Briefwisseling. Deel 5: 1649-1663
(1916)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend5070. Aan P. CorneilleGa naar voetnoot4). (K.A.)aant.Ce grand intervalle que vous voyez entre vostre faveur et ma recognoissance est si peu de chose, au prix de ce qu'il m'en faudroit pour bien digerer ce que j'ay à vous dire sur un si beau subject, que veritablement il me semble que je precipite la response que vous croyez ne venir qu'à pieds de plomb. Quoy qu'il en soit, j'advoue qu'il est plus que temps que je vous rende un peu de bonnes paroles pour beaucoup de civilité dont il vous a pleu m'obliger; et je les avance icy du mieux qu'il m'est possible à condition que vous souffriez que je les detrempe d'un peu d'aigreur. C'est, Monsieur, pour vous censurer d'avoir si mal choisy à qui vouër la plus achevée et la plus illustre piece que nous ayons encor veu sortir de vostre cabinet. Mais je pretens vous consoler en mesme temps, en vous donnant l'adresse de vous defendre de ce reproche, comme je l'ay desjà faict en vostre nom. Disons, s'il vous plaist, et la verité mesmé le dira pour nous, que vous avez si bien reconnu la valeur de vostre poëme, que vous n'avez point trouvé subject d'apprehender qu'aucune deformité accessoire en ternist la beauté; qu'en suitte vous avez creu en pouvoir gratifier jusques au plus indigne sans rien deroger à l'honneur de Don Sanche, et qu'en somme une mouche ne couvre point le soleil. Si vous permettez, Monsieur, que je saute de ce discours dans les deux autres que vous avez traicté aveq tant de prudence, je vous diray touchant les argumens des pieces de theatre que je persiste dans l'opinion que j'ay tousjours euë de leur utilité, et ne manque peut estre point d'argumens à la soustenir, au moins ne me trouve pas sans sequele dans mon heresie, beaucoup d'honestes gens icy me faisant la grace de se declarer pour elle. Monsieur de Saumaise mesme, qui se plaist assez à s'opposer doctement et souvent quasi pro imperio à des petites verités apparentes que des gens de ma portée reçoivent pour argent content de leurs propres imaginations, a esté content de ne m'esveiller pas de ce songe, en faisant semblant de gouster aucunement l'ingenuité de mon raisonnement. Nous disnames ensemble en bon lieu tost apres que vostre pacquet m'eust esté rendu, et comme donc ce premier point fut vuidé, il leut vostre espistre imprimée et s'engagea soudainement à maintenir que la qualité des acteurs faict la tragedie, et non pas le subject, qui souvent se trouve peu ou point funeste dans des poemes que les anciens n'ont pas laissé de nommer tragiques à raison du cothurne de leurs personnages. La chose ne se passa point sans debat, car toute la compagnie estoit lettrée, mais enfin ce grand homme ne sçauroit se resoudre à se demettre de la possession de vaincre et regner partout. Tost apres il partit pour Suede, et se trouva lors mesme dans l'embaras des preparatifs pour un si grand voyage. C'est ce qui me le fit espargner, mais sans ceste consideration vous en eussiez veu un bien ample discours de sa main, qui ne m'eust gueres plus cousté qu'une lettre de six lignes. Car sa liberalté le porte d'ordinaire à des reparties au centuple, ce que je sçay de beaucoup d'experiences. Encor, Monsieur, vous en feray-je taster, si vous le desirez à son retour, duquel cependant nous n'avons pas toute la plus forte esperance, considerans la rigueur du climat, où il va, et la foiblesse de son pauvre petit corps goutteux. | |
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Me voyci bien emporté au delà de ce que je debvois, et combien de beaux vers ay je faict perdre au publiq durant la lecture de ceste sotte lettre! Mais, Monsieur, apres la bonne volonté que vous m'avez tesmoignée à de si belles enseignes, j'avouë que j'en peche plus hardiment, et ose presque me donner tout mon soul du plaisir de vous entretenir. Permettez-moy de croire que mon crime n'est que veniel, si vous n'avez envie de me rebuter dans le dessein que j'ay de vous envoyer une chastée (?) de vers burlesques que des amis françois, adonnez à ce passetemps là, m'ont arrachez d'une plume qui n'avoit jamais esté à de telle nopceGa naar voetnoot1). J'ay mon fils aisné à Paris et ce beau pacquet dont je vous menace, passera par ses mains, si vous m'y animez, avant qu'il sorte de FranceGa naar voetnoot2). Il vient d'arriver de Rome et, au rapport de ceux qui l'ont veu, a si bien prouffité en dix-huit mois de voyage, que je croy que vous en gousteriez la conversation, s'il avoit le bonheur de vous rencontrer. J'ose vous le donner pour fort joly poete Iatin, outre plusieurs excellentes parties qu'il ne m'appartient pas de specifier en mon enfant, mais qui ont pû induire nos Princes à me le donner pour collegue il y a plus de quatre ans. Si vous estes pere, Monsieur, je ne vous demande point pardon de ceste saillie; vous sçavez ce qu'il y a de sang â sang. Y como no ay padre cuerdo sur ce chapitre là, Je trouve donc enfin ma fin, soit de gré ou de force - vous voyez que le papier mesme m'enfouit - et proteste qu'il n'y aura que la fin de ma vie, qui fera finir la parfaicte estime que j'ay pour vostre excellent merite, et le desir de vous le tesmoigner par des services qui soyent dignes de me faire avouer ..... 5 Octob. 1650. |
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