Oeuvres complètes. Tome III. Correspondance 1660-1661
(1890)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekendNo 826.
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qu'il rencontre en vostre terrible Abbregé de l'uniuers, d'ou pensez vous que ie prenne l'impudence d'ij paroistre; qui me sens tout borgne et incapable de regner que parmi les aveugles? Bref, Monsieur, si c'est là un article de la grande lettre qu'il vous a pleu me destiner, tenez le pour bien refuté par ce seul argument, de ce que tout autre consideration a part ie feroij scrupule de produire ce que le faux jour de l'esloignement, et quelque faueur hyperbolique, comme la vostre, a mis si fort au delà de ce peu qu'il merite en effet. Mais enfin, de ceste belle grande lettreGa naar voetnoot3) que j'aij tant regrettée, sera ce là tout ce que j'en verraij? Pour dieu, Monsieur, n'usez pas de ceste rigueur enuers moij, qui ne suis point coupable de la perte. Je veux que d'ordinaire vous n'escriuiez qu'une fois ce que vous escriuez auec autant de facilité que de grace: mais encore si ce n'est pour la forme (qui ne vous couste rien) est on souuent bien aijse de se faire tirer une copie de beaucoup de matieres differentes, que la memoire ne sçauroit representer à toute heure. C'est donc ceste copie, que ie vous demande peremptoirement, et, si vous souffrez un peu de la brutalité de mon païs, je pretens, et tousiours pretendraij, de n'en estre point refusé. Apres tout, donnez vous garde d'Archimede; car il a ordreGa naar voetnoot4) de vous en persecuter en Hollandois. c'est tout dire. Vous n'auez que faire de me persuader à vous laisser ce Garçon plus que je n'auoij creu. n'ij eust il que la grande fortune qu'il a eue de vous trouuer encor en vie, au contraire de ce qu'on nous en auoit faict apprehender, je m'estimeroij mauuais Pere en me hastant de le retirer d'où il a moijen de tant prouffiter au prix de ce qu'il peut esperer chez moij, qui n'aij que la folle amour paternelle pour pretexte de l'enuie qui me demeure de le reueoir au plus tost: outre que, peut estre, en lieu de moins de bruict que n'est Paris, il est taillé de produire plus de bonnes choses qu'il n'en sçauroit mediter en ce Païs, que feu nostre ami Monsieur Descartes fuijoit, par ce, disoit il, que le compliment y porte, Monsieur ie vous iray veoir, ce qui l'importunoit et luij faisoit aymer la Hollande, ou on est si peu prodigue de visites et si retenu, qu'à peine en donne-on qi'aux instances de ses amis. Vous me direz, Monsieur, en me voyant tant gaster de papier, qu'en recompense on y faict belle largesse de paroles: et ie ne l'avouë pas sans confusion. mais ie ne sçauroij me condamner tout a faict, quand ie voij qu'une grande partie de ce papier a esté emploijée à la tres-humble et tresinstante requeste que je vous aij faicte, et faij, et feraij trente fois, que la grande lettre ne me soit plus enuiée. Obligez moy de ceste grace, et puis disposez d'Archimede comme il vous plaira, et du Pere à jamais sans reserue, puis qu'il est sans reserue, et à jamais, &c.
A Monsieur Conrard. |
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