Briefwisseling. Deel 6: 1663-1687
(1917)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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sans rendre satisfaicte la curiosité que vous pourriez avoir de sçavoir ce que je suis devenu. Mais j'incline plus à croire que mon silence ne vous deplaira pas, quand vous verrez que je n'auroy eu à vous entretenir que de choses deplaisantes. En effect, Monsieur, je ne sçaurois vous expliquer le grand excès de joye dont ce peuple icy m'a accueilli, sans vous faire remarquer en mesme temps l'estrange oppression dont ils ont jugé que mon arrivée les a faict sortir. Il est vray que j'en ay sceu quelque chose, lorsque M. de Bezons eut ordre de s'en aller informer, et vous mesme, Monsieur, en avez veu quelques articles, mais ce que j'en ay entendu depuis et en entens tous les jours de la bouche de gens d'honneur, que les menaces avoyent tenu fermée, est si audelà, que veritablement le Roy qui est si juste et si genereux et a tant d'aversion pour la violence, auroit de la peine à croire qu'il eust des subjects qui osassent abuser de l'autorité et du respect de son nom royal, an point qu'ont faict des gens postez en ce chasteau, au nombre desquels je ne puis comprendre M. le commandeur de Gaut que pour autant qu'il en a voulu mettre la direction en de si mauvaises mains. Nos pauvres subjects me lassent si fort de tant de ces recits pitoyables que je vous asseure que c'est une des raisons pourquoy je me haste de m'en desembarasser, outre la peine que j'ay à empescher ce monde outré, de se ressentir de tant d'injures envers ceux qu'ils en reconnoissent pour les principaux auteurs. Outre encor le deplaisir que j'ay de veoir non seulement le triste debris de ceste jadis si belle et innocente place au dehors, qui est de l'ordre du Roy, mais de plus les insolens degasts qu'on a pris plaisir à faire dans la maison de S.A. mesme, où je suis bien asseuré que S.M. n'aymeroit pas de sçavoir un magazin jetté sotto sopra, du canon esventré et faict crever de gayeté de coeur, de la fonte de S.A. destournée à autre usage particulier, de la poudre gouspilléeGa naar voetnoot1) en occasions de neant - apres ce qui en a esté employé à la demolition de nos ouvrages, qui a valu audit S.r commandeur un profit de fort grosses sommes d'argent - de bons mousquets et bandouilleres et autres pieces de la curiosité de nos Princes changées pour d'autres infames et de nulle valeur, des chambres et mesme des cabinets de belle veüe esbranslez et gastez par la force du canon qu'on y a voulu mener sans autre but ni usage, que pour destruction et ruine, et finalement des serrures, des verroux, et je ne sçay quoy non d'emportable enlevé hors de la maison d'un Prince que vous sçavez, Monsieur, qu'on a encor obligé de payer des reparations pretendues, mais certes invisibles à mes yeux en ceste mesme maison. Je m'asseure que desjà je vous ennuye de ce fascheux entretien, mais vous estes dans un poste, Monsieur, où les affaires estrangeres ne vous doibvent estre celées; aussi, apres cecy, vous n'en entendrez plus parler. Je me dispose au retour vers ma patrie, qu'il me tarde de reveoir non seulement pour en avoir esté exilé près de quatre ans de suitte, mais d'envie que j'ay d'y faire rapport des grandes bontez dont il a pleu au Roy de m'honorer à toutes les fois que j'ay eu l'honneur d'approcher S.M.; ensuitte aussi de la grace que m'ont faict les Seign.rs ses ministres de recevoir en patience les importunitez que j'ay esté obligé de leur donner plus souvent que je n'eusse voulu. En ce nombre, Monsieur, vous aurez le rang sur lequel je sçay bien que vostre modestie et le devoir de ma reconnoissance ne sçauroyent s'accorder. | |
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Vous m'en lairrez donc user, s'il vous plaist, selon que ce coeur m'en dira, qui vous est acquis à tousjours, comme je suis avec toute passion et verité ..... Orange, le 27e May 1665. |
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