Briefwisseling. Deel 1: 1608-1634
(1911)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend853. Aan J.L. Guez de BalzacGa naar voetnoot5). (K.A.)Puisque vous persistez à me souffrir apres M. de S.t SurinGa naar voetnoot6) et ne permettez pas que, pour un si beau chaisnon perdu, toute la chaisne se desnouë, donnons ordre, s'il vous plaist, à noz postes et n'endurons plus que noz lettres viellissent jusqu'à l'aage de plus de moiz qu'il ne faut de jours pour leur passage. Trop en avoyent dormi voz dernieres, que me rendit le | |
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S.r d'AiguebelleGa naar voetnoot1) au siege de Rhinbergue, et trop plus veritablement les mienes, dont vous me representez tant d'avantures. Mais cela se peut corriger, si au lieu de vous cacher, comme vous debvriez, dans ces incertitudes et de m'embarasser le grand chemin devers vous, pour m'y veoir moins souvent, vous voulez resoudre de me nommer quelque amy affidé à Paris, qui dedans ceste forest s'oblige à la conduitte de noz correspondences. C'est lors, Monsieur, que je m'estudieray à vous faire paroistre combien j'estime la faveur de vous entendre de loin et le contentement d'encor despiter l'Espagnol à ce point, que de luy faire veoir, que son envie ne nous separe pas d'un pas, et que le feu qui ne vous a bruslé qu'à BruxellesGa naar voetnoot2) et qui parmi habiles gens se comptera tousjours inter ignes fatuos, n'eust pas seulement esté cognu à la Haye, si l'advis n'en fut venu d'un des bouts de la France. Passez moy seulement le grand delay des presentes et apres l'excuse que vous debvez à une maladie de quasi deux mois, qui m'avoit faict quitter l'armée, considerez qu'apres m'y estre r'engagé dans les confusions de la guerre, j'ay trouvé à dire par ma nonchalance ce principal subject de mes responses, qui va joinct à cestes, l'ayant laissé chez moy parmi des papiers enserrez, qu'il ne falloit pas qu'un autre que moy se meslast de fouiller. Passez moy, dis je, ceste remise, et j'auray soin de ne vous en irriter plus jamais. Il y a certes en ceste copie de Monsieur HeinsiusGa naar voetnoot3) de quoy vous divertir pour ceste fois, et vostre bonté vous dira qu'il est un peu raisonnable que je m'en targe, puisque j'ay mis peine à vous la presenter si correcte de ma main. C'est, Monsieur, de quoy je n'ay pas voulu me dispenser, de peur que la negligence de quelqu'un des miens vous fist perdre quelque point ou pointe de ceste diction que vous recriez à si bon droict, et n'en ay pas mesme couppé la queuë, ni le Balzacus noster, puisque cela vous regarde comme moy, et que nous y faisons les deux costez du triangle. Vous y verrez au reste, comme il defend le Judaïsme payen de son Herode, et ne tiendroit qu'à moy de l'emporter jusqu'à un discours publiq, mais je pense que vous trouverez dans ce peu d'apologie tumultuaire de quoy l'en excuser. Il est d'ailleurs dans les grands estudes aveq beaucoup d'assiduïté, et n'ayant faict qu' achever en jouant ceste derniere piece poetique, que jadis il avoit entamée à plus de loisir, il me semble qu'on le destourneroit mal à propos sur un subject de peu de sequele. C'est tout autrement, Monsieur, que je juge du theme que vous luy voulez proposer de nostre ami incomparableGa naar voetnoot4), qui me faict vouloir du mal, non pas aux terres innocentes qui l'ont veu, mais à moy, qui l'ay laissé mourir, sans considerer à temps, combien son grand courage me le rendoit mortel, et ne me suis point advisé de jouïr, aveq ce qu'il falloit de reverence et de haste, de ce qui estoit divin et perissable; ains me l'ay tousjours voulu espargner, comme je fay Seneque et voz livres, de peur de les achever. Mais voyant que M. Heinsius ne s'offre pas de son mouvement à ce panegyre, je m'en paye des raisons que j'en puis imaginer, et croy qu'il se retient de profaner de lieux communs les vertuz transcendentes, dont il ne recevoit les impressions que de mes rapports Les grandes estudes qui l'exercent depuis plusieurs années sont les langues et mysteres de l'Orient, et pour preuve des ses progrez, que j'estime infiniz, une sorte d'elucidation sur les obscuritez [les] plus celebres du Nouveau TestamentGa naar voetnoot5), où certes il ne se dira rien de dit, ni ne se trouvera tasche, que celle de mon nom, auquel depuis longtemps il destine ceste belle oeuvre, desjà, ce me dit il, enflée en gros volume. Jamais vous ne verrez plus belle usure du grand talent de vostre eloquence, que si vous l'employez à luy desiller ces affections injustes et à le rappeller ad frugem, hors de ceste humeur prodigue, qui le porte à entasser sur moy les plus riches pieces de son labeur. Au moins | |
