Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend
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5323. Aan prinses Elisabeth van BohemeGa naar voetnoot1). (K.A.)aant.C'est un estrange excès de bonté, qui porte V.A. à la peine de se souvenir que je suis au monde. Le S.r VeguelinGa naar voetnoot2) m'en a donné la nouvelle à son retour d'AllemagneGa naar voetnoot2), et j'en ay rougi, aveq d'autant plus de confusion, qu'il a trouvé moyen de me faire croire que V.A. avoit daigné se ressentir en quelque sorte, de ce que j'ay manqué à luy communiquer quelques pieces nouvellement produittes en ma maison. Si je suis bien informé, Madame, je supplie treshumblement V.A. de considerer, que le seul respect que je vous doibs m'a retenu de vous presenter des choses si peu dignes de vostre attention. Je presuppose donc maintenant que V.A. me faict l'honneur de me l'ordonner, et là dessus m'avance à luy envoyer ce mauvais papierGa naar voetnoot3). Ce qu'il y a de ma façon a esté mis au jour par mon fils aisné, quand je n'ay plus scen resister à la curiosité de ces amis trompeurs et trompez, qui s'imaginent que j'ay quelque talent en poesie, qu'il importe de ne point enterrer. V.A. y trouvera du serieux et du follastre, du physique et du moral, selon la disposition du subject, qui est un petit lieu de plaisance que j'ay à une demie heure d'icy, sur le canal de Leiden. Je ne suis plus scrupuleux, Madame, de dire, mesme en prose, qu'il est joli, parce que l'esté passé il a pleu à la Reine vostre mere d'en juger ainsi de sa grace, m'ayant faict l'honneur d'y passer une apresdisnée aux quilles, et à une pauvre collation de cerises. Apres quoy je pretens que toute hyperbole de mon poeme est de mise, et j'espere que V.A. me l'advouëra. - Ceste autre piece mathematique de mon second filsGa naar voetnoot4), que j'appelle mon Archimede, et lequel feu Mons.r des Cartes disoit estre de son sang, le cherissant d'une affection tres-ardente, sera peut estre un peu plus du goust de V.A., nommément si elle a pris la peine de fueilletter les grands livres de la pretendue quadrature du cercle du Jesuite Gregorius de S.to Vincentio de GandGa naar voetnoot5), dont les juges neutres et desinteressez tienent les fondements esboulez par le peu de fueillets de ce garçon, qui veritablement a la veuë nette et profonde en ceste estude, comme je fay estat qu'il fera encor mieux paroistre dans quelque temps, par des productions de plus d'importance, qu'il couve et desire faire meurir soubs luy. Il y en a une qui concerne la theorie de ce qui flotte sur l'humideGa naar voetnoot6), et une autre, où touts les fondemens de la telescopie sont deduits, aveq des observations et raisonnemens sur les lunettes d'approche, que j'estime qu'on trouvera dignes de la reputation que ce jeusne auteur s'est desjà acquise parmi les gens du mestier. C'est le pere, Madame, que vous entendez parler, et vous debvez souffrir en suitte, que | |
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j'encherisse aveq verité sur les eloges de mon enfant, en vous disant qu'outre ce que dessus, il est tout sçavant en Hebreu, en Grec, en Latin, en François, et en Italiën, pleinement versé en droict et en philosophie, tres-entendu en musique, et si sçavant en peinture de crayon, que les plus experts luy cedent, au jugement de Madame la Princesse Louise vostre soeurGa naar voetnoot1), qui est decisif en ceste matiere. Voila, Madame, comme Dieu a beny mes soings dans l'education de quatre fils que j'ay, n'y en ayant pas un qui n'ayt passé aveq succes extraordinaire au travers de tout ce qui se peut demander de sçavoir à de jeusnes gens de leur condition. Et si un jour Monseigneur l'Electeur vostre frereGa naar voetnoot2) me faisoit l'honneur d'aggreer quelque poulain de cest haras, je croy qu'il n'y verroit pas le service de sa Maison interessé. V.A. me fasse la grace d'y penser par occasion, et s'asseure qu'elle ne se trouvera pas trompée de mon debit, quoyque paternel, et passionné comme il doibt. Toute longue qu'est desjà ceste lettre, je ne puis m'empescher de l'estendre de quelques lignes, pour tres-humblement supplier V.A. de me vouloir gratifier d'une copie du recit que Monsieur Chanut, presentement ambassadeur icy, me dit avoir faict par lettre à V.A. des circonstances de la derniere maladie et trespas de M. DescartesGa naar voetnoot3). Ce qu'il m'en a dit de bouche, Madame, m'a faict juger, qu'il importe pour plusieurs considerations, que ces particularitez soyent cognues et à ses amis, et à ses ennemis, la calomnie n'ayant cessé de persecuter jusqu'à l'ombre de ce grand personage, à l'honneur duquel je m'asseure que V.A. prendra en bonne part la liberté que je me donne de l'importuner sur ce subject. Monsieur Chanut, qui possede tous les papiers du defunct, et pretend d'en faire imprimer quelques lettres d'eslite, desire feuilleter le tout aveq mondit Archimede, pour veoir ce qu'il y a encor de philosophique ou de mathematique dont on pourroit faire part au publiq, n'ayant point de brouïllon de ceste merveilleuse main, à mon advis, qui ne le merite. Je me haste de finir, et plus mon discours est long, moins je luy donneray de queuë, en ne faisant que prier Dieu de benir V.A. en ceste nouvelle année et en grand nombre d'autres, de toutes les grandeurs et prosperitez que luy souhaitte de toutes les forces de son ame ..... ult. anni 1653. J'adjouste encor à ce pacquet quelques autres pieces de ma boutique qui ont occupé celles des imprimeurs à leur temps, pour amplement garnir V.A. de papier à faire cornets à touts usages. |
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