Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659

[p. 439]

N^o 639.
Ch. Bellair à [Christiaan Huygens].
16 juillet 1659^a).

La lettre se trouve à Leiden, coll. Huygens.
Chr. Huygens y répondit par le No. 667.

A Vaumurier ce 16 Juillet 1659.

Monsieur

Je me donnay lhonneur de vous escrire il y a quelques jours¹⁾, et j'accompagnay ma lettre du dessein de la machine de Monsieur Pascal. A present je vous enuoye la machine mesme sur laquelle j'ay pris ce dessein. Je l'adresse a Monsieur Petit libraire a Paris qui ma mandé quil trouueroit moyen de vous la faire tenir. Celuy a qui elle est ma dit que vous pourriez la garder tant quil vous plaira et mesme en faire faire vne semblable par vos ouuriers si vous le uoulez. Il n'est pas pressé de la r'auoir. Cest vne personne qui vous honore beaucoup et que vous connoissez assurement de reputation, mais il ne veut pas estre nommé.

Je croy que vous ne trouuerez pas mauuais que je prenne icy la liberté de vous entretenir de nos orloges. Nous n'auons pas encore receu les deux dernieres. Neantmoins je croy qu'elles seront a present en chemin, car on m'enuoya il y a quelques jours la fin d'vne lettre de Monsieur Elzeuier qu'il escriuoit a Monsieur Petit, par laquelle il luy mandoit qu'elles seroient bientost enuoyées par terre dans la balle des lettres parce qu'on ne pouuoit rien enuoyer par mer a cause d'vne deffence de Messieurs les Estats. Si neantmoins elles n'estoient pas encore parties lors que vous receurez la presente et qu'il y eust moyen de faire en sorte qu'il y eust vne sonnerie pour les heures a celle que lon a demandée qui doit marquer les secondes Monseigneur le Duc de Luynes en seroit bien aise car il voudroit bien que celle quil destine pour garder dans son cabinet sonnast les heures et marquast les secondes. Mais si elles sont parties il n'y a plus de remede il faut les laisser venir.

Je fis escrire dez le 23 may a Monsieur Elzeuier pour le prier de demander encore a vostre ouurier vne orloge a ressort qui sonne les heures et qui ait le cercle d'argent. Monsieur Brunetti vous la recommanda²⁾ Et jay veu la reponce que vous luy auez faitte depuis peu³⁾ touchant cela dont je vous suis tres obligé. Je feray donner largent pour cette orloge a Monsieur Petit afin qu'il le fasse tenir a l'ouurier, mais je suis en peine de sçauoir combien il luy faut monnoye de France.

a) ℞ le 3 septembre [Chr. Huygens].

1) Voir la Lettre N^o. 631.

2) Nous n'avons pas trouvé cette lettre de Brunetti à Chr. Huygens.

3) Cette lettre de Chr. Huygens à Brunetti manque également dans nos collections.

[p. 440]

Si j'osois Monsieur je vous demanderois la grace de m'en faire éclaircir, mais je prens trop de liberté. Si je pouuois auoir correspondance auec l'ouurier mesme je m'adresserois immediatement a luy sans vous donner toutes ces peines et peut estre seray je obligé d'en faire venir encore quelques vnes car vn de mes amis m'en a encore depuis peu demandé vne mais je ne suis pas esclaircy de quelle façon il la veut. Permettez moy de vous demander si en Hollande dans les lieux ou il y a plusieurs orloges a pendule, ils demeurent long temps a sonner les heures ensemble; car j'en ay fait accommoder deux ou jay fait mettre a chacun vn pendule de 3 pieds et quelques pouces. Je nay encore sceu trouuer moyen de les faire sonner 4 jours de suitte precisement ensemble, ce nest pas qu'elles s'eloignent beaucoup l'vne de lautre et quand on prend garde aux quadrans au Soleil on ne peut pas mesme en 8 jours y remarquer de la difference, mais la precision de l'ouije est beaucoup plus sensible que celle de la veüe. Je trouue aussy que quand on les huile cela fait aller les balancemens du pendule plus loing et lorloge retarde, ou au contraire quand les roüages sont bien secs et que le pendule ne prend pas vn si grand branle elle aduance. Je les ay fait faire selon la premiere methode cest a dire le balancier horisontal. Je ne scay si vous n'auez point quelque inuention pour auoir vn raion de soleil bien net et bien coupé ou vne ombre bien couppée qui aille aussy viste que le bout de laiguille des minutes dvne de vos orloges afin de les pouuoir ajuster bien precisement sur le Soleil. Je vous supplie dexcuser toutes les libertez que je prens et de me faire la grace de me croire.

Monsieur

Vostre tres humble et tres obeissant seruiteur Bellair.