Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend6772. S. Chieze. (L.B.)aant.Je receus vostre lettre du 2 Octobre avec la joye, et la reconnoissance que je dois, Monsieur, et defferant à voz sages advis, je n'envoy point d'extrait de mon journal - que pour justiffier ma conduite je ne puis m'empescher de remplir de minutez - me contentant presentement d'escrire en substance l'estat des choses. Vous verrez ce qui se passe dans la lettre que j'escris à S.A., et l'esperance prochaine ou je suis qu'enfin la ReyneGa naar voetnoot4) me donnera un commissaire. Je crois que c'est pour seconder l'humeur de la nation, et tenir toutes les affaires en longueur plustost que pour les terminer avec plus de succez, qu'on a inventé icy les divers degrez par ou il faut passer. Quant un memorial est presenté à la Reyne, elle le renvoye par decret auquel des Conseilz elle | |
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trouve à propos; ce Conseil fait une consulte sur l'affaire proposée à pas lentz et quant il plait au secretaire d'iceluy de produire le memorial, à quoy il ne faut pas une petite sollicitation et faveur. Apres cella son memorial remonte à la Reyne passant par le Conseil supreme de la Jointe, sur l'advis duquel S.M. forme son decret. Ce memorial redescend au Conseil ou il avoit esté renvoyé, et ensuitte l'on fait la publication du decret. Il m'a fallu essuyer les longueurs de ce premier, et sous pretexte qu'il manquoit de papiers qu'il falloit tirer des archives pour l'intelligence de mon affaire, qu'il y avoit d'autres matieres pressantes sur le tapis, M.r Don Diego de la Torre, secretaire d'estat, m'a tenu deux mois, et je serois encor en ses mains, si la nouvelle des executions que fait Mad.e la comtesse d'Isenguien ne m'eut donné lieu de presenter un second memorial à la Reyne, pour la sollicitation duquel j'ay fait intervenir puissamment M.r de Godolfin. Le Conseil d'Estat a donné sa consulte sur l'un et sur l'autre la semaine passée; cette consulte est maintenant à la Jointe et sans la celebre feste de taureaux qu'on prepare pour demain j'aurois desjà mon decret. Je crains qu'il soit peu favorable au regard de Mad.e d'Isenguien, ces ministres icy n'osant pas empescher le cours de la justice à ce qu'ils pretextent, comme faisoit par sa souveraine autorité et volonté le feu Roy, quoyqu'ils asseurent que jamais il n'y a eu d'ordre formel de feu S.M. pour arrester lesdites executions, mais seulement des ordres aux gouverneurs des Pays bas de procurer envers Mad.e d'Isenguien que lesdites executions fussent surseues. Sur cette crainte je priay M.r de Godolfin, grand amy de M.r le comte de Peñeranda, sur les advis duquel la pluspart des affaires se reiglent, de solliciter pressammant ledit comte, ce qu'il trouva à propos de faire par escrit, affin de rendre plus publique la recommandation du Roy son maistre. Vous verrez copie de la lettre dans mon pacquet pour S.A. Je ne scay si dans le Conseil de la Jointe cette raison d'estat prevaudra, mais j'espere en tout cas qu'on m'aura nommé un commissaire, auquel pouvant m'adresser à toute heure, je pourray mieux faire valoir l'interest de S.A., et M.r de Godolfin l'intervention du Roy son maistre. Nous aurons besoin du secours de M.r l'ambassadeur d'HollandeGa naar voetnoot1) qu'on dit estre en chemin, et qui ira de bonne foy, à ce que j'espere. Mais avant cella et sur toutes choses, comme je pris la liberté de vous marquer par ma precedente, il sera necessaire de ne laisser pas eschapper la conjoncture presente et se prevaloir de la presence de S.A. à Londres et de son credit aupres de S.M. Britannique pour faire agir le comte de Molina pressamment affin que les affaires de S.A. se puissent reigler icy dans le tems qu'on espere qu'il pourra rendre de bons offices à cette Couronne. Car sans cette consideration, asseurez vous, Monsieur, que ces gens icy ne fairont jamais rien. C'est la peur qui les a obligez de trouver de l'argent. pour M.r le prince de CondéGa naar voetnoot2), dans la pensée que le Roy de France qu'on croit chercher noise, pourroit luy permettre de faire quelques courses pour son interest dans la Franche Comté voisine du gouvernement dudit prince, outre que, à ce que chascun asseure, GourvilleGa naar voetnoot3), a versé par avance des grandes sommes. Je m'ayde de mon costé | |
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du premier motif, et je n'ay pas manqué de dire clairement et faire apprehender que S.A., apres avoir tenté inutilement les voyes de la priere et de la sousmission, ne recourrut à celles que les diligences de ses Tuteurs luy avoyent ouvertes et dont il n'avoit surseu la poursuitte que par respect pour S.M.té, et cependant mon envoyé Don Diego de la Torre me respondit qu'il n'en faudroit pas venir à cella, mais que toute la difficulté consisteroit à trouver des moyens recevables. Que le comte d'EgmontGa naar voetnoot1) ayant aussy de grandes pretentions auprez Mess.rs les Estatz et en vertu du mesme traitté de Munster, sans qu'on luy eut donné satisfaction jusques icy, pourroit bien recourir aux mesmes moyens, mais que la bonne intelligence entre les potentatz ne les permettoit pas facilement. Je luy repliquay que S.A. ayant pour garenti les ecclesiastiques et prelatz de Brabant, pourroit excercer des represailles sur leurs biens sans que personne le trouvat estrange, ny que cella deut attirer une rupture. Enfin, Monsieur, je n'oublie rien à faire ny à dire, mais ces Messieurs icy ont bonnes oreilles. Mons.r de Godolfin s'anime beaucoup de son costé et je crois qu'un petit remerciment de la part de S.A. seroit de grande efficace, et toute l'importance git, ainsy que j'ay desja dit, à le prevaloir promptement de la conjoncture presente pour que, s'il se peut, le Roy d'Angleterre en face absolument son affaire, et que M.rs les Estats facent la mesme chose. Je me persuade que M.r de Beverning viendra bien muny d'instructions pour cella; je l'attens avec une extreme impatience, et dans le dessein de cultiver sa bonne volonté par toute sorte de respectz et de services. Il y doit avoir demain une grande feste de taureaux accompagnée de Juego de cañar que ce peuple qui ne crie jamais que panem et circenses n'avoit pas veu despuis treize ans. Le Roy mesme en est si passionné, qu'on eut une peine extreme de le resoudre à faire remettre ceste feste pour deux jours, à cause que dimanche et lundy il pleut a verse, S.M. disant qu'il avoit veu tant de festes seiches, que se holgaria mucho de veer las bañadas. M.r le conducteur m'a fait donner un balcon, quoyqu'il dise que cella ne s'accorde pas à mon caractere, M.r de Gourville ayant esté refusé par le Conseil d'Estat, auquel il avoit demandé un balcon par memorial, mais qu'il me l'a procuré par pure amitié pour moy, sans que je le doive mettre sur le compte de S.A. Il est aisé à voir pourtant que toutes ces amitiez ne se font qu'en veue d'obliger S.A., aupres de laquelle ledit Don Emanuel de Lyra conducteur espere d'estre bientost, en qualité d'envoyé extraordinaire de cette Couronne vers M.rs les Estatz. Pardon, Monsieur, di questo cosi lungo diario. A Madrit, le 26 Novemb. 1670. |
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