Briefwisseling. Deel 3: 1640-1644
(1914)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend2464. R. DescartesGa naar voetnoot6).Je tiens à une extréme faveur que, parmy tant de diverses occupations et tant d'importantes affaires qui doivent passer par vostre esprit, vous daigniez encore vous souvenir d'une personne si inutile comme je suis. Et je ne doute point que les lettres que vous avez pris la peine de procurer pour le tourneur n'ayent porté coup; mais il n'en a pas encore senty les effets, sinon en tant que Messieurs de cette ville n'ont jusques icy donné à personne la place qu'il desire, et que le visage de ceux ausquels il a parlé ne luy en a point osté l'esperance. Je m'estonne qu'on vous ai dit que je faisois imprimer quelque chose de metaphysique, pour ce que je n'en ay encore rien mis entre les mains de mon libraire, ny n'ay mesme rien preparé, qui ne soit si peu qu'il ne vaut pas le parler; et enfin on ne peut vous en avoir rien rapporté qui soit vray, si ce n'est ce que je me souviens vous avoir dit dés l'hyver passé, à sçavoir que je me proposois d'éclaircir ce que j'ay écrit dans la quatriéme partie de la Methode, et de ne le point publier, mais d'en faire seulement imprimer douze ou quinze exemplaires, pour les envoyer à douze ou quinze des principaux theologiens, et d'en attendre leur jugement. Car je compare ce que j'ay fait en cette maniere aux demonstrations d'ApolloniusGa naar voetnoot7), dans les- | |
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quelles il n'y a veritablement rien qui ne soit tres-clair et tres-certain, lorsqu*on considere chaque point à part; mais à cause qu'elles sont un peu longues, et qu'on ne peut y voir la necessité de la conclusion, si l'on ne se souvient exactement de tout ce qui la precede, on trouve à peine un homme en tout un païs qui soit capable de les entendre. Et toutesfois, à cause que ce peu qui les entendent assurent qu'elles sont vrayes, il n'y a personne qui ne les croye. Ainsi je pense avoir entierement demonstré l'existence de Dieu et l'immaterialité de l'ame humaine; mais, pour ce que cela depend de plusieurs raisonnemens qui s'entresuivent, et que, si on en oublie la moindre circonstance, on ne peut bien entendre la conclusion, si je ne rencontre des personnes bien capables et de grande reputation pour la metaphysique, qui prennent la peine d'examiner curieusement mes raisons, et qui, disant franchement ce qu'ils en pensent, donnent par ce moyen le branle aux autres pour en juger comme eux, ou du moins pour avoir honte de leur contredire sans raison, je prevoy qu'elles feront fort peu de fruit. Et il me semble que je suis obligé d'avoir plus de soin de donner quelque credit à ce traitté, qui regarde la gloire de Dieu, que mon humeur ne me permettroit d'en avoir, s'il s'agissoit d'une autre matiere. Au reste, je croy que je m'en vais entrer en guerre avec les Jesuites, car leur mathematicien de ParisGa naar voetnoot1) a refuté publiquement ma Dioptrique en ses Theses; sur quoy j'ay écrit à son superieurGa naar voetnoot2), afin d'engager tout leur corps en cette querelle. Car bien que je sçache assez, il y a longtemps, qu'il ne fait pas bon s'attirer des adversaires, je croy pourtant que, puisqu'ils s'irritent d'eux-mesmes et que je ne le puis éviter, il vaut mieux une bonne fois que je les rencontre tous ensemble, que de les attendre l'un apres l'autre, en quoy je n'aurois jamais de fin. Cependant mes affaires domestiques m'appellent en France, et si je puis trouver commodité pour y aller dans cinq ou six semaines, je me propose de faire le voyage. Mais VassanaerGa naar voetnoot3) ne desire pas que je parte avant l'impression de ce que l'opiniâtreté de son adversaire l'a contraint d'écrireGa naar voetnoot4); et quoyque ce soit une drogue dont je suis fort las, l'honneur toutesfois ne me permet pas de m'exempter d'en voir la fin, ny le service que je dois à ce païs d'en dissimuler la verité. Vous la trouverez icy dans sa preface, dont je luy feray encore differer l'impression quinze jours, ou plus, s'il est besoin, afin d'en attendre vostre jugement, s'il vous plaist me faire la faveur de me l'écrire, et il nous servira de loy inviolable. Cependant je vous prie de croire tres-assurément que son adversaire a tres-bien sceu que tout son livre ne valoit rien, avant mesme de le publier, comme les subterfuges de sa gageure l'ont assez monstré, et qu'il a eu la science de Socrate, en ce qu'il a sceu qu'il ne sçavoit rien; mais il a avec cela une impudence incroyable à calomnier, et à se vanter de sçavoir des choses impossibles et extravagantes, qui est, à mon jugement, la qualité la plus dangereuse et la plus nuisible qu'un homme de sa condition sçauroit avoir; et je pense estre obligé de vous mander en cela mon jugement, car je suis ..... (Leyde, Juillet 1640)Ga naar voetnoot5). |
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