Briefwisseling. Deel 1: 1608-1634
(1911)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend56. Aan zijne oudersGa naar voetnoot1). (K.A.)*A mon retour de Bagshot, ou nous avons employé toute la sepmaine passée, je me suis estonné de ne trouver de vos lettres au logis. Pour ce qui est des mienes, je m'asseure qu'en aurez receuës deux presques à la fois, dont la nonchalance du porteur de la premiere a esté cause, comme les dates vous pourront faire croire. La presente va de compagnie avec deux pastez de venaison, desquels Mons.r mon hoste vous envoye l'une, et l'autre au greffier AerssensGa naar voetnoot2), ayant changé de resolution qu'il avoit prise d'en envoyer deux à Son Exc.ce pour des considerations qu'entre autres siens amis je luy ay mises en cervelle. Ce sont les quartiers d'un cerf qui a donné de la peine au Roy depuis les dix heures du ḿatin jusqu'aux onze du soir, quand finalement, ayant desja deux blessures au corps - l'une de la main du Roy - Mons.r le Prince luy bailla le coup mortel avec son arbaleste justement dans le coeur, ce grand animal nageant plus de trois quarts d'heure dans un grand vivier, ou il se pensa sauver. Dont pourrez conclure, s'il vault la peine d'estre mangé en reverençe et attention. Je me souviens avoir promis à Mad.le van DorpGa naar voetnoot3) de luy faire manger de la venaison d'Angleterre; je vous prie qu'à cette occasion elle en puisse avoir sa part. Estant à Bagshot, ou le Roy coucha deux nuits, Mons.r Caron print occasion de ramentevoir à sa Majesté ce qu'autrefois il luy avoit parlé en mon regard, avec beaucoup d'autres bonnes recommandations en ma faveur. Sur quoy sa Majesté, se resouvenant encor bien de ce que dessus, comme il estoit apres à se botter à la chasse, respondit qu'il me desiroit entendre sonner du luth à son retour. Mais le bonheur fut qu'un orage de pluie et de vents extraordinaires - qui ce jourd-huy semblerent conspirer à rompre les desseings du Roy pour favoriser les miens - l'empecherent de sortir, bien que desja il eut le pied dans le portier pour monter en carosse. De façon que, retiré dans sa chambre privée, il s'amusa à passer le temps au[x] cartes avec son grand mignon le Lord Marquis de BuckingamGa naar voetnoot4) et quelqu'autre gentilhomme de la chambre. Quelques deux heures apres il se souvint de me mander de dedans la chambre de Mons.r Caron, lequel en cette occasion desirant specialement me tesmoigner, combien il a mon honneur en recommandation, volontairement et sans que mesme je l'en priasse, me favorisa de sa conduite à la presence de sa Majesté, où - je ne sçay quo daemone dextro qui m'encouragea à faire quelque chose digne de l'oreille d'un grand roy - une petite demie heure je m'acquitay si passablement bien que ce prince, naturellement peu adonné à la musique, fut tiré à interrompre par diverses fois son | |
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jeu à me donner audience, comme il fit fort debonnairement, sans espargner ses serments ordinaires, pour m'asseurer du contentement qu'il y prenoit, me faisant mesmes l'honneur de parler à moy avec un visage doux et soubsriant. Sur quoy luy ayant baisé la main je prins mon congé omni meliore modo, assez esjouï du bon succes de mes petites affairesGa naar voetnoot1). Excusez moy, si je me forcours puerilement au contentement d'avoir principibus placuisse virisGa naar voetnoot2). Le Roy desira que Mons.r Caron me menast un jour à la Reine, comme il me promet de faire encor cette sepmaine. Je feray, si je puis, ut nec iste segnis eat dies, tanto petitus ambitu, tanto datusGa naar voetnoot3); c'est une femme qui se voit fort difficilement, et partant m'en donne plus d'envie. Par apres je vous en manderay tout le narré, qui fera l'Odyssée. Les subits changements de la Republique pardela ne m'ont point estonné, mais estourdi. Ce sont choses au dela de m[a ca]pacitéGa naar voetnoot4); je n'y sçay que dire. Je revere en silence les abysmes des jugements de Dieu qui, à mon petit advis, a donné le grand coup à point, et comme ex machina. On attend curieusement pardeça quel pelotton ce filet fera attraper. De nouvelles de ce païs je suis peu pourveu, n'ayant esté à Londres de 7 ou 8 jours. Le Roy dit à Mons.r Caron, comment sont agent Digby en Espagne luy mande que le Roy de dela louë et exalte Mess.rs les Estats pour les bons debvoirs que leurs navires de guerre ont fait depuis peu sur les Turcqs et piratesGa naar voetnoot5). Suivant quoy Sa Maj.té enchargea Mons.r Caron d'exhorter ses maistres à continuer en de si bons desseings, luy mesmes estant prest à y contribuer ce que desja par ci devant il eut fait sans qu'il eut attendu la resolution du Roy d'Espagne, qui pourtant ne semble encores gueres remuër. Vous pourrez estre adverti du trespas du cardinal du PerronGa naar voetnoot6) et puis de celuy de la NouëGa naar voetnoot7) qui m'a touché un peu de plus pres, m'imaginant d'avoir perdu une bonne adresse en France, ou de prim' abord je ne trouveray pas tant de cognoissances comme en ce païs ici. Je reçois beaucoup d'honneur et de courtoisie au logis de Mons.r Cecell. Il m'a donné à disner l'autre jour en une siene maison qu'il bastit à Chelseye à quelques deux miles d'ici, avec beaucoup de caresses selon sa coutume, dont je luy ay grandes obligations. Mad.e sa femmeGa naar voetnoot8), qui | |
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est une honeste dame au parangon de la premiere, m'a promis un present pour ma mere; c'est un voarre (?) fait tout expres à touïller du lait et faire du beurre tout à l'heure, dont il[s] font grand cas en ce païs; je n'ay point encor veu l'instrument, mais elle m'en enseignera tout le mystere. Mons.r de Schoonewale s'estonne pourquoy mon pere ne luy replique rien sur les affaires de sa nièce et m'a aucunement donné commission de rendre particulierement raison à mon pere de son refus, comme celuy qui cognois le gentilhomme à qui il l'a vouée. Je vous rafle toute cette rapsodie en haste, nostre messager porte-pasté ne me donnant plus de loisir. Je salue de tout mon coeur touts les amis et vous baisant la main demeure ..... De South-Lambeth, ce 7e de Septembre 1618, viel stileGa naar voetnoot1). |
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