bien en latin, pour traduire en cette Langue les Ouurages que la Compagnie pourroit permettre que ceux des siens qui les auroient faicts imprimassent, et qu'ils auroient composez en francois. Et l'on ne receura personne qui n'excelle au moins en quelqu'une des choses | |
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susdictes, et que l'on ne juge capable de pouuoir contribuer à l'auancement des desseins de la Compagnie. On elira de temps en temps, suiuant ce qui sera resolu, des personnes de la Compagnie pour auoir soin de sa conseruation et de son auancement. Jl y en aura une pour conduire les assemblées et y faire garder la bienseance et le silence, à laquelle on deferera sans aucune opposition, et sans la permission de la quelle on ne pourra rien faire ny parler d'aucune chose. Jl y en aura une autre pour recueillir ce qui se fera ou se dira de remarquable dans les assemblées, dont il tiendra un Registre exact qui demeurera dans l'Academie, que tous Ceux qui composent la Compagnie pourront veoir, ou en faire tirer Copie s'ils sont absens, mais quils ne pourront jamais rendre public ny imprimer sans le consentement de la Compagnie. Et pour entretenir le Commerce avec les autres Academies et les scauans. Jl y en aura d'autres qui tiendront leur place en leur absence et qui les soulageront. Jl y aura une personne ou deux dependantes de la Compagnie, pour auoir le soin de tenir prest et de faire executer tout ce qui concernera les experiences, et les Machines pour les desseigner et faire trauailler les ouuriers, et generalement pour faire tout ce qui sera ordonné en suitte des deliberations de la Compagnie. On elira six ou huict des plus zelez pour s'appliquer particulierement à l'auancement de la Compagnie, et pour remedier aux inconveniens qui se pourroient decouurir, qui pourront s'assembler quand ils le jugeront à propos, Et s'ils ont resolu quelque chose, on en fera le rapport, à l'assemblée prochaine pour en deliberer. Et le Resultat sera mis dans un Registre particulier avec les Statuts, et les loix de la Compagnie. |
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