Briefwisseling. Deel 2: 1634-1639
(1913)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend1558. R. DescartesGa naar voetnoot4).aant.Encore que je me sois retiré assez loin hors du mondeGa naar voetnoot5), la triste nouvelle de vostre affliction n'a pas laissé le parvenir jusques à moy. Si je vous mesurois au pié des ames vulgaires, la tristesse que vous avez témoignée dès le commencement de la maladie de feu Madame de Z[uilichem] me feroit craindre que son decez ne vous fust du tout insupportable, mais ne doutant point que vous ne vous gouverniez entierement selon la raison, je me persuade qu'il vous est beaucoup plus aisé de vous consoler, et de reprendre vostre tranquillité d'esprit accoutumée, maintenant qu'il n'y a plus du tout de remede, que lorsque vous aviez encore occasion de craindre et d'esperer. Car il est certain que l'esperance estant du tout ostée, le desir cesse, ou du moins se relasche et perd sa force, et quand on n'a que peu ou point de desir de ravoir ce qu'on a perdu, le regret n'en peut estre fort sensible. Il est vray que les esprits foibles ne goustent point du tout cette raison, et que sans sçavoir eux-mesmes ce qu'ils s'imaginent, ils s'imaginent que tout ce qui a autrement esté, peut encore estre, et que Dieu est comme obligè de faire pour l'amour d'eux tout ce qu'ils veulent. Mais une ame forte et genereuse comme la vostre, sçachant la condition de nostre nature, se soumet tousjours à la necessité de sa loy; et bien que ce ne soit pas sans quelque peine, j'estime si fort l'amitié, que je croy que tout ce que l'on souffre à son occasion est agreable, en sorte que ceux mesme qui vont à la mort pour le bien des personnes qu'ils affectionnent, me semblent heureux jusques au dernier moment de leur vie. Et quoyque j'aprehendasse pour vostre santé, pendant que vous perdiez le manger et le repos pour servir vous mesme vostre malade, j'eusse pensé commettre un sacrilege, si j'eusse tasché à vous divertir d'un office si pieux et si doux. Mais maintenant que vostre deüil, ne luy pouvant plus estre utile, ne sçauroit aussi estre si juste qu'auparavant, ny par consequent accompagné de cette joye et satisfaction interieure qui suit les actions vertueuses, et fait que les sages se trouvent heureux en toutes les rencontres de la fortune, si je pensois que vostre raison ne le pûst vaincre, j'irois importunément vous trouver, et tascherois par tous moyens à vous divertir, à cause que je sçache point d'autre remede pour un tel mal. Je ne mets pas icy en ligne de compte la perte que vous avez faite, en tant qu'elle vous regarde et que vous estes privé d'une compagnie que vous cherissiez extremement; car il me semble que les maux qui nous touchent nous mesmes ne sont point comparables à ceux qui touchent nos amis, et qu'au lieu que c'est une vertu d'avoir pitié des moindres afflictions qu'ont les autres, c'est une espece de lascheté de s'affliger pour aucune des disgraces que la fortune nous peut envoyer; outre que vous avez tant de proches qui vous cherissent, que vous ne sçauriez pour cela rien trouver à dire en vostre famille, et que quand vous n'auriez que Madame de V[ilhem] pour soeurGa naar voetnoot6), je | |
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croy qu'elle seule est suffisante pour vous délivrer de la solitude, et des soins d'un ménage, qu'un autre que vous pourroit craindre, apres avoir perdu sa compagnie. Je vous suplie d'excuser la liberté que je prens de mettre icy mes sentimens en philosophe, au mesme moment que je viens de recevoir un pacquet de votre part de Monsieur G[olius]Ga naar voetnoot1), où je ne comprens point le procedé du P[ere] M[ersenne]Ga naar voetnoot2), car il ne m'envoye encore aucun Privilege, et semble vouloir m'obliger, en faisant tout le contraire de ce dont je le prie. Je suis .....Ga naar voetnoot3). |
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