Briefwisseling. Deel 1: 1608-1634
(1911)–Constantijn Huygens– Auteursrecht onbekend45. Aan zijne ouders. (K.A.)*Depuis ma premiere que je vous envoyay de Gravesende je n'ay point eu nulle commodité pour vous faire entendre de mes nouvelles. De huit jours que j'ay esté en Angleterre à peine m'en suis-je trouvé trois à Londres, ayant continuellement suivi Mons.r Carleton par le païs, ou il a esté trouver le Roy en une de ses maisons royales, dite TibbaltsGa naar voetnoot2), qui est un des superbes palais de l'Angleterre, ou j'ay eu moyen de veoir le Roy et la cour fort à mon aise. Cependant Mons.r CaronGa naar voetnoot3) a esté se jouer aux champs avec quelques uns de nos gentilshommes flamens dans un sien parcq que luy a donné le Roy pour sa vie. De façon que luy estant sorti d'un costé de la ville et moy de l'autre, je n'ay point eu occasion de le veoir qu'hier au matin qu'il est venu saluer Mons.r Carleton. Il m'a fort courtoisement receu et fait offre de son logis, me disant que desja il avoit fait apprester ma chambre, entendant que j'estoy arrivé. Tellement que mon desseing est de l'aller trouver d'icy en un jour ou deux, apres que je seroy de retour de Greenwich, ou je m'en vay accompagner Mons.r Carleton pour encor mieux veoir la cour et ce qui en depend, le Roy y estant revenu. A ce que l'un et l'autre me preadvertit, j'auray bientost mon saoul du mesnage de Caron; je ne sçay ce qui en est, il faut l'aller essayer. Ce sera bien la moindre despence d'avoir ma table franche, car à dire la verité, je ne sçauray trouver qu'il face si bon marché vivre par deça comme en Hollande à la moitié pres, comme vous pourra bien dire mon cousin ZueriusGa naar voetnoot4), qui a esté se pourmener par le païs. Je n'ay encor guere fait de despense de bouche, à cause que j'ay esté tousjours avec Mons.r Carleton, soit au païs, ou en sa maison. Ces honestes gents m'ont grandement obligé de me faire l'honneur de leur table et conversation si longtemps. Ils ont cette bonne grace angloise de tenir un peu leur reputation et se faire respecter, mais je suppose volontiers | |
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l'un pour l'autre, encor que de vray il me semble qu'il sera temps desormais de les quitter. Le mal est que chez Caron je n'auray pas tant de loisir d'apprendre l'Anglois comme de chez eux, et puis son logis est fort esloigné de la ville. De GheynGa naar voetnoot1) a mieux choisi de se mettre à table chez un bourgeois de Londres, ou il ne sçauroit parler autre que l'Anglois. Je feray tant d'escapades en ville hors du couvent de Caron, que ce fantasque abbé me voudra aucunement permettre. Entre temps, Dieu merci, je me porte tousjours bien, voire mieux qu'au Païs bas. L'air est fort doux icy et me fait continuellement bon appetit. J'ai esté veoir Mons.r CalandrinGa naar voetnoot2) devant hier en sa maison champestre à PotneyGa naar voetnoot3), qui est un gentil village à quelques 4 ou 5 lieues d'icy. L'honeste viellard m'a fait extremement bon accueil et a receu la lettre de mon pere avec tant de contentement qu'il ne se peut empecher de la baiser. Il desire que je luy vienne faire compagnie quatre ou cinq jours, qui seroit autant de temps perdu pour ce qui est de mon advancement en la langue, à quoy je vise specialement. Cesar s'en vient demeurer en ville avec l'Archevesque de SpalatoGa naar voetnoot4), son symmista, qui est en grand honneur par deça avec plus de 800 livres sterlinex de revenu. Cesar aura sa table et sa demeure chez luy, qui est à l'hostel de Savoye, une belle et magnifique demeure sur la riviere. La RavoireGa naar voetnoot5), nostre Savoyard, luy sert de maistre d'hostel et n'arriva jamais mieux à point. C'est une estrange vie ecclesiastique que ces messieurs meinent par ici. Des nopces de BrouardGa naar voetnoot6) mon cousin Zuerius vous en sçaura dire tout plein de nouvelles; il m'a recognu des aussitost qu'il m'a veu, mais il avoit esté aucunement averti de ma venue. Je desire grandement d'entendre, comment il va de ma povre soeur CatherineGa naar voetnoot7) que j'ay quitté avec beaucoup de regret. Et puis des affaires de religion pardela, car chascun le veut sçavoir de moy. Quand mon frere et mes soeurs m'auront escrit et que je seray asseuré de demeure, commejusqu'a present je ne le suis pas, changeant de logis presques toutes les nuits, je leur feray responce à chascun ..... De Londres en Westmunstre, ce 6e de Juin, viel stileGa naar voetnoot8), 1618. Les lettres qu'on voudra m'envoyer il sera bon de les faire tenir au logis de Mons.r Caron. Je baise humblement les mains à touts les amis. |
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