Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5399. Aan H. du MontGa naar voetnoot1). (K.A.)Je vous scay bon gré de la peine que vous avez prise à censurer mes compositions, puisque par là au moins il paroist que vous avez eu la patience de les visiter. Pour quelques unes des remarques que vous y faictes, peut estre que je n'ay pas ignoré ce qu'en dictent Ies regles, y ayant assez longtemps que je les ay estudiées, quoyque non toutes approuvées aveq la superstition que je scay bien que d'aucuns y apportent, au contraire de ce qu'en porte aujourdhuy la practique des Italiens, qui, à mon advis, ne sont pas les plus mauvais compositeurs du monde. A l'une de mes alemandes vous faictes trop d'honneur, d'en avoir emprunté l'entrée, pour l'appliquer à une des vostres, que je viens de recevoir, et de gouster avec beaucoup de satisfaction, souhaittant bien fort de la veoir executée par la main mesme de l'auteur, qui, je m'asseure, y apporte des aggreemens qu'on a de la peine à bien exprimer en tablature. Vous avez prins plaisir à vous estendre en ceste piece tout du long de la fugue, et veritablement y avez couché de fort beaux passages; mais je ne sçay si en vous proumenant de la sorte vous avez prins garde à la longueur de la premiere partie, qui est de 24 mesures, si j'ay bien compté, au regard de la seconde, qui n'en a que 17, ou si peut estre vous ne vous attachez point à ceste observation de rendre les deux parties esgales, au moins de faire la derniere la plus longue. Pour moy, voyant que dans un beau chemin je pourrois m'oublier et m'emporter dans une estendue difforme, en suivant ma fugue, ou quelque autre douceur, au delà de la bienseance, et observant d'ailleurs que certains grands compositeurs en des pieces celebres, et qui ont beaucoup duré dans l'approbation universelle des nations, se sont enfermez dans le nombre de douze mesures pour chasque partie, je me suis limité de mesme en tout ce que j'ay produit de pieces moins bouffonnes que ne sont les sarabandes ou les gigues, soit sur l'espinette, sur la viole, ou sur le luth, dont y en a un tres grand nombre, et me suis tellement accoustumé à ceste proportion que j'aurois de la peine à m'en desdire, comme en effect je juge que dans ceste estendue il y a de quoy satisfaire et l'auteur et l'auditeur, encor que pour vostre esgard je ne veux pas nier que les choses bonnes ne scauroyent estre trop longues; aussi ne veux je parler que de moy mesme, sachant bien que dans les pauvres productions que j'enfante il faut que je me garde de faire passer un grand prelude pour une alemande. Quant à celle dont vous avez voulu gouster les premieres notes, j'avouë que c'est celle des mienes que j'ayme le plus, et comme j'ay passé par tons les tons, en ces deux ou trois années que je m'amuse à l'espinette, je vous ay faict copier toute la suite de ceste mesme alemande, aveq quelque nombre de gigues tirées de mon livre, selon la varieté desdits tons, afin que vous voyiez aussi ma presumption dans les subjects gays. C'en est une bien grande de vous oser ennuyer de tant de sottises, mais apres y avoir une fois passé la veuë, je souffre volontiers que tout s'en aille en cendre. Vous n'avez que | |
[pagina 233]
| |
faire de me recommander l'alemande imprimée au bout de vos motets; il y a longtemps que je la connois, et louë, et fais louër par les amateurs les plus entendus. Vostre pavane est aussi tres-belle en son espece, et je l'ay envoyée joindre aux pieces dediées au Tombeau de M. Duarte, où elle a esté fort bien receuë. Comme j'acheve ceste lettre, j'apprens par lettres d'Anvers que le celebre CouchetGa naar voetnoot1) vient d'y trespasser, qui est une perte insigne aux amateurs curieux de bonnes espinettes. Je suis bien ayse d'en avoir une des dernieres de sa façon à deux claviers, comme estoit celle de M. de ChamboniereGa naar voetnoot2), qui est tres excellente et telle que je ne croy pas que personne en fasse apres ce pauvre Couchet, que je regrette extremement. Voyci de grands discours de musique; pardonnez l'importunité que je vous en donne; au sortir de beaucoup d'affaires qui m'occupent je suis parfois bien ayse de me delasser sur de ces matieres moins serieuses. Je vous prie que quand parfois vous mettrez quelque piece nouvelle au monde, nous en puissions avoir nostre part. Vous obligerez un vray estimateur de vostre beau scavoir, et qui est parfaitement ..... 6 Avril 1655. S'il vous plaist de prendre garde à celles de ce grand nombre de gigues que j'ay marquèes de *, ce sont celles que j'estime les moins vicieuses. |
|