Oeuvres complètes. Tome II. Correspondance 1657-1659
(1889)–Christiaan Huygens– Auteursrecht onbekend
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No 619.
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faisant aller les rouës de l'horloge jusques aux lieux ou se doiuent lascher ces Detentes, le tout reciproquement comme dans lhorloge de vostre fabrique où le pendule ayde le mouuement du balancier et le balancier le mouuement du pendule. Voila, Monsieur, quelle estoit ma pensée sur son Dessein. Car si cela estoit autrement et que ce balancier apres l'esbranlement donné d'abord eust besoin de la main encore pour ranimer son mouuement de temps à autre, l'Inuention ne me sembleroit pas digne d'estre tant soit peu considerée et a proprement parler ne seroit pas vne Inuention. Mais de quelque sorte quelle soit elle me paroist infiniment au dessous de la vostre, tant pour la beauté que pour la facilité dans les grands et dans les petits volumes. Ioüissés en donc auec seureté, et croyés qu'elle a receu parmy nous la louange qu'elle a meritée, et que les horloges de cette sorte y sont extremement estimés et recherchés. Je vous suis au reste bien redeuable de la maniere dont vous aues vsé pour la confidence que je vous auois faitte des motifs de la Guerre AcademiqueGa naar voetnoot2), et de la Reuolte scandaleuse de Monsieur Menage contre le principal de ses Amis, je dis principal en affection et en offices. Je ne suis pas pour moy d'humeur plaintiue et parleuse, et a moins que de vous aymer aussi tendrement que je fais je n'eusse eu garde de me laisser engager a vous eclaircir de cette extrauagante affaire. Je m'y suis resolu pource que je scauois pouuoir le faire sans consequence dans la certitude que j'auois de vostre amitié et de vostre discretion. Jen mande quelque chose de plus a nostre cher Monsieur HeinsiusGa naar voetnoot3) qu'il vous communiquera aux mesmes conditions s'il vous plaist. Je voy auec plaisir que vous entres si equitablement dans la justice de ma cause, qui parle a la verite delle-mesme et qui couure de confusion cette Personne mesconnoissante aupres de tous les gens de sens non seulement de mes Amis mais encore des Indifferens que la passion ou l'interest n'ont point preuenus a mon desauantage. Aussi me suffitil du Jugement public et de celuy de ma conscience, et je ne me mets point en peine de me justifier pour ne me commettre pas auec vn Ingrat. Vous voyes par la, que la perte ne men doit pas estre fort sensible, et quelle est compensée au centuple par l'acquisition precieuse que j'ay faitte d'vn coeur aussi noble et aussi bon que le vostre, lequel je vous supplie de me conseruer auec le mesme soin que je vous conserue le mien qui n'est pas tout a fait indigne d'vne si glorieuse correspondance. J'apprens auec vne extreme joye par vous et par Monsieur Heinsius que vostre SaturneGa naar voetnoot4) est sous la presse. Quelque contradiction quil puisse rencontrer il ne faut point vous rebuter pour cela. Les grandes choses sont sujettes à l'enuie et a l'injustice. Cest leur destineé et vne marque de leur veritable grandeur. Cellecy aumoins maura pour ferme Partisan je ne dis pour fort, a cause de la foiblesse de mes lumières et du peu de connoissance que | |
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j'ay de ces admirables speculations. Le bon Monsieur Gassendi vous manque bien dans la publication de ce bel ouurage. Il en eust esté le Juge le plus competant et le plus sincère, et ce quil en eust prononcé eust esté dvn grand poids pour en appuyer la naissance et le progres. Je ne luy eusse pas esté inutile aupres de ce grand Personnage par lestroitte liaison qui estoit entre nous et par la pleine confiance qu'il auoit en moy. Mais Dieu ne la pas permis et en le retirant de ce Monde il nous en a voulu consoler en faisant eclôre vn Genie aussi philosophique et aussi candide que le vostre. Cest la creance de celuy qui sera eternellement
Monsieur Vostre treshumble et tresobeissant seruiteur Chapelain.
De Paris ce 15. May 1659.
A Monsieur. Monsieur Christianus Huggens Gentilhomme Hollandois A la Haye. |
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