Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend1671. Aan prinses Amalia van Oranje. (H.A.)*Toute la nuict passée n'a peu suffire à combler le fossé, dont j'eus l'honneur de specifier quelque chose hier à V. Alt.e. On y a employé encor toute la matinée, et les heures y ont esté louées aux travailleurs à cinquante livres. Enfin, peu avant midi, tout a esté rempli jusqu'à l'autre bord, bien entendu, tant du costé des Angloiz que des Françoiz. Et peu apres les mineurs y ont passé leurs sacramentshuijskens, qui sont certains couverts de bois, dont ils ont accoustumé de se garentir en ces occasions là. Desjà ont ils le nez dans la terre, pour y miner, et cela se pourra fort avancer la nuict qui vient. Car nostre canon va tousjours approchant de plus près, et force furieusement celuy de dedans à se taire. - Mais entretemps l'enemy ne laisse de nous incommoder de quelques petites pieces, qu'il affuste soudainement dans sa corne, et en donne vertement dans noz ouvrages. Ceste meschante prattique vient de leur reüssir, au grand domage du povre coronel GoringGa naar voetnoot2), qui en a eu le pied rompu, aveq ses grandes joinctures, en sorte mesmes que l'os de la jambe en est crevé, et se trouve la playe disposée de telle façon, qu'enfin les medecins et chirurgiens sont apres à deliberer en quel endroict il convient luy couper la jambe, au bas, ou vers le genouïl. Comme il fut rapporté au quartier, en rencontrant S. Alt.e, il luy dit entre autres choses d'encor fort bon visage, qu'il le voyoit reduict à ne pouvoir plus faire que demander l'aumosne. Tout le monde a un extreme regret du grand malheur arrivé à ce galand cavallier dans son jeusne aage, mais on espere, que si la vie luy pent estre sauvée, la jambe luy estant couppée un | |
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peu embas du genouïl, il y en pourra appliquer une de bois, et s'en servir honestement, comme faict encor le Cap.ne Hankinson et autres officiers blessez de mesme. - Si V. Alt.e daigne prendre cognoissance de la lasche reddition de Venlo, elle s'en pourra faire lire, s'il luy plaist, les conditions dans la copie que je joins à cestes, aveq celle de certaine attestation, departie par le magistrat au gouverneurGa naar voetnoot1), duquel on parle encor si doubteusement, qu'il y en a qui le croyent et asseurent dans Venlo mesmes, comme un homme perdu dans une ville perdue. - Mons.r de Charnacé se trouve si peu incommodé de ses petites atteintes qu'il a euësGa naar voetnoot2), qu'il s'en est retourné presentement commander aux approches, en intention d'y faire quelque bon progrez. J'avoy osté la main de ce papier sur les huit heures de ce soir, comme voyci, que sur les dix on vient de rapporter à S. Alt.e hors de la trenchée, que Mons.r de Charnacé y a esté tué d'un coup de mousquet par la teste. Qui n'a pas donné peu d'emotion par tout le quartier. Je viens donq presentement de son logis, où je l'ay veu aux aboiz, respirant encor assez fort, et le poulx luy battant tout au bas du bras, mais du reste hors d'espoir, comme hors de sentiment, la bale luy ayant percé la cervelle en sorte, qu'on y passe le doigt de l'une à l'autre ouverture. Son dessein estoit de tenter absolument de prendre la corne ceste nuict, et estoit en l'action de monstrer au capitaine PollottiGa naar voetnoot3) ce qu'il avoit resolu de faire, et comment, comme le coup l'a terrassé dans le fossé mesme sur la fascine. Un bon pot, comme on souloit porter à ces occasions là, et comme y portent encor tous les vieulx soldats, l'eust peu sauver. Mais ce n'en est plus la mode, qui est bien chose à enrager. Je ne dis pas, comme S. Alt.e et un chascun regrette ce personnage. V.A. en peut juger à par soy, comme en ayant cognu les qualitez, et le zele au bien commun. Mons.r de Buïllon mande du 30e de Maestricht, d'y estre entré heureusement, et promet à S. Alt.e de luy rendre bon compte de ceste place, si l'enemy s'y frotte, la trouvant fort pourveuë de toutes necessitez, fors que d'un peu d'hommes d'avantage, qu'on pense luy pouvoir envoyer par de bons endroits. - Les chirurgiens ont encor resolu d'attendre comme se trouve demain la playe de Mons.r Goring, avant que de passer outre à l'extirpation. - Si V. Alt.e est resolue de partir en bref hors de la Haye, comme nous croyons, je la supplie tres-humblement de me faire advertir, quand je debvray cesser d'y envoyer de mes lettres. Devant Breda, le prem. de Septembre 1637. |
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