No 59.
Constantyn Huygens, père, à A. Rivet.
18 mars 1649.
La lettre se trouve à la Haye, Archives du Roi.
Il y répondit par le No. 60.
Monsieur,
Je viens d'apprendre aveq beaucoup de deplaisir que mon Fils Ludovic s'est émancipé à la sottise de mettre l'espée à la main contre un autre EscolierGa naar voetnoot1) sans qu'on m'ij adjouste aucune particularité du subject de leur querelle. Je vous supplie d'en prendre cognoissance; et, quelque tort ou raison que mon Garçon puisse auoir eu, de luy faire forte réprimende sur ceste témerité, qui jusques ores a esté chose inouije entre les miens. Je leur ay faict apprendre l'exercice des armes, pour la defense de leur corps, en temps de necessité, mais nullement pour s'en preualoir comme soldats; à quoij ils ne sont nij nez nij nourris, et me tiens fort scandalisé de ce que le Regent du College n'a eu la prevoyance à preuenir des desordres de ceste nature, entre si peu de monde qu'il a à gouuerner. Je ne sçauvy pas que l'on sortoit du College à heure indue, sans son congé, et, puis qu'ainsi est, je puis bien conclurre ce qu'il faut attendre du reste de son administration. En fin, monsieur, ce sont icy les moyens de ruiner et College et Escole illustre; car certainement les honestes gens detesteront les lieux ubi jus datum sceleri est, et n'envoyeront pas leurs enfans où les exemples de la milice les peuuent animer au coup d'espée. On me dit qu'un Caualier de la GarnisonGa naar voetnoot2) a serui de second en ce beau duel. Si monsieur de Haulteriue permet ceste insolence aux soldats, de s'engager aux querelles des Escoliers, nous allons
veoir beau jeu; mais je sçay bien que je n'y laisray plus guères les miens, et comme je les retireraij, l'on verra quelle en sera la suitte.
Reuenant à mon fils, monsieur, je vous prie entre autres choses, de luij faire oster et Espée et fleurets et tout ce qui regarde le faict des armes, dont j'entens qu'il n'aijt plus à se mesler en aucune sorte. C'en est assez, et trop; comme il ij a paru. Je vous donne à considérer, s'il n'importe pas qu'on défende à tous Escoliers de porter l'espée. Je n'ay pas sceu jusques ores qu'ils en estoyent en possession, et des officiers mesme de la Garnison me le blasment, aueq beaucoup de raison. Si vous ne le trouuez à propos pour tous, au moins je vous le demande pour les miens, dont la profession ne touche point l'espée; et quand ainsi seroit, tant qu'ils sont estudians ils ne s'en doibuent parer ni seruir en aucune manière. Je vous demande pardon de la peine que je vous en donne: j'ay pensé ne m'en pouuoir adresser mieux