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faictes moy non pas la faveur, mais la justice de croire qu'il n'exerce aucun traffiq raisonnable, lorsque, se ressouvenant de la dedication de mes oeuvres poetiques, il veult sembler me rendre la pareille de quelque chose, indigne certes de sa consideration. Vous ne vous en debvez plus informer, s'il vous plaist; ce que ses passions luy font relever d'un eloge si specieux, n'est que le poil follet de mon adolescence et, comme j'eus dès lors l'esprit de les intituler Versus inopes rerum nugaeque canoraeGa naar voetnoot1), outre que de six livres il n'y en a qu'un Romain, un autre Roman - François et Italien - et quatre de pur Flamen, qui estant la piece d'arme dont j'escrime le plus franchement et, j'ose dire, avec un peu d'authorité inter populares meos, je vous prie d'aggreer qu'incognue qu'elle vous est, je tasche de l'exempter du soupeçon que vous en feroyent naistre les desfauts des deux premieres. Quelque jour je me rendray si pliable aux instances de noz imprimeurs, que de remplacer de quelques pieces mieux meuries les bresches qu'y fera ma rigueur des moins mettables, quorum nunc post otium ac tempus, refrigerato inventionis amore, competens mihi judex sum et quae olim tanquam lector perpendamGa naar voetnoot2); et alors me demanderay-je de quel front je doibs resoudre à me presenter devant vous en ce nouvel habit, ou à trouver encor des montagnes qui me couvrent. Voyez, Monsieur, comme je vous promeine par des destours malplaisants et comme je mets peine à remplir ce papier en sorte qu'il n'y reste plus de lieu à la memoire du μαϰαρίτης où j'ay tantost failli de m'engouffrer. Je n'en dissimule point la fraude. A vous la gloire de pouvoir louër ce que nous ne nommons pas qu'à nostre honte, quelque honeste interpretation que vous donniez à ce que nous avons commis de crime en le perdant; à nous la peine de vous l'entendre regretter de si bonne grace, qu'il nous semble de le reperdre tous les jours, à mesure que vous vous limitez le bon intervalle. Il n'y a justice divine ni humaine qui trouve rien à redire à ce chastiment, mais je veux que faucibus haereatGa naar voetnoot3) ce qui m'en reste sur le coeur, et estrangleray ici mon discours, de peur que la conclusion ne m'en sorte par les yeulx et que je ne vous die, aveq plus d'emotion que je ne doibs, comme per eosdem manes je suis ad manes usque ..... Le 15e de Decemb. 1633. Au Latin que vous m'avez donné j'ay rendu cest epiphoneme, que bien sçavoy-je que vous aviez faict du sejour à Rome, mais non pas que c'eust esté du temps de Ciceron ou du jeune Pline, ambiguité qui pourra bien embarasser les chronistes de ci apres. Si vous souffrez qu'on vous remet l'eschange d'un peu de vostre or en cuivre, voyci de mes plus fresches folies, dont je versay la premiere au sortir de la belle estude que M. Heinsius s'est accommodée depuis peuGa naar voetnoot4). L'autre m'a esté demandée pour le pourtraict de l'admiral P. HeinGa naar voetnoot5), qui nous remporta la Toison d'or l'an 1629, et trouve un peu plus d'accueil parmi les gens de lettres qu'il ne luy en faut de droict. La troisiesme, en forme d'epitaphes, n'est que d'aujourdhuy et de plaisir, sur un cynique qui nous fit la faveur d'achever de vivre hierGa naar voetnoot6). A quoy j'adjouste trois mots pour le tombeau de la bonne InfanteGa naar voetnoot7), qui certes a merité le regret de ses ennemis. - En parlant du jeune Pline, je me ramentois un sien passage qu'en despit du marquis d'Aytona j'ay gravé sur le front de vostre PrinceGa naar voetnoot8); si vous l'avez remarqué à par vous et vous l'estes appliqué, je feray feste du concours de noz pensées, si non, laissez moy dire, qu'il y a: Praecipere qualis esse debeat Princeps, pulchrum quidem, sed onerosum ac prope superbum est; laudare vero optimum Principem ac per hoc posteris, velut e specula, lumen quod sequantur ostendere, idem utilitatis habet, arrogantiae nihil. Lib. 3. ep. 18. |
